Page d'histoire : Le traité de Paris 30 mars 1856

Congrès de Paris
par Édouard-Louis Dubufe, 1856
Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
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Il y a cent cinquante ans, le 30 mars 1856, le traité mettant fin à la guerre de Crimée était signé à Paris. Ce traité concluant le Congrès ouvert en février fut signé dans les salons des ambassadeurs du Quai d’Orsay, en sept exemplaires par les représentants des sept États parties au conflit : Russie, Turquie, France, Angleterre, Sardaigne, Prusse et aussi Autriche en raison de ses efforts de médiation. Le Congrès, présidé par le comte Walewski, ministre des Affaires étrangères de l’Empire et fils naturel de Napoléon 1er, fut un moment de gloire pour Napoléon III qui permit ainsi à la France de prendre sa revanche sur le congrès de Vienne de 1815.

La guerre de Crimée qui avait éclaté en octobre 1853 opposant la Russie à la Turquie eut pour prétexte les prétentions de Nicolas 1er à assurer la protection des lieux saints et des chrétiens orthodoxes dans l’Empire ottoman. La France et la Grande-Bretagne s’allièrent à la Porte et entrèrent en guerre en mars 1854, suivies de la Sardaigne ; l’Autriche sans prendre part directement au conflit multiplia les efforts diplomatiques en faveur des alliés. Nicolas 1er se trouva ainsi aux prises avec une coalition européenne. Le siège de Sébastopol fut le cœur et le symbole de toutes les opérations ; les troupes russes qui défendaient la citadelle résistèrent durant onze mois à des forces anglo-franco-piémonto-turques supérieures en armement, avant de devoir l’abandonner, le 11 septembre 1855, après avoir saboté leur escadre et fait sauter les fortifications. Alexandre II, qui succéda en mars 1856 à Nicolas 1er, s’engagea dans la voie de la négociation. Celle-ci eut lieu à Paris, car la France avait joué un rôle considérable dans la guerre, surtout dans la prise de Sébastopol, et ses zouaves s’y étaient illustrés.

Le traité consacra l’indépendance et l’intégrité de l’Empire ottoman, mais donna aux puissances la responsabilité de les garantir. La mer Noire fut neutralisée et la Russie en fut la principale victime. La liberté de navigation sur le Danube fut placée sous contrôle international. Si la France y gagna en 1856 un prestige considérable, la Russie fut la grande perdante du conflit. Ses positions dans l’Europe du Sud-Est et au Proche-Orient furent affaiblies et son influence dans le monde en recul.

Pour l’avenir, Russie et Empire ottoman avaient cependant retiré sur le plan intérieur des bénéfices considérables de ce traité. Il va en effet ouvrir en Russie l’ère des réformes d’Alexandre II qui conduiront à l’abolition du servage en 1861 ; et dans l’Empire ottoman il accélèrera les Tanzimat dont l’aboutissement sera la constitution de 1878.

Hélène Carrère d’Encausse
Secrétaire perpétuel de l’Académie française

Source: Commemorations Collection 2006

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