Page d'histoire : Louis Pergaud Belmont (Doubs), 22 janvier 1882 - Marchéville (Meuse), 8 avril 1915

« Un humble au grand coeur. » Par ces mots débutait l’hommage à Pergaud dans l’Anthologie des écrivains morts à la guerre publiée par l’Association des écrivains combattants en 1925. Pergaud était en effet issu d’un milieu relativement modeste avec une mère d’origine paysanne et un père instituteur. Reçu premier au certificat d’études, il emboîte le pas à son père et est admis au concours d’entrée à l’école normale. Il perd alors coup sur coup ses deux parents en 1900 alors qu’il a dix-huit ans. La même année, il rencontre, grâce à son ami Émile Chatot, le poète Léon Debeul. Dès lors, il consacre une partie de son temps à l’écriture. En 1901, il prend un premier poste d’instituteur ; il se marie deux ans plus tard avec une collègue d’un village voisin. Il publie en 1904 L’Aube, un premier recueil de poèmes inspirés par son maître Debeul.

Les années 1904-1907 sont cependant difficiles. Il perd une petite fille âgée de trois mois, les relations avec son épouse se dégradent et la loi de séparation des Églises et de l’État provoque de vives tensions au centre desquelles l’instituteur farouchement républicain qu’il est se trouve placé. Il divorce et entame une liaison avec Delphine Duboz avec laquelle il se marie en 1910. Entre-temps, en 1907, il monte à Paris pour s’y consacrer à la littérature. Pour vivre, il prend un emploi de bureau, « absolument insipide » selon ses propres dires, à la Compagnie des eaux. En 1908, il publie son second recueil de vers, L’Herbe d’avril.

Il se met alors à la prose et notamment à des récits animaliers. De Goupil à Margot (Histoires de bêtes) est publié au Mercure de France en 1910 et obtient le prix Goncourt. Très loin de la naïveté des histoires animalières pour enfants, Pergaud propose en fait une succession de contes cruels ayant pour thèmes l’humiliation, le viol, l’égoïsme, la mutilation, la castration, la captivité et la mort. Il poursuit alors dans la même veine avec La Revanche du corbeau (1911) ou Le Roman de Miraut, chien de chasse (1913). Entre-temps, en 1912, il publie son grand succès, La Guerre des boutons. Fondé en partie sur des souvenirs de Landresse, commune où il enseigna, qu’il recrée sous le nom de Longeverne, il raconte la rivalité hilarante des enfants du village avec ceux du bourg voisin de Velrans. Le livre connaît un énorme succès et est adapté cinq fois à l’écran entre 1936 et 2011. Le film d’Yves Robert, de 1962, est, au même titre que le livre, devenu un classique.

Mobilisé en août 1914, il reçoit une formation pour devenir sous-officier d’infanterie. Il obtient même ensuite le grade de sous-lieutenant en mars 1915. Blessé à la tête de sa section lors d’une attaque dans la nuit du 7 au 8 avril 1915 et laissé sur le champ de bataille, il semble avoir été ensuite tué par des tirs de canon français. Son corps n’a jamais été retrouvé. Son carnet de guerre est publié en 1994. Vingt ans plus tard, ce sont ses lettres de guerre qui sont portées à la connaissance du public et qui révèlent, une fois encore, son talent d’observateur et de conteur.

Nicolas Beaupré
maître de conférences à l’université Blaise-Pascal
membre de l’Institut universitaire de France
et du Centre international de recherche de l’historial de la Grande Guerre

Source: Commemorations Collection 2015

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