Article : Commissariat général aux questions juives (AJ/38)

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Identification du service

Archives nationales

Référence

Sous-série AJ/38

Intitulé du fonds

Commissariat général aux questions juives (CGQJ)

Dates extrêmes

Janvier 1941-août 1944

Importance matérielle

620 mètres linéaires

Description du fonds

Nom du producteur du fonds

Commissariat général aux questions juives (CGQJ)
La très grosse majorité des archives du CGQJ est constituée par les documents émanant du service du contrôle des administrateurs provisoires (SCAP) et de la direction de l'aryanisation économique (DAE).

Histoire administrative du producteur

Le Commissariat général aux questions juives fut institué par le Gouvernement de Vichy par la loi du 29 mars 1941 à la suite d’un ensemble de mesures législatives prises par les autorités allemandes d’occupation et l’État français à l’encontre de la population juive : loi du 22 juillet 1940 relative à la révision des naturalisations, ordonnance allemande du 27 septembre 1940 relative aux mesures contre les Juifs (recensement, obligation d’apposer une affiche « entreprise juive »), loi du 3 octobre 1940 portant sur le statut des Juifs, suivie le lendemain par la loi sur les ressortissants étrangers de race juive autorisant leur internement dans les camps.

Une ordonnance allemande du 20 mai 1940 concernant la gestion des affaires et des entreprises dans les territoires occupés prévoyait que les entreprises dont les dirigeants étaient absents pouvaient être mises par les autorités d’occupation sous administration provisoire. Cette ordonnance, qui n’était pas à l’origine contre les Juifs, va être utilisée contre eux. Le 18 octobre, une deuxième ordonnance concernant les mesures contre les Juifs donne la définition d’une entreprise juive, oblige à la déclarer et indique qu’ « il pourra être nommé un commissaire administrateur à qui s’appliqueront les prescriptions de l’ordonnance concernant la gestion des affaires du 20 mai 1940 ». Ce sont les préfets (pour Paris le préfet de police) qui sont chargés du recensement des entreprises juives et de leur mise sous administration provisoire.

En décembre 1940 le gouvernement de Vichy crée le service du contrôle des administrateurs provisoires (SCAP). Ce service était chargé, sous le contrôle d’un représentant du Commandement militaire allemand en France (Militärbefehlshaber in Frankreich), de la nomination des administrateurs provisoires et du contrôle de leur gestion des biens juifs. Il était installé à Paris et son activité s’étendait à l’ensemble des territoires occupés. Il comprenait un secrétariat général, chargé des questions générales et de la nomination des administrateurs provisoires et des services techniques chargés de l’étude et du contrôle des dossiers d’aryanisation.

Le SCAP est rattaché au CGQJ en juin 1941, suite au décret du 19 juin 1941 sur l’organisation du CGQJ. Il est réuni à la direction de l’aryanisation économique du CGQJ en mai 1942, les deux services n’en font alors plus qu’un qui prend le nom d’Aryanisation économique et service du contrôle des administrateurs provisoires.

Le CGQJ est dirigé successivement par Xavier Vallat (mars 1941-mars 1942), Louis Darquier de Pellepoix (mai 1942-février 1944) et Charles Mercier du Paty de Clam (février-mai 1944). Il est rattaché d’abord à la vice-présidence du Conseil puis au secrétariat d’État à l’Intérieur et enfin au chef du gouvernement.

Le Commissariat avait son siège à Vichy, mais c’est à Paris que les services étaient les plus actifs.

L’organisation du CGQJ a évolué entre 1941 et 1944. Le décret du 19 juin 1941 plaçait sous l’autorité du commissaire général les quatre services suivants :

  • un cabinet auquel sont rattachés les services administratifs et financiers,
  • la direction du statut des personnes,
  • la direction de l’aryanisation économique (pour toute la France à partir d’août 1941),
  • le service du contrôle des administrateurs provisoires.

À ces quatre services s’ajoutent à partir d’octobre 1941 la police des questions juives (PQJ), qui deviendra plus tard la section d’enquêtes et de contrôle (SEC), en décembre 1942 la direction de la propagande, et en mai 1944 une direction de l’inspection générale. Les pouvoirs du CGQJ s’étendent à la zone sud comme à la zone occupée. Dans chaque préfecture, en dehors de la région parisienne, est installée une direction régionale, à laquelle est rattachée une délégation de la SEC et éventuellement une délégation à la propagande.

Les missions du CGQJ sont essentiellement de quatre ordres :

  • préparer et proposer au chef de l’État toutes mesures législatives relatives aux Juifs : c’est lui qui élabore à ce titre le second statut des Juifs du 2 juin 1941 (service de la législation et du contentieux)
  • rechercher les infractions au statut des Juifs : c’est le rôle de la PQJ (puis de la SEC) qui pouvait aller jusqu’à des arrestations
  • le contrôle de l’UGIF (union générale des Israélites de France) : une loi du 29 novembre 1941 a institué auprès du cabinet du CGQJ un organisme, l’UGIF, seul organisme habilité à représenter la population juive, en particulier pour les questions d’assistance, toutes les anciennes œuvres des communautés juives ayant été dissoutes
  • enfin fixer les dates de liquidation ou de vente des biens juifs, nommer et contrôler les administrateurs provisoires : c’est le rôle de la direction de l’aryanisation économique.

La direction de l’aryanisation économique était de loin le service le plus important du CGQJ. En 1944 elle employait environ 800 personnes sur un total de 1 100. Dans le cadre de l’aryanisation économique, la France était partagée en 3 zones : Paris et le département de la Seine, la zone nord et la zone sud, chacune ayant à sa tête un directeur. À Paris, en raison du grand nombre de biens situés dans le département de la Seine, les services reprennent la division en sections spécialisées qui avait déjà été pratiquée par le SCAP :

  • Section I textiles (I A confection, chemiserie, I B tissus, fourrures, I C mode et marchands forains, I D bonneterie)
  • Section II A cuirs et peaux, II B cinéma, théâtre,
  • Section III produits chimiques, mines, carburants, imprimerie, papeterie
  • Section V A finances, V B immobilier, V C banques, compagnies d’assurance, V C parts, valeurs, actions
  • Section VI ameublement, section VI marchés
  • Section VII industries mécaniques et électriques
  • Section VIII commerce intérieur, alimentation
  • Section IX départements de la zone occupée.

Le CGQJ est officiellement fermé le 30 août 1944 à Paris et le 1er septembre à Vichy. On estime à près de 50 000 le nombre de procédures de spoliation engagées par ses services, dont 30 000 à Paris et en banlieue. Selon les statistiques du Commissariat au 31 juillet 1944, environ 43% des procédures en zone occupée sont arrivées à leur terme, soit par la vente du bien, soit par l’élimination pure et simple des entreprises mises sous administration provisoire.

Présentation du contenu

Dans la sous-série AJ/38 sont conservés d’une part des dossiers généraux émanant des différents services du CGQJ et du service de restitution, et d’autre part des dossiers individuels, dont les dossiers d’aryanisation, qui représentent plus des deux tiers de l’ensemble. Enfin, de nombreux fichiers originaux, produits par le CGQJ et le service de restitution, permettent la recherche des dossiers.

Les dossiers généraux rendent compte de l’activité des services : on y trouve essentiellement des correspondances, de la documentation, des rapports, des statistiques. Signalons particulièrement dans les dossiers du service de la législation et du contentieux du CGQJ les projets de lois, la mise au point et l’application du statut des juifs ; dans les dossiers de la direction du statut des personnes et dans ceux de la PQJ des dossiers individuels de Juifs, des rapports d’enquêtes, etc… ; dans les archives des services administratifs et financiers, les dossiers du personnel du CGQJ. Enfin les dossiers généraux de la direction de l’aryanisation économique, classés par section, renseignent sur les nominations et émoluments des administrateurs provisoires et peuvent contenir des rapports d’activité de la section, des renseignements sur des ventes et quelquefois des dossiers d’affaires.

Les dossiers individuels sont essentiellement les dossiers d’aryanisation et les dossiers des administrateurs provisoires et commissaires aux comptes.

  • Les dossiers d’aryanisation (AJ/38/1328 à 5170)
    Il serait en fait préférable de parler de dossier d’aryanisation et de restitution, puisqu’on trouve dans le même dossier des documents émanant des deux services, le CGQJ ayant ouvert le dossier, le service de restitution l’ayant clos. Le nombre de dossiers ouverts est d’environ 62 000. Chaque dossier correspond en principe à un bien, mais cette définition n’est pas tout à fait exacte : un seul dossier peut concerner plusieurs biens (succursales), plusieurs personnes (associés), etc.. Par ailleurs, une seule personne pouvant être propriétaire de plusieurs biens, le CGQJ ouvre autant de dossiers que de biens possédés, selon la nature du bien (entreprise, immobilier, …) ou sa localisation (Paris, zone nord, zone sud).
    Les dossiers sont classés en 2 parties : Paris et l’ancien département de la Seine (cotes AJ/38/1328 à 3200) et la province (AJ/38/3201 à 5170). Les dossiers d’aryanisation de la Seine sont classés selon les sections économiques (I A à VIII) et à l’intérieur de chaque section la distinction est faite entre les biens dits « revendiqués » (ceux qui ont fait l’objet d’une demande de restitution à la Libération) et les biens « non revendiqués » (BR et BNR). Cette distinction existe aussi dans certains départements.
    Les dossiers de province ne suivent pas le classement par section économique ; tout au plus, dans certains départements, la distinction est-elle faite entre les entreprises et les biens immobiliers. Par contre, en province, le même bien fait l’objet de deux dossiers, l’un tenu par la direction de l’aryanisation économique, l’autre par la préfecture. Ces dossiers ont quelquefois été fusionnés par le service de restitution, mais généralement il faut chercher les deux références, les documents contenus dans l’un et dans l’autre n’étant pas identiques.
    Le volume des dossiers peut varier, selon l’importance du bien, entre quelques feuillets et un, voire plusieurs cartons d’archives. On y trouve généralement :
    • l’arrêté de nomination de l’administrateur provisoire
    • le rapport de prise de fonctions de l’administrateur provisoire
    • l’inventaire du matériel et du stock de l’entreprise
    • la proposition d’aryanisation formulée par l’administrateur provisoire
    • la décision du CGQJ
    • la feuille de rémunération de l’administrateur provisoire
    • son rapport de fin de mission
    • son arrêté de relève
    • la ou les circulaires du service de restitution.

Selon le dossier, on y trouvera aussi des renseignements sur le ou les propriétaires (état civil, nationalité, arrestation), sur l’entreprise en général (nombre d’employés, chiffre d’affaires, bilan annuel), l’acte de vente si l’entreprise a été vendue, des renseignements sur l'acquéreur (en particulier un certificat d'aryanité), des plans, des correspondances diverses. Enfin on trouve sur la chemise du dossier tout ce qui concerne son identification (n° d’ordre, nom de l’entreprise ou du propriétaire, nom de l’administrateur provisoire, revendiqué ou non) ainsi qu’au verso le récapitulatif des différentes étapes de la spoliation. Le dossier d’aryanisation est donc la première source à consulter pour les recherches sur les spoliations et restitutions.

Dossier d'aryanisation, rapport d'expertise des meubles et objets d'art se trouvant dans une ferme des Alpes-Maritimes (15 mars 1943).
© AN, AJ/38/3922
  • Les dossiers d’administrateurs provisoires (AJ/38/5171 à 5553 et AJ/38/5813 à 5814)
    Les dossiers d’administrateurs provisoires sont la deuxième source à consulter pour ces recherches. L’administrateur provisoire est l’acteur central de l’aryanisation d’un bien. Chaque administrateur a en charge plusieurs affaires (il est très rare qu’un administrateur ne gère qu’une seule affaire). Un même bien peut, par ailleurs, être géré par plusieurs administrateurs successifs, que le premier se soit retrouvé indisponible ou qu’il ait été jugé incompétent. Il importe alors de consulter les dossiers de tous les administrateurs provisoires qui se sont succédés.
    Les dossiers d’administrateurs provisoires sont classés par départements pour la zone nord (en commençant par la Seine), et par régions pour la zone sud, puis par ordre alphabétique à l’intérieur de chacune de ces subdivisions. On y trouve essentiellement :
    • la fiche personnelle d’administrateur provisoire en vue de sa nomination, avec un extrait de casier judiciaire
    • l’arrêté de nomination
    • la fiche relative aux rémunérations
    • les réponses aux circulaires du service de restitution
    • le dossier de contrôle des rémunérations établi par le SCAP.

On y trouve également bien sûr des renseignements sur les biens gérés, en particulier concernant le type d’aryanisation envisagé (vente, liquidation, etc), la réponse des propriétaires ou de leurs ayants droit à la circulaire envoyée par le service de restitution en 1946, où ils doivent indiquer s’ils ont ou non donné quitus à l’administrateur provisoire pour sa gestion et où ils ajoutent souvent des commentaires sur cette gestion, ainsi qu’éventuellement des dossiers de plaintes engagées à partir de 1945 par le SCAP ou par le propriétaire lui-même contre l’administrateur.

  • Les dossiers des commissaires aux comptes (AJ/38/5554 à 5562)
    Pour les entreprises importantes, un commissaire aux comptes est nommé et placé auprès de l’administrateur provisoire pour vérifier ses comptes.

Historique de la conservation

Les archives du Commissariat général aux questions juives ont été reprises par le service de restitution, qui dépendait du ministère des Finances. Ce ministère a effectué en 1948 un premier versement : les documents versés alors ont été cotés AJ/38/1 à 1140. D’autres versements ont eu lieu en 1955, 1966, 1994 et 2001. Les dossiers de personnel du CGQJ ont été versés en 1998.

Modalités d’entrée

Versements

Conservation et accès

Lieu de conservation

Archives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine :
59 rue Guynemer, 93383 PIERREFITTE-SUR-SEINE

Conditions d’accès

Ces documents peuvent être consultés librement sous forme de microfilms.

Conditions de reproduction

Ces documents peuvent être reproduits librement.

Instruments de recherche

L'inventaire, rédigé et publié en 1998, est disponible en salle des inventaires des Archives nationales. C'est un inventaire méthodique : en effet, les documents ayant été versés en plusieurs étapes, ils ont été cotés en continu selon leur date d'arrivée et un inventaire numérique n'aurait pas permis de mettre en évidence les liens logiques qui existent entre les documents.
Il est consultable en deux parties sur FranceArchives :

  • Partie 1 : inventaire des archives du CGQJ à l'exception des archives du SCAP et de la DAE
  • Partie 2 : inventaire des archives du SCAP et de la DAE

Toute recherche sur les spoliations passe par la consultation des fichiers : ce sont les fichiers originaux produits par le CGQJ et cotés AJ/38/1161 à 1273 et 1311 à 1326 :
Pour Paris et le département de la Seine, on dispose de fichiers alphabétiques et de fichiers topographiques par nom de rues, les biens immobiliers faisant l’objet de fichiers distincts de ceux des entreprises. Ceux de province sont classés pour la zone nord par département, et pour la zone sud, par direction régionale, comme les dossiers auxquels ils renvoient.
Les fiches comportent un certain nombre de renseignements sur l’identité de la personne spoliée, son adresse, le nom du ou des administrateurs provisoires, le numéro du dossier et, pour Paris, la référence de la section : ce sont ces derniers renseignements qu’il faut noter puis se reporter à l’inventaire où on trouvera la cote (attention les dossiers sont séparés en deux listes : biens revendiqués et biens non revendiqués).
Les fichiers sont microfilmés sous la cote 42MI : une table de correspondance entre la cote AJ/38 et la cote 42MI est disponible en salle des microfilms.
Enfin, depuis 2014, la base de données ARYA, consultable en intranet en salle des inventaires, permet de trouver à partir d'un nom de personne, d'entreprise ou de lieu la cote et le numéro du ou des dossier(s) d'aryanisation correspondant(s).

Sources et bibliographie

Sources complémentaires

  • Au Centre de documentation juive contemporaine (Mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy l’Asnier, 75004) : à la Libération de Paris, le CDJC a récupéré une partie des archives du CGQJ. Les documents proviennent des différents services du CGQJ (aryanisation économique, statut des personnes, PQJ, SEC, propagande, directions régionales, etc)
  • Aux Archives départementales du Rhône et de la métropole lyonnaise : fonds Xavier Vallat
  • Aux Archives de Paris : documents concernant les spoliations (registre du commerce, procès-verbaux de ventes publiques opérées pendant l’Occupation)
  • Aux archives de la Caisse des dépôts et consignations : 28 000 dossiers individuels de consignations
  • Voir aussi les fonds notariaux, pour les ventes de biens juifs par les administrateurs provisoires.

Bibliographie

Liens