Document d'archives : Marcel Gaillard : la Résistance dans le Cantal (troisième partie). / Vincent Flauraud : enquêteur. Marcel Gaillard : informateur....

Titre :

Marcel Gaillard : la Résistance dans le Cantal (troisième partie). / Vincent Flauraud : enquêteur. Marcel Gaillard : informateur. septembre 1987

Contenu :

Présentation du contenu
Il s'agit d'une copie de cassette 8 mm.
Le tournage a été réalisé à Aurillac, chez M. Marcel Gaillard, rue du Pré Mongeal.
INTERVIEW MARCEL GAILLARD REALISE PAR V. FLAURAUD SEPTEMBRE 1987 (7AV 25-3) :
INT : A Loupiac, où donc était votre femme et vos enfants, est-ce qu'il n'y avait, si je me souviens bien un Juif ou...
"Si, c'est un... c'est un Juif qui l'a recueillit d'ailleurs, quand... parce qu'évidemment nous habitions au bord de la route et alors quand elle m'avait vu passer, la trouille l'a pris, les gosses aussi et il y avait un Juif qui avait été réfugié pendant pas mal de temps, ici du côté de Carlat, ou je ne sais où... non dans la vallée par là, assez près d'Aurillac et qui s'était refoutu dans l'Aveyron là bas où il était nettement plus... il s'appelait... enfin il se faisait appeler Martin et alors c'est eux qui ont recueilli ma femme et mes gosses quand ils ont été... c'est pour ça que quand je suis rentré à ... enfin quand je suis revenu, c'est le patron de l'auberge qui m'a conduit parce que je ne savais pas où ils habitaient moi, je ne savais pas où ils étaient passés, alors l'autre me dit : "Ils sont plus chez vous, il y a longtemps, ils sont chez Mr Martin" ; alors c'est lui qui m'a conduit chez Mr Martin et les gosses /pardi/ quand je suis rentré, m'ont sauté dessus mais j'étais tellement roué de coups, de trucs comme ça, c'est pour ça qu'ils pouvaient pas me toucher et je suis resté au moins sept, huit jours... c'est pour ça que j'en ai jamais parlé, c'est quand même... on se sent vraiment minable quand on se trouve dans cet état là, je suis resté peut être quinze ans sans en parler, à part à ma femme comme ça par épisode mais c'est pas... on n'est pas fier de soi... quand on a été abaissé et je comprends très bien les types qui ont été déporté et qui n'aiment pas non plus... et qui n'aimaient pas en parler ; moi, j'ai reçu des déportés à la Libération, Perrier... pas Perrier, qui est à Mauriac, il était serrurier à Mauriac, c'était l'adjoint de Perrier, il a été déporté quand il est revenu, il est venu me voir bien sûr, il avait un cou comme mon poignet, maigre, il avait juste les os et la peau ; il était venu avec un autre gars de Capdenac que j'avais connu parce que lui, il était FTP, alors nous avions quand même quelques relations ; moi avec Joussen ici qui était FTP nous avions des relations cordiales, sans plus il venait me demander par exemple cinquante fusils, je lui en donnais cinq, il était bien content parce qu'ils étaient guère plus rembourrés, m'enfin nous avions des relations... il nous rendait quelque fois service quand on en avait besoin pour des cartes d'identités et les trucs comme ça et alors d'autre part comme nous, nous recevions des cartes d'alimentation par... qui venaient d'Angleterre, on en distribuait comme ça et quelque fois à eux d'ailleurs parce qu'ils étaient aussi malheureux que nous sinon plus, les gens ils fallaient qu'ils mangent, communistes ou pas, il fallait quand même bouffés.."
INT : Et pour les faux papiers ça se passait où?
"Les faux papiers, ça se passait, je peux te raconter une histoire assez rigolote, j'avais perdu ma carte de Gilardon là, et alors, je dis, ben c'est quand j'avais été arrêté d'ailleurs tous mes papiers, je les avait foutu... je les avais donné à Mme Cournil qui les avait planqué, je les lui avait donné un mois [avant] elle avait planqué, elle m'a dit : "Je vous les planquerez dans une muraille"; j'avais ma carte du parti, enfin des papiers personnels puis cette carte que je lui avais laissé par inadvertance et d'ailleurs elle me servait pratiquement à rien puisque je connaissais tous les responsables, ils avaient pas besoin de, ils savaient comment me trouver ; et je demande une nouvelle carte d'identité, il fallait qu'elle soit signé G parce qu'à l'époque, ça se fait plus beaucoup mais les mouchoirs étaient marqués avec la lettre GM par exemple, les chemises, les trucs comme ça et alors évidemment il fallait que ça corresponde à peu près, il fallait que les initiales soient semblables et alors un beau jour, le type s'amène content : "Tiens, on apporte une carte"; « Ah ben fabuleux » ; je l'ouvre Gaillard Marcel, je lui dis : "Celle là c'était pas la peine, j'avais qu'à aller à la mairie, j'en aurais faite une ;"Ah par exemple"; ben évidemment, il ne savait pas... et alors ils avaient regardé sur l'état-civil les types qui, ils péchaient des noms comme ça, les seules cartes, les fausses cartes d'identité qui étaient valables enfin acceptables, c'était celles qui étaient dans les communes ou enfin du Nord surtout qui avaient été détruites où les archives n'existaient pratiquement plus, alors là c'était difficile à contrôler pour trouver un nom mais là à Aurillac, Gaillard il était facile à retrouver.. c'est amusant;"
INT : C'était par le biais de la préfecture ... (4'40)
"Par la mairie, par la mairie..."
INT : Oui, c'est vrai que maintenant ça se fait à la Préfecture...
"Ah c'est à la Préfecture maintenant, ah non à l'époque c'était à la mairie, on allait à l'état civil et le responsable de l'état civil qui s'appelait... je m'en rappelle plus comment d'ailleurs et qui est maintenant à la retraite, c'était lui qui donnait les noms quoi, qui cherchait les noms et qui remplissait les cartes, tamponnées de la mairie bien entendu et signées..."
INT : Est-ce que cette Nicole, est-ce qu'elle ne s'est pas occupée à un moment...
"Nicole, c'était l'agent de liaison de Valet, de Valy, du commandant Valy mais elle a fait des liaisons en vélo dans tout le département, elle était sensationnelle, elle avait dix-huit ans à l'époque, elle était jeune alors elle foutait les rouleaux dans le cadre de la bicyclette, les papiers sous le guidon, dans le guidon, elle foutait les rouleaux dedans et puis elle les donnait et les remportait de la même façon, oh Nicole, elle a couru des risques, sûr, parce qu'elle a sillonné quand l'Etat major se trouvait à Mauriac enfin avec le commandant Mortier, elle partait tranquillement de Ruynes ou de Massiac pour venir à Mauriac en vélo, il fallait le faire, elle venait à Aurillac à vélo, alors quand même et puis là elle pouvait pas passer dans les prés, dans les champs, elle était bien obligé de suivre la route ; alors comme c'était une jeune fille, on l'a laissé.... elle était toujours aussi costaud, à dix-huit ans elle était aussi, moins grosse bien sûr mais elle était aussi grande, costaud que maintenant..."
INT : Vos relations avec les FTP, il n'y a pas eu une histoire, à un moment au niveau du cimetière, des armes avaient été cachées...? (8'15)
"Voilà, j'avais planqué... j'avais un dépôt d'arme au cimetière et alors je te l'ai dit l'autre jour, je crois que, enfin mon adjoint c'était Marcel Valette, je crois qu'il s'appelle Marcel Valette mais qui était FTP mais je n'en savais rien et alors lui était au courant à peu près pas de mes planques, heureusement qu'il était pas au courant de la scierie, il y en avait cinq tonnes chez Lathelize là, planquées dans les... à l'époque, il y avait... ça marchait par eau, toutes les courroies aboutissaient aux machines souterraines et alors sous les courroies, elles étaient pleines de sciure, de trucs comme ça mais il y avait quand même un espace comme ça entre les courroies, en dessous sur trente ou quarante mètres, on avait planqué du matériel et comme j'ai été arrêté moi le 4 juin et j'ai pas pu monter au Mont Mouchet, ces armes sont restées là, inoccupées, elles l'auraient plus servies à eux que là et à la Libération, je les ai... quand ils ont ramassé les armes, le commandant ... de la place, alors le commandant militaire de l'armée qui est à Toulon maintenant, je sais pas s'il est pas mort d'ailleurs lui, un chic type alors il m'a dit : "Tu dois bien avoir des armes quelque part, il faut les rendre, qu'est-ce que tu veux en /foutre/"; je lui ai dit : "Je vais en garder quelques-unes pour moi, maintenant tu n'a qu'à t'amener avec un camion et puis on ira faire un chargement"; il est venu, ils en ont pris deux camions de trucs... d'armes qui sont restées là et alors j'avais un dépôt au cimetière parce que mon père avait été conseiller municipal pendant très longtemps et alors il avait fait obtenir la place de concierge du cimetière à un gars dont j'ai toujours oublié le nom, naturellement, qui me revient comme ça mais et alors il m'avait donné deux vieilles tombes qui se trouvaient sous les deux grands sapins qu'il y a à l'heure actuelle, enfin les sapins ont grandi depuis bien sûr, mais qui sont vers le milieu du vieux cimetière et alors j'y suis allé l'autre fois mais maintenant elles sont écroulées; c'était des caveaux, c'était des caveaux burés et alors je les avais bourré de... on en avait /foutu/ dans les caveaux, ils étaient pleins, je ne sais pas combien il y en avait enfin il y avait pas mal, il y avait trois, quatre, cinq kilos, de plastic, de pistolets, de fusils, de grenades, de trucs comme ça et alors quand j'ai été arrêté, moi, Valette lui... et comme les FTP ne recevaient pas d'armes, ils en recevaient aucune, il a dit :"Moi je sais où il y a un chouette dépôt à Aurillac "; et que c'est le dépôt du cimetière, heureusement qu'il connaissait pas celui-là, d'ailleurs là il lui aurait pas laisser prendre mais là haut, le père /machin/ il le connaissait, il nous avait vu souvent tous les deux alors il a fait aucune objection et il les a laissé amener et je crois d'ailleurs que dans l'histoire, je sais pas s'ils sont pas tombés sur les fritz, et il y a un jeune gars qui a été tué là, je m'en rappelle plus, son père était de ma classe, il était au cadastre, un bon dessinateur, il faisait des dessins de portraits de tête d'Auvergnat sensationnels, il en existe encore des trucs... je m'en rappelle plus comment il s'appelait et son fils a été tué là, dans ce genre de trucs."
INT : Il y avait beaucoup de dépôts d'armes disséminés?
"Ah des dépôts pour nous, il y a avait celui du cimetière et celui de chez Lathelize était bien plus important, là il y avait au moins dix ou douze machines, des machines avec des scies raboteuses qui marchaient avec des courroies, alors il y avait trente mètre de longueur, quinze mètres, alors on en mettait sous chaque truc et là elles étaient difficiles à trouver, parce que comme ils travaillaient tout le temps les types, ça faisait de la sciure et la sciure finissait par recouvrir le matériel quoi..."
INT : Il est fait état dans un article du "Cantal libre" de février 45 d'un dépôt d'armes au château d'Etienne? (12'08)
"Au château de Saint Etienne, il y a jamais eu de dépôt d'armes, au dépôt de Saint Etienne, il y avait un gars... qui s'appelait..., je m'en rappelle plus comment et qui remettait les armes en état, celles qu'on nous donnait ou qu'on trouvait comme ça à droite et à gauche et qui remettait les armes en état mais le dépôt, vraiment le dépôt, il n'y en a pas eu alors là-haut, il y a eu l'hôpital bien sûr enfin l'hôpital, enfin chez Dauzier, c'est là que je t'ai raconté l'histoire du type qui avait été... qui m'a empêché de me faire arrêter chez Grégoire, tu sais que, je te l'ai dis, qui avait été blessé à l'Enseigne, je te l'ai pas dit, oui nous avions un maquis à l'Enseigne et alors il y avait une fille ici je te l'ai dit, qui était la maîtresse de l'adjudant, il me semble te l'avoir dit ce genre de trucs et alors elle nous avait prévenu que le maquis de l'Enseigne allait être attaqué, moi je te suis rentré à deux heures du matin, j'ai appris ça, il pleuvait comme /vache qui pisse/ j'ai été déjà crevé et je dis à Marcel Valette : "Ecoute, il faut absolument que ces types descendent" ; parce que nous avions un autre maquis à Boisset, au dessous de Boisset alors je lui dit : "Il faudrait faire partir les types de l'Enseigne absolument car ils sont attaqués demain" ; alors il y est allé, l'a t-il dit, l'a t-il fait, il m'a dit que les types ont pas voulu partir, le maquis a été attaqué le lendemain matin /pardi/ bien entendu parce que c'était prévu et alors il s'en est sauvé un, le seul d'ailleurs, ils étaient douze ou treize, je m'en rappelle plus combien, il y avait deux frères juifs qui ont été tué les frères Weiss, tiens je m'en rappelle le nom, les frères Weiss et alors ce type, je ne sais pas comment il... il s'en est tiré finalement, il a atterri au château de Saint-Etienne, on l'a fait porté au château de Saint Etienne là-haut avec une balle dans une jambe et le jour où on devait aller chez ... où nous avions rendez-vous, chez Grégoire avec les responsables de Clermont, les responsables régionaux, Tricot, Grégoire, Grégoire c'était l'ingénieur du barrage et alors c'était lui le responsable militaire... enfin militaire... de l'AS, de l'armée secrète pour le département alors évidemment il aurait pas fallu qu'il se fasse emballé, Dauzier me téléphone le matin et il me dit : "Ecoute, il faut que tu montes, parce que le type là, il est vraiment pas brillant" ; je monte là-haut, ce type avait une jambe noire, et à pied parce qu'on pouvait pas circuler, on avait pas de voitures d'ailleurs, pas tellement, et puis en moto, monter là-haut c'était un peu risqué parce que le château était occupé par les fritz ; et alors je monte là-haut, et en effet ce type avait une jambe noire, il frisait la gangrène quoi, il était à deux doigts et je téléphone à Jean Lagarde qui était docteur, je lui dit : "Ecoute, il faut que tu montes avec tes instruments parce que ça va pas" ; il vient, il ouvre la jambe, ce type, il gueulait parce qu'on avait rien pour l'anesthésier /pardi/, bien sûr, à part un coup de maillet sur les oreilles, c'était pas... et alors finalement, il lui a ouvert la jambe, ça a suppuré, enfin il a tout nettoyé, il en a bien guéri puisque le type m'a écrit après la Libération pour demander une attestation, un truc comme ça, c'est bien qu'il était pas mort ; mais il était onze heures, onze heures moins dix, et comme les rendez-vous étaient très précis, j'ai dit j'ai pas le temps de descendre maintenant et nous avons bu l'apéritif tranquille, j'ai dit je le reverrai le soir à cinq heures parce que nous avions un rendez-vous toujours deux fois alors si on manquait le premier, on se retrouvait au second et alors quand je suis arrivé chez moi là, à midi, ma belle-sœur habitait, à l'époque c'était un jardin, et il y avait une petite maison au coin, qui est toujours d'ailleurs et elle me dit : "Ah vous voilà, vous voilà, mon vieux vous savez vous nous avez fait peur" ; je dit : "qu'est ce qui se passe"; "Vous savez que la Gestapo a été chez Grégoire, ils ont arrêté sa femme, le chauffeur, le... ah comment il s'appelait... Domino et le responsable de Clermont » ; j'y dis : "/Merde/ " ; je croyais te l'avoir raconté ça, non? Ah bon, bon alors je vais, j'étais inquiet surtout pour... je pensais que Tricot avait été [arrêté] parce qu'elle n'a pas su me dire, elle m'a dit que la Gestapo a arrêté tout ceux qui s'y trouvait, elle m'a pas parlé de Grégoire, de Tricot, ni de... elle m'a dit : "Comme on savait [que vous étiez], je l'avais dit à mon frère, mon frère était au courant, je lui avait dit, j'ai rendez-vous là-haut mais qu'avant je monte voir un mec au château de Saint Etienne alors, alors il me croyait toujours dans le truc, c'est pour ça quand elle m'a vu, elle était contente, elle m'a raconté ça et moi, de suite, j'ai voulu me renseigner /pardi/ et à deux heures, je suis allé chez ... Nugou, notre... qui habitait juste en face d'ailleurs, Grégoire habitait de l'autre côté de chez Nugou, et alors quand.. il m'attendait d'ailleurs sur le trottoir et quand il m'a vu arrivé : "Dites Marcel, Mr Gaillard, j'ai... votre ordonnance est prête, vous pouvez venir la chercher" ; et alors j'y vais /pardi/, il me raconte l'histoire, il me dit : "N'allez surtout pas là bas, ils ont installé une souricière et tous ceux qui rentrent dans la maison, ils l'embarquent, c'est pas la peine d'aller vous faire voir" ; c'est lui qui m'a raconté, et il m'a dit : "Ils n'ont pas pu avoir Grégoire parce que, ou il a été prévenu ou il n'est pas venu, et Tricot non plus" ; alors c'est là que je t'ai dit que Tricot n'était pas venu, je l'ai appris plus tard d'ailleurs, beaucoup plus tard, parce qu'il a trouvé un type devant l'hôpital, comme il descendait chez Grégoire, qui lui a dit : "N'allez pas chez Grégoire, il y a la Gestapo" ; il a jamais su qui était ce type d'ailleurs, il m'a dit : "Pauvre, je vois pas qui s'est, je le connaissais pas et alors tu parles, je suis retourné et j'ai même vu des voitures de la Gestapo qui embarquaient les types"; il s'est pas approché, ça lui faisait comme ça /pardi/ et alors c'était d'autant plus embêtant que nous avions prévu en cas d'arrestation générale, enfin de membres importants du réseau, de faire une embuscade dans le Lioran parce qu'au dessus du Lioran, il y avait un maquis qui était commandé... par un type qui lui aussi est mort depuis /pardi/ bien sûr mais pas de moyens de communications autre que le vélo, on pouvait pas téléphoner au buron, ce qui fait que... ils les ont amené aussi sec, ils les ont amené de suite à Clermont et alors ce qui fait que ce pauvre machin est revenu à la Libération ; et c'est curieux, sa femme tenait un magasin à Clermont sous le nom de Domino, elle tenait [un magasin] de fringues de femmes, enfin des trucs comme ça et elle avait été arrêté et sérieusement malmenée, ils lui avaient taillé les seins, ils l'avaient foutu dans un état lamentable et lui un jour, il m'avait dit : "Vous savez, Marcel, si je suis arrêté, je me demande comment... si je parlerai pas parce que les traitements qu'ils font subir sont..." ; je me suis dit il a dû parler et à Clermont, on l'a accusé d'avoir parlé parce qu'il paraît que plusieurs boîtes aux lettres, enfin les boîtes aux lettres, c'étaient les endroits où on donnait rendez-vous ou ... alors il paraît qu'il... ici il n'y en a jamais eu d'arrestations, j'attribue ça à la même raison qui a fait arrêté Moulin parce que depuis déjà un an et demi, la Gestapo était remontée de Marseille, avait suivi la piste de Marseille parce que Lyon transmettait partout, à Marseille, à Toulouse, à Bordeaux, enfin et à Clermont bien sûr, et alors ils ont suivi... ils sont remontés jusqu'à Bordeaux où ils ont arrêté Moulin sur dénonciation ou pas, ça j'en sais rien, m'enfin ils l'ont arrêté et ils suivaient la filière jusqu'à Clermont, je suis à peu près certain mais j'en étais certain à la libération que ça avait été le cas pour....ah comment il s'appelle, il était ingénieur et son beau-père était conseiller général de l'Aveyron et tenait une ferme aux environs de Loupiac et il avait hébergé un... il hébergeait un... il avait chez lui comme un employé qui était allemand, qui avait quitté l'Allemagne en 36 et qui était venu se réfugier chez lui et alors les gens du pays le tenaient à l'écart parce que c'était un Allemand, c'était un collaborateur, c'était ceci... voilà comment on écrit l'histoire alors qu'à ma femme et mes gosses, les gosses allaient cherché tous les jours, du lait, du beurre, tout ce qui leur était nécessaire et gratuitement et alors là bas dans le pays, il fallait surtout pas... Sur la route de Toulouse, il y a un monument à gauche, un monument à la hauteur de Froissac par là, sur la route, en plein sur la route, la ferme se trouve à 4 -500 mètres, à gauche dans la campagne parce que là aussi il y a eu une attaque du maquis en plein rase campagne, ces /coneaux/ se sont faits tuer, on a élever un monument pour eux quoi ; alors c'est dire qu'on peut pas bien se fier aux gens, aux on-dit toujours, il s'agit de dire une /connerie/ pour que ça se répète, que ça s'amplifie et que finalement, on arrive à douter de truc, à tel point que la femme qui nous rendait service ici, à la Libération, elle nous a rendu service vingt fois, c'est elle qui nous aussi dit que la fille qu'on a descendu qui s'appelait, qui s'appelait.. quand les noms me reviennent je devrais les marquer [...] et alors c'est elle qui nous avait dit : "Faites attention, cette fille court les bals" ; et alors c'est elle qui avait fait dénoncé le maquis de l'Enseigne d'ailleurs et oui les jeunes, ils allaient danser aux villages qu'il y a en dessous et dans les bals, les gars faisaient les malins, ils se vantaient : "Nous on est au maquis, nous on fait ceci, nous on fait cela" ; à dix-huit ans, les types... dans l'ensemble, c'étaient des gars qui avaient entre dix-huit et vingt-deux ans, des jeunes qui s'étaient planqués pour échapper au STO ; et alors c'était elle qui nous avait... parce que c'est son adjudant qui lui avait dit: "On a une fille, elle est sensationnelle" ; et alors /pardi/, il a bien fallu qu'on s'en débarrasse... "
INT : Vous n'auriez pas arrêté à un moment la maîtresse du chef de la milice Lahaye? (21'30)
" De qui? De ... "
INT : De Lahaye?
"De Lahaye, pas elle, non non elle s'était la maîtresse de l'adjudant, elle tenait un bistrot qui existe toujours d'ailleurs dans la petite rue qui va de la Préfecture, la petite rue, comment ça s'appelle qui va à la Préfecture et qui va tomber dans la rue des Forgerons, aujourd'hui, ils ont fait une grande place, à l'époque, c‘était..."
INT : Rue du Rieu?
"Non, ce n'est pas la rue Transparot, ce n'est pas la rue [.] Ah bon sang je la connais assez cette rue enfin n'importe ça change pas rien, elle habitait là, elle nous a rendu de drôles de services et alors à la Libération, bien entendu comme on savait que les Allemands se rendaient chez elle, on voulait la tondre, la pendre, toujours les résistants au brassard, ceux qui étaient au courant de tout mais qui ignoraient tout, qui se poussaient du nez..."
INT : Vous n'aviez pas à un moment arrêté une, je ne sais plus qui exactement s'était, vous l'aviez fait téléphoné à je ne sais pas qui pour le faire venir?
" Ah mais ça s'est encore une autre histoire, pour Lahaye, oui, c'était pas sa maîtresse, celle-là je me rappelle de son nom, c'est Marcelle Lejour, celle là, on l'a cravaté à Sansac et alors, non ils l'ont cravaté à Laroquebrou et les gars de Laroquebrou nous l'ont amené à la Fombelle et puis on l'a interrogé /pardi/ et alors évidemment elle nous a dit qu'elle était tombée sur la milice, parce qu'elle s'était un agent de la milice plutôt que les allemands m'enfin ça se valait, [un agent] de Lahaye et alors elle voulait me trouver moi, elle voulait me contacter moi parce qu'elle voulait rentrer dans la Résistance paraît-il, elle avait dix-huit ans et c'était une belle fille et alors elle voulait me contacter mais elle avait jamais eu l'occasion, ou les moyens, la possibilité de le faire et alors elle s'était renseigné à Weisbecker qui était le commissaire de police de l'époque, qui se méfiait d'ailleurs de tout le monde, évidemment qu'il lui a pas donné de renseignement et finalement elle est tombée sur la milice qui l'a embarquée /pardi/ alors on la coiffe à Laroquebrou, ils nous l'amène, alors on dit : "Tiens, c'est une belle occasion pour tendre une embuscade et faire venir Lahaye" ; alors on lui fait téléphoner et elle lui donne rendez-vous, elle lui dit : "Je suis au pont de Sansac, je suis perdu dans la nature, je me trouve seule, je vous téléphone de Sansac, je suis au pont, si vous pouviez venir me chercher, ça me rendrai service" ; alors l'autre lui a dit oui mais malin, il s'est méfié et finalement il est pas venu, ils sont pas venus et ils ont bien fait d'ailleurs et alors il y a eu aussi un incident dramatique, toujours pareil, toujours fait par des jeunes, on avait établi, on savait pas s'il viendrait par la route de Sansac, ou par celle de Saint Mamet, il pouvait... et alors il y avait un autocar qui faisait le service Aurillac-Saint Mamet-Laroquebrou et sur le toit de ce camion, il y avait un type qui s'appelait Payol et alors les mecs ils se sont pas /emmerdés/, ils se sont dit : "Ca y est, les voilà qui arrive" ; pouf ils tirent et ils ont tué ce malheureux Payol qui n'y pouvait rien et qui n'y était pour rien d'ailleurs... oui il y a bien eu quelques bavures, c'était inévitable parce que l'organisation était pas assez... les moyens de communications... on avait pas de "talkie-walkie" à l'époque, on aurait eu des "talkie-walkie' on aurait pu ... mais à l'époque, ça se faisait par signaux ou par coureurs, il fallait le temps d'y aller... «
INT : Et elle cette Marcelle Lejour... (25'12)
« Et alors cette Marcelle Lejour, on l'a gardé au maquis pendant trois semaines et à la Libération, on l'a... parce que ça, ça devait se passer vers le mois de mai, un peu avant le débarquement, vers le 24... dans le mois de mai, je me rappelle pas des dates et alors elle a été condamné à Saint Ageau, elle a fait trois ans de prison à Saint Ageau, elle s'est faite remplir par des gardes, /pardi/ forcément et puis quand elle a été enceinte on n'a pas pu la fusiller et alors d'ailleurs personnellement, elle aurait été aussi dangereuse que l'autre parce qu'elle était encore plus belle que l'autre mais je crois pas qu'elle aurait été jusque là, enfin on peut pas juger, on sait pas et finalement elle a été libéré, elle a fait trois ans de Saint Ageau puis elle a été libéré et je ne sais pas ce qu'elle est devenue ; et c'est assez curieux parce qu'un jour, on m'a téléphoné, quelqu'un voulait savoir où elle était passée, je me rappelle pas qui c'était, c'était peut être un journal, je m'en rappelle plus qui m'a téléphoné, qui me dit : "Est-ce que vous pourriez me donner des nouvelles de" .... Martine, tiens j'ai déjà oublié le nom, Manjou, Monjou, Marjou..."
INT : Lejour...
"Lejour, ... de Marcelline Lejour, je sais qu'elle était native de Thiézac, je sais qu'elle était native de Thiézac mais je peux pas vous en dire davantage, je ne l'ai pas revu depuis, j'ai jamais eu de ses nouvelles et évidemment elle n'en a pas donné" ; m'enfin, j'aurais bien aimé savoir ce qu'elle était devenue ; alors c'était rigolo parce que le type qui l'a gardé, l'avait attaché avec une ficelle à un poignet et alors ils se baladaient tous les deux dans les prés, dans les bois comme ça, jusqu'à... qu'on puisse la faire envoyer en prison ici"
INT : Est-ce que vous pourriez disons définir un peu la hiérarchie, si il y a hiérarchie de l'organisation de la résistance? (29'15)
"La hiérarchie en ce qui concerne le Cantal, évidemment elle était pas compliquée, il y avait à la tête Lépine, il y avait responsable de l'arrondissement de Saint Flour Amarger avec je m'en rappelle pas qui c'était parce que lui s'occupait que de l'AP Amarger, l'action politique, ici il y avait Tricot et moi comme... pour l'AS et alors dans les cantons, il y avait Wattez à Salers, il y avait Périer et... à Mauriac avec un dentiste qui s'appelait Bergeron, je crois, un nom comme ça je crois qui a été arrêté lui aussi, déporté et déporté, il n'est pas revenu et Périer est mort en rentrant, il était plein de... il était atteint de diphtérie, je ne sais pas, finalement quand on est allé le chercher, il n'a pas passé la frontière, il est mort en arrivant en France..."
INT : Il est mort à quelques jours...
"De rentrer quoi, à quelques jours de la libération d'Aurillac..."
INT : Et sur le plan régional?
"Sur le plan régional, il y avait à la tête... ah comment il s'appelait, il était commissaire de la République, Ingrand et en dessous il y avait Gaspard qui était responsable, lui pour toute la région Auvergne de l'AS et pour le Cantal, c'était Grégoire qui lui organisait l'armée secrète, moi je m'occupais de faire des sixaines, de faire des parachutages, des /planquages/, des trucs comme ça, je recevais les agents, je faisais quand les types.... parce qu'on recevait tranquillement là bas je t'ai dit qu'il y avait un terrain de parachutage qui rassemblait les mecs alors ils nous arrivaient des gars qui auraient dû normalement être parachutés aux environs de Toulouse, de Clermont, il fallait les reconduire ou les laissés là bas et il y en a d'autres, au moins cinq ou six qui sont restés ici dont André, Dundee et les autres ont été tué, je dis André, Dundee parce que je les ai vu pour l'inauguration du monument de la Luzette là, oui, et ces deux sont restés en vie et les autres, je ne sais pas ce qu'ils sont devenus ; Mortier a été tué en Indochine. Après sur le plan... mais alors là c'était une organisation différente, c'était l'ORA, l'ORA c'était l'organisation de l'armée quoi, c'était tous des soldats, enfin c'était presque tous de militaires alors là chez eux c'était... chez les militaires, on ne se mélange pas avec les civils, on ne fait pas la guerre avec les militaires, avec des civils plutôt ; et alors à Murat, c'était le marchand d'essence là, qui est mort aussi lui, son fils fait les transports maintenant, il s'appelait .... ah ces noms, je ne me rappelle même pas son surnom, j'ai vu son fils dimanche à Condat, son fils et son amie, à lui au père qui est pas bien jeune maintenant la pauvre, ah comment il s'appelait... il a été marchand d'essence à Murat, c'est facile à retrouver son nom, même d'ailleurs son nom peut me revenir comme ça, là tout d'un coup ; alors chaque arrondissement était coiffé par... un gars quoi et alors sur Maurs, c'était le docteur Clauzet, avec... dont il nous a parlé hier... avec... ah c'était un ancien militaire aussi, il est à la retraite maintenant, ça fait vingt deux ans que je l'ai pas vu celui là, mais je sais qu'il est encore en vie, il était jeune, il était relativement jeune d'ailleurs ; et alors après chaque commune avait un responsable, un responsable de sixaines, à Arpajon, c'était Teyssou, d'abord ça était Armand... Armand... n'importe... puis après ça était Teyssou, à Aurillac, c'était Testud, à Maurs, je crois, ce n'était pas Cifre, non c'était Grapacap, Grapacap, que j'ai cherché son nom hier comme un... tu vois comment ça me vient, c'était Gratacap le responsable avec le docteur /machin/ l'un était AP, l'autre était AS ; alors dans la vallée, il n'y en avait pas par là, il y avait Fontanges à Vic sur Cère, Framboisier, le fameux Framboisier, alors aussi il avait un adjoint, qui était je crois entrepreneur de maçonnerie alors son nom aussi me revient parfois mais ça m'échappe, alors à Saint Cernin, c'était le docteur... Meyniel, le frère de Jacques Meyniel quoi, et puis les autres, je ne vois pas, je m'en rappelle pas, à Laroquebrou, c'était Moustache /pardi/ le père Rieu, c'était un célèbre Moustache, je m'en rappelle, le premier parachutage que nous avons fait à Saint Paul, dans les marais, il faisait froid, on était gelé à cinq heures du matin, il devait venir ramasser le matériel, à deux heures, on devait l'amener dans une carrière qu'il connaissait lui du côté de... pas de Siran, de l'autre côté, vers les Tuileries, et alors trois heures du matin, rien, quatre heures du matin, rien, cinq heures du matin, rien et finalement à six heures, il s'amène avec Delmas, le marchand de vin qui était son adjoint à Laroquebrou, les moustaches gelées tous les deux, hérissées, et alors : "Quand même bougres de /salauds/" ; les femmes nous passaient déjà, c'était le samedi, les femmes passaient le matin pour aller à la messe à Saint Paul, ou je ne sais pas où ; quand même depuis le temps, on était gelé, on était frigo, il me dit : "M'en parle pas, ce /putain/ de camion il a pas voulu partir" ; c'était des gazogènes, il fallait les supplications pour les faire partir, ils partaient pas toujours du premier coup, surtout avec le froid qu'il faisait à l'époque, il me dit : "Tant pis je connais un endroit où on sera bien, c'est un pétainiste, c'est un officier, un commandant" ; il s'appelle De... je m'en rappelle plus, j'ai oublié son nom aussi, il me dit : "Là on sera tranquille, il y met pas les pieds, c'était un... il y a des arbres fruitiers, alors tu parles quand cette saison, il risque pas de ramasser les fruits" ; bon on s'amène dans ce truc, il y avait une baraque au fond du verger, on décharge et tout d'un coup, je te vois arriver un type avec une canne, la capote, le béret, je dis à Moustache : "Non mais dis dont, tu avais dis qu'il n'y avait personne dans le coin, il s'amène un client" ; il dit : "Nom de Dieu, c'est le père, le patron, t'en fais pas, je vais le trouver"; il a pris sa canne lui aussi, il y est allé au devant, il a jamais voulu me dire ce qu'il lui avait dit, mais l'autre n'a pas fait un pas de plus, quand ils ont eu fini de discuter, il est reparti lui aussi avec sa canne et alors c'est assez curieux parce que bien après la Libération, une dizaine d'années, sa femme demandait la carte de combattant parce qu'elle avait été utile au maquis, alors tu penses, sa carte elle a été vite... je faisais parti de la commission à ce moment là et sa carte... j'ai expliqué le coup, là bas tout le monde a rigolé, il y avait le colonel, le commandant de... qui est toujours d'ailleurs, m'enfin c'est pas le même, mais il y a toujours à la commission un commandant, le colonel de la... qui habite là tiens, à côté, sur le boulevard derrière ; et oui elle a eu l'estomac de [demander] parce que je crois qu'entre temps, elle était devenue la maîtresse de... du communiste qui s'est présenté aux élections... ah c'était un brave type, bavard, un type qui racontait des histoires invraisemblables et alors il avait dû lui dire, c'est lui qui avait dû la pousser à faire la demande, il lui avait dit : "T'en fais pas, moi je connais Marcel Gaillard, je connais les autres têtes de la commission, moi le certificat que je te signerai, ils le reconnaîtront" ; tu penses, comme moi je connaissais la personne et il y avait aussi Delmas à cette commission qui justement était là le même jour alors la cause a été classé assez rapidement, comment il s'appelait ce type De... De... Mme De... elle avait une propriété à la sortie de Saint Paul, vers les Tuileries mais ils habitaient Saint Paul, pourtant de Saint Paul, il n'est pas revenu à pied à sa propriété, il devait habiter par là, il devait avoir la propriété autour ; le nom me reviendra, il m'est revenu deux ou trois fois oh pas aujourd'hui mais il me revient des noms comme ça par hasard."
INT : Est-ce que vous pourriez me brosser un petit portrait de chacun des responsables, Lépine, Durif, Amarger...? (34'43)
"Un portait physique ou... général... Lépine c'était un type clair et net, qui râlait tout le temps, très emporté, le premier contact avec lui était toujours difficile, il venait toujours pour rouspéter alors après il s'adoucissait mais d'entrée, il était sec [...]"

Cote :

7 AV 25-3

Description physique :

Document sonore
Collation
Collation: 1 DVD

Précisions matérielles :

Durée: 40 min 22 s

Observations :

Notes ISBD
(Cote de l'original : Fk 8 [1217] et de conservation : A [1217] 1151*).

Archives départementales du Cantal

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