Page d'histoire : Le Conseil d'État Article 52 de la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799)

Installation du Conseil d’Etat au Palais du Petit Luxembourg  (détail)
Couder. Musée national du château de Versailles
© Photo RMN - Popovitch

Dès son retour d’Égypte, Napoléon Bonaparte renverse le Directoire (18 brumaire). Nommé Premier Consul, aux côtés de Cambacérès et de Lebrun, il s’attelle sans traîner à une tâche immense : donner à la France une administration nouvelle. Ainsi, avec l’année 1799 se clôt l’ère révolutionnaire. Les bouleversements sont achevés. Maintenant, il s’agit de construire. C’est ainsi qu’il faut comprendre la création du Conseil d’État, l’un des cœurs de la Constitution de l’an VIII. Certes existait depuis le XIIIe siècle un Conseil du Roi, aux larges compétences sans cesse précisées au fil du temps, où se trouvaient mêlées les attributions aujourd’hui remplies par le Conseil des Ministres, la Cour de Cassation et le Conseil d’État.

Mais c’est Bonaparte, qui, le 22 frimaire, fait renaître la vieille et prestigieuse institution royale et lui donne un visage qui ne changera plus guère. Avec une mission première et urgente : l’aider à préparer les projets de lois. Mission décisive : sans lois, surtout en France, on ne change ni ne consolide rien. Mission de confiance s’il en est : par voie de conséquence, les Conseillers d’État seront nommés par le Premier Consul et, pour plus de sûreté et afin que nul n’en ignore, lui prêteront serment solennel. Génie administratif tout autant que militaire et d’influence bien plus durable dans celui-là que dans celui-ci, Napoléon conçoit une organisation qui ayant, dès le début, montré son efficacité, ne sera pas vraiment modifiée : une hiérarchie des formations (sections et assemblée), une collégialité permanente, une collaboration des âges (Conseillers d’État, Maîtres des Requêtes, Auditeurs créés en 1803).

Parallèlement à cette fonction quasi législative, Napoléon veut un vivier. Un corps de fonctionnaires compétents et fidèles dans lequel il puisse choisir les hommes dont il a besoin pour l’administration active.

Ainsi, dès l’an VIII, deux des rôles premiers du Conseil d’État sont définis : la fonction consultative pour l’élaboration des textes principaux du gouvernement et l’action pratique et concrète, en tant que de besoin. Peu après, et pour les mêmes raisons, les préfets sont créés, représentants dans les provinces du nouvel État.

Comme le note Alexandre Parodi, dans sa belle préface à l’histoire du Conseil d’État publiée en 1974 sous la direction de Louis Fougère, les attributions contentieuses, troisième fonction de l’institution, ne sont au début que très secondaires, Napoléon n’y avait guère songé : "Sa compétence en ce domaine ne représente qu’un petit germe placé très discrètement par les rédacteurs de la Constitution de l’an VIII à la fin de son article 53". Petit germe deviendra grand ! Tout au long du siècle, cette activité juridictionnelle va se développer, donnant naissance à une nouvelle branche, administrative, du Droit. Chacun connaît l’importance depuis deux cents ans de l’œuvre jurisprudentielle du Conseil d’État dans des domaines aussi divers et fondamentaux que la défense des libertés individuelles, la définition de l’utilité publique et le respect de l’environnement, la responsabilité médicale... Une œuvre, et des méthodes, bientôt imitées dans de nombreux pays.

En célébrant le deuxième centenaire du Conseil d’État, nous ne braquons pas les éphémères projecteurs de la mémoire sur une institution comme les autres. Il s’agit bien d’un des cœurs de la conception française de l’État, d’une pièce maîtresse de notre administration et d’un outil puissant de rayonnement international.

Certes, le quotidien ne fut pas toujours rose ni la légende toujours dorée. Proche, si proche du Pouvoir et parfois trop proche, le Conseil d’État en subit les vicissitudes : épurations diverses au fil des changements de régime, sombre période au début des années quarante... Mais cette histoire, parfois quelque peu chahutée, est indissolublement liée à celle de la France.

Erik Arnoult
maître des requêtes au Conseil d' État

Source: Commemorations Collection 1999

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