Page d'histoire : Destruction de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans 24 mars 1568

Célébration de la fête de Jeanne d’Arc : l’embrasement des tours de la cathédrale d’Orléans, huile sur toile de Charles Dominique (dit Oscar) Lahalle, vers 1890, Orléans, musée d’Histoire et d’Archéologie.

Parmi les destructions causées en France par les guerres de Religion, la dévastation de la cathédrale d’Orléans est sans doute la plus emblématique.

La cathédrale Sainte Croix était alors un édifice composite, aux chevet, transept et premières travées de nef reconstruits à partir de la fin du XIIIe siècle, sur un plan très ambitieux. Elle conservait encore les façades des croisillons et le massif occidental à deux tours de la cathédrale romane, qui remontait aux premiers Capétiens. À défaut de façade gothique, la cathédrale se signalait depuis 1511 aux bateliers de Loire par une orgueilleuse flèche de charpente recouverte de plomb doré, implantée à la croisée. Haut lieu de l’humanisme, où Calvin étudia, Orléans tomba dès 1563 aux mains des réformés. Une première vague d’iconoclasme au sens propre frappa alors l’édifice. Les sculptures bûchées et la peinture de la Passion aux yeux martelés de l’actuelle sacristie en portent encore témoignage*. Cinq années plus tard, le 24 mars 1568, les soudards du prince de Condé, chef du parti pro­testant, pénétrèrent dans la cathédrale. Comme le décrit Charles de La Saussaye , ces « maudits hérétiques [...] ostèrent quelques pierres des quatre gros piliers qui supportaient le clocher, et en la place d’icelles mirent quelques morceaux de bois avec de la poudre à canon : et attachant de longs câbles au haut du susdit clocher, en mesme temps firent mettre le feu ausdites poudres, et tirer le clocher en bas à force d’hommes et de chevaux ». La flèche s’effondra alors sur le chœur dont ne subsistèrent que les chapelles du déambulatoire. À l’ouest demeurèrent debout le massif roman et les premières travées de la nef. On doit au roi Henri IV, dès 1598, la prise en charge par l’État de la reconstruction de l’édifice. Dans le souci de la rétablir « dans son antique splendeur », ses successeurs imposèrent l’ ordre gothique jusqu’au bout, jusqu’à créer des façades de ce style en pleins XVIIe et XVIIIe siècles et produire ainsi la dernière cathédrale gothique et la première cathédrale néogothique de France. Elle sera achevée sous le dernier des Bourbons, Charles X, en 1829 pour la célé­bration du 400e anniversaire de la libération d’Orléans par Jeanne d’Arc.

Admirée sous l’Empire comme la cathédrale gothique idéale achevée, puis honnie par les romantiques au moment où l’on sacrifiait pour son dégagement un authentique chef d’œuvre du gothique flamboyant (l’hôtel Dieu d’Orléans), elle retrouve sa juste place à présent, notamment grâce aux restaurations et publications récentes qui permettent d’en apprécier tout l’intérêt.

* Peintures découvertes et restaurées par Gilles Blieck en 2012

2014.

Frédéric Aubanton
conservateur régional des monuments historiques
DRAC Centre-Val de Loire

Source: Commemorations Collection 2018

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