Page d'histoire : Philippe Pinel est nommé médecin consultant de l'Empereur 1805

Le docteur P. Pinel faisant tomber les chaînes des aliénés
Tony Robert-Fleury
s.d.
Paris, hôpital de la Salpêtrière
© RMN / Bulloz

En 1805 Pinel est heureux. En témoigne une lettre du 4 floréal an XIII, publiée par son neveu Casimir : « Je viens de recevoir une nouvelle marque de confiance du gouvernement, et j’ai été nommé médecin consultant de l’Empereur avant son départ pour l’Italie… ». On peut l’imaginer « en gloire » (1). Il a raison d’être fier, car sa vie a été rude. Il naît en 1745, reçoit le bonnet de docteur à Toulouse (1773), puis étudie à Montpellier chez Barthez, pour finalement arriver à Paris en 1778. Certes il va se faire des amis chez les Idéologues. Mais les années sont longues, à écrire des articles et à donner des leçons ou à rédiger des thèses pour d’autres. En 1784, il devient directeur de La Gazette de la santé. Puis c’est la Révolution, qu’il connaît de près. En 1793, il est nommé médecin à l’hospice de Bicêtre, où il rencontre l’infirmier Pussin. Il y exerce jusqu’en avril 1795. En mai, il devient médecin-chef à l’hôpital de la Salpêtrière, où il reste jusqu’à sa mort (en 1826).

En 1805, c’est un homme qui a accompli une grande œuvre. Il a libéré de leurs chaînes les fous de Bicêtre et les folles de la Salpêtrière. Dans cette action aussi il sera peint « en gloire ». On a pu discuter de la « réalité historique » de ce geste. Reste la vérité du mythe et sa force. « Sensible et bon, écrit Sémelaigne, Pinel avait des facultés puissantes et bien équilibrées ». « À ce spectacle lamentable, s’écrie Ritti, il fut pris d’une immense pitié. » Il était entré comme médecin « généraliste » à Bicêtre ; il vient de créer la médecine de l’aliénation mentale, qui deviendra psychiatrie.

La « bonté » de Pinel n’est pas seule en jeu. Il fallait aussi une grande culture et une grande connaissance de l’histoire de la pensée médicale. En témoignent ses œuvres : Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ou la Manie (1800). Ce livre est aussi important que le geste libérateur et le fonde théoriquement. Grand classificateur, il a publié La Nosographie philosophique ou méthode d’analyse appliquée à la médecine (1re éd. en 2 volumes 1798). La seconde édition (3 vol.) a paru en 1802-1803. L’ouvrage lui vaut grande renommée. Médecine clinique a déjà connu deux éditions (1802, 1804). Pinel est admiré et enfin reconnu.

 

Jackie Pigeaud
professeur à l'université de Nantes et à l'Institut universitaire de France

 

(1) Tel que l'a fait le peintre Célestine Heussée, en 1856. Il s'agit d'une huile sur toile conservée à l'Académie nationale de médecine (Paris)

 

Source: Commemorations Collection 2005

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