Document d'archives : Clergé catholique régulier

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La sous-série 6 V représente 37 articles, regroupant les archives préfectorales relatives aux congrégations et communautés religieuses. Des enquêtes et recensements éclairent, tout au long du XIXe siècle, la nature, les effectifs et la répartition des communautés masculines et féminines dans le département des Vosges (6 V 1, 6 V 4, 6 V 6-7).
Les congrégations religieuses abolies sous la Révolution (loi du 18 août 1792) étaient prises en compte par le Concordat, qui supprimait tous les établissements ecclésiastiques, hors chapitres cathédraux et séminaires (loi du 18 germinal an X / 8 avril 1802, art. 11). La suppression de certaines congrégations fut confirmée par le décret du 3 messidor an XII, qui stipulait qu'« aucune agrégation ou association d'hommes ou de femmes ne pourra se former à l'avenir sous prétexte de religion, à moins qu'elle n'ait été formellement autorisée par un décret impérial ».
Les congrégations féminines à vocation hospitalière, charitable et enseignante assuraient depuis longtemps les soins aux malades et l'enseignement ; aussi se reformèrent-elles dès le début du XIXe siècle dans l'actuel département des Vosges, dépendant du diocèse de Nancy, comme ailleurs (6 V 8-10). Elles furent autorisées, sur approbation de leurs statuts, par le décret du 18 février 1809, légalisant une situation de fait, en fixant les règles de la constitution et du fonctionnement des communautés. Selon les termes de la loi du 2 janvier 1817, les congrégations devaient être reconnues par une loi, pour pouvoir acquérir des biens immeubles et des rentes et recevoir des dons et legs. Un débat politique naquit sur cette nécessité d'astreindre à une loi la reconnaissance des congrégations féminines. L'ouverture de nouvelles congrégations fut autorisée par celle du 24 mai 1825. Mais les maisons qui existaient avant le 1er janvier 1825, ainsi que les établissements nouvellement créés dépendant de congrégations autorisées, furent réouvertes par simple ordonnance du roi. Le pouvoir politique demeurait bienveillant à l'égard des communautés religieuses et soutenait la reconnaissance légale de celles « qui se consacrent à l'éducation de la jeunesse et au soulagement des pauvres » (décret du 31 janvier 1852). Une congrégation pouvait désormais être reconnue en adoptant les statuts déjà vérifiés, enregistrés et approuvés d'une autre congrégation. Les congrégations d'hommes, en revanche, étaient confrontées à une législation plus hostile, qui empêchait de fait les créations.
Jusque dans les années 1880, les dossiers des congrégations du département des Vosges documentent surtout leur reconnaissance légale et celles de leurs établissements (statuts, consentement épiscopal, rapports des conseils municipaux et généraux, avis préfectoral), ainsi que la gestion de leurs propriétés : dons et legs, acquisitions ou aliénations d'immeubles et de rentes, travaux en projet. Ils éclairent aussi l'accroissement et les activités des différentes maisons, le nombre d'établissements créés, et donc leur influence auprès des populations et des municipalités. Le contexte politique et l'évolution du cadre législatif expliquent les libéralités ou au contraire les réticences de l'administration préfectorale et gouvernementale à accorder telle autorisation.
Le durcissement à la fin du XIXe siècle des lois visant les congrégations et leur survivance jusque dans la première moitié du XXe siècle sont bien illustrés par les dossiers 6 V 11 à 37. Appliqués aussitôt dans le département des Vosges, les décrets du 29 mars 1880 réaffirmaient le caractère illégal des congrégations non encore reconnues par les lois du 3 messidor an XII/22 juin 1804, du 2 janvier 1817, du 24 mai 1825 et du 31 janvier 1852, en se fondant sur l'interdiction des congrégations proclamée par la Révolution française. Ainsi la congrégation des jésuites, singulièrement visée, fut-elle déclarée dissoute, en disposant de trois mois pour disperser ses membres. De même, toutes les congrégations non autorisées furent invitées à obtenir l'approbation de leurs statuts et leur reconnaissance légale dans un délai de trois mois, sous peine de dissolution et de dispersion. La loi du 1er juillet 1901, relative au contrat d'association, reprit à son compte la question, alors récurrente, de la reconnaissance d'une congrégation par une loi du pouvoir législatif ou par un décret du pouvoir exécutif. Par son article 13, les congrégations ne purent se former désormais qu'avec l'autorisation d'une loi et, ainsi reconnues, ne fonder un ou plusieurs établissements que sur décret rendu en conseil d'État. Toute congrégation non autorisée fut déclarée illégale (art. 16) et obligée, dans un délai de trois mois, d'obtenir sa reconnaissance et de justifier ses démarches, sous peine de dissolution et de saisie et liquidation de ses biens.
L'enseignement fut interdit alors aux membres des congrégations non autorisées (art. 14), mesure qui ouvrait la voie à la lutte contre l'enseignement congréganiste, condamné par la loi du 7 juillet 1904. Il était prévu que les congrégations à vocation strictement enseignante fussent supprimées dans un délai maximum de dix ans, leurs établissements et classes fermés, leurs biens saisis et administrés par un liquidateur judiciaire. Saisies et liquidations, conduites par l'administration judiciaire, se poursuivirent jusqu'en 1910, pour être ensuite confiées à l'administration des Domaines (cf. Arch. dép. Vosges, séries Q et U). Ces mesures frappèrent durement le département des Vosges, où l'on comptait de nombreuses écoles congréganistes publiques.

Cote :

6 V 1 à 37

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