Page d'histoire : Claude Garamont 1499 ? ou 1510 ? - Paris, automne 1561

Il primo libro d’Architettura de Sabastiano Serlio (page de titre) imprimé par Claude Garamont
Paris, 1545
Paris, Bibliothèque Mazarine
© Bibliothèque Mazarine/Photo Suzanne Nagy

 

Portrait gravé
de Claude Garamont
du milieu du XVIe siècle
© DR

 

Entre le 23 septembre (rédaction de son testament) et le 18 novem-bre 1561 (inventaire de sa fonderie par Guillaume Le Bé) mourait Claude Garamont, « le plus célèbre des tailleurs de poinçons de la Renaissance française ». Son nom est étroitement associé aux Grecs du Roi et à la révolution typographique des années 1530 : l’adoption en France de caractères imités de ceux d’Alde Manuce qui allaient devenir la norme. Cette révolution avait été préparée par les cercles humanistes de la cour de François Ier et par Geoffroy Tory dont le Champ fleury paraît en 1529.

La principale source pour la connaissance de la biographie et de l’œuvre de Garamont, avec le matériel typographique heureusement conservé à l’Imprimerie nationale et au musée Plantin-Moretus d’Anvers, est un mémoire rédigé vers 1643 par le descendant de Le Bé. La découverte d’importants documents d’archives (notamment le contrat pour les Grecs du Roi et le testament) et la recherche récente en ont corrigé la chronologie. La date de 1510 donnée jusqu’ici pour l’apprentissage de Garamont chez Antoine Augereau est plus probablement celle de sa naissance. Après des années comme apprenti et compagnon, il devient maître en 1538. Ayant déménagé plusieurs fois, il s’installe en 1550 rue des Carmes à l’enseigne de La Boulle, où il meurt sans enfants de sa seconde femme, Ysabeau Le Fevre, épousée vers 1551.

Sauf une brève activité d’éditeur autour de 1545, Garamont, que les sources d’archives montrent vendant matrices et caractères à différents libraires et imprimeurs, appartient à cette minorité spécialisée des artisans du livre qui sont exclusivement graveurs et fondeurs. Son activité se situe à la charnière du modèle « incunable » et de l’apparition, dans la seconde moitié du XVIe siècle, des grandes fonderies – dont celle de Le Bé qui achète à sa mort la plupart de ses poinçons et matrices, pour en revendre une partie à Plantin.

On attribue aujourd’hui à Garamont la création de 34 caractères (17 romains, 7 italiques, 8 grecs et 2 hébreux). En ce qui concerne les caractères romains, la recherche actuelle tend à lui retirer (il était trop jeune à l’époque) l’invention des caractères utilisés par Robert Estienne dès l’automne 1530 et à fixer en 1536 les débuts de sa « première taille », qui sera utilisée par divers artisans du livre parisiens (Loys, Charlotte Guillard, Néobar, Bogard, Bardé, etc.). La réalisation des romains de la « deuxième taille » s’échelonne entre 1548 et 1561. Garamont a aussi produit, à l’instigation du premier aumônier du roi et savant bibliophile Jean de Gagny, quelques belles italiques, mais elles ont eu moins d’influence que ses romains et ses grecs.

Le 2 novembre 1540, Pierre Duchâtel, conseiller et aumônier du roi, garde de sa librairie, passe contrat avec Robert Estienne pour faire tailler par Garamont des « poinssons de letres grecsques » à partir de modèles et d’instructions du calligraphe d’origine crétoise Ange Vergèce. Trois corps sont gravés entre 1543 et 1550, en commençant par le moyen (« gros romain »), qui servent à l’impression des manuscrits grecs de la Bibliothèque royale. Après le départ d’Estienne pour Genève en 1550, les poinçons passent aux différents imprimeurs du roi pour être finalement transmis au XVIIe siècle à l’Imprimerie royale (dont ils constituent aujourd’hui l’un des trésors, avec 1327 poinçons originaux).

 

Isabelle de Conihout
conservateur en chef à la Bibliothèque Mazarine

Source: Commemorations Collection 2011

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