Page d'histoire : Louis-Joseph Gay-Lussac : la loi de dilatation des gaz 1802

Portrait de Louis-Joseph Gay-Lussac
cliché Bibliothèque nationale de France

Gay-Lussac et Biot font des expériences de physique à 4000 mètres de hauteur dans L. Figuier,
Les merveilles de la science, Paris, 1868
© Muséum national d'histoire naturelle, bibliothèque centrale, 2001

La physique des gaz est à l'origine de bien des avancées de la science. Elle permit le développement de la thermodynamique phénoménologique au milieu du XIXe siècle mais aussi servit de support pour la consolidation de l'hypothèse atomiste au début et au cours du XIXe siècle. Cette physique des gaz est apparue avec Robert Boyle (1627-1691), l'inventeur avec Robert Hooke (1635-1702) de la première pompe à vide. Boyle, entre 1660 et 1670, découvrit que " l'air se condense précisément selon la proportion des poids dont il est pressé ", ce que l'on traduit aujourd'hui par : le produit pression volume est constant (PV = constante). Un peu plus tard, l'Abbé Edme Mariotte (1620-1684) arrivera indépendamment à la même conclusion. C'est Guillaume Amontons (1663-1705) qui précisera en 1702 que cette loi n'est valable qu'à température constante. C'est là qu'intervient Louis-Joseph Gay-Lussac (1).

Aussi bien physicien que chimiste, Louis-Joseph Gay-Lussac (Saint-Léonard de Noblat, 6 déc. 1778 - Paris, 9 mai 1850) est une figure marquante de la science française de la première moitié du XIXe siècle. Issu d'un milieu aisé, formé à l'école Polytechnique nouvellement créée (1794), où il entre en 1797, il est initié à la chimie par Claude-Louis Berthollet (1748-1822), un ami et disciple d'Antoine-Laurent de Lavoisier (1743-1794). C'est à cette époque que Cl.-L. Berthollet, de retour de la campagne d'Égypte va, avec Pierre Simon de Laplace (1749-1827), créer la Société d'Arcueil, une société savante qui réunira beaucoup de ce que la France comptait, dans les premières années du XIXe siècle, de physiciens, chimistes et naturalistes. L.-J. Gay-Lussac, jeune protégé de Cl.-L. Berthollet est tout naturellement invité à y travailler. Il a 26 ans. La loi de dilatation sera la première publication importante de la Société d'Arcueil.

C'est Guillaume Amontons, inventeur de thermomètres, qui le premier étudia la dilatation de l'air par la chaleur, au début du XVIIIe siècle. Par la suite, de nombreux savants se penchèrent sur le problème. En 1786, Gaspard Monge, Alexandre-Théophile Vandermonde et Cl.-L. Berthollet font des mesures de dilatation de gaz. Ils concluent que la dilatation dépend de la nature du gaz. En 1789, Louis-Bernard Guyton de Morveau et Prieur Duvernois, un officier du Génie, publient un mémoire intitulé " Sur la dilatabilité de l'air et des gaz par la chaleur". Une fois de plus, la conclusion du mémoire montre que les dilatations diffèrent selon les gaz étudiés.

À la lecture de ce mémoire, Gay-Lussac constate une source d'erreur dans le dispositif expérimental proposé dans la publication. Il décide de refaire les expériences en prenant un soin tout particulier d'éviter les erreurs qui avaient été commises auparavant. De l'autre côté de la Manche, c'est aussi à la lecture de ce mémoire que John Dalton (1766-1844), un savant britannique connu pour être le redécouvreur de l'atomisme et spécialisé dans la physico-chimie des gaz décide de refaire les expériences. Dalton et Gay-Lussac vont simultanément énoncer la loi de dilatation des gaz : " Tous les gaz […] exposés à des températures égales, sous la même pression, se dilatent exactement de la même quantité ". Mais il existe une différence importante entre les comptes rendus de Dalton et de Gay-Lussac qui tient dans l'attitude face au traitement des résultats. Dalton affirme qu'il obtient les mêmes résultats à chaque manipulation sans autre forme tandis que Gay-Lussac expose clairement ses résultats dans des tableaux comparatifs pour chaque série de mesures, distinguant le comportement des gaz solubles des gaz insolubles. Gay-Lussac découvrira fortuitement que c'est Jacques Alexandre César Charles (1746-1823) qui avait pour la première fois établit la loi de dilatation des gaz, en 1787. Il n'avait pas, à cette époque, cherché à publier ses résultats. L.-J. Gay-Lussac proposera d'appeler la loi de dilatation des gaz du nom de " loi de Charles ". La postérité gardera le nom de " loi de Gay-Lussac ".

Notons qu'à une époque où la constitution de la matière est inconnue et où les premières hypothèses ne font que s'ébaucher, l'interprétation de Gay-Lussac est aussi très intéressante quand il écrit : " l'attraction dans les solides et les liquides est […] la cause qui modifie les propriétés particulières et il paraît que ce n'est que lorsqu'elle est entièrement détruite, comme dans les gaz, que les corps se trouvant placés dans des circonstances semblables présentent des lois simples et régulières ".

Formé à Polytechnique aux mathématiques autant qu'aux sciences expérimentales, L.-J. Gay-Lussac était partisan d'une approche théorique de la science. Après cette première et grande découverte, il se comportera comme un " chercheur de loi " plus qu'un collectionneur d'expériences. L.-J. Gay-Lussac ouvrait ainsi la possibilité de compléter les analyses pondérales développées notamment par A.-L. Lavoisier par des analyses volumiques. Cette approche sera particulièrement féconde pour le développement des théories atomistes dans le premier quart du XIXe siècle.

Son intérêt pour les mesures en phase gaz l'amènera à proposer en 1808 la loi de combinaisons des volumes de gaz qui précise que les gaz réagissent en se combinant dans des rapports simples, ce qu'Amédéo Avogadro (1776-1856) traduira en 1811 par : dans les mêmes conditions de température et de pression, deux volumes de gaz différents contiennent le même nombre de particules.

Toujours intéressé par les gaz, Gay-Lussac sera aussi détenteur en 1804 du record d'ascension en ballon (7 016 m) qu'il détiendra jusqu'à sa mort. Il utilisera ces ascensions pour effectuer des expériences en altitude. La loi de Gay-Lussac couplée à celle de Boyle-Mariotte permettra d'établir quelques années plus tard la loi des " gaz parfaits " dont l'équation d'état s'écrit PV = nRT ou PV = NkT, à la base des modélisations simples des gaz dans les systèmes thermodynamiques.

Xavier Bataille
professeur agrégé de chimie à l'École nationale de chimie-physique-biologie(ENCPB), Paris

1 - Une notice biographique est consacrée à Louis-Joseph Gay-Lussac (1778-1850) dans la brochure Célébrations nationales 2000, elle est de Mme Bernadette Bensaude-Vincent

 

 

Source: Commemorations Collection 2002

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