Page d'histoire : Louise Labé Lyon (?), entre 1512 et 1523 - Parcieux (Ain), 1566

Loyse Charlin dicte Labbé, veuve de sire Ennemond Perrin » signe son testament le 28 avril 1565 et meurt en février 1566, quadragénaire ou quinquagénaire. Les éléments les plus avérés de sa biographie, tirés d’archives notariales, concernent son statut social de fille et de femme de cordiers illettrés, ses opérations immobilières, ses dernières volontés. Le recoupement des témoignages d’époque atteste que Loyse Labbé est bien la Belle Cordière, une insigne courtisane, mais la vie romanesque qu’on lui prête, ses prétendues amours tiennent à la lecture autobiographique faite de son seul ouvrage, les Oeuvres de Louïze Labé Lionnoize, paru, en 1555, chez le fameux imprimeur lyonnais Jean de Tournes. Signés de Louise Labé s’y lisent, en prose, une dédicace aux accents féministes et le long « Débat de Folie et d’Amour » ainsi que, en vers, trois élégies et vingt-quatre sonnets. En tout et pour tout, seulement six cent soixante-deux vers ! Le dernier tiers du recueil est constitué des « Escriz de divers Poëtes, à la louenge de Louïze Labé Lionnoize », vingt quatre pièces non signées (sauf d’initiales ou de devises), imputables, entre autres, à Maurice Scève, Pontus de Tyard, Claude de Taillemont, Olivier de Magny, Jean-Antoine de Baïf, apparemment à la gloire de la nouvelle Sappho, mais écrites dans des circonstances variées, souvent sans aucun rapport avec celle qu’ils ne célèbrent jamais par ailleurs.

Louise Labé, comète dans le ciel lyonnais de 1555, disparaît dès l’année suivante du firmament poétique, avant de resurgir au XVIIIe siècle et d’être considérée depuis le XXe siècle comme la plus grande poétesse française et une icône du féminisme, avec ses sonnets à la brûlante sensualité, d’une liberté inouïe à son époque.

Toutefois Louise Labé Lyonnaise pourrait n’être pas Loyse Labbé, mais une création des « poètes de Louise Labé » (pour reprendre leur désignation en tête des hommages), qui se jouent du lecteur et de leur sujet choisi par gaie fantaisie, un univers éphémère de connivences poétiques et de folâtreries, singulièrement ambigu. De l’énigme Louise Labé, son portrait, absent du recueil poétique, est emblématique. La version souriante, la plus diffusée, est une adaptation au XIXe siècle de la gravure sur cuivre de Pierre Woeiriot, datée de 1555 et dont subsistent deux épreuves distinctes ; le dessein de Woeiriot était de rivaliser avec Holbein et sa Lais corinthiaca, comme l’attestent, dans le cartouche de la première, deux vers latins invitant à fuir la Laïs lyonnaise au regard fatal, vers effacés de la seconde au profit de LOISE LABBE LIONNOISE qui n’a peut-être jamais servi de modèle.

Mais, sous le nom de plume de Louise Labé, quelles que soient les mains qui la tiennent, les plus beaux des vers français, immortels.

 

Mireille Huchon
professeur à l’université Paris-Sorbonne / IUF

 

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Source: Commemorations Collection 2016

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