Page d'histoire : Louis-Jean-François Lagrenée, dit l'Aîné Paris, 30 décembre 1724 - Paris, 19 juin 1805

L’Amour des Arts console la Peinture des écrits ridicules et envenimés de ses ennemis
huile sur toile de Louis-Jean-François Lagrenée, dit l’Aîné
Paris, musée du Louvre
© RMN / Hervé Lewandowski

Dans la période de transition qui, entre Boucher et Jacques-Louis David, prépare l’avènement du néoclassicisme, Lagrenée mène une carrière de peintre officiel, servant avec constance la politique artistique des bâtiments du Roi et sa préoccupation première, qui est la régénérescence de la grande peinture

Sa formation suit, sans heurt, le cursus d’un peintre d’histoire promis au succès. Élève de Carle Van Loo, dont il sera le plus proche émule, il obtient le prix de Rome en 1749, intègre l’École royale des élèves protégés nouvellement créée, puis l’Académie de France à Rome (1750-1754). De retour à Paris, il est immédiatement agréé à l’Académie royale puis reçu en 1755 avec L’Enlèvement de Déjanire (Louvre). Après un séjour de deux années à la cour d’Élisabeth Ire de Russie (1760-1762), où il assume la charge de professeur à l’Académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg, il revient en France exercer la même fonction au sein de l’Académie royale.

Ses envois réguliers au Salon du Louvre, comme le livre de raison où il a consigné sa production, montrent un artiste particulièrement fécond (on y dénombre plus de quatre cent soixante tableaux). Il participe au décor des résidences royales, à Choisy (1765, Fontainebleau), à Bellevue (1768, Louvre), au Petit Trianon de Versailles, où son Cérès et Triptolème est toujours en place (1769). Lorsque le roi Stanislas-Auguste de Pologne sollicite des peintres français sur la recommandation de Mme Geoffrin, Lagrenée est de ceux-là (1767, château de Varsovie). L’artiste, toutefois, n’est jamais meilleur que dans ses petits tableaux de cabinet au faire moelleux, mythologies galantes, allégories gracieuses ou Vierges à l’Enfant que les amateurs s’arrachent. Le secret de cet artiste aussi doux de caractère que d’inspiration, réside dans un style épuré et suave imité des peintres bolonais du Seicento qui sont, avec La Hyre et Le Sueur, l’une des sources du nouveau goût. Lagrenée y gagnera le surnom flatteur d’ « Albane moderne ».

Après l’avènement de Louis XVI et la nomination du comte d’Angiviller à la direction des bâtiments, Lagrenée livre, de 1777 à 1789, au rythme d’une par Salon, sept grandes toiles au style noble inspirées de l’Histoire ancienne (La mort de la femme de Darius, 1785, Louvre). On n’en attendait pas moins de celui qui, au sommet de la hiérarchie, occupait la charge de directeur de l’Académie de France à Rome (1781-1785). Les critiques, Diderot en tête, qui espéraient plus, n’ont pas épargné Lagrenée. L’artiste leur répondit à sa manière, avec un petit panneau allégorique exposé au Salon de 1781 sous le titre L’Amour des Arts console la Peinture des écrits ridicules et envenimés de ses ennemis (Louvre).

Marie-Catherine Sahut
conservateur en chef au département des peintures
musée du Louvre

Source: Commemorations Collection 2005

Liens