Page d'histoire : Nouvelle édition "Du vrai, du beau, du bien" de Victor Cousin 1853

Portrait photographique de Victor Cousin
par Paul Nadar
Paris - Musée d'Orsay
© RMN / P.Schmidt

La publication de Du vrai, du beau, du bien, en 1853, par Victor Cousin, alors âgé de soixante et un ans, marque le retour en grâce, attendu depuis longtemps, du vieux philosophe par les milieux catholiques libéraux. Pour l’essentiel, ce livre n’est rien d’autre cependant que la reprise d’un ouvrage publié une première fois en 1818 et une seconde fois en 1846. Mais de l’une à l’autre de ces éditions, Cousin rectifie et atténue un propos qui avait autrefois choqué et avait contribué à accréditer l’idée que sa philosophie était purement et simplement démarquée de celle de Hegel. Entre-temps, il avait publié en 1828 un ouvrage qui l’avait mis au plus mal avec les catholiques : le Cours de l’histoire de la philosophie. 1830 l’avait ensuite propulsé, lui et ses amis, aux premières places du nouveau régime où il avait eu à batailler ferme contre les catholiques qui réclamaient la liberté d’enseignement. D’abord feutré, le combat avait fini par prendre un tour plus que rude, au cours des années quarante. Même des catholiques plutôt libéraux avaient pris fait et cause contre le philosophe, qu’ils accusaient de « panthéisme » c’est-à-dire d’une forme d’athéisme déguisé. Plutôt que de riposter - à la façon d’un Michelet ou d’un Quinet -, Cousin avait choisi l’atténuation de ses propos et des stratégies de contournement. Il était devenu le champion de plus en plus nettement déclaré d’une philosophie spiritualiste.

Lorsque surviennent 1848, puis la reprise en mains par Louis Napoléon Bonaparte et enfin le coup d’État du 2 décembre, Cousin se voit rapidement destitué des charges qui avaient fait sa force, notamment la présidence du jury d’agrégation ; bientôt, il perd sa chaire de la Sorbonne et son poste au conseil de l’Instruction publique. Dès avant la promulgation du Second Empire, en mars 1850, le comte de Falloux a obtenu la liberté d’enseignement pour laquelle les catholiques s’étaient tant battus dix ans auparavant. Désormais, Victor Cousin est un vieil homme qui n’a plus qu’une idée en tête : faire amende honorable. Et c’est à quoi sert la nouvelle édition de Du vrai, du beau, du bien où le philosophe déclare pour commencer qu’il est allié «de toutes les bonnes causes », qu’il soutient le sentiment religieux et que sa philosophie « apprend à tous les hommes à se respecter et à s’aimer ».  Une plate philosophie faite pour plaire à tout le monde aura ainsi remplacé, sous un intitulé inchangé, l’essai de philosophie des Idées absolues par laquelle son auteur avait commencé, trente-cinq ans auparavant.


François Azouvi
directeur de recherche au CNRS
directeur d’études à l’EHESS

Source: Commemorations Collection 2003

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