Page d'histoire : François André Vincent Paris, 30 décembre 1746 - Paris, 3 août 1816

Portrait de Pierre Jacques Onésyme
Bergeret de Grancourt,
huile sur toile de François André Vincent, 1774, Besançon,
musée des Beaux-Arts et d’Archéologie.
© Collection du musée des Beaux-Arts et d’Archéologie
de Besançon / photo Charles Choffet

Contemporain de Jacques-Louis David et jugé de son temps digne de rivaliser avec lui, Vincent subit une longue éclipse, au point de presque tomber dans l’oubli. Son talent et son rôle sont aujourd’hui réévalués.

Son activité multiforme le conduit, de la fin du règne de Louis XV aux prémices de la Restauration, à des créations picturales très diverses qui ont pu apparaître contradictoires et nuire à sa célébrité. Il remporte le prix de Rome en 1768. Les années passées à l’Académie de France à Rome (1771-1775) montrent un talent très divers de peintre d’histoire, de paysagiste et de portraitiste (Portrait de Bergeret, 1774, Besançon, musée des Beaux-Arts), et encore plus de dessinateur. Il se fait particulièrement remarquer par ses portraitscharges, notamment ceux de ses condisciples pensionnaires comme lui à Rome (belles séries au musée Atger de Montpellier).

À partir du Salon de 1777, il exposera des toiles qui feront sensation, à sujet d’histoire antique traitant des « leçons de vertu » (Alcibiade et Socrate et Bélisaire, Montpellier, musée Fabre ; Les Sabines, Angers, musée des Beaux-Arts) ou à sujet d’histoire nationale : son Molé et les factieux, en 1779, un épisode de la fronde parlementaire scrupuleusement documenté (Paris, Palais-Bourbon), annonce certains aspects de la peinture romantique. La rivalité avec David s’affiche dans de grandes toiles à sujets gréco-romains, comme Zeuxis et les filles de Crotone (1789, musée du Louvre), moins radicalement sévères que celles de l’auteur du Serment des Horaces.

À l’époque révolutionnaire, Vincent joue un rôle de premier plan dans la réforme des institutions, prenant part à l’organisation de l’enseignement artistique et contribuant à la mise en place du musée du Louvre en 1793. Ses opinions modérées et son caractère conciliateur en font un opposant à l’extrémisme de David. À côté d’admirables portraits, il s’acquitte alors d’un grand tableau patriotique, Guillaume Tell et Gessler (Toulouse, musée des Augustins). Vincent fait partie dès 1795 de la classe des beaux-arts de l’Institut nouvellement créé, et y jouera jusqu’à sa mort un grand rôle. Son souci de diffusion du savoir guidait aussi ses fonctions de professeur ; son atelier, avec ceux de David et de Jean- Baptiste Regnault, a été celui qui a formé le plus d’élèves à cette époque.

Le Consulat et l’Empire voient le triomphe de David, peintre de Bonaparte puis de l’Empereur. Vincent, de santé fragile, va peindre moins (Leçon d’agriculture, dite aussi La Leçon de labourage, empreinte de préceptes rousseauistes, 1798, Bordeaux, musée des Beaux-Arts).

À la fois novateur et soucieux des bonnes doctrines, Vincent, à une époque de grandes mutations, apparaît difficile à classer, entre fougue post-baroque, néoclassicisme et préromantisme. Son exigence, sa probité, son immense talent de dessinateur dans toutes les techniques font de lui un des grands artistes de son temps.

Jean-Pierre Cuzin
ancien directeur du département des Peintures du musée du Louvre

Source: Commemorations Collection 2016

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