Page d'histoire : Fondation de l'Académie de France à Rome 1666

Villa Médicis à Rome. Porte d’entrée,
lithographie sur papier de Victor Baltard, vers 1847, Académie de France à Rome, bibliothèque.
© Académie de France à Rome – Villa Medici

Le 350e anniversaire de la création de l’Académie de France à Rome met à l’honneur une institution qui a réussi à se renouveler au fil du temps alors qu’avait disparu sa raison d’être originelle. C’est au génie  organisateur de Colbert qu’il convient d’attribuer sa fondation, c’est à Bonaparte que revient le mérite de sa seconde naissance, c’est la pugnacité de Malraux qui permit sa renaissance. Louis XIV, Napoléon, Charles de Gaulle : on ne saurait imaginer une histoire plus typiquement française, reflet du rôle que s’assigne l’État dans le domaine des arts et de la politique culturelle. L’Académie, dont Poussin aurait dû être le premier directeur, connut sous l’Ancien Régime une période brillante, et la liste de quelques-uns des pensionnaires du roi parle d’elle-même : Boucher, Fragonard, Jacques-Louis David, Houdon… Le concours du prix de Rome, organisé par l’Académie royale, fut le modèle d’une sélection fondée en principe sur l’excellence plus que sur l’entregent, qui survécut, plusieurs fois réformé, jusqu’en 1968, après une courte interruption sous la Révolution. Colbert entendait porter les peintres et sculpteurs français à la hauteur des artistes italiens afin que Paris supplante Rome en tant que capitale des arts, mais, une fois ce but atteint, la Ville éternelle continua d’offrir aux jeunes artistes une incomparable source d’étude et d’inspiration. Le succès conduisit l’Académie à se trouver un siège prestigieux en plein coeur de la cité, au palais Mancini, dans les combles duquel subsistent quelques traces du passage des pensionnaires. La Révolution et les troubles qu’elle provoqua à Rome, en particulier le sac du palais, entraînèrent une éclipse de quelques années et c’est à Bonaparte, Premier consul, que revint la décision d’acquérir la villa Médicis et d’y installer l’Académie renaissante. En l’ouvrant à la musique et à la gravure en médailles, le futur empereur escomptait avant tout la célébration de ses exploits, sans se douter de la fécondité de cette initiative qui allait faire entrer, dans la constellation des pensionnaires illustres, Berlioz, Bizet, Gounod et Debussy. Si au fur et à mesure que le XIXe siècle avance, le décalage s’accroît entre les artistes présents à la Villa et les tendances les plus novatrices, le tableau est contrasté et, en architecture notamment, le modèle continue de faire preuve de fécondité. La Seconde Guerre mondiale porte toutefois un coup mortel à un système largement sclérosé. Mai 1968 lui donnera le coup de grâce. Entre-temps, Malraux avait imposé le nom de Balthus pour diriger l’Académie et c’est à lui qu’incomba la responsabilité de mettre en oeuvre la grande réforme de 1971 qui, prenant acte de la suppression du prix de Rome et mettant fin à la tutelle de l’Académie des beaux-arts, ouvrit l’éventail des disciplines de création – littérature, photographie, cinéma, design – et y ajouta l’histoire de l’art. Changement majeur, aux anciens exercices imposés – les « envois de Rome » –, auxquels devaient se plier les pensionnaires de naguère, se substituait désormais la liberté du projet individuel. Parallèlement, la Villa, d’espace clos, devint un lieu de manifestations culturelles qui acquit très vite une place de premier plan à Rome et la conserve depuis lors. Si reviennent périodiquement les interrogations sur l’activité des pensionnaires, qui ne se mesure plus aux seules productions de leur séjour, les bénéfices de ce dernier, par la respiration qu’il permet et la maturation qu’il favorise, se font sentir longtemps après, ainsi que peuvent en témoigner les générations plus récentes. Au-delà de la beauté incomparable des bâtiments et des jardins – rendus à leur grandeur originelle par un ambitieux programme de restauration lancé dès le milieu de la dernière décennie du XXe siècle –, l’Académie de France à Rome demeure l’un de ces signes de confiance que la République accorde à ses créateurs et un hommage à leur liberté qu’il importe de sauvegarder.

 

Bruno Racine
président de la Bibliothèque nationale de France
ancien directeur de l’Académie de France à Rome
 

 

Voir Célébrations nationales 2003 et Commémorations nationales 2013

Source: Commemorations Collection 2016

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