Document d'archives : Rachid Taha et le Truc(k) à Vénissieux

Date : 1989 - 1989

Contenu :

Rushes de tournage.

Fiche technique :

- Interview par Ahmed Boubeker.

- Images : Samir Abdallah.

- Son : Mohamed Chekkoumy.

Cet entretien avec Rachid Taha, chanteur du groupe lyonnais Carte de Séjour, a été tourné pour le reportage Le Truc(k), diffusé le 5 février 1989 sur FR3 dans le cadre de l'émission Rencontres, co-produite par l'agence IM'média.

En 1988, la municipalité de Vénissieux (Rhône) ouvre le Truck, une salle de concert dans une ancienne usine, succursale de Renault véhicules industriels (RVI).

La salle est gérée par Jean-Pierre Pommier, un des principaux producteurs de rock sur la scène lyonnaise, qui est aussi responsable du West Side. Ce club avait organisé le 29 septembre 1985 une nuit sur le bateau "Frédéric Mistral" quai de la Pêcherie à Lyon, au cours de laquelle Nordine Mechta est tué par trois videurs assurant le service d'ordre, suite à une altercation avec quelqu'un qui a essayé d'entrer sans payer.

Rachid Taha a participé aux côtés de la famille et des JALB (Jeunes Arabes Lyon et Banlieue) à la mobilisation contre ce meurtre à caractère raciste, qui a débouché en mai 1988 sur la condamnation des videurs à des peines allant de cinq à douze ans de prison ferme. Pour autant, le chanteur du groupe Carte de Séjour n'oublie pas la responsabilité morale de leur patron, et questionne le recours même à des videurs.

Extraits de l'entretien avec Rachid Taha, recueilli dans la salle associative qu'il co-anime avec le groupe sur les pentes de la Croix Rousse à Lyon :

• Ahmed Boubeker : "Rachid, on ne t'a jamais vu dans la nouvelle salle de rock Le Truck à Vénissieux, pourquoi ?".

• Rachid Taha : "Le programme ne m'intéresse pas trop, et tout d'abord, les personnes qui s'occupent de cette salle - je ne veux pas donner de noms - ont une histoire qui me rappelle de tristes moments... C'est un peu trop facile de se refaire une identité, de créer des salles comme ça et de vouloir attirer des jeunes par la musique, le rock. Je n'ai pas envie de cautionner ce genre de choses. J'ai une mémoire... donc en mémoire de Nordine Mechta, je me répète parce qu'il y a pas mal de gens qui ont oublié cette histoire, comme pas mal d'histoires, d'ailleurs.".

• A.B. : "A propos de la fréquentation du Truck, il semble que le mélange des publics ne se fait pas, est-ce un pari raté ? ".

• R. T. : "Le mélange n'est pas un jeu de hasard, on ne fait pas des paris ! Le mélange c'est toute une culture, et il y a tout un travail à faire. Ici, la nuit il n'y a rien, comparé à Barcelone, Berlin ou Paris... C'est dans la mentalité lyonnaise. Je n'ai jamais vu de mélange à Lyon, par exemple dans les bars. Nous on a essayé ici dans notre propre salle. Il y a comme une intolérance réciproque... due à la politique très conservatrice de cette ville... Il y a aussi la question du prix d'entrée. Nous on a essayé de faire des prix pas chers pour permettre à tout le monde de venir. Problèmes de logement, de travail. Les gens ne sortent pas, ils n'en ont pas les moyens. Il faut répondre aux besoins des gens de Vénissieux, leur demander. On se plaint qu'il n'y a pas assez de monde mais on ne leur a pas demandé leur avis. Il ne suffit pas de répondre à quelques élites ou branchés lyonnais... Les gens qui viennent au Truck ne savent eux-mêmes pas comment c'est Vénissieux, ils ne font que passer... Pour s'encanailler ? Pourquoi pas...".

" Les videurs, alors là pour le coup ils sont bien mélangés : Yougoslaves, Antillais, Arabes, Français... C'est la beaufmania : les beaufs de toutes origines ont la même mentalité! Il n'y a pas de videurs diplomates. Il faut mettre des gens qui ont le sens de l'accueil. Nous, on n'a jamais mis de videurs... même s'il y a eu quelques personnes venues foutre la merde... C'est le patron qui est responsable du videur, qui donne les consignes...".