Page d'histoire : L'Assistance Publique 10 janvier 1849

Une salle commune à l’hôpital Laennecau début du siècle
© AP-HP

L'anniversaire que célèbre l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris en 1999 est celui de l'acte fondateur de l'administration hospitalière parisienne, instituée par la loi du 10 janvier 1849 qui en organise la structure et en définit les missions. Depuis 1801, les deux grands services d'assistance parisiens (les hôpitaux et les secours à domicile) sont gérés par une même administration : le Conseil général des Hospices, chargé jusqu'en 1848 de toutes les questions sanitaires et sociales concernant la population indigente de Paris.  La loi de 1849 confie les mêmes missions à l'Assistance Publique, mais elle innove en remplaçant l'autorité collégiale du Conseil par une direction unique, confiée à un fonctionnaire placé sous la double tutelle du ministre de l'Intérieur et du préfet de la Seine. Cette loi du 10 janvier 1849 est restée constitutive de l'Assistance Publique jusqu'aux décrets du 22 juillet 1961, qui modifient le régime administratif de l'institution et organisent son fonctionnement comptable et financier. La mutation administrative de 1961 coïncide avec le début d'une phase importante de redéfinition des missions de l'Assistance Publique, qui recentre désormais ses activités sur l'hôpital, investi par les ordonnances de 1958 de trois fonctions essentielles : le soin, l'enseignement et la recherche. Au cours des années 1960, l'ensemble des services sociaux gérés par l'Assistance Publique est transféré au département (Aide sociale à l'enfance en 1961 ; Protection maternelle et infantile en 1969) ou à la ville de Paris (Aide médicale en 1964 ; Aide sociale en 1969 ; hospices en 1970). L'orientation nouvelle de l'Assistance Publique est officialisée en 1991 par l'introduction de la mention "Hôpitaux de Paris" dans la dénomination de l'institution. La célébration du cent-cinquantième anniversaire de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) offre l'occasion d'explorer une histoire très riche, qui couvre tout le champ des sciences médicales et celui de la protection sociale.

Soutien de la politique de lutte contre la pauvreté, l'Assistance Publique est, durant tout le XIXe siècle, le lieu de recours de la population indigente parisienne, des jeunes enfants jusqu'aux vieillards. Elle recueille les enfants abandonnés, organise leur placement, prend en charge leur surveillance médicale et assure leur tutelle administrative.  Dans ses bureaux de bienfaisance, présents au cœur de chaque arrondissement, elle distribue à la population nécessiteuse des secours en nature (vivres, linge, combustibles) ou en argent. Ses hospices accueillent les malades incurables et tous ceux que l'indigence et la vieillesse mettent hors d'état de subvenir à leurs besoins. Dans ses hôpitaux, elle héberge et soigne gratuitement les malades curables à faibles revenus.

Chargée d'apporter des réponses à l'ensemble des problèmes liés à la pauvreté, l'Assistance Publique devient tout naturellement l'un des rouages de la politique de protection sociale qui s'élabore en France à la fin du XIXe siècle.

La IIIe République, mettant en application les idées prônées pendant la Révolution, inscrit l'obligation d'assistance dans le droit français. Hôpitaux et bureaux de bienfaisance jouent un rôle majeur dans l'application des lois d'assistance obligatoire, qu'elles concernent les malades et femmes en couches (loi du 15 juillet 1893), les vieillards, infirmes et incurables (loi du 14 juillet 1905) ou encore les familles nombreuses (loi du 14 juillet 1913). Durant toute la première moitié du XXe siècle, l'hôpital étend son activité à une part croissante de la population : il accueille les bénéficiaires des régimes de prévoyance puis les salariés de l'industrie et du commerce protégés par les assurances sociales (lois de 1928 et 1930). Tournant décisif dans l'histoire hospitalière, la loi du 21 décembre 1941 consacre l'hôpital comme lieu destiné à soigner toutes les classes de la société. Avec la création de la Sécurité sociale, en 1945, qui lui apporte des ressources importantes, la mutation de l'hôpital est enfin possible. Il devient progressivement un lieu de soins technicisé et médicalisé et se présente à partir des années 1950 comme le pivot de l'organisation sanitaire.

Outil de la mise en œuvre de la politique de protection sociale, l'Assistance Publique a participé à une autre grande aventure des XIXe et XXe siècles, celle qui fit de l'hôpital le lieu emblématique du progrès médical. Lieux d'assistance et de soins pour les pauvres, les hôpitaux parisiens sont, dès le début du XIXe siècle (1802, création de l'internat), un centre important d'enseignement médical, qui draine l'élite de la médecine parisienne. La rencontre entre ces deux fonctions principales de l'hôpital constitue le point de départ de l'essor de la médecine clinique parisienne. Fondée sur l'observation des signes cliniques et des lésions spécifiques des maladies, la médecine anatomo-clinique se nourrit de l'hôpital et le transforme en creuset du progrès médical. Durant tout le XIXe siècle, les hôpitaux parisiens sont des centres actifs de recherche et d'enseignement. Mais si la médecine anatomo-clinique se perfectionne, elle rejette l'apport de la médecine de laboratoire (fondée sur les sciences exactes), qui offre pourtant le complément indispensable de la médecine au lit du malade. De ce fait, les hôpitaux de l'Assistance Publique tardent à se doter de laboratoires de microbiologie. En revanche, ils installent des laboratoires de radiologie très rapidement après la découverte des rayons X.

A partir des années 1950, les sciences médicales connaissent un essor sans précédent : la révolution biologique, l'apparition de nouveaux médicaments (antibiotiques) et l'irruption de la technologie bouleversent la pratique médicale et ouvrent de vastes perspectives de recherches. Concentrant des moyens humains et financiers importants, les hôpitaux parisiens intègrent ces avancées scientifiques et techniques. Ils deviennent alors le lieu privilégié du progrès médical et s'orientent vers une médecine de pointe, conditionnée par l'introduction de la recherche scientifique à l'hôpital. Avec la réforme Debré (ordonnance du 30 décembre 1958), les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) sont dotés d'une mission officielle de recherche au même titre que celles d'enseignement et de soins. Par ailleurs, l'égalité entre les deux types de disciplines, cliniques et biologiques, est officialisée à l'université et à l'hôpital. A l'Assistance Publique, cette réforme permet de poursuivre et de développer un mouvement amorcé dans les années 1950, notamment grâce à l'Association Claude Bernard (ACB), qui joue un rôle moteur en installant des laboratoires dans les hôpitaux.

Cette transformation majeure des sciences médicales appelait une nécessaire adaptation des structures et du fonctionnement de l'Assistance Publique. A partir des années 1960, l'établissement s'engage dans un long processus de modernisation qui touche l'organisation médicale comme la gestion administrative.  Une vague de constructions intenses, au début des années 1970, permet d'accompagner la croissance démographique de la région parisienne. Parallèlement, les anciens bâtiments sont rénovés et l'Assistance Publique met en œuvre une politique d'humanisation de ses hôpitaux, symbolisée par la suppression des salles communes. Plus ouverts aux demandes exprimées par les patients, les hôpitaux parisiens développent de nouveaux modes de prise en charge (hospitalisation à domicile ; hôpital de jour) et la durée moyenne de séjour chute de 20 à 10 jours entre 1960 et 1990.

A ce jour, l'AP-HP est le plus important établissement de soins d'Europe, regroupant cinquante hôpitaux implantés à Paris, en Île-de-France et en province. Elle emploie 88 000 personnes dont 17 500 médecins et 49 800 personnels hospitaliers. Sa participation très active aux progrès de la science et de la médecine doit beaucoup à l'étroite imbrication entre l'activité de soins et celle de recherche et l'existence de quinze facultés de médecine, pharmacie et odontologie ainsi que de ses quatre-vingt-dix unités de recherche INSERM et quatorze centres CNRS.

Antoine Durrleman
directeur général de l'AP-HP

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Source: Commemorations Collection 1999

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