Notice d'autorité : Musée du Louvre. Atelier de restauration des peintures (1935-1965)

Autres noms :

  • Atelier de restauration des peintures des musées nationaux
  • Atelier de restauration des peintures du Louvre

Lieu :

Lieu de Paris

  • Louvre (palais du) (edifice)
  • Musée du Louvre (nomLieu)

Fonctions :

  • arts

    (restauration d'oeuvres d'art)

Statuts juridiques :

établissement public à caractère administratif

Histoire :

Avant l’atelier : une prise de conscience autour de la restauration

Dans la première moitié du XXe siècle, une prise de conscience des impératifs de conservation et de restauration des œuvres se fait jour, couplée à un développement des outils et techniques scientifiques. L’apport scientifique dans le domaine pictural est déterminant – principalement grâce à la radiographie et la photographie – celui-ci offrant de nouveaux outils et méthodes d’observation et de traitement des œuvres. La création d’organisations, comme l’Office International des Musées (OIM) en 1926 qui a vocation à gérer les institutions muséales au niveau mondial, atteste de cet intérêt nouveau porté à la restauration et les réflexions sur ce sujet. L'office permet et encourage le partage des connaissances entre les institutions, par le biais d’échanges, de rencontres et d’écrits. Plus largement, la dynamique qui anime le milieu muséal en ce début de siècle s’intéresse non seulement à la restauration, mais également aux facteurs ayant causé des dommages aux peintures et comment ces dommages peuvent être prévenus et réparés. Par ailleurs, la Première Guerre Mondiale et les destructions engendrées par celle-ci ont contribué à cette prise de conscience de la valeur des objets patrimoniaux et de l’importance de leur préservation.

Avant 1935, date de création de l’atelier, la restauration des peintures au Louvre ne dispose pas de service ni d’institution dédiée à cette activité, et le manque d’archives relatives à cette période ne permet guère de connaître avec précision son fonctionnement. Si la situation semble s’améliorer à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, avec la présence au Louvre de quelques restaurateurs, leurs statuts et missions sont peu documentés. Il semble qu’entre les années 1919 et 1935, un faible nombre d’œuvres ait bénéficié d’une restauration, d’autant plus que le Louvre n’a pas instauré de plan d’entretien des œuvres et intervient généralement dans l’urgence. En outre, au début du XXe siècle, le métier de la restauration est encore artisanal et ses pratiques et méthodes ne sont pas toujours connues. Les restaurateurs, qui disposent de leur atelier en dehors du Louvre, ne sont pas considérés comme étant des employés du musée et en sont donc indépendants ; néanmoins, certains restaurateurs sont attachés au musée, tels que Eugène Denizard, Lucien Aubert et Jean-Gabriel Goulinat. Les faibles moyens accordés aux musées nationaux, moyens certes stabilisés depuis les années 1890 – hors période de guerre –, n’ont pas permis d’entreprendre des campagnes de restauration et les travaux en la matière portaient principalement sur des restaurations de la couche picturale. L’activité semble chuter dans les années 1920 et les fonds d’archives lacunaires ne permettent pas d’en étudier la dimension jusqu’aux années 1935.

En outre, dans les premières années suivant la création de l’atelier (et même avant), l’opinion acquiert une certaine importance et doit être prise en compte par les conservateurs et restaurateurs. Les nouveaux principes et nouvelles pratiques de restauration, qui commencent à être appliqués dans les années 1930-1940, provoquent des contestations et controverses. Le nettoyage des peintures se trouve au centre des pratiques et des réflexions des professionnels et suscite également des interrogations et des polémiques pouvant être médiatisées. L’ampleur et la violence de la controverse de 1935 relative à l’allègement de vernis du Portrait de jeune homme de Rembrandt par Jean-Gabriel Goulinat en est l’exemple le plus marquant.

La création d’un atelier et d’un laboratoire de recherche et de restauration au Louvre

La prise de conscience du début du siècle se manifeste au Louvre par l’action de plusieurs personnages sensibilisés aux apports scientifiques et à la modernisation du musée. Henri Verne, qui devient directeur des musées nationaux en 1925, engage un plan de réaménagement et de réforme du Louvre et encourage la création d’un laboratoire informel d’essai en 1927, avant la formation en 1931 de l’Institut Mainini, un laboratoire d’étude scientifique des œuvres créé avec le concours du musée, qui devient en 1935 le laboratoire d’étude scientifique du musée du Louvre. Dans un même temps, la filière de la conservation-restauration connaît un renouveau à partir des années 1930 sous l’impulsion de Jean-Gabriel Goulinat, Jean-François Cellerier, Jacques Jaujard ou encore René Huyghes et Germain Bazin, qui sont conscients de l’intérêt d’adopter une nouvelle approche et une nouvelle politique en matière de restauration. Une politique de changement, de concert avec le plan Verne, se met en place au sein du département des peintures. L’apport de financements aux différents plans engagés au Louvre, notamment des plans de redressement économique initiés entre les années 1929 et 1938 (comme le plan Marquet), permettent de soutenir les ambitions en matière de restauration.

En parallèle de la création du laboratoire, est fondé en 1935 l’atelier de restauration du Louvre. Avant cette date, il n’existait pas de service organisé pour la restauration des œuvres picturales du musée et la question de la formation des restaurateurs se posait. La formation de ceux-ci tend à se professionnaliser et l’on commence à envisager dans les années 1930-1940 la création de formations et d'écoles spécialisées en la matière. Si ces formations ne voient pas le jour avant plusieurs décennies, l’entrée au sein de l’atelier de restauration, dont l’équipe se compose de sept restaurateurs agréés, se décide lors d’un concours organisé en 1935. Celui-ci comprend des épreuves théoriques et pratiques ; les reçus sont des peintres exerçant dans leur atelier ainsi qu’au Louvre en tant que restaurateurs, activité rémunérée en fonction des mémoires et devis qu'ils établissent. L’atelier est encadré par un « chef d’atelier » aux fonctions jugées honorifiques – poste occupé par Jean-Gabriel Goulinat – qui, avec le conservateur, pilotait le service et assure plusieurs missions d’ordre organisationnel et matériel (répartition du travail, recrutement, représentation de l’Atelier, etc.). Les restaurateurs travaillent aux côtés d’autres professionnels de la restauration, comme les rentoileurs, chargés du support des œuvres.

La structuration de l’atelier

Durant les années 1935-1940, la restauration des œuvres de l’atelier s’organise, notamment grâce à la rationalisation des commissions de restauration, qui travaillent en collaboration avec l’atelier. Le contexte de réforme engagé par Henri Verne dans le milieu de la restauration a été de pair avec la médiatisation et le partage des connaissances et techniques de restauration entre les institutions, la création du laboratoire mais également la refonte de la commission de restauration, quoique ces nouveautés n’aient pas été exemptes de critiques et controverses. La commission, réorganisée maintes fois dans les années 1930, indique une volonté de légitimer et documenter ses activités, qui sont exécutives et appréciatives. Cette dernière est composée généralement de spécialistes de la restauration, elle s’est dotée d’un règlement et évolue jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour n’être plus composée que de 14 membres tous spécialistes de la restauration.

Les activités de l’atelier sont marquées par l’arrivée de René Huyghes et Germain Bazin en 1936 et 1937 au département des peintures. Un « élan » est donné dans l’atelier, et les campagnes débutent ces mêmes années. Elles permettent de répertorier les tableaux. Environ 600 œuvres sont restaurées, l’activité est soutenue et est principalement destinées aux tableaux du Louvre ; une partie de ces peintures était, semble-t-il, en attente de « sauvetage ». La majorité des œuvres restaurées par l’atelier proviennent du Louvre entre 1935 et 1950, répondant avant tout au besoin de restaurer et d’entretenir les collections de ce musée. Le plan de restauration comprend le nettoyage et la remise en état régulière des œuvres par les restaurateurs, et intégre également des problématiques de conservation préventive et d’évacuation. Les activités de l’atelier concernent principalement la restauration de la couche picturale et l’allègement des vernis, mais elles portent également sur les supports, qui bénéficient aussi des nouvelles méthodes et pratiques de traitement et de restauration. Le plan Verne, suivi d’une réorganisation du département des peintures, permet de mettre en place à l’atelier une restauration systématique des œuvres et assure une hausse exceptionnelle des crédits entre 1936 et 1950.

Le fonctionnement de l’atelier est néanmoins impacté par la Seconde Guerre Mondiale. Dès les années 1930, notamment en raison du contexte politique européen assez instable, Henri Verne manifeste son souci de préserver les œuvres et de prévoir des plans d’évacuation et de protection du Louvre. Dès 1939, les œuvres sont réparties sur plusieurs sites dont une partie est évacuée et dispersée dans des châteaux (notamment La Pelice, Sourches et Montauban) qui font office de dépôts de défense passive, et dans lesquels des ateliers peuvent être installés afin que les restaurateurs poursuivent leurs opérations, malgré le manque de matière première et l’instabilité politique. Il faut s’affranchir de la commission de restauration qui ne peut se réunir durant la guerre, de même que la documentation des travaux qui a été peu enrichie.

De l’Atelier de restauration au service de Restauration des peintures des musées nationaux (SRPMN)

Dans les années 1950, le Louvre poursuit sa politique d’innovation et d’expérimentation, deux axes de recherche qui sont de mieux en mieux renseignées. Germain Bazin succéde à René Huygues en 1951 à la tête du département des peintures. L’efficacité de l’atelier est assurée grâce aux moyens qui lui sont accordés, à la tenue de plusieurs commissions par an ainsi qu’au zèle de Germain Bazin, qui continue la politique initiée par son prédécesseur et travaille en étroite collaboration avec le chef de l’atelier. La localisation exacte et sur le long terme de l’atelier n’est pas toujours bien connue ; en effet, celui-ci change régulièrement de locaux, qui sont visiblement situés au sein du Louvre ou à proximité de ce dernier.

Les travaux de restauration tendent à être mieux documentés à partir des années 1930, grâce à la création de dossiers relatifs aux tableaux et leurs restaurations, ainsi que l’apparition vers 1937 d’une documentation propre aux activités de l’atelier. Cette dernière émane des restaurateurs et des conservateurs et comporte comme des fiches et rapports relatifs aux tableaux, aux méthodes employées et aux dégradations subies. L’arrivée en 1950 de Gilberte Émile-Mâle contribue à ce mouvement : placée auprès de Germain Bazin, elle est notamment chargée dans les années 1950 de faire des recherches et de mettre en place une documentation sur la gestion scientifique des travaux de restauration, par la création de dossiers et fiches relatives aux œuvres et leurs interventions. La démarche initiée par Germain Bazin permet donc de créer une documentation courante pour les conservateurs et restaurateurs dans le cadre de leurs fonctions, qui deviendra par la suite pérenne et à visée historique. Les restaurateurs doivent également assurer la rédaction de rapports de restauration et les procès-verbaux de la commission y sont ajoutés. Les rapports, notes et examens produits par ceux-ci à partir des années 1935, qui se font de plus en plus nombreux, attestent de cette évolution des pratiques. Cette documentation comprend 16 500 dossiers de tableaux et 100 000 clichés.

L’atelier de restauration disparait en 1966 lors de la création du Service de restauration des peintures des musées nationaux (SRPMN).

Sources :

  • Archives nationales. Versement 20210240 : fonds de l'Atelier de restauration (1934-1993)
  • BERGEON-LANGLE (Ségolène). « Gilberte Émile-Mâle et la restauration des peintures », dans ÉMILE-MÂLE, Gilberte. Pour une histoire de la restauration des peintures en France. Paris, INP, 2008
  • BOTLAN (Magali). Germain Bazin et la restauration des peintures, 1937-1965. Mémoire, École du Louvre, 2002
  • BRESC-BAUTIER (Geneviève) (dir.). Histoire du Louvre. Dictionnaire thématique et culturel, vol. 3. Paris, Fayard, 2016
  • CABILLIC-QUARDON (Isabelle). Jean-Gabriel Goulinat, chef de l’atelier de restauration des peintures des musées nationaux, 1935-1971. Mémoire de master 2 en histoire de l’art et archéologie, Université Paris IV, 2006
  • Centre de recherche et de restauration des musées de France, « Laboratoire de recherche des musées de France »
  • Centre de recherche et de restauration des musées de France, « Service de restauration des musées de France »
  • GOULINAT (Jean-Gabriel). « L’apport des procédés scientifiques dans la restauration des peintures ». Mouséion, vol. 15, 1931, p. 47-53
  • LE CREFF (Sabine). Conservation et restauration des tableaux du Louvre de 1939 à 1946. I/ Mesures de protection des tableaux dans le contexte de la guerre et de l’Occupation. Mémoire de muséologie, École du Louvre, 2001
  • PELVET (Fanny). La restauration des peintures au Louvre avant la création de l’atelier dirigé par Jean-Gabriel Goulinat, d’après la comptabilité des Musées Nationaux (1901-1935). Mémoire d’étude (1ère année, 2e cycle), École du Louvre, 2013
  • SUÁREZ SAN PABLO (Fernando). L’Atelier de restauration des peintures des Musées Nationaux (1935-1950). Mémoire de recherche en histoire de l’art appliquée aux collections (2e année, 2e cycle), École du Louvre, 2013
  • SUÁREZ SAN PABLO (Fernando). « La politique de restauration des peintures des musées nationaux (1930-1950) ». Les Cahiers de l’École du Louvre [En ligne], 7 | 2015
  • VINQUANT (Pierre-Alban). L’affaire du Titus. De la polémique suscitée par l’allègement de vernis à la remise en cause de l’attribution du Portrait de jeune homme à Rembrandt. Mémoire en recherche appliquée (2e année, 2e cycle), École du Louvre, 2005
  • VOLLE (Nathalie), LAUWICK (Béatrice) et CABILLIC (Isabelle) (dir.). Dictionnaire historique des restaurateurs. Tableaux et œuvres sur papier. Paris, 1750-1950. Paris, Mare & Martin, 2020

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FRAN_NP_052994

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