Page d'histoire : Eugène Carrière Gournay-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), 16 janvier 1849 - Paris, 27 mars 1906

Enfant dormant la tête sur les mains Paris, musée du Louvre
© Photo RMN - J.-G. Berizzi

L’Enfant au verre (Élise Carrière)
Paris, musée d’Orsay
© Photo RMN - Jean Schormans

Célébrer la naissance d'Eugène Carrière est un hommage rendu à la personnalité attachante d'un artiste dont l'écriture singulière, presqu' inclassable, mérite d'être mieux connue du grand public.

Il grandit à Strasbourg où il reçoit une formation de lithographe. Outrepassant l'avis de son père, il s'inscrit aux Beaux-Arts dans l'atelier de Cabanel et se forge une culture propre par l'observation de la nature et la fréquentation des musées. Contraint aux plus rudes besognes, il expose néanmoins au Salon : La Jeune Mère (1879), L'Enfant malade (1885), autant de symphonies domestiques, inspirées des maîtres hollandais, qui lui valent le titre réducteur de "Peintre des Maternités". Remarqué de la critique, apprécié de collectionneurs tel Moreau-Nélaton, il est introduit auprès de personnalités dont il immortalise les traits dans de pénétrants portraits : Daudet, Clemenceau, Gauguin, Rodin, Anatole France, Verlaine, etc. Les expositions se succèdent : en 1891 première exposition privée, en 1893 les 33, en 1896 avec Rodin et Puvis de Chavanne, Libre Esthétique à Bruxelles et Art Nouveau chez Bing.

Son œuvre, art de suggestion par excellence, évolue vers une monochromie de terre et d'ocre, inspiratrice de Picasso, qui ne retient que l'ombre et la lumière. Si cette évolution n'est pas comprise du public, elle est saluée par Gauguin et Maurice Denis. Mais nul mieux que Rodin n'a compris son ami Carrière à qui il confie l'affiche et la préface du catalogue de son exposition de 1900 au Pavillon de l'Alma.

Témoin de son temps, Carrière participe au mouvement des idées : défense de Dreyfus, émancipation féminine, etc. Jamais dogmatique, il défend un humanisme qui place l'éducation au centre des préoccupations. Entre tradition et modernité, il devient un artiste de référence. En 1899, il fonde l'Académie Carrière où ses élèves Matisse et Derain trouvent une liberté propice à leur évolution ; ces mêmes élèves exposent au Salon d'Automne pour lequel Carrière s'est tant battu et dont il est le premier président. Affaibli par la maladie, il s'éteint le 27 mars 1906 à la Ville des Arts.

Le Musée d'Orsay, l'Ermitage à Saint-Pétersbourg, l'Art Institute à Chicago conservent l'œuvre d'un peintre que Mauriac qualifia affectueusement "d'illustre méconnu".

Sylvie Le Gratiet
Société des Amis d'Eugène Carrière

Source: Commemorations Collection 1999

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