Article : Acquisition d'archives privées et aides à l'achat

Définition

L’achat d’un document d’archives privé ; en vente aux enchères ou de gré à gré, est conditionné par deux facteurs corollaires :

  • l’assurance que le(s) document(s) identifié(s) présente un intérêt historique justifiant son entrée dans une collection publique
  • l'assurance que la provenance du document et l'historique de sa circulation est exempte de toute suspicion de trafic illicite 
  • l’existence de ressources budgétaires adaptées, directes ou non (subvention, mécénat)

Ces achats passent soit par une transaction commerciale ordinaire, où l’acheteur public se porte acquéreur d’un bien au prix fixé par son vendeur, soit par l’exercice du droit de préemption (cf. infra « Procédure de préemption »), dans lequel l’acheteur public se substitue au dernier enchérisseur au prix de la dernière enchère.

Acteurs

Ces achats peuvent être effectués soit auprès de particuliers, non professionnels, soit auprès d’opérateurs de vente spécialisés (libraires, commissaires-priseurs).
Les catalogues de vente diffusés par les sociétés de vente représentent la première source d’information permettant le repérage préalable des documents susceptibles d’être acquis. Ces informations préalables sur les ventes publiques doivent être diffusées au minimum 15 jours avant la vente, en vertu de l’article L. 123-1 du code du patrimoine.

Politique d’achat

La politique d’achat d’archives privées varie certes au fil des époques, des perspectives budgétaires et des enjeux patrimoniaux et culturels, voire politiques, mais elle constitue de facto une démarche continue et naturelle d’enrichissement des collections publiques.
L’État comme les collectivités territoriales acquièrent ainsi chaque année un nombre variable de documents privés, soit via leurs lignes de crédits propres, soit via d’autres apports d’ordre public (subventions) ou privé (mécénat).


Le budget de l’État se répartit entre acquisitions directes pour les collections des Archives nationales et subventions versées aux collectivités territoriales (Archives départementales comme municipales), par le Service interministériel des Archives de France (SIAF) et/ou par le fonds du patrimoine (ligne de crédits intersectorielle gérée par le Service des musées de France) ; cet abondement éventuel par le fonds du patrimoine se fait sur demande du SIAF.

 

 

table des données 2010 2023.pngArchives de France : Acquisitions d'archives et subventions

table des données

Enrichissement des collections d’archives publiques (2012-2023) : crédits d’acquisitions du Service interministériel des Archives de France, subventions aux collectivité territoriales, répartition des dossiers entre collectivités, synthèse.

Exemples

  • Charte impériale de l'abbaye de Corbie (subvention pour les Archives départementales de la Somme en 2018)
    Confirmation de privilèges accordée par l'empereur Louis le Pieux et son fils aîné l'empereur Lothaire en faveur de l'abbaye de Corbie en 825, ce parchemin était conservé dans le du fonds d’archives de l'abbaye de Corbie jusqu’à la Révolution, d’où il a été extrait à une époque indéterminée (sans doute pendant la Révolution ou le Premier Empire), pour réapparaître en 1836 entre les mains d'un collectionneur picard, puis retomber dans l'oubli jusqu'en 1991, date à laquelle il fut mis en vente et achetée par un particulier. Ce document fut remis en vente par un collectionneur américain en 2004, et acquis par la société Aristophil : c’est en 2018 que la société de ventes Aguttes, désignée pour procéder à la vente des collections de la société Aristophil liquidée en 2015, remit sur le marché ce document exceptionnel.
    Il s’agit en effet de la pièce originale la plus ancienne du chartrier de l'abbaye de Corbie fondée au VIIe siècle : au-delà des frontières départementales, régionales et nationales, cette charte intéresse de facto l’histoire de l’Europe. Très peu de chartes antérieures au Xe siècle ont été conservées jusqu'à nos jours.
    Jusqu’à l’acquisition de cette charte, le plus ancien document conservé aux Archives départementales de la Somme était une charte de 1064, provenant également du fonds de l'abbaye de Corbie (fonds 9H), mais d’un intérêt plus local.
    Ce document remarquable à tous égards a donc été acquis pour la somme de 104 000 €, grâce à une subvention de 50 000 € accordée par le Service interministériel des Archives de France.
  • Fonds photographique de Paul Louis (2022)
    Une double subvention du fonds du patrimoine et du SIAF a été accordée pour l’acquisition de ce corpus exceptionnel de plus de 300 000 vues produit par un photoreporter établi à Nice, qui photographia les Alpes-Maritimes et la Côte-d’Azur des années 1930 aux années 1980, couvrant la plupart des manifestations publiques (festival de Cannes et Juan-les-Pins, carnaval de Nice) mais aussi épreuves sportives, festivals folkloriques ou encore scènes de la vie quotidienne.
    Cet ensemble vient compléter le fonds d’un autre photographe niçois connu, Vincent Gargano, actif dans les années 1950-70 et également conservé aux Archives départementales des Alpes-Maritimes.
    Le montant total de la subvention s’est monté à 200.000 € sur un total de 250.000 €.

Procédure de subvention

Demande d’une collectivité auprès du Service interministériel des Archives de France : Service interministériel des Archives de France, Sous-direction de la collecte, de la conservation et de l'archivage électronique, Bureau de la protection du patrimoine archivistique 182 rue Saint-Honoré, 75033 PARIS Cedex 01

Éléments à fournir

  • une lettre de demande de subvention signée par le responsable de l’exécutif territorial ou son représentant (sans indication du montant de subvention sollicité)
  • une fiche descriptive :
    1. Intitulé du fonds ou du document
    2. Description
    3. Métrage linéaire (ou dimensions, ou nombre de bobines etc., en fonction du type de documents)
    4. Provenance
    5. Vendeur(s)
    6. Importance pour le patrimoine local
    7. Le fonds [ou le(s) document(s)] a-t-il déjà été exploité ? Est-il inédit ?
    8. Fonds du service d’archives complété par l’achat envisagé
    9. Prix demandé par le(s) vendeur(s)
    10. Avis sur ce prix
    11. Nom et titre du rédacteur de ce rapport
  • un relevé d’identité bancaire
  • le numéro de SIRET
  •  la facture d’achat

Une délibération de l'exécutif entérinant le projet de demande de subvention n'est pas nécessaire.

Calendrier de réalisation

Il est toujours préférable d’informer au préalable le Bureau de la protection du patrimoine archivistique (BPPA) de tout projet de demande de subvention, afin qu’il puisse vérifier la disponibilité des crédits.
Après transmission aux services financiers, en cas d’accord, une notification est ensuite adressée par le SIAF à la collectivité.

Procédure de préemption

Institué par l’article 37 de la loi de finances du 31 décembre 1921, le droit de préemption est un droit régalien, qui permet à l’État de se substituer en vente publique à l’adjudicataire dans ses droits et obligations.
Ce droit s’applique à l’ensemble des biens culturels, y compris les trésors nationaux (archives classées archives historiques ou archives interdites d’exportation) et à tous les types de ventes aux enchères publiques (ventes aux enchères ordinaires, judiciaires, de gré à gré) ;
Il faut souligner que, du fait de son caractère exceptionnel, ce droit ne doit être appliqué qu’avec pondération, et ne viser que des biens présentant un intérêt patrimonial majeur – sans corrélation toutefois avec la valeur vénale.

Il ne s’agit donc nullement d’une confiscation ni d’une spoliation, puisque l’État se conforme aux mêmes obligations financières que celles faites aux acheteurs privés, vis-à-vis du vendeur comme du mandataire le cas échéant (société de vente).

La formule "magique"

Pour l’achat de documents d’archives, ce droit de préemption est exercé en vertu des articles L.123-1 à 4 du code du patrimoine par un agent de l’État, au nom de l’État ou pour le compte d’une collectivité publique.

Une collectivité souhaitant exercer ce droit doit donc au préalable en demander l’autorisation au Service interministériel des archives de France, ou solliciter l’exercice du droit de préemption à son profit par l’État, en précisant : les date et lieu de la vente, le(s) lot(s) souhaité(s), le budget mobilisé et la motivation de la préemption.
Lors de la vente, la préemption s’exprime à la fin de l’enchère, après la prononciation explicite de l’adjudication, via la formule : "sous réserve de l’exercice du droit de préemption de l’État, au bénéfice des archives de [...]". La confirmation de la préemption doit ensuite être adressée sous quinze jours par lettre recommandée à la société organisatrice de la vente. En cas de préemption sur des biens déclarés non adjugés, en vente de gré à gré, le même délai de quinze jours pour la confirmation est valide. Une préemption ne doit pas être annoncée à l’avance, ni être réalisée sous "bénéfice d’inventaire".

Quand l’autorisation de préemption est délivrée par le SIAF, la confirmation de la préemption est également faite par le SIAF (BPPA).

La pratique des ventes en ligne s'étant particulièrement dévelopée depuis 2020, du fait des mesures restrictives liées à la situation sanitaire, il convient de rappeler que le code du patrimoine  (art. R 123- 1 à 8) permet la pratique de l'exercice du droit de préemption lors des ventes organisées "on line" - ventes totalement dématérialisées.

La procédure à suivre est précisée par l'article R. 123-7 du code du patrimoine. Cependant, des procédures parfois différentes étant susceptibles d'exister chez certains opérateurs, il demeure préférable de prendre contact avec le SIAF (BPPA) avant toute intervention auprès de l'opérateur.

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