Document d'archives : Marcel Gaillard : la Résistance dans le Cantal (seconde partie). / Vincent Flauraud : enquêteur. Marcel Gaillard : informateur....

Titre :

Marcel Gaillard : la Résistance dans le Cantal (seconde partie). / Vincent Flauraud : enquêteur. Marcel Gaillard : informateur. septembre 1987

Contenu :

Présentation du contenu
Il s'agit d'une copie de cassette 8 mm.
Le tournage a été réalisé à Aurillac, chez M. Marcel Gaillard, rue du Pré Mongeal.
INTERVIEW MARCEL GAILLARD REALISE PAR V. FLAURAUD SEPTEMBRE 1987 (7AV 25-2) :
[...] la Luzette a été un des terrains de parachutages qui a reçu... au moins les deux tiers des parachutages en France parce que quand la résistance, c'était bien ça aussi il n'y avait pas que des purs, quand... ils avaient une heure d'autonomie pour venir d'Angleterre, déposer... décharger et repartir alors les types, ils préféraient partir à vide que recharger parce que... au début d'ailleurs, il y a eu pas mal de types qui sont pas arrivés en Angleterre, qui sont morts, qui sont tombés en mer et alors... le... qu'est-ce que c'est que... ah oui quand le type arrivait sur un terrain à Albi, à Castres, à je sais pas où il allait et qu'il ne trouvait pas l'équipe ou qu'il reconnaissait pas le terrain, il le déchargeait à la Luzette, nous avions une onde qui le prenait à 250 km et alors lui il le savait le gars qui venait alors il s'amenait et.... pouf il lâchait tout, alors là il y avait une équipe jour et nuit."
INT : Qui était le radio de la Luzette?
"Jean, il s'appelait, il y en avait deux radios à la Luzette ; il y en avait un, que j'ai revu il y a pas longtemps, c'était lui qui l'avait installé d'ailleurs, qui est à Nice maintenant et qui s'appelait Jean, afin de son nom on l'appelait Jean et le deuxième (s'adresse à l'interviewer) dis moi son nom..."
INT : Gaston de Merville?
"Oui, c'était le, c'était le, oui c'était..."
INT : Celui-là qui fut ensuite président du sénat?
"Oui, son fils"
INT : C'est son fils ?
"Oui, parce que lui Monnerville, il est venu vers Saint-Céré, il est jamais venu jusque chez nous et alors on a reçu le commandant Macpherson qui est descendu avec deux... un des machins... de Bourgogne, non qu'est-ce qu'il y a comme prince en France là, il y a les Bourg... les Bourbons, ben c'est un Bourbon ; oui, un chic d'ailleurs, un type jeune, il avait 23-24 ans, il était sous-lieutenant, il est descendu avec Macpherson ; Macpherson, il est descendu en jupe comme c'était un Écossais, alors les types :"Ils nous envoient une femme, ils nous envoient une femme" ; ils ont déchanté quand ils sont arrivés à plat /pardi/ parce que la femme s'est révélé être un homme, m'enfin ça ce sont des [anecdotes]"
INT : Macpherson, quelles étaient ses [fonctions]?
"Macpherson, il était... a été envoyé, lui Macpherson il est descendu qu'à la Libération, qu'après le débarq... qu'au moment du débarquement, il est descendu quelques jours avant le débarquement..."
INT : Était-il important que cela soit placé à la frontière de trois départements? (2'53)
"Ben c'est-à-dire, le hasard l'a voulu comme ça, parce que nous avions signalés plusieurs terrains de parachutages dont un à Saint Paul dans... les Landes et nous avions fait deux parachutages, les deux premiers mais là sans organisation, on partait une équipe d'Aurillac par exemple, avec les Lorrains, puisque j'avais un corps franc, c'était tous des Lorrains ou des Alsaciens, on partait à tous les sept ou huit et on allait planquer ça dans une grange à Bargues, à Ytrac, à... chez un copain quoi."
INT : C'est à Saint Paul qu'ont eu lieu les premiers parachutages?
"Alors les premiers parachutages ont eu lieu à Saint Paul et alors là ça était l'enthousiasme parce que (regarde ses notes) je le dis quelque part, ça était l'enthousiasme parce qu'on attendait tellement d'avoir des armes et puis on l'avait tellement baratiné Avinin qu'il avait fini par nous promettre un parachutage alors on te reçoit ces containers, je crois qu'il y en avait neuf, je me rappelle plus exactement..."
INT : C'était important neuf containers?
"C'était très important, le premier rempli de papier blanc, le deuxième papier blanc, le troisième papier blanc, tous papier blanc, pas un couteau, pas une boîte d'allumettes, rien alors chaque fois.... Mittanchez nous remontait le moral, il disait : "Il en faut bien du papier, il faut faire des tracts, il faut bien... le papier ça sert à quelque chose pour l'imprimerie" ; enfin nous n'avions pas d'imprimeur et alors c'était tellement bien organisé que j'ai appris un mois avant la Libération qu'ils étaient destinés à Amarger qui était imprimeur lui, à Saint Flour, que ce papier lui était destiné à lui mais il n'y avait aucune notice indiquant que... même le délégué militaire, je crois, ils nous ont envoyé ça pour nous faire plaisir, parce qu'Avinin a dû tellement insisté, il était bien à Londres, il était bien avec le commandant, le gars qui s'occupait uniquement de ces trucs là ; alors Bernard lui s'occupait exclusivement du terrain [de la Luzette] et il avait même été nommé, il a reçu à la Libération la médaille, une médaille anglaise Royal, je sais plus..."
INT : Avez-vous été à l'inauguration du monument?
"Ah oui..."
INT : Vous attribuez à quoi le fait que le nom de Bernard Cournil a été raclé?
"A des /salauds/, à des /salauds/, à des pauvres cons parce que c'est pas qu'une fois, c'est la troisième fois, ça c'est produit trois fois le sabotage, là ça était le plus dur parce qu'il l'avait fait avec un burin, il avait attaqué... ça nous a coûté soixante quelques mille francs de remise en état ; non des paysans du coin qui avaient été sûrement réquisitionné par Joseph, des types qui avaient fait du marché noir, c'est pas le paysan lui même, parce qu'il doit être mort depuis, mais les fils ou un descendant ou le gendre peut être, dans les campagnes, ils ont des rancunes, peut être dans 150 ou 200 ans, on grattera encore le nom de Cournil sur la pierre tombale, dans les campagnes, les haines sont tenaces et souvent sans raison..."
INT : Cournil faisait quoi avant la guerre, vous savez? (5'54)
"Il était garagiste"
INT : Et après la guerre, [...] son train de vie ait beaucoup augmenté?
"Il a tellement augmenté qu'il a fait faillite parce que c'était un type extraordinaire avec une ficelle, un fil de fer et une paire de pinces il faisait marcher n'importe quoi, il dépannait une /bagnole/ là il était fort mais alors comme organisateur, comme organisateur zéro, il avait Lafaucille qui avait été ingénieur dans une boîte avant la guerre et qui est resté quand même deux ou trois ans chez lui et qui lui a organisé une chaîne pour monter les Jeeps mais lui tranquillement, quand il s'amenait un paysan qui avait un boulon à changer à une remorque ou un truc comme ça, il [...] lançait la chaîne pour lui remplacer le boulon, si Lafaucille était pas là il se faisait engueuler /pardi/m'enfin ; c'est dire comme il était ; alors, puis alors en plus de ça, son tort, c'est comme il était très bien placé, il allait acheter dans des parcs des engins que les parcs revendaient quoi et alors normalement, il avait un mois pour payer, lui avait trois mois par mesure exceptionnelle parce qu'il avait vraiment fait du bouleau important et alors au lieu de les payer, il allait toujours en racheter, j'y disait : « /Putain de Dieu/ monte en trois, quatre, vends les et avec cet argent, tu en achet... tu paiera quelque chose » ; « Tout se trouvera bien » ; tout s'est bien trouvé, un jour il a fallu les payer, il a fallu les payer et ça se montait à l'époque à deux millions et quelques, l'ensemble de ses achats. »
INT : Donc à la fin de la guerre, il était certainement moins riche...?
« Qu'il a commencé, et puis en plus de ça la milice est passé chez lui et j'ai assisté au déménagement, moi, c'est curieux les trucs, je faisais la liaison, je revenais sur Aurillac du [...] j'allais à tous les parachutages, qu'ils soient à Raulhac, qu'ils soient à... j'y étais toujours et alors je revenais d'un, c'était le matin par là vers six heures, sept heures et je me renseignai toujours un peu et j'ai toujours eu un peu de nez pour ce genre de truc, en arrivant au Rouget, je dit à une femme : « Vous n'avez pas vu les Allemands par là » ; parce que les gendarmes étaient très bien, les gendarmes nous prévenaient, début... moitié 44, début 44, ils nous disaient qu'on pouvait y aller tranquille que les Allemands, que la milice étaient venus dans la journée mais qu'ils étaient repartis alors c'est eux qui nous assuraient la garde, à ce moment ça allait bien mais un an avant, c'était pas la même chose ; et alors ce jour-là je me demande à une /bonne femme/: "Ah tenez, vous avez les miliciens qui sont chez Cournil, je dit : "C'est pas vrai"; "Et si, si tenez monter voir"; alors elle m'a fait monter chez elle, elle avait, sous le toit là haut, sous le grenier une espèce de vasistas et j'ai assisté... ils jetaient le mobilier par la fenêtre sur le camion, les trucs comme ça, ils balançaient tout... ils lui ont tout pris tout ce qui l'avait..."
INT : Pour les terrains de parachutages, vous aviez d'abord proposé à Londres ceci ou cela? (9'05)
"Oui, ce que j'ai trouvé le plus curieux c'est que... alors le ... terrain de parachutage était désigné par le délégué militaire qui venait exprès, on lui signalait trois ou quatre terrains, il regardait les coordonnées et il disait : "Bon, celui là ça marche pas, là ça peut marcher éventuellement mais celui là? on va envoyé les coordonnées" ; il envoyait les trois coordonnées à Londres avec les facilités, les inconvénients, les trucs comme ça et c'est Londres qui décidait et alors c'est pour ça qu'à la Luzette, c'était assez près d'une route nationale, c'était dans les bois, c'était bien planqué, ce qui fait qu'on pouvait.... on a reçu des quantités de trucs et alors un fait invraisemblable, lorsque j'ai été arrêté par la Gestapo, j'ai été amené à Cahors et sur la villa, sur le mur de la villa où nous étions interrogé, il y avait les cinq ronds de nos cinq maquis par ordre d'importance, la Luzette le plus gros, la Planque un peu plus petit, la Ferrière plus petit et ainsi de suite..."
INT : Donc il était connu d'avance?
"Le mouchard passait déjà depuis deux mois, tous les jours, tous les jours, on aurait pu le descendre tellement il passait bas, seulement le descendre c'était attirer tout à fait leur attention et on n'y tenait pas du tout... »
INT : Un mouchard, c'était...
"Un avion qui photographiait, alors de haut c'est facile, en bas on se rend pas compte quand on passe dans un bois, qu'il y a des ronces, des trucs comme ça mais à force d'y passer, les ronces s'en vont et puis de là haut, ça se voit très bien ; et j'ai toujours été surpris qu'ils nous aient pas attaqué et je crois dans le fond ils savaient que nous étions nombreux, qu'il y avait du monde, à la Luzette, il devait y avoir à ce moment là quatre compagnies à la Luzette, 2, 6, il devait y avoir un millier de types à peu près, et bien armés tous, nous avions des bazookas, nous avions tout ce qui nous fallait et alors c'est peut être pour ça et puis c'était des bois, maintenant la Luzette, je suis allé à la Luzette, je l'ai pas reconnu, quand je suis arrivé là, on m'a dit : "Tu es à la Luzette"; "C'est pas vrai"; j'ai rien mais alors rien reconnu, ils ont fait des routes dans le bois, ils en ont détruits, le puy de la Poule là où... parce que là où est le monument aux morts, c'était pas l'endroit du parachutage, le parachutage se faisait au mont... au pic de la Poule, au mont de la Poule... et alors j'ai jamais compris comment ils nous ont pas, comment ils nous ont pas attaqué, c'est ça je crois qu'ils leur fallait des moyens qu'ils n'avaient plus ou qu'ils n'avaient pas, qu'ils pouvaient pas se permettre de disloquer comme ça..."
INT : Quels étaient les rapports avec la population, les paysans?
"Les [rapports] avec les paysans, certains paysans étaient biens parce que certains paysans nous vendaient, du moment qu'on les leur payait, on ne faisait pas de marché noir, on leur achetait des /patates/, on leur achetait un veau, une vache..."
INT : Vous vous fixiez au cour que vous fixiez ou au cour qui était [légal]?
"Au cour légale..."
INT : C'est-à-dire que le paysan vous proposait un prix que vous acceptiez? (12'11)
"C'est-à-dire non, le paysan, le cour légal par exemple, parce que vous saviez, ah mais vous saviez pas /pardi/ il y avait en ville un... le contrôle des prix, c'est eux qui établissait le prix des marchandises, la viande valait tant, le pain valait tant, le vin valait tant, ceci valait tant alors nous nous fixions sur ces prix alors tandis que les paysans, ils vendaient eux le plus cher possible, bien entendu et au marché noir ça... »
INT : Vous pensez qu'il y en a eu beaucoup dans le coin, du marché noir?
"Pas tellement, pas dans notre coin, pas dans ce coin, mais dans l'ensemble je crois pas... si, il y en a eu quelques-uns qui ont fait vraiment du marché noir, qui en ont profité mais pas dans la proportion que l'on croit, d'ailleurs moi je prétends... on râle contre les paysans, mais je prétends que si nous avions pas eu l'appui des paysans, il aurait pas existé un maquis en France... il fallait qu'à un moment ou à un autre, on mange, on boive, on sorte puis ils étaient jeunes ; alors les officiers dont vous parliez tout à l'heure, moi j'en avais [eu] des officiers j'en avais eu trente, mais qui étaient démobilisés, qui avaient leur carte à la préfecture, qu'on m'avait donné, justement (montre ses notes) /machin/ là j'avais été les voir, ah oui mais c'était.... De Gaulle c'était un traître, c'était ceci, il fallait pas, surtout pas.... et quand le 2 août, quand je suis rentré à Aurillac pour venir chercher... il y a des histoires invraisemblables, là il y en avait en pagaille des casques, des képis dorés, on voyait que ça, ça brillait dans tous les azimuts, ils les avaient astiqués et mis en ordre pour le jour où ils espéraient qu'on aurait besoin d'eux mais on s'en ait passé, on s'en ait passé dans les moments difficiles et dans les moments faciles on n'avait pas besoin d'eux..."
INT : L'assistance des paysans a été utile pour les parachutages notamment [...]...
"Ah au début, c'était les paysans qui venaient nous ramasser le matériel, ils s'amenaient avec leurs chars, ils ne connaissaient pas les mots, ils ne connaissaient pas les mots, bien entendu mais ils entendaient l'avion qui venaient alors ils commençaient à sortir les chars et souvent ils les planquaient dans leur grange... il fallait le faire parce que nous n'étions pas loin d'Aurillac, du château de Saint Etienne à vol d'oiseau à Saint Paul, ce n'est pas loin."
INT : Au château de Saint Etienne où il y avait [les Allemands]?
"Il y avait, il y avait, nous nous y avions l'infirmerie à l'école normale, enfin dans l'école et eux, ils occupaient le château..."
INT: L'école normale, normale ?
"Oui et ils occupaient le château »
INT : Est-ce que vous pourriez nous raconter lorsque vous avez ramené dans un camion des Ponts et Chaussées...? (15'10)
« Ah oui, ah oui ça c'est... voilà un exemple des équipes qui n'étaient pas sur le terrain, un jour le message passe, alors nous avions comme un responsable un nommé Fontanges à Vic sur Cère qu'on appelait Framboisier et à Reilhac Testud, alors moi je téléphone à Framboisier parce que Testud n'avait que quatre ou cinq types avec lui, c'est pas très important à Reilhac tandis que Framboisier avait une équipe, d'après lui de quinze types et gonflés à bloc, il n'y avait qu'à... alors le message passe à midi, le message, il fallait qu'il passe deux fois, il fallait qu'il passe à midi et le soir, s'il passait pas le soir, ça marchait pas, alors le message passe à midi, je le préviens Framboisier et je lui dis : "Tu écouteras à huit heures" ; "Oui t'en fait pas, j'ai entendu, tu peux compter sur moi" ; bon à huit heures, le message passe et /pardi/ moi tranquille, confiant, je prends ma moto à neuf heures du soir ou dix heures, puis je monte à Aurillac, j'arrive à Aurillac Testud au lit avec une fièvre du tonnerre de Dieu, rouge prêt à éclater... merde comment faire, il me dit : "Tu vas trouver le chef de la Poste, il est dans le coup, il fait parti de la sixaine" ; je vais le trouver, il me dit : "Pauvre, on n'a pas de chance, il y en a un qui est parti à une noce"; l'autre était malade, enfin sur les six types qu'il comptait, il y avait lui et moi, Fontanges on l' a pas vu alors on monte quand même sur le plateau je [...] en priant le ciel que rien descende bien sûr et puis à minuit je commençait à jubiler, minuit et quart, minuit et demi, pouf, ils nous lâchent un container, ben je dis :"Ça va"; alors on s'est crevé le /cul/ parce qu'en plus, le terrain était en pente."
INT : C'était parachuté en ..... ?
"Ça était en 43, ça..."
INT : A quel endroit ?
"Au dessus de... Raulhac, vous connaissez Raulhac l'un et l'autre..."
INT : [...] je vois à peu près où c'est, c'est assez sauvage....
"On passe à Vézac, on passe.... oui c'est.... et alors il y avait, heureusement, une baraque de cantonnier sur le bord de la route alors on s'est crevé le /cul/ pour monter ces containers dans la baraque..."
INT : C'est lourd, ces containers?
"Oh ils faisaient en moyenne, entre... ils faisaient entre 80 et 120 kg..."
INT : Et assez longs?
"Ben, ils faisaient deux mètres, deux mètres et puis ils avaient un tampon en caoutchouc très épais pour amortir le choc parce qu'en principe, ils tombaient sur le /cul/ ; et alors ils s'ouvraient en deux parties, ils s'ouvraient avec un espèce de crochet là, c'était facile à ouvrir mais ; alors nous nous montons nos trucs, j'arrive à Aurillac à six heures du matin ou sept heures, je vais trouver Tricot, je lui dis :" Voilà..." ; parce que j'ignorais, moi vous voyez à quel point c'était, que c'était les Ponts et Chaussées qui nous faisait les transports, que c'était Marion qui s'en occupait quoi, alors je lui dis : "Voilà, on a eu un arrivage, on a été /emmerder/ parce qu'il y avait personne, seulement il faut aller le chercher" ; et ben il me dit : "Je vais aller le dire à Marion et puis il va t'envoyer un type"; "Il faut pas qu'il attende demain parce qu'il était sur la route ou presque"; on est parti à onze heures du matin avec le père Austruy qui conduisait le camion et puis on monte là haut tranquille, on ramasse des types à Raulhac pour nous aider à ramasser, on charge, et je m'aperçois qu'il y avait la saucisse sur le barrage, sur le barrage du Mur de Barrez, il y avait une saucisse qui... il faisait ça sur tous les barrages d'ailleurs pour [...]"
INT : Un ballon ... (18'10)
"Un ballon, observateur qui devait signaler l'approche d'avions ou de trucs comme ça quoi : "Merde, je me dis, ça y est, si le type nous a vu"; il voit bien qu'on remue pas de la salade, il va dire, il va nous dénoncer alors je dis rien aux types, je leur dis : "On charge en vitesse, /démerdez/ vous car nous ils nous faut rentrer de bonne heure" ; et avec le camion, ça marchait pas bien, parce que c'étaient des gazos alors en descente /au poil/ mais quand il fallait remonter, c'était pas brillant.."
INT : Surtout que dans le coin ...
"Oui, ça fait que ça monter et descendre, ça descend d'ailleurs impeccable jusqu'à Raulhac, jusqu'au pont de Raulhac, il y a un tournant, le pont qui saute le Gouls, il y a un autre tournant, une petite route, ça remonte, puis il y a une ligne droite ... de 100 mètres à tout casser peut être et qu'est ce que je te voie dans cette ligne droite, quinze Allemands de chaque côté avec la mitraillette sur le bras... "
(Interruption de son petit-fils)
INT : On peut continuer, c'est bon...
"Alors, où c'est que nous en étions."
INT : On avait beaucoup parlé de la Luzette, on avait parlé de Bernard Cournil, ensuite on a parlé... on venait de raconter...
"Ah oui l'histoire...
INT : On était en train de raconter ....
"L'histoire de... du parachutage; alors on arrive justement dans ce bout de plat, qu'est ce qu'on trouve des fritz, quinze de chaque côté avec le fusil et la mitraillette sous le bras et un sous off' /pardi/, le père Austruy le jour où on l'a plié, il était pas plus blanc que ça, moi je prends mon /pétard/ je me le fous sous le /cul/ et puis le mec au milieu de la route, il nous fait... alors moi je te lui fait un "Hitler" avec un sourire comme ça, prêt à lui tirer dessus s'ils nous arrêtaient, il n'y avait pas trente six solutions, avec le [chargement].... nous avions... c'était un camion qui n'était pas bâché, il y avait juste une toile sur le... au moindre coup de vent, ils voyaient les containers en dessous ; le type a dû lire "Ponts et Chaussées «sans doute alors il a dû penser que nous étions de braves travailleurs, que nous rentrions à la soupe et ils nous ont laissé passer mais si la gazo avait pu marcher à cent à l'heure, il est certain que... alors le père Austruy, il a retrouvé la parole à Bargues quand on a déchargé, il a dit : "Ah /miladiou/; c'est tout ce qu'il a dit, il a pas... /miladiou/"
INT : Car les Allemands connaissaient les containers, ils savaient très bien ce que c'était? (23'39)
"Ah /pardi/ il n'y avait pas à si tromper, un container, c'est... les leurs étaient pareils à peu de choses près, il n'y avait que la couleur, c'étaient des cylindres qui faisaient oh.... 40 cm de diamètre sur 1m 50, 1m 80 de long, la longueur d'un homme quoi, alors quand ils étaient à 80 kg, un pouvait les charger mais autrement, et puis il fallait pas déjà qu'on aille trop loin car ça faisait quand même du poids"
INT : Dans les containers, bon il y a eu le fameux papier, du tabac, du chocolat, il y a eu des armes, des mitraillettes STEN ... ?
"Les armes, on en a reçu en pagaille..."
INT : Des mitraillettes STEN?
"Des mitraillettes STEN ; à la Libération..."
INT : Des bazookas?
"Non, il y avait des bazookas mais pas beaucoup."
INT : Des mitrailleuses?
"Pas de mitrailleuses, non, rien que de l'arme légère et des bazookas, enfin dans les autres containers, je ne sais pas ce qu'il y avait, [je sais] ce qu'il nous était destiné à nous quoi..."
INT : Des grenades ?
"Des grenades, des grenades en pagaille, des revolvers en pagaille."
INT : Et beaucoup pour le sabotage?
"Pour les sabotages, du plastic, du plastic mais le plastic était en paquet d'un kilo, ça tenait pas beaucoup de place, c'était comme du mastic, c'est à peu près la même densité, le même truc avec la différence que ça sent l'amende amère, et sérieusement même et alors avec les détonateurs, j'en ai gardé longtemps et puis finalement je ne sais pas ce qu'ils sont devenus, j'en avais même des cavaliers, qu'on mettait sur les rails, qui avaient la forme du rail, alors quand le train passait, c'était lui qui faisait la pression sur le détonateur..."
INT : Ces cavaliers... qui était blanc?
"Oui"
INT : Ce n'était pas trop repérable? (25'23)
"... Les rails sont blancs, la partie qui est frottante et alors la nuit, quand même, ça se remarquait pas trop, le jour..."
INT : Vous avez eu beaucoup à [vous en servir]?
"C'est-à-dire quand on a eu... parce que ça s'est fait en deux périodes, il devait y avoir le plan vert, c'était l'exécution des routes, des chemins de fer, des tunnels enfin de couper les moyens de communication ..."
INT : Dans l'arrondissement [d'Aurilllac], c'était?
"Ca était fait partout, c'est pour ça que j'ai été arrêté d'ailleurs moi, on venait de faire sauter, sous le pont de Boisset, là avec Bernard, on avait fini notre tournée, on avait coupé toutes les lignes par là, tout ce qui nous concernait et alors, comme on devait monter au Mont Mouchet et alors comme je savais que c'était quatre, cinq jours avant le débarquement, le plan vert, je m'était dit : "Tiens, je vais allé voir..." ; j'avais les gosses à Loupiac, dans l'Aveyron..."
INT : Vous saviez qu'il y avait un débarquement de prévue ?
"Le fait que nous ayons reçu l'exécution du plan vert, le débarquement était à huit jours au maximum."
INT : Vous le saviez comment, par instructions?
"Nous le savions, que le plan vert, c'était.... le plan vert était le commencement de.... normalement le débarquement aurait dû se faire le lendemain de l'exécution du plan vert, c'est-à-dire le 4 et il s'est fait... il s'est retardé parce qu'il y a eu une tempête, parce que... autrement ils auraient dû le faire plus tôt, il y a eu une tempête en Manche, enfin ils ont eu des difficultés, ils l'ont retardé de deux jours et même je crois que ça a continué mais ils ont quand même donné l'ordre de le faire parce que tout le monde était sur le pied de guerre quoi, dans l'attente."
INT : Vous aviez des relations avec les agents de la SNCF pour éviter, quand même de trop détruire?
"La SNCF avait ses agents et ses indications, la SNCF c'était un mouvement, ben alors eux c'était un mouvement très bien organisé parce qu'ils se connaissaient entre eux les cheminots, ils se connaissaient, ils travaillaient, ils avaient l'habitude de travailler ensemble, ils connaissaient ceux qu'ils fallaient pas mettre dans le coup, ceux qui fallaient éviter, tandis que nous, sitôt qu'on changeait de régions par exemple... moi quand on est parti de Cahors, là, ils nous ont lâché le soir à minuit et bien on est tombé sur des types, qui... il a fallu que je leur parle de Georges, que je leur parle de /machin/, alors ils connaissaient Georges quand même, c'était heureux parce que dans la Dordogne, il y avait beaucoup de maquis FTP.."
INT : Vous pouvez raconter votre arrestation? On en était là, on a appris que vous étiez à Loupiac pour vos enfants? (28'05)
"Oui je rentrai d'un parachutage et j'avais pris de l'argent pour aller... je ne savais pas quand est-ce que je les reverrais, je devais monter au Mont-Mouchet, alors mon dernier client, c'était le docteur... qui est mort aussi, maintenant à Maurs."
INT : Le docteur Clauzet...
"Le docteur Clauzet..."
(Sonnerie du téléphone)
"Alors je lui dis en passant : "Demain, je monte... voir les gosses, leur apporter l'argent, je sais pas quand je les reverrais et je vous reprendrais en montant"; alors en arrivant à la carrière de Bagnac, les mineurs, ils m'ont vu passer mais ils me connaissaient, ils savaient, enfin ils croyaient que j'étais de la milice, il y avait que la milice qui se promenait en blouson de cuir et moto, ils savaient bien que l'essence était trop rare, que.. alors ils se disaient : "Tiens, c'est un milicien" ; et ils m'ont pas prévenu ces /coneaux/ parce qu'ils m'avaient prévenu, je ne serais pas tombé dans cette histoire ; vous voyez où est la carrière à Bagnac, ben à l'époque, il y avait une baraque en bois dans le tournant là où ils ont élargi la route aujourd'hui et alors il y avait un pré à part et moi je m'avance et quand je suis arrivé au tournant, j'ai vu l'automitrailleuse à 100m, 50m..."
INT : C'était en mai 44?
" C'était exactement, le 4 juin 44, l'avant veille du débarquement..."
INT : Vous aviez su auparavant qu'il y avait eu les actions des Allemands?
"Mais non j'en savais rien parce que... je savais même pas, je savais pas ; ce qu'il s'est produit, c'est que la division "Das Reich" devait monter par Clermont et ils envoyaient une équipe pour éclairer le passage parce qu'ils avaient été attaqué sans arrêt depuis leur départ de Montauban et puis finalement, ils ont été attaqué aussi à... après Figeac, après Vierzac et alors ils ont eu un type de tuer, des bricoles, des /conneries/ et puis finalement, ils ont fait un barrage, ça tiraillait partout, moi je dis au gars : "Moi je vais pas plus loin, qu'est-ce qui se passe?" ; mais alors il m'a parlé dans un français impeccable, il m'a dit : "Non, non on fera rien, alors voir les papiers"; alors je voyais bien l'autre /con/ qui remuait la mitraillette, la mitrailleuse mais il m'ai jamais venu à l'idée qu'il pouvait me tirer dedans alors à force d'insister je... il me dit : "Si, si aller..." ; bon je m'approche, je pose la moto sur le truc, personne ne m'a rien demandé, on m'a fait signe de me mettre avec les autres qui étaient là, il y avait une trentaine de personnes, hommes ou femmes qui étaient déjà arrêtés et moi j'étais /emmerdé/ parce que j'avais des cordons de parachutes comme lacets de souliers, j'avais mon carnet de... pas de noms mais de ... pour les phrases, pour les messages, les trucs comme ça..."
INT : Une petite parenthèse, ces messages vous les receviez auparavant? (30'51)
"Les messages on savait, les messages que, on nous les annonçait, on savait par exemple quand le délégué militaire passait, on disait, tiens, par exemple, les cerises seront mûres en mai ou mon ami viendra ce soir ou ma belle -mère aime les fraises, ou des conneries, des trucs qui n'avaient aucun rapport, nous c'était cet habit était ... le débarquement, c'était "cet habit est couleur de billard", et le /machin/ ... je m'en rappelle plus des phrases, depuis le temps, je l'ai oublié ..."
INT : La plus célèbre, c'est le poème, les sanglots longs de l'automne, vous l'avez pas entendu celui-là?
"Non, ah ben si parce que ça s'est raconté partout qu'il y avait eu un changement de code, ça [...] nous, nous avons eu exactement les mêmes messages, les mêmes codes [...] c'était..."
INT : Quand vous étiez à la carrière?
"Je passe à la carrière et je te vois l'automitrailleuse au milieu de la route, alors je me fous parmi tout le monde, j'avais pas trente six moyens et comment faire pour me débarrasser de mon bordel, assis contre le poteau là, un espèce poteau en bois, c'est pas comme ceux qu'il y a maintenant, j'ai senti qu'il remuait alors au mois de juin en 44, je me rappelle pas le temps qu'il faisait mais qu'on lit dans les romans que les types t'avalaient une feuille de journal comme ça, ils me feront voir comment ils font parce que j'ai bien essayé d'avaler une feuille de carnet mais elle a pas voulu descendre alors je les ai déchiré, je me suis débarrassé de tout ce qui me gênait, j'ai levé le poteau comme ça (bascule sa chaise) et je me suis enfilé dessous parce qu'il y avait aussi une haie à l'époque, elle y ait plus, elle a disparu, il y avait une haie, puis ce truc et alors finalement je me suis débarrassé de tout ce que j'avais et j'y était pas de vingt minutes, il s'amène un camion avec trois types, ils les font descendre tous les trois, pourquoi, comment l'autre /connard/ te mitraille les types qui tombent sur ma moto, alors le Lisourey qui me connaissait, c'était un client de la carrosserie d'ailleurs, et puis il me voyait souvent, Lisourey, il est pas venu me retourner pour voir si c'était moi, en arrivant à Aurillac, il a dit : "Gaillard a été tué à Bagnac" ; c'est pour ça que je [...]la vie tiens du fait..."
INT : Parce que vous avez été, oui le bruit a couru ...
"Que j'avais été tué à Bagnac, alors c'était ma belle-mère qui a dit à sa fille, elle m'appelait pas [Marcel] je m'en rappelle plus le nom qu'elle ne donnait : "Oh mais il va bien parce que... il va très bien, te fais pas de mauvais sang"; elle m'avait vu passer deux heures avant, les bras levés, encadrés par quatre types avec des mitraillettes sur le ventre alors elle l'a croyait plus sa mère, elle pouvait lui raconter ce qu'elle voulait..."
INT : Donc c'était la division "Das Reich"?
"Comment?"
INT : C'était la division "Das Reich"? (33'31)
"Ah mais j'en suis sûr, d'ailleurs c'était la division "Das Reich", ils l'avaient écrit sur la manche, alors ceux qui nous avaient arrêté, avaient la tenue vert de gris, la tenue de campagne mais quand ils nous ont mené pour nous interroger à Figeac, ils étaient tous en noir avec écrit sur la manche "Das Reich".
INT : Vous avez entendu parler d'Oradour?
"Ah oui, ...non parce que justement, c'est...je pense, pendant très longtemps, j'ai pensé qu'il y avait confusion entre l'Oradour de Saint Flour, enfin notre Oradour à nous et l'Oradour de Tulle où il y a eu.... il y a jamais eu un maquis à Oradour d'ailleurs ; et alors là il faudrait lire pour ça, le journal de marche de la division "Das Reich", celui là il vaut le coup, il est bien écrit, il est un peu tendancieux mais il est bien écrit..."
INT : Il y a eu confusion entre ces deux Oradour, Oradour-sur-Glane a payé pour Oradour...
"Oradour-sur-Glane... il a payé pour une raison particulière, c'est ce que le... ils ont été dénoncé à Oradour, l'officier, un officier de... un ami intime du commandant, parce qu'il avait une compagnie, quand ils étaient attaqués, ils perdaient un char sur la route, ils s'arrêtaient pas pour le réparer, ils foutaient le camp, il avait une compagnie qui elle, chassé les maquisards et semer la terreur pour pas que les gens aident les maquisards et alors c'est cette compagnie qui a trouvé en arrivant à Brive, a trouvé après Brive justement, a trouvé parce que déjà ils avaient trouvé les pendus, les gars de Tulle, ils en avaient pendus quatre-vingt-dix neuf sur cent vingt parce qu'ils n'avaient plus rien pour les pendre, ils savaient plus où les accrocher, puis alors le général qui avait été au courant quand même Dietrich avait interdit de, avait donné l'ordre de s'arrêter, d'arrêter, alors ils cherchaient ce... le type avait disparu, ils ont trouvé son chauffeur tué dans la voiture et lui avait disparu alors ils râlaient son copain... ils voulaient le trouver à tout prix, ils l'ont cherchaient partout et finalement, un gars très informé de Limoges, un Français d'ailleurs leur a dit : "Si vous alliez traîné du côté d'Oradour, vous verriez un peu là bas vous y trouveriez des armes et peut être votre copain" ; c'est pour ça qu'ils sont allés à Oradour alors ils sont allés à Oradour, ils ont rien trouvé bien entendu et ils se sont vengés sur la pièce quoi."
INT : Vous l'avez su après ça?
"On l'a su bien après."
INT : Comme ce qui a eu à Figeac et à Maurs, vous l'avez su après?
" Bien qu'après."
INT : Vous êtes donc amené à Figeac? (36'11)
"Moi, j'ai été amené à Figeac, alors de Figeac, après ils nous ont pris, ils nous ont /trimballé/ alors là ils ont fait une séparation, tout ce qui était femme, tout ce qui était réclamé par les gens de Figeac, tout ce qui était pratiquement étranger, ils les ont laissé partir, nous étions resté onze, nous sommes restés onze, alors de là, ils nous ont /trimballé/ à Montauban, où ils ont menacé de nous fusiller, et puis ils nous ont ramené à Caussade où on a passé une nuit.... agréable..."
INT : Il n'y avait pas un Italien qui...?
"Il y avait avec nous des... Portugais, des Portugais, oui des... des ouvriers de la carrière, ou des trucs comme ça, sans doute, je ne sais pas. Il y avait avec nous surtout un type qui était Lorrain et prisonnier évadé et il avait un blouson comme moi, on se méfiait de l'un de l'autre, évidemment, les premiers contacts... et en arrivant chez lui, il s'était évadé et en arrivant chez lui, il a trouvé sa femme avec un fritz alors il a pas insisté, il les a laissé tous les deux et il a changé de quartier, /pardi/ et alors heureusement, il parlait un peu allemand et alors c'est marrant... il comprenait l'allemand et c'est lui qui nous disait après ce qu'il se passait ; quand... on sentait quand il leur parlait allemand, de suite, la tension tombait, on sentait que... c'est curieux ce genre de truc..."
INT : Vous avez été amené à Cahors après?
"Et alors ils nous ont amené à Cahors à la Gestapo, on a fait un séjour agréable..."
INT : A la villa des roses?
"Ah oui une villa, une jolie petite villa, c'était la villa des roses? J'ai jamais su son nom, il y avait un couvent pas loin parce que les sœurs nous ont porté à manger le premier jour et à boire et puis après ça était cuit, après on a mangé ce qu'ils nous ont donné, la viande il l'a gardé... et puis on buvait de l'eau /pardi/, ce n'était pas si mal que ça."
INT : Et on n'a pas découvert que vous étiez [résistant]?
"Ah et non, heureusement personne ne le savait, je râlais comme un voleur et j'avais même pris une carte, parce qu'ici on avait travaillé, on avait peint, un jour une voiture allemande, ou une ambulance servant aux Allemands enfin, et j'avais une facture ça avait été réglé par la France mais sous la signature d'un Allemand, je l'avais gardé en cas, ma femme m'avait dit : "Garde-là, ça te servira peut être"; tu penses."
INT : C'est grâce à ça que vous êtes sorti?
"C'est pas grâce à ça mais c'est qu'ils étaient emmerdés de nous, ils fallaient qu'ils nous fusillent ou qu'ils nous amènent, il n'y avait pas trente six solutions, ou qu'ils nous laissent partir parce que le débarquement avait... on a entendu d'ailleurs quand le débarquement, parce qu'ils avaient la radio en allemand mais comme l'autre comprenait et puis le bruit que ça a fait... on a bien compris que c'était le débarquement qui était là, il n'y a pas d'erreur, il ne pouvait pas y avoir d'erreur..."
INT : Vous étiez détenu dans quelles conditions? (38'51)
"Dans des conditions remarquables, d'entretien, de tout et même reçu sérieusement, très sérieusement, quand on est arrivé là, il y avait un escalier pour monter, pour aller aux pièces et puis alors il y avait un Allemand assis sur chaque borne et en passant, des deux côtés, ils vous serraient la main au passage et le pied, c'est des /salauds/, il y en a un si je l'avais retrouvé, même six mois après, il aurait passé un sacré, sacré sale moment mais le temps a passé, on oublie heureusement."
INT : Vous avez été torturé?
"Torturé, c'est beaucoup dire, parce que moi quand j'entends parlé de torture, de gens qui ont reçu une gifle, une gifle c'est pas une torture, c'est une... m'enfin quand on est pendu, quand on est pendu sous les bras là à une poutre au plafond, à poil, à poil parce que déjà c'est pas une position agréable, que les orteils posent et quand ils ont fini de vous interroger, les talons posent aussi et qu'un malin vous fout un coup de [...] en passant et puis que l'autre vous fout un coup de baguette sur la /queue/ même vous avez pas envie de /bander/ du tout mais il vous le fait quand même, pas agréable du tout ; alors quand j'entends là au café : "oh mais moi j'aurais rien dit, j'aurais ceci, j'aurais cela"; quand on se trouve dans ces conditions là..."
INT : Et vous n'avez rien dit?
"Quoi dire, dire qu'on était au maquis, ça aurait avancé à qui, à quoi ils les avaient en face ; le seul qui est trinqué beaucoup plus alors, c'est un gars qui était né justement au bled à côté, à côté là, mais il était parti à Paris, il a été à une noce à Figeac, il avait [...] il était habillé comme à une noce quoi, il a souffert pour venir celui là et alors : "Tu es d'ici"; alors tout de suite, ils l'ont vu au maquis, il avait vingt ans même pas, à peine, ils te l'ont, alors lui il a dû droit à une double ration..."
INT : Quel genre de questions posé ces hommes?
"Ah ils se trompaient pas, "tu es du maquis, où est le maquis?"; là les questions étaient pas... on risquait pas de se tromper ; "Alors oui les maquis ce sont des /salopards/, ils nous /emmerde/"; j'ai fait comme Saint Pierre j'ai renié le Christ et je trouve ça tout à fait naturel, c'était pas la peine que je leur dise que j'étais du maquis, il y en avait assez comme ça."
INT : Et finalement...
"Et finalement, alors finalement... ce qu'il y a d'emmerdant, il n'y avait pas d'officier et alors comme tous les soldats du monde, bien sûr ils faisaient les /flambands/ et puis quand l'officier a été là quand même, ça c'est calmé, nous n'avions plus d'interrogatoires et j'ai dit au gars, on le voyait passer dans le jardin, il regardait, il savait surement qu'on était là m'enfin et alors j'ai dit au gars : "Dis lui qu'il nous interroge au moins qu'il nous dise pourquoi il nous ont arrêté, pourquoi on est là" ; alors finalement le lendemain, alors il lui a dit à travers le carreau là, pas le carreau c'était un soupirail, alors le lendemain, ils nous ont interrogés, ils ont fait montés l'un après l'autre, j'écoutais pour voir le bruit que ça a allé faire, ça faisait pas trop de bruit, ça m'a rassuré, je suis passé le cinq ou sixième je sais pas, et puis alors sur la table, il y avait l'officier et puis il avait un sous-officier qui parlait français et puis toutes nos affaires, enfin ce qu'il en restait, briquet, portefeuille vide bien sûr, parce que l'argent destiné aux enfants, ils ont en trouvé un usage aussi, peut être tout aussi agréable et après ils ont mené à la porte en disant de nous taire, de ne pas dire ce qu'on avait vu et subi et que moyennant quoi on allait nous libérer ; alors on est resté le copain et moi, on connaissait l'histoire des mecs qui s'évadaient et qu'on tirait en s'évadant, alors que le premier, le second, le troisième, le quatrième, il n'y a pas eu de coups de feu mais on a quand même attendu [d'être] les deux derniers mais on a fait vite pour partir, dès fois qu'ils se seraient vengés sur les deux derniers et alors on est rentré à pied, on s'est tapé la route de Cahors à Cajar à [...] quarante deux kilomètres, c'est quand même long, surtout qu'on avait couché à la gare, il y a un cheminot qui nous a fait nous raser et puis on est parti, la gendarmerie est venue, les gendarmes sont venus, on leur a dit qu'on sortait de la Gestapo, ils sont partis se renseigner, puis ils sont revenus nous dire que c'est vrai, que nous étions bien en règle ou presque et puis nous sommes partis le lendemain, alors c'est rigolo parce que quand on était crevé là, tous les dix ou quinze kilomètres, on s'arrêtait, le copain disait : "Oh des chars" ; tout le monde entendait les chars et tout le monde [partait], ça repartait un coup dans les fossés et puis finalement il n'y avait rien, on repartait..."
INT : Vous êtes remonté jusqu'à Aurillac? (42'12)
"Ah non, j'avais les enfants à Loupiac, [je me suis fait arrêté], après on a trouvé un chic type, un camionneur là qui nous a amené gratis [...] car nous n'avons pas un rond jusqu'à... il m'a dit :"Je vous amène jusqu'à la côté de Figeac mais je vais pas à Figeac mais les maquis, je les connais moi, on s'entends très bien"; et il m'a mené jusqu'à... à l'époque, il y avait des bacs encore, il m'a mené jusqu' à un bac et j'ai traversé le bac... là haut dans la nuit où je suis tombé sur les Allemands qui défilaient depuis trois jours, /pardi/ depuis le débarquement, qui défilaient, qui montaient, qui remontaient, qui remontaient sans arrêt.."
INT : Vous vous êtes arrêté à Loupiac?
" Et je me suis arrêté sans me faire voir parce que... puis dans l'état où j'étais, je n'avais pas envi d'en revoir d'autres, aucune envie d'en voir d'autres, ou au moins dans le même état."
INT : Votre épouse enfin était ....?
"Elle était au courant, elle m'avait vu passer, elle fermait les volets quand je suis passé le soir..."
INT : Elle était chez [...]?
"Et les gosses, il y avait Jacky que vous connaissez il avait cinq ans, six ans à l'époque, Roger en avait neuf, la sœur en avait sept, ils étaient sur la place en train de s'amuser, il n'y a que Vincent qui m'a vu, il était plus petit, il traînassé avec sa mère et sa mère fermait les volets quand elle voyait passer les Allemands parce qu'encore c'était pas la grande remontée ; la grande remontée c'est faite à partir du 6, du 7, du 8, ils leur fallaient le temps de recevoir les ordres et puis de se mettre en route pour... "
INT : Et comme ils étaient assez retardés... (45'31)
"Eh oui, c'est ça, ils ont d'ailleurs, il y a bien un général qui l'a dit que la colonne allemande a été retardé assez longtemps pour ne pas pouvoir trop participer..."
INT : Ensuite vous êtes revenu à Aurillac?
"Ben je suis revenu à Aurillac oui, non je suis revenu au maquis d'abord, je suis remonté au maquis..."
INT : Au maquis de la Luzette?
"Au maquis de la Luzette, oui... alors là, ils étaient redescendus, ils étaient redescendus du Mont Mouchet à ce moment là, ils étaient tous revenus, ils étaient revenus du Lioran aussi, ils avaient fait... la campagne électorale..."
INT : Vos relations avec Maurs, j'y reviens elles ont été comment? Les relations avec ce...
"Avec le groupe de Maurs, ben ils étaient à la Luzette, c'était près la Luzette de Maurs, c'était le maquis le plus près."
INT : Vous connaissiez le docteur Clauzet?
"Oui, très bien et ..."
INT : Et Berteille?
"Bien sûr, Berteille, c'est un des responsables de la tenue, ah si j'ai bien connu Berteille et la sœur du docteur aussi Mlle..., je m'en rappelle plus comment elle s'appelait..."
INT : Vous êtes restés à la Luzette jusqu'à la fin ou vous avez dû quand même faire des actions?
"Ah non, après nous avons fait, nous sommes partis rejoindre l'ORA, l'ORA c'était un groupement de l'armée qui se trouvait à.... Murat, à Mauriac, vous aviez Renaud à Mauriac et alors là il y avait le commandant Mortier qui a été tué en Chine et le commandant... ils étaient deux, le commandant Mortier et l'autre je m'en rappelle plus son nom et alors ils nous ont donné l'ordre parce qu'ils avaient combiné, eux que le commandant de gendarmerie d'Aurillac se rendrait mais il ne voulait se rendre qu'à des militaires alors on m'a collé un type en tenue /pardi/, un lieutenant et nous sommes venus à Aurillac pour chercher le gars, seulement il avait fait une promesse [...] ils sont partis dans la nuit, quand nous sommes arrivés à Aurillac à onze heures, ça pavoisait vous vous seriez cru un jour du 14 juillet, les rues pleines de gens..."
INT : Et beaucoup de résistants? (47'58)
"Des résistants là j'en avais jamais tant vu, pas plus que les officiers, les officiers j'en avais vu une trentaine mais là ils étaient une centaine à l'hôtel de Bordeaux mais quand je leur ai dis ce que je pensais, il y en avait beaucoup moins ; les résistants c'est pareil, les brassards, je ne crois pas qu'il n'est pas un aurillacois qui n'est pas porté le brassard ce jour là..."
INT : Vous avez été au courant des exactions qui ont eu lieu un peu avant à Aurillac?
"Oh je ne pense pas qu'...."
INT : Jean Alric a été tué? A ce moment là, c'était à l'époque où vous deviez être emprisonné?
"Oui mais j'ai toujours entendu d'un milicien qui avait été pendu mais je ne sais pas si c'est vrai, pendu au Square, ça se serait quand même su un peu plus que ça..."
INT : Vous êtes arrivé, vous avez fait la Libération d'Aurillac?
"Voilà, j'ai libéré Aurillac, qui s'était libéré toute seule dans la nuit mais je n'ai pas participé aux troupes qui ont défilé dans Aurillac après, le surlendemain."
INT : Vous aviez quel poste à l'époque?
"Comment?"
INT : Vous étiez...
"Capitaine, je suis capitaine, j'ai le titre de capitaine, je suis capitaine homologué, je dois bien avoir quelque part quelques titres (va les chercher) mais ça /m'emmerde/ parce que... c'est dans de papiers jaunis alors ce n'est pas la peine de chercher dans les blancs (recherche dans ses papiers) ... résistance.... résistance... notification de grade... tiens, alors celui-ci est un plus jaune [...] je dois avoir un ordre de mission là..."
INT : Vous avez reçu la solde de capitaine à cette époque?
"Rien du tout, des clous..."
INT : Ah bon, mais c'était quand même mérité?
"Ah ben elle était méritée mais justement il faut que j'en parle au responsable des... alors là j'étais lieutenant..."
INT : Vous avez eu la croix de guerre, la Légion d'honneur...?
"Oui, la rosette à la résistance, [...] de ses vieux trucs, je dois en avoir quelques-uns là...

Cote :

7 AV 25-2

Description physique :

Document sonore
Collation
Collation: 1 DVD

Précisions matérielles :

Durée: 50 min 54 s

Observations :

Notes ISBD
(Cote de l'original : Fk 7 [1216] et de conservation : A [1216] 1150**).

Archives départementales du Cantal

Liens