Page d'histoire : Louis de Funès Courbevoie (Hauts-de-Seine), 31 juillet 1914 - Nantes, 27 janvier 1983

Louis de Funès est né à Courbevoie le 31 juillet 1914. Son père, Carlos Luis de Funès de Galarza, avocat espagnol d’origine aristocratique avait quitté précipitamment Séville, après avoir épousé Leonor Soto y Reguera malgré l’opposition familiale. Devenu diamantaire, Carlos Luis de Funès part, seul, pour le Venezuela dans l’espoir de voir s’améliorer ses affaires, de sorte que le tout jeune Louis est élevé dans la banlieue parisienne par sa mère, qui lui transmet son sens exceptionnel du théâtre. Ses études sont une suite d’échecs et, s’étant prématurément marié et devenu père à son tour, il multiplie les petits métiers. Rapidement divorcé, mais non moins rapidement remarié et père à nouveau de deux autres garçons, de Funès s’improvise, en pleine Occupation, pianiste de bar, jouant chaque soir dans plusieurs établissements pour des cachets misérables. Il survit à peine, mais y développe un extraordinaire sens du rythme, qui, transposé en gestes, deviendra par la suite son atout majeur.

S’étant inscrit sans trop y croire au cours de comédie de René Simon, il va connaître presque aussitôt une ascension irrésistible : sur une scène, puis devant une caméra, il sait donner en quelques secondes un grand relief à n’importe quelle silhouette, laquelle devient, par son intervention, un véritable personnage. Après ses débuts à l’écran dans La Tentation de Barbizon de Jean Stelli en 1945, Louis de Funès enchaîne sans interruption 82 films (il en tournera 140 en tout) dans lesquels ses compositions, toujours plus étoffées, constituent les moments forts. L’ex-pianiste de fortune voit d’abord dans le métier de comédien une manière agréable, quoiqu’incertaine, de gagner sa vie. Il est le premier surpris de ses succès. Mais en 1956, le triomphe de La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara d’après une nouvelle de Marcel Aymé où il égale en présence Bourvil et Jean Gabin l’oblige à admettre la solidité de son talent, et à perfectionner son art. Il n’apparaîtra bientôt plus qu’en premier rôle, et sa filmographie devient dès lors une constante suite de triomphes.

Ni vu ni connu (Yves Robert, 1957), Pouic-pouic (Jean Girault, 1963), Le Gendarme de Saint-Tropez (Jean Girault, 1964, qui sera suivi de cinq autres Gendarmes). Le Corniaud (1965), puis La Grande vadrouille (1966), La Folie des grandeurs (1971) et Rabbi Jacob (1973), tous quatre signés par Gérard Oury, sans oublier Oscar (1967) et Hibernatus (1969), la série des Fantômas (1964-1967), d’André Hunebelle, Le Grand restaurant (1966) de Jacques Besnard, L’Aile ou la cuisse (1976) de Claude Zidi sont certes de valeur inégale, mais développent tous un type humain que de Funès aura su porter à une hauteur moliéresque : c’est la figure du petit chef, tyrannique avec les inférieurs, cauteleux avec les puissants, qui venge le public populaire de bien des avanies auxquelles il est souvent exposé – ce qui n’est généralement pas le cas des intellectuels (dont la critique) qui lui manifestèrent au commencement leur dédain. Mais le temps lui a rendu justice. Sa mort (le 27 janvier 1983 à Nantes, près du château de Clermont qu’il avait acquis) n’a pas freiné sa gloire. Louis de Funès, qui mit tant de frénésie, de drôlerie gestuelle au service de l’humain méritait bien le surnom de Chaplin français.

Alain Riou
Journaliste, historien du cinéma

Source: Commemorations Collection 2014

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