Page d'histoire : Barbe Acarie Paris, 1er février 1566 – Pontoise (Val-d’Oise), 18 avril 1618

La Vierge à l’Enfant apparaissant à la bienheureuse soeur Marie de l’Incarnation, huile sur toile attribuée à Pierre Delestres (milieu du XVIIe siècle), Pontoise, monastère du Carmel.

En 1600, trente ans de guerres civiles aux prétextes religieux ont causé ruines matérielles et spirituelles. Le concile clos en 1563 voulait réformer l’Église. Le retard en France est criant. À Paris, les milieux influents sont frappés par le cas d’une mère de famille en vue : favorisée d’états mystiques, elle déploie activités caritatives et initiatives apostoliques.

Barbe Avrillot est née en 1566 dans une famille de robe, catholique. Elle cousine avec les Séguier et avec Pierre de Bérulle qui sera cardinal. Sa vocation est religieuse, mais elle défère au choix de ses parents en épousant à seize ans Pierre Acarie, magistrat des Comptes, qui a songé à entrer dans les ordres. Ils auront six enfants. Tous sauf l’aîné entreront en religion. Non sans humour, M. Acarie dira que si sa femme devient sainte, il y aura bien aidé...

Politique brouillon, il s’est mis en avant dans la Ligue. Entrant à Paris, Henri IV bannit Acarie, confisque ses biens. Son épouse mendie pain et toit à de riches parents qui lui tournent le dos, expérimente, avec l’humiliation, l’abandon à la volonté divine. Obtenant l’amnistie de son mari, elle reçoit dans son hôtel tous ceux qui œuvrent à la restauration catholique. Les souverains apprécient son jugement, lui confient leurs aumônes. François de Sales l’encourage dans ses œuvres et ses projets. Elle exerce, écrit Brémond, une sorte de « lieutenance générale sur le tout Paris dévot ».

L’introduction en France du Carmel réformé de Thérèse d’Avila est due à son initiative. Elle délègue Bérulle en Espagne pour négocier l’envoi en France de compagnes de sainte Thérèse. Pendant ce temps, elle fait bâtir à Paris et prépare de futures novices. Le Carmel s’établit dans la capitale en 1604 ; on compte vingt et une nouvelles fondations jusqu’en 1618. Le mouvement continue ensuite. Cet essor d’un ordre féminin contemplatif ouvre en France le « siècle des saints », avec la réforme du clergé et les congrégations nouvelles : dès 1611, Bérulle crée l’Oratoire. Outre le Carmel, Mme Acarie favorise l’installation des Ursulines.

Elle réalise sa vocation initiale, entrant au carmel d’Amiens après son veuvage. Les carmélites la voulaient prieure. Elle tient à rester simple converse. Passée d’Amiens à Pontoise, elle s’y soumet à la prieure, sa propre fille, à l’étonnement des mentalités du temps. À son décès en 1618, la nouvelle se répand aussitôt en ville : « la sainte est morte »... Pie VI la béatifie en 1791 sous son nom de religion, Marie de l’Incarnation. Sa maxime favorite résumerait sa spiritualité : « Trop est avare à qui Dieu ne suffit. »

Philippe Bonnichon
président (h.) de l’Académie des sciences d’outre-mer

Source: Commemorations Collection 2018

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