Page d'histoire : Fermeture du bagne de Brest 1858

Brest, forçats au travail, photographie d’Alfred Bernier, 1858
Rennes, collections du musée de Bretagne
© Musée de Bretagne

Le 1er septembre 1858, le 25e navire transportant des forçats du bagne de Brest vers la Guyane quittait la Bretagne. Ne restaient plus alors à Brest  que quelques dizaines de détenus en attente d’un transfert ou d’une libération prochaine. Avant la fin 1858, ils auraient tous définitivement quitté la ville.

Cette fermeture du bagne conclut un épisode de l’histoire pénitentiaire française qui s’était ouvert en 1749 quand près de 1 000 galériens avaient été transférés de Marseille à l’occasion de la dissolution définitive du corps des galères de France. De 1749 à 1858, quelque 60 000 forçats avaient ensuite transité par le bagne brestois, en grande partie des voleurs mais aussi des contrebandiers, vagabonds, escrocs, militaires déserteurs ou insubordonnés, parfois des « combattants irréguliers » belges, espagnols ou allemands luttant contre les armées napoléoniennes et, très secondairement, des assassins et des meurtriers. Plus de 20 % d’entre eux y avaient fini leurs jours.

Univers sordides et terrifiants où bien des détenus mouraient  misérablement, les bagnes étaient devenus à la fois au XIXe siècle des lieux de curiosité et de « tourisme », marqueurs d’une identité négative des villes portuaires qui les accueillaient (Brest, Rochefort et Toulon) et surtout, à partir des années 1830, les objets d’un vaste débat sur leur utilité sociale. L’idée de fermeture des chiourmes portuaires et de déportation des condamnés aux travaux forcés vers des colonies pénales d’outre-mer avait fait peu à peu son chemin, s’alimentant de considérations morales (le spectacle détestable des bagnes), sanitaires (les risques épidémiques) et économiques (l’abolition définitive de l’esclavage dans les colonies en 1848 entraînant un besoin de main-d’oeuvre). Elle s’inspirait peut-être aussi initialement du modèle établi par les Britanniques en Australie.

Un décret de mars 1852 (complété par une loi en mai 1854) engageait  le transport des condamnés vers la Guyane et, dès mai, une première corvette avait débarqué à Cayenne 298 prisonniers. Au rythme des traversées océaniques, les bagnes portuaires furent alors peu à peu vidés et fermés (Rochefort 1853, Brest 1858, Toulon 1873) tandis qu’un deuxième établissement colonial ouvrait ses portes en Nouvelle-Calédonie à partir de 1863.

Ainsi s’est opérée en une vingtaine d’années cette grande substitution des bagnes coloniaux aux bagnes portuaires : la fermeture du bagne de Brest en a constitué une étape décisive.

 

Philippe Jarnoux
professeur d’histoire moderne
université de Bretagne occidentale - Brest

Source: Commemorations Collection 2008

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