Page d'histoire : Noël Coypel Paris, 25 décembre 1628 - Paris, 24 décembre 1707

Sacrifice à Jupiter
huile sur toile
Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
© RMN

On répète souvent qu’une série de circonstances propres à la France font qu’à partir du seizième siècle les familles d’artistes y sont moins fréquentes qu’en d’autres pays. Il y aurait beaucoup à dire sur ce point. Force est de constater qu’en 1648, dès les premiers jours de l’Académie, trois frères viennent en grossir les rangs : rien de moins que les Le Nain. Par la suite, ce furent deux frères, les Beaubrun, qui régnèrent conjointement sur le portrait. On connaît plus ou moins l’abondante famille des Jouvenet et celle des Restout. Mais on oublie trop facilement qu’une véritable dynastie de peintres occupa le premier rang à l’Académie royale pendant près d’un siècle. Son fondateur fut Noël Coypel, né en 1628, directeur de l’Académie en 1695, mort en 1707. Ses descendants directs furent Antoine Coypel (1661-1722), premier peintre de Monsieur, puis premier peintre du roi en 1715, Noël-Nicolas Coypel (1690- 1734), nommé professeur en 1733, et Charles-Antoine Coypel (1694-1752), à son tour premier peintre du roi en 1746.

La règle des dates ne permet de parler ici que de Noël, le fondateur, qui, après une longue et belle carrière, mourut en 1707 premier peintre de Louis XIV.

Par Charles Errard, son principal maître et protecteur, Noël Coypel touchait encore à la Rome de Poussin et de Cassiano Dal Pozzo, sans être allé en personne faire son apprentissage en Italie. Grâce à ce grand peintre, si méconnu de nos jours, il fut très vite employé aux chantiers royaux des Tuileries et du Louvre. Mais il se garda de jamais rompre avec la tradition parisienne. En 1664, il peignit un Saint Jacques le Majeur marchant au supplice qui peut passer pour l’un des plus beaux Mays de Notre-Dame (musée du Louvre). En 1656-1662, il collabora avec Errard pour le vaste plafond de la Grand chambre du parlement de Rennes, bien conservé jusqu’à nos jours, mais très endommagé lors d’un incendie accidentel ; la restauration qui suivit a permis de reconnaître les parts respectives de Coypel et d’Errard.

Le départ pour Rome d’Errard, envoyé pour y fonder l’Académie de France, permit à Noël Coypel d’affirmer encore sa manière : en témoignent l’Apollon couronné par la Victoire et l’Apollon couronné par Minerve des Petits appartements du Louvre (1667-1668, musée du Louvre). À son tour, il alla résider à Rome pendant trois ans pour remplacer Errard (1672-1676). Ce premier séjour italien renforça chez lui l’influence de l’Antiquité. L’Allégorie de la Terre, aujourd’hui conservée au musée des Beaux-Arts de Lyon, montre le style sévère de sa maturité ; le Sacrifice à Jupiter, replacé en 1923 dans le salon des gardes de la Reine, prouve la puissance d’un style qui ne veut céder ni à la science de Poussin ou de Le Brun, ni à l’attrait de la couleur d’un La Fosse.

C’est sans doute dans ces années que Noël Coypel, devenu conseiller professeur à l’Académie (1682), puis recteur (1690) et directeur (1695), touche à la perfection de son style. Mais il trouve un ennemi dans le surintendant des bâtiments du Roi, qui n’ose lui enlever sa charge, mais l’empêche de mener à bien ses projets. Le plafond du salon de la guerre, commandé vers 1670-1672, est déplacé et devient le plafond de la salle des gardes de l’appartement de la Reine à Versailles (toujours en place) ; le plafond du salon de Saturne, finalement, ne dut jamais être exécuté. Il faut juger de ces deux oeuvres par les deux projets peints de la main du peintre et soigneusement conservés par la famille jusqu’à la vente après décès de la collection de Charles-Antoine Coypel en 1753 : ils comptent parmi les chefs-d’oeuvre de l’art du temps de Louis XIV (Le triomphe de Saturne, Versailles, musée ; Le triomphe de Jupiter, coll. part.).

On doit pourtant reconnaître que les dernières oeuvres de Noël Coypel, comme les huit toiles illustrant l’Histoire d’Hercule commandées pour le Trianon (dont la grande Apothéose d’Hercule) ont perdu leur souplesse et leur invention : la demi-disgrâce où il était tombé convenait mal au vieux peintre. Il reste que cette longue et intelligente carrièremérite bien mieux qu’un regard distrait. Noël Coypel, appelé à exécuter une suite de décors officiels, avait su éviter à la fois la mesquinerie du style et l’ennui d’un réalisme déplacé.

 

Jacques Thuillier
professeur au Collège de France
membre du Haut comité des célébrations nationales

Source: Commemorations Collection 2007

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