Page d'histoire : Installation de l'Académie de France à Rome à la Villa Médicis 1803

La villa Médicis

La Villa Médicis désigne à la fois un lieu unique et une institution prestigieuse dont les destins sont indissociables depuis deux siècles.

Dès l’Antiquité, la colline du Pincio apparaissait aux Romains les plus raffinés comme un séjour de prédilection. Au déclin de l’Empire, l’empereur Honorius fit bâtir son palais à l’emplacement exact de la Villa Médicis, autant pour le charme du lieu que pour sa valeur stratégique. L’éclat fut de courte durée, et le palais servit bientôt de carrière de marbres précieux.

Après une éclipse de dix siècles, un influent prélat toscan, le cardinal Ricci, décida d’élever une villa de plaisance sur les friches du Pincio. À sa mort, le domaine passa au cardinal Ferdinand de Médicis, dont il prit le nom. L’architecte Ammannati agrandit considérablement l’édifice, pour en faire l’écrin d’une étonnante collection de sculptures et de peintures aujourd’hui conservée dans les musées de Florence. Quant au jardin, ordonné selon un plan rigoureux et peuplé d’antiques, il devint, lui aussi, l’une des merveilles de Rome.

Les descendants de Ferdinand de Médicis, devenu Grand duc de Toscane, dépouillèrent peu à peu la Villa Médicis de ses trésors avant de la mettre en vente à la veille de la Révolution.

L’histoire de la Villa Médicis pouvait alors rejoindre celle de l’Académie de France à Rome.

Fondée par Louis XIV et Colbert en 1666, cette institution avait pour but d’accueillir les meilleurs artistes et architectes français, pour se perfectionner au contact des chefs-d’œuvre antiques ou modernes. Installée au XVIIIe siècle dans le palais Mancini, l’Académie, sous l’impulsion de grands directeurs tels que Natoire et Jean-François de Troy, vit passer entre autres Houdon, Fragonard et Jacques-Louis David. Mais la Révolution mit un terme à cette période brillante et le palais Mancini fut saccagé lors d’émeutes anti-françaises.

Dans son entreprise de réorganisation du pays, Bonaparte décida de rétablir l’Académie de France à Rome et de lui donner un nouveau siège. Son choix se porta sur la Villa Médicis, toujours en vente, qui fut échangée contre le palais Mancini en 1803 à l’issue de laborieuses tractations avec le gouvernement florentin.

Sous l’égide de l’Académie des Beaux-Arts qui créa le concours annuel des « Grands prix de Rome », de nouvelles disciplines furent introduites, notamment la musique, et l’institution joua un rôle central dans la vie artistique française pendant une grande partie du XIX e siècle.

Ingres, Flandrin, Cabanel, pour la peinture, David d’Angers, Carpeaux et Falguière pour la sculpture, Berlioz, Bizet, Gounod et Debussy pour la musique, Labrouste, Baltard et Charles Garnier pour l’architecture comptent parmi les pensionnaires les plus illustres de cette période.

Désireux de sortir l’Académie de la sclérose qui s’en était emparée, André Malraux nomme en 1961 le peintre Balthus à la tête de l’institution. L’artiste imprime sa marque à l’édifice et met en place une politique d’expositions qui donnent à la Villa Médicis une place éminente dans la vie culturelle de Rome.

Avec la réforme de 1971 et la suppression du prix de Rome, le mode de recrutement, les conditions de séjour et l’éventail des disciplines furent profon-dément modifiés. L’Académie s’ouvrit à de nouvelles disciplines : l’histoire de l’art, la photographie, le cinéma et la littérature, puis le design et la scénogra-phie, ainsi que l’art culinaire.

Le recrutement des pensionnaires de l’Académie n’est plus réservé aux seuls citoyens français, mais s’est élargi à l’Europe et à la francophonie. C’est l’avenir pour une institution dont la raison d’être n’a cessé de se transformer au cours de son histoire et dont les magnifiques bâtiments viennent, après restauration, de retrouver leur belle couleur ivoire d’origine.

Depuis 1998, la Villa Médicis, à côté de ses grandes expositions historiques, ouvre tous les deux ans ses jardins aux artistes contemporains.

L’année 2003 sera l’occasion de célébrer le bicentenaire de l’acquisition de la Villa Médicis par la France. Une grande exposition « D’Ingres à Degas : les artistes français à Rome de 1803 à 1873 » permettra de montrer l’influence que le séjour romain et l’idéal académique ont exercée sur les artistes français au XIXe siècle. Elle sera complétée par un colloque et une saison de concerts exceptionnelle, en liaison avec l’année Berlioz.

 

Bruno Racine
conseiller maître à la Cour des Comptes
directeur de l’Académie de France à Rome (1997-2002)

Source: Commemorations Collection 2003

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