Document d'archives : Fonds Raoul Cohen-Addad

Contenu :

Réalisé par Marie Chominot (post-doctorante en histoire), sous la responsabilité d’Anne-Marie Pathé (responsable des archives de l’IHTP) et grâce au soutien de l’United States Holocaust Memorial Museum à Washington.

Cote :

CNRS IHTP ARC 131 / 1-28

Inventaire d'archives :

Série principale

Informations sur le producteur :

Cohen-Addad, Raoul (1916-2003)
Raoul Cohen-Addad est né en 1916 aux Attafs (département d’Alger, Algérie) dans une famille de commerçants juifs. Prénommé Ishaque Isaac, il est très tôt désigné par son troisième prénom, Raoul, utilisé comme prénom d’usage. Après des études primaires supérieures, il entre dans l’administration en 1937, au service des contributions. Il y fera une carrière de trente années, du grade de commis à celui d’inspecteur central des impôts. Le jeune fonctionnaire va être touché de plein fouet par la Seconde Guerre mondiale. Au retour de son service militaire, interrompu par l’armistice et l’occupation d’une partie de la France par les Allemands, Raoul Cohen-Addad se voit exclu de la fonction publique en application de la loi du 3 octobre 1940 instaurant un « statut des Juifs ». La famille est alors victime des lois raciales d’exclusion et tente de développer des stratégies de contournement (recherche d’un emploi subalterne, reconnaissance d’un statut d’exception à la loi du 3 octobre 1940, conservation de la citoyenneté française). Exclu de la communauté nationale par les lois de Vichy, le jeune Raoul Cohen-Addad participe, avec un certain nombre de camarades, Juifs pour la plupart, dans le cadre du groupe de la salle Géo Gras (une salle de sport du centre d’Alger qui sert de couverture et de lieu d’entraînement), à des activités de Résistance visant à permettre et à faciliter le débarquement allié en Afrique du Nord. Il prend part, dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942, aux opérations des patriotes qui neutralisent, dans la ville d’Alger, les forces armées et de police vichystes, laissant la voie libre aux Alliés. Il fait alors partie du groupe du capitaine Pilafort qui neutralise l’état-major du 19e corps d’armée. Mobilisé en tant que réserviste lors du rappel collectif sous les drapeaux de décembre 1942, Raoul Cohen-Addad est, comme tous les militaires juifs depuis un décret de mars 1941, maintenu à l’écart de l’armée d’active et affecté à une compagnie de Pionniers Israélites (202e compagnie de Pionniers du 1er Zouaves) cantonnée dans un des camps qui leur furent réservés. Enfermé au camp d’El Méridj - camp de toile, dans le sud du département de Constantine, près de la frontière tunisienne - de décembre 1942 à juin 1943, il est soumis au travail forcé et à des conditions de vie et d’hygiène précaires. Le régime de Vichy perdure en effet en Algérie après le débarquement allié et les lois d’exception raciales ne sont totalement abolies qu’en octobre 1943. Une fois libéré, Raoul Cohen-Addad rejoint l’armée mais ne parvient pas à se faire accepter comme volontaire pour le front, en partance pour la campagne de France, pour des raisons médicales. Il demeure donc à Alger jusqu’à sa démobilisation en août 1945. Raoul Cohen-Addad retrouve alors sa place dans l’administration, dans laquelle il a été réintégré en vertu de l’ordonnance du 4 juillet 1943. Il est alors, depuis le mois de janvier 1945, secrétaire de l’association de la Libération française du 8 novembre 1942 (créée en septembre 1943), qui tente de regrouper les acteurs algériens, mais aussi tunisiens et marocains, des événements du 8 novembre et cherche à se faire reconnaître comme un véritable réseau de Résistance (au même titre que les FFC, les FFI ou les RIF) auprès des pouvoirs publics métropolitains, qui l’assimilent à une simple amicale. L’homologation ayant définitivement échoué en 1948, c’est la reconnaissance même d’une « Résistance nord-africaine » qui est en cause et les membres de l’association (qui se donnent entre eux le titre non officiel de « compagnon du 8 novembre ») sont contraints de faire des demandes individuelles de reconnaissance du statut de combattant volontaire de la Résistance (CVR). Raoul Cohen-Addad est secrétaire général de l’association de janvier 1945 à février 1946, de telle sorte que les archives sur cette période, très active d’un point de vue politique, sont nombreuses. L’association adhère aux thèses du Conseil National de la Résistance (CNR) et, en avril 1945, au groupement de la France Combattante, qui, pour les élections municipales de l’été 1945, présente une liste commune « d’union démocratique et anti-fasciste ». A Alger, Raoul Cohen-Addad est candidat au nom de l’association de la Libération Française du 8 novembre 1942. Bien que son élection soit invalidée, avec d’autres, en novembre 1945, il occupe les fonctions de conseiller municipal jusqu’en janvier 1947, date à laquelle il doit quitter son mandat électif, suite aux procédures d’annulation. C’est pour lui l’occasion d’avoir une activité de terrain, sous le mandat du général Tubert, maire d’Alger, et de participer aux activités de la commission des Finances, des Taxes et de la Régie municipales. Raoul Cohen-Addad étant démissionnaire du poste de secrétaire général de l’association de la Libération Française du 8 novembre 1942 en février 1946, son fonds est quasiment muet sur l’activité de l’association au-delà de cette date, jusqu’à la fin des années 1940 où l’association entre dans une phase de léthargie profonde, sauf en ce qui concerne sa section parisienne (qui regroupe les acteurs du 8 novembre 1942 en Algérie qui ont, depuis, rejoint la métropole). L’association sort de son sommeil en 1955, à l’initiative notamment de Raoul Cohen-Addad qui reprend le flambeau de secrétaire général en mai et met son temps, son énergie et parfois son argent au service d’un groupement qui, contrairement aux premières années de son existence, ressemble désormais plus à une amicale d’anciens combattants, soucieuse de maintenir le lien entre ses membres (projet de bulletin de liaison en 1957), mais aussi et surtout d’assurer chaque année la commémoration de l’événement fondateur, et de le pérenniser, particulièrement, par l’érection d’un monument commémoratif. Ce dernier, dont le projet est lancé en 1955 et la maquette inaugurée le 8 novembre de cette année par Jacques Soustelle, ne verra finalement jamais le jour, faute de financement suffisant et à cause de l’incurie des membres de l’association, qui est en perpétuel état de dysfonctionnement à partir de 1957. Dans les années 1950, Raoul Cohen-Addad mène de front plusieurs combats, personnels et collectifs, dont ses archives portent témoignage. Il entre en 1953 dans une lutte très dure avec son administration de tutelle, à propos de son déroulé de carrière, de l’avancement et des réparations du préjudice subi pendant la Seconde Guerre mondiale. Réintégré dans l’administration au rang et grade précédents son éviction, Raoul Cohen-Addad n’a pas participé, dans les années qui ont immédiatement suivi le conflit, aux concours spéciaux organisés pour réparer les préjudices subis par les victimes de la guerre et des lois raciales et leur assurer un avancement bridé par la guerre. Il connaît alors une période de très mauvaise santé, tant physique que mentale (un médecin diagnostique une psychose carcérale), conséquence de son séjour au camp d’El Méridj et des événements traumatiques de la guerre. Cet empêchement prolongé, qui le tient à l’écart de sa carrière et l’empêche d’œuvrer activement pour son avancement, n’est cependant pas pris en compte par l’administration. Pendant plus de 30 ans (de 1953 à 1976), Raoul Cohen-Addad multiplie les recours administratifs et judiciaires envers son administration de tutelle, pour faire reconnaître ses droits et les abus de pouvoir, quasiment sans jamais obtenir satisfaction et en ruinant de la sorte sa carrière (il subit un blâme en 1955), produisant des tensions importantes avec sa hiérarchie et ses collègues. Dans les années 1950, il met également, en dehors de cette bataille avec l’administration, son énergie procédurière au service collectif des membres de son association : il multiplie les dossiers et démarches auprès du ministère et de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre afin d’obtenir pour les « compagnons du 8 novembre » des décorations, mais aussi et surtout la reconnaissance du statut de combattant volontaire de la Résistance (CVR), statut d’autant plus convoité qu’il permet de revendiquer des bonifications d’ancienneté réservées, par une loi de septembre 1951, aux fonctionnaires anciens résistants. Dans les années 1955-1960, l’association cherche, par une activité de lobbying encore timide et désorganisée, à obtenir qu’une loi étende à l’Algérie les bénéfices de la loi de 1951 (ce qui ne sera effectif qu’en mai 1957), avant de mener une bataille pour que le statut de CVR soit délivré aux anciens résistants d’Algérie, au même titre qu’à ceux de la métropole. La Commission algérienne chargée de statuer sur les demandes, prévue par un décret de 1952, ne rend ses décisions qu’en 1962. Les courriers échangés lors de ces démarches pointent la réticence nationale à la reconnaissance d’une effective et précoce Résistance en Afrique du Nord, mais aussi le sentiment de relégation de la colonie par rapport à la métropole. La guerre d’Algérie n’apparaît qu’assez peu dans le fonds Cohen-Addad (si l’on excepte les quelques documents récoltés par Raoul Cohen-Addad et regroupés dans le dossier 25). Elle n’est directement présente qu’en filigrane, au détour de quelques courriers (annonce de l’assassinat de certains compagnons, récit de la peur des attentats, échos des journées de mai 1958 ou de janvier 1960), mais les événements qui secouent alors la France et sa colonie bouleversent indirectement le fonctionnement de l’association. En tant qu’association d’anciens combattants, elle est un instrument prisé par l’armée qui compte sur les anciens militaires pour soutenir ses mots d’ordre d’intégration et de fraternisation. Débordée par certains de ses membres, théoriciens et partisans d’une ligne dure « Algérie française », voire ouvertement activistes, l’association de la Libération Française du 8 novembre 1942, se retrouve à plusieurs reprises (en 1956, 1958, 1960), en porte à faux par rapport à la situation. Elle se retrouve alors contrainte de voter, en assemblée générale, des motions de neutralité par rapport aux événements et à la sphère politique, dégageant sa responsabilité des actes commis en leur nom par certains de ses membres, proches des activistes anti-terroristes en 1956 ou des insurgés des Barricades en janvier 1960. Minée par des dissensions internes et un dysfonctionnement chronique (trésorerie bloquée, absence de réunions, d’assemblées générales), l’association plonge dans la crise ouverte à partir de mai 1958, à la faveur de tentatives de « coups d’état ». Raoul Cohen-Addad se retire progressivement d’une association qui a survécu aux convulsions contemporaines de la guerre d’Algérie, comme le prouvent les archives des années 1970-2003 (jusqu’à sa mort), conservées par un homme qui ne fait plus partie de l’appareil de l’association, mais en est un membre comme un autre, se tenant de plus en plus éloigné de ses activités, ne participant même plus aux assemblées générales et aux cérémonies organisées chaque année en novembre, mais qui continue à amasser de la documentation historique sur le sort des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale et la Résistance en Afrique du Nord.

Informations sur l'acquisition :

Les archives personnelles de Raoul Cohen-Addad ont été données à l’IHTP à la fin de l’année 2007 par sa fille Nicole Cohen-Addad. Cette dernière a également joint à ce versement une partie de la bibliothèque de son père, à savoir une centaine d’ouvrages et environ trente titres de revues, principalement en relation avec la Seconde Guerre mondiale et tout particulièrement avec les événements qui se sont déroulés en Algérie. La majorité de cette documentation a été intégrée dans la collection des ouvrages et des périodiques de la bibliothèque permettant ainsi de combler des lacunes ou de remplacer des exemplaires en mauvais état (la liste est consultable dans le premier carton du fonds). Les titres en double ont été conservés dans un carton particulier.

Description :

Mise en forme :
On a opté pour un classement chronologique des documents à l’intérieur de chacun des dossiers
Dossiers 1 à 6 : PAPIERS PERSONNELS
Dossier 7 A et B : PHOTOGRAPHIES, DOSSIER GEORGES PITSCH
Dossiers 8 à 9 D : PROCÉDURES JUDICIAIRES MENÉES PAR RAOUL COHEN-ADDAD POUR OBTENIR RÉPARATION DE PRÉJUDICES DE CARRIÈRE (1950-1976)
Dossier 10 : ACTIVITÉ ASSOCIATIVE, FORR/AFN (1947-1949).
Dossiers 11 à 23 : ASSOCIATION DE LA LIBÉRATION FRANCAISE DU 8 NOVEMBRE 1942 (1943-2003).
Dossiers 24 à 28 B : DOCUMENTS ET DOCUMENTATION RASSEMBLÉS PAR RAOUL COHEN-ADDAD (1940-1994), PRESSE.

Conditions d'accès :

Le don des archives de Raoul Cohen-Addad a fait l’objet d’une convention, signée le 28 juillet 2008 et passée entre la donatrice, Nicole Cohen-Addad, et le CNRS, dans laquelle est stipulé, entre autres, que toute consultation doit faire l’objet d’une demande d’autorisation préalable.

Ressources complémentaires :

Témoignages écrits complémentaires conservés à l’IHTP :
CNRS IHTP ARC 009 - Mario Faivre : « Notes à propos de 1944 ».
CNRS IHTP ARC 010 - Pierre Raynaud : « Témoignage et récit pour Mario Faivre. Alger : 8 novembre 1942 - 18 janvier 1943 ».
CNRS IHTP ARC 011 - Bernard Pauphilet : « Compte rendu sur l’activité de Bernard Pauphilet dans la préparation et l’exécution du débarquement ainsi que dans les événements postérieurs jusqu’à la date de l’exécution de l’Amiral Darlan ».

Où consulter le document :

Humathèque Condorcet - Service des archives

Liens