Page d'histoire : Charles-Auguste, duc de Morny Paris, 22 octobre 1811 - Paris, 10 mars 1865

La mort subite du duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, provoque chez ses contemporains « le sentiment d’un malheur irréparable » (Émile Ollivier, Journal) pour le régime impérial en place depuis 1852.

Petit-fils du célèbre Talleyrand par son père Charles de Flahaut et de l’impératrice Joséphine par sa mère, la reine Hortense, le comte de Morny a commencé sa carrière politique dans l’entourage de Ferdinand-Philippe d’Orléans, héritier présomptif du roi Louis-Philippe, et dont le décès accidentel en 1842 a, en son temps, sonné dans les esprits le glas du régime de la monarchie de Juillet.

Député du Puy-de-Dôme de 1842 à sa mort, sauf en 1848, Morny n’a de cesse d’aider à trouver un régime stable qui rassure les populations et les investissements. Après l’élection du prince Louis Napoléon à la présidence de la République en décembre 1848, il se fait présenter à ce demi-frère qu’il n’a jamais rencontré et lui offre ses services. Partisan de la première heure du coup d’État, il en est l’un des organisateurs. Il reste pour la postérité l’homme du 2 décembre 1851 et le ministre de l’Intérieur qui a organisé la répression fondatrice de l’empire autoritaire.

Président du corps législatif de novembre 1854 à mars 1865, il incarne et modèle cette fonction de façon marquante. Il joue un rôle décisif dans l’instauration de l’empire libéral à partir de 1860, et dans le vote de la loi sur les coalitions en 1864. Son arrière-pensée est de pousser au pouvoir les hommes les plus talentueux et les moins « rouges » de la jeune génération républicaine (Léon Gambetta, Jules Ferry). Déjà en effet, le régime autoritaire est à bout de souffle et aucune relève ne se profile du côté des élites politiques bonapartistes.

Parallèlement et paradoxalement, Morny, brillante figure de la vie parisienne, fait duc en 1862, contribue au quotidien à ternir l’image du régime en incarnant les excès de la « fête impériale ». Contrôlant une partie de la presse, il est perçu comme un spéculateur à grande échelle qui fait scandale, un affairiste impénitent (le « duc de Part-à-Deux »), un séducteur débridé et, sur la fin, l’homme à l’origine de la triste expédition du Mexique.

À l’échelle de l’histoire longue, Morny, ambassadeur extraordinaire en Russie en 1856-1857, a été un précurseur de l’alliance franco-russe. En obtenant de haute lutte la création du Crédit industriel et commercial en 1859, il a ouvert la voie à l’implantation en France des banques de dépôt, promises à un bel avenir. Fondateur de Deauville et de l’hippodrome de Longchamp, soutien de Louis Hachette pour l’ouverture des bibliothèques de gare, il a oeuvré activement à la mise en place de la société des loisirs.

Agnès D’Angio-Barros
conservatrice en chef du Patrimoine
centre Roland-Mousnier (CNRS/université Paris-IV-Paris-Sorbonne)

Source: Commemorations Collection 2015

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