Page d'histoire : Henri Mondor Saint-Cernin (Cantal), 20 mai 1885 - Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), 6 avril 1962

« C’est après la mort, surtout, que les vrais amis ont à intervenir, en faveur de celui en qui ils ont cru »(1)

Les trois vies du professeur Henri Mondor… Ce préambule est emprunté au titre de l’ouvrage que lui a consacré un de ses admirateurs, le professeur Jean-Paul Binet (2).

Un biologiste franco-américain, inventeur d’un nouveau concept de la santé, René Dubos, s’étonnant de l’homonymie des « trois » Henri Mondor, le chirurgien, le dessinateur et l’académicien, fut surpris de découvrir que cette trinité n’était qu’une seule et même personne.

En effet, ce qui frappe chez Mondor c’est l’extraordinaire diversité de ses aptitudes, exercées avec un égal talent, mais toutes exprimées par sa main : celle qui écrit, celle qui opère et celle qui dessine.

Henri Mondor est originaire d’Auvergne, né dans un milieu favorable à l’acquisition des connaissances et à l’amour de la langue française. Son père était directeur d’une école primaire. « C’est là, entre un père austère et docte, une mère gaie, tendre et citadine, elle, de naissance, que m’est venue une passion de poésie et de sédentarité qui devait enrichir les heures et les ans d’un enchantement jamais menacé ».

« Monté » à Paris en 1903, il est reçu au concours de l’internat des Hôpitaux de Paris, en 1909. Il sera interne-médaille d’or de chirurgie en 1912.

De 1914 à 1919, il est médecin auxiliaire et médecin-aide-major, développant une activité chirurgicale fructueuse et s’attachant à réduire la mortalité opératoire. Son humanisme n’était pas de façade : « tant d’années passées, le matin à l’hôpital, [m’ont] enseigné une compassion authentique pour tout humain et le respect profond de toute existence. » (cité par Anne Fontaine).

Il commence sa carrière à l’hôpital Saint-Louis dans le service de Paul Lecène ; il la terminera à l’hôpital de la Salpetrière en 1956. En 1938, il devient titulaire de la chaire de Pathologie externe, en 1941, de celle de Clinique chirurgicale à l’Hôtel-Dieu.

Plusieurs signes cliniques portent son nom ainsi qu’une maladie. En chirurgie, il produira sept livres, dont Diagnostics urgents de l’abdomen, considéré comme l’un des ouvrages médicaux français les plus lus dans le monde. Sa postérité intellectuelle en chirurgie est riche ; parmi ses élèves, neuf présidents de l’Académie de chirurgie, huit professeurs des universités, vingt et un agrégés et quarante chirurgiens des Hôpitaux de Paris.

Très jeune, Henri Mondor, homme de lettres, manifeste une véritable passion pour Mallarmé. Il est le préfacier de ses œuvres publiées dans la Pléiade. Historien de la littérature, il signe plus de vingt-cinq titres en rapport avec Verlaine, Valéry, Barrès, Claudel… En rapport à la médecine, il produit des biographies : Paul Lecène, Dupuytren, Pasteur, René Leriche…

Mondor a appartenu à quatre académies : l’Académie de chirurgie (1926), l’Académie nationale de médecine (1945), l’Académie Française (1946) et l’Académie des sciences (1961).

Enfin, il n’a pas attendu d’être anatomiste pour exprimer un don qui était une seconde nature et qu’immortalise, au lycée d’Aurillac, un prix annuel de dessin. Il y a une profonde unicité entre la physionomie sèche de l’homme, la précision méticuleuse du chirurgien et la minutie rigide du dessinateur. Henri Mondor tient la plume comme le scalpel : il illustre plusieurs ouvrages littéraires, son dessin fétiche étant la rose.

« Chirurgien mais aussi médecin, écrivain mais non pas artiste, littérateur mais non pas écrivain, académicien mais non pas immortel […], séducteur mais non pas amant, Henri Mondor a confessé dans ses derniers jours pourquoi toute sa vie fut une observation ».

À la mort du « poète-chirurgien », l’Assistance Publique, sur l’intervention personnelle de Jean-Marcel Jeanneney, ministre des Affaires sociales, lui a rendu un éclatant hommage, en donnant son nom à l’hôpital le plus prestigieux de son époque.

Claude Hamonet
professeur émérite à la Faculté de Médecine de Créteil
docteur en anthropologie sociale
ex-chef du service de réadaptation médicale du CHU Henri Mondor

1 - Henri Mondor.
2 - Les vies multiples d’Henri Mondor.

Source: Commemorations Collection 2012

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