Page d'histoire : Jean Vigo, cinéaste Paris, 26 avril 1905 - Paris, 5 octobre 1934

Jean Vigo

Il y avait toujours du monde, chats de gouttière et militants anarchistes, dans la petite mansarde enfumée de la Goutte d’Or, où Jean Vigo naquit en 1905. Premières images propres à enrichir l’imaginaire d’un enfant qui allait marquer l’histoire du cinéma mondial. Vie brève, intense, vingt-neuf années en tout dont cinq à peine consacrées à la création cinématographique et quelques-unes dévorées par le souci de réhabiliter la mémoire d’un père – Eugène-Bonaventure Vigo dit Almereyda – régulièrement emprisonné pour ses engagements politiques et ses pamphlets anti-militaristes publiés dans son journal « Le Bonnet Rouge ». À sa mort suspecte, en 1917, dans sa cellule de la prison de Fresnes, Jean Vigo, qui avait alors douze ans et de mauvais rapports avec sa mère, Émily Cléro, fut pris en charge par son grand-père par alliance, Gabriel Aubès, photographe de renom installé à Montpellier, qui initia l’enfant à la magie des images, éveillant en lui un premier désir : celui de devenir chef-opérateur, puis cinéaste.

Pour réaliser son rêve, Jean Vigo subit des années d’internat sous un faux nom, Jean Salles, une lutte sans merci contre la maladie, la sienne et celle dont était atteinte sa femme, Lydu Lozinska, la difficulté de vivre ce qu’on appelle aujourd’hui « l’intermittence du spectacle ». Germaine Dulac, particulièrement attentive aux jeunes talents prometteurs portés par un vrai désir de cinéma, et d’autres amis l’introduisirent dans le milieu du cinéma, lui faisant connaître des mécènes, comme le producteur de Zéro de conduite et de L’Atalante. Le cadeau fait par son beau-père d’une Debrie d’occasion et la rencontre avec le chef-opérateur russe, Boris Kaufman, lui permirent de tourner, en 1930, un film muet, À propos de Nice, « point de vue documenté », pamphlet chargé d’humour et de colère contre une société en état de décomposition et en même temps premier essai jubilatoire d’écriture cinématographique. On retrouve cette même jubilation dans La Natation par Jean Taris (1931), dans Zéro de conduite (1933), le plus proche du vécu de Vigo, interdit par la censure pendant treize ans, puis L’Atalante, film de commande particulièrement personnel, avec la participation de Michel Simon et celle de tous les amis et collaborateurs, aussi engagés dans la vie et le cinéma que Jean Vigo. Interdits, amputés, restaurés, les films de Vigo résistent au temps, inspirent d’autres cinéastes dont un grand nombre ont reçu le prix Jean-Vigo créé en 1951 par Claude Aveline et qui perdure encore aujourd’hui grâce aux membres de l’Association portés, eux aussi, par ce même désir d’un cinéma indépendant et inventif.

Luce Vigo, fille de Jean Vigo
présidente de l’Association Prix Jean Vigo

Source: Commemorations Collection 2005

Liens