Page d'histoire : Signature des traités d'Utrecht 11 avril 1713

Louis-Claude-Hector, duc de Villars (1653-1734), maréchal de France
Huile sur toile d'après Hyacinthe Rigaud, 1714
Paris, palais de l'Institut
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En remportant la victoire de Denain (1712), Villars permet à la France de négocier in extremis des conditions de paix convenables.
 

Les traités, signés à Utrecht à partir du 11 avril 1713, mettent fin à la douloureuse guerre de Succession d’Espagne commencée en 1701.

Le roi d’Espagne a construit depuis le XVIe siècle un immense empire qui s’étend largement en Europe, avec la Sicile, la Sardaigne, Naples, Milan, les Pays-Bas espagnols (Belgique et Luxembourg), et dans le monde, avec le Mexique, le Pérou et les Philippines. En 1700, Charles II d’Espagne, issu de la maison de Habsbourg, meurt sans postérité et, dans son testament, il désigne comme successeur son petit- neveu, le deuxième petit-fils de Louis XIV, Philippe, duc d’Anjou : Philippe V part régner à Madrid. Pour la France, un rêve impérial semble se réaliser. En réalité, c’est bientôt un cauchemar. Elle connaît de sanglantes défaites et voit son système de défense sur le point de céder. La population française affronte de grandes souffrances, accentuées par une terrible crise économique et démographique.

En tout cas, la guerre conduit à une large recomposition géopolitique à l’échelle du monde. Le roi d’Espagne doit abandonner ses domaines européens, mais conserve ses territoires en Amérique. L’armée française résiste bien en 1709, et les forces espagnoles remportent des succès en 1710. L’Europe se résigne donc à voir Philippe V conserver son trône, et le gouvernement anglais cherche la paix avec la France. Des négociations secrètes aboutissent aux préliminaires de Londres en 1711 et  à  l’ouverture  d’un  congrès  international  à  Utrecht,  dans  les Provinces-Unies, en 1712. Il faut d’abord régler les questions dynastiques : Philippe V renonce à ses droits à la couronne de France, ce qui devrait garantir une séparation définitive entre les deux royaumes. La diplomatie anglaise conduit ces négociations et entraîne les puissances moyennes, la Hollande, la Prusse, le Portugal et le Piémont-Savoie, qui acceptent de signer la paix en même temps que l’Angleterre, avec la France dès avril 1713, puis avec l’Espagne.

La France conserve ses acquisitions territoriales du temps de Louis XIV mais sort ruinée de la guerre. En revanche, la Grande-Bretagne voit sa puissance grandir : elle garde Gibraltar qu’elle a pris à l’Espagne, ce qui lui permet de surveiller la Méditerranée. Elle obtient pour une compagnie anglaise la fourniture des colonies espagnoles en esclaves africains : la question de la traite se profile derrière les règlements d’Utrecht. La France abandonne à l’Angleterre l’Acadie et Terre-Neuve, se repliant au Canada sur le Saint-Laurent. Les discussions ont bien intégré la dimension mondiale de ce grand affrontement.

La paix d’Utrecht paraît néanmoins fragile parce qu’elle est contestée, même en Angleterre. Pourtant, elle instaure un ordre géopolitique durable, placé sous l’invocation de l’équilibre européen, qui écarte toute prépondérance et limite les conflits. Elle s’impose ainsi comme une bonne paix, qui ne provoque pas trop de rancoeurs, même si tout n’est pas résolu en 1713. Elle correspond aussi à la publication par l’abbé de Saint-Pierre de son Projet de paix perpétuelle, qui imagine une véritable union européenne. Ainsi, la paix d’Utrecht, date importante dans l’histoire de l’Europe, a favorisé l’épanouissement économique et culturel qui marque le temps des Lumières.

Lucien Bély
professeur d’histoire moderne
à l’université Paris 4 Sorbonne

Source: Commemorations Collection 2013

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