Document d'archives : Anciens combattants et victimes de guerre

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L'une des plus importantes en nombre d'articles, la sous-série 3 R est composée de deux sous-ensembles : le fonds des archives versées par la préfecture des Vosges et celui de l'office départemental des Anciens Combattants. Ces deux fonds se rapportent à plusieurs thématiques, qui ont été organisées selon la chronologie de chaque conflit : aides aux victimes, militaires et civiles, prisonniers de guerre, anciens militaires, pupilles de la Nation, anciens combattants, toutes de premier intérêt pour les recherches généalogiques.
– Les victimes militaires [3 R 1-42]
Les soldats morts pour la France déclenchent des secours aux familles des soldats tués au cours des conflits. Le chercheur trouvera, pour les guerres du XIXe siècle, une importante série de registres et listes de conscrits décédés pendant les combats ou à la suite de leurs blessures, ainsi qu'un ensemble d'extraits mortuaires et d'extraits d'actes d'état civil, complète de 1800 à 1847, précieux pour les généalogistes, en ce qu'ils livrent le lieu de décès des militaires [3 R 6-20]. Pour la Grande Guerre sont conservés des diplômes de morts pour la France ou des statistiques de morts ou disparus : listes communales des conscrits décédés, auxquels l'administration accorda la mention « mort pour la France », instaurée pour les militaires et les civils respectivement par les lois des 2 juillet 1915 et 28 février 1922, avec effet rétroactif pour le début de la guerre [3 R 22-23]. L'érection de monuments spécifiques aux morts pour la France est évoquée à travers les cas du monument départemental de La Fontenelle (Ban-de-Sapt) et de ceux des anciens élèves des écoles militaires préparatoires [3 R 24-25]. La restitution des corps et l'aménagement de sépultures militaires concernent une part importante, que l'on suit jusqu'en 1930, de la sous-série, à travers l'indemnisation des frais engagés [3 R 26-32]. Ici sont abordées les notions de restitution des corps de soldats morts sur le champ de bataille, de soldats morts en captivité en Allemagne ou de militaires alliés, de recherche de disparus et d'identification des corps, d'entretien des sépultures militaires et de réinhumation de soldats prisonniers.
Les victimes militaires sont aussi constituées de soldats blessés ou invalides. Pour le XIXe siècle, la sous-série conserve la trace de l'admission aux militaires ou de secours financiers portés aux victimes des guerres napoléoniennes, de la guerre de Madagascar ou de l'expédition en Chine [3 R 21]. Pour la Grande Guerre, les sources conservées documentent les organismes et les dispositifs de secours aux militaires blessés ou rentrés malades du conflit (comité d'assistance aux soldats sans famille de Xertigny, comité départemental d'assistance aux militaires tuberculeux, secours de 5 francs aux soldats des régions envahies) [3 R 33-42]. Repérés lors de leur recrutement, les militaires tuberculeux étaient réformés et soignés ; cette lutte contre la tuberculose s'intensifia au cours de la Grande Guerre : les autorités mirent en place un réseau de soutien aux malades menés par ces comités départementaux d'assistance, tels que celui des Vosges, et par la Société française de secours aux blessés militaires.
– Les victimes civiles [3 R 43-66]
Les victimes civiles indirectes des conflits de 1800 à 1918, tels les veuves et les orphelins, ont généré, elles aussi, des dispositifs divers de secours et d'aides : secours aux familles de militaires pour les guerres du Premier et du Second Empire [3 R 43], recensement des veuves et orphelins et secours des villes des Vosges ou de l'œuvre nationale des orphelins et orphelines pour la guerre franco-prussienne de 1870 [3 R 45-46]. La guerre de 1870-1871 contre la Prusse engendra nombre de demandes d'aides, mais à la différence des conflits précédents, le gouvernement ne tarda pas à les accorder, par le biais de différents comités, tel le Comité central de l'œuvre des orphelins de la guerre et ses sous-comités départementaux chargés du patronage des orphelins. La Grande Guerre est majoritairement représentée, par l'attribution par cinq organismes nationaux ou locaux de secours aux populations touchées (Maison de famille du soldat, Comité départemental du secours immédiat aux populations vosgiennes, Comité de secours national, Croix-Rouge américaine, Fédération ouvrière et paysanne des mutilés, veuves et victimes de guerre) [3 R 47-56], complétés par les pensions et allocations versées aux veuves, orphelins et parents de soldats morts pour la France par les communes elles-mêmes ou par des organismes privés (œuvre des orphelins de la guerre de Saint-Dié, œuvre des pupilles de l'école publique) [3 R 57-65]. Au cours des années d'entre-deux-guerres, la loi du 31 mars 1928, complétée par celle du 24 août 1931, attribuait des allocations journalières en temps de paix aux familles de militaires appelés, remplissant les devoirs de soutien de famille pendant leur présence sous les drapeaux.
– Les prisonniers de guerre [3 R 67-107]
Les dossiers portent, en masse inégale, sur les trois grands conflits de la période. Les guerres de l'Empire n'ont laissé que des demandes de renseignements sur les prisonniers de guerre à la fin du régime (1810-1817) [3 R 67] et la guerre de 1870 n'a laissé qu'un dossier sur l'entretien des prisonniers de Saint-Dié [3 R 68]. La guerre de 1914-1918 est ici beaucoup mieux documentée : états nominatifs liés au recensement systématique des prisonniers français pour chacun des cinq arrondissements [3 R 69-74], renseignements sur leurs lieux d'internement et sur leur situation entre 1915 et 1918 [3 R 75-78], secours de divers organismes aux prisonniers français durant le conflit et dans l'immédiat après-guerre (comités de secours départemental et locaux, Croix-Rouge française, Association vosgienne de Paris, comité de secours immédiats), documentés par les demandes de renseignements exigées par le contrôle préfectoral, les modalités de quêtes et de collecte, le suivi comptable ou les stocks de denrées et d'effets constitués [3 R 79-106]. Le contenu de ces dossiers d'aides donne un écho direct du dénuement dans lequel se trouvaient les détenus et de la détresse des familles. L'ensemble s'achève par un intéressant dossier sur les modalités d'exécution du traité de paix, en 1920, vis-à-vis des prisonniers [3 R 107].
– Les anciens militaires [3 R 108-154]
Le fonds préfectoral est constitué de dossiers de secours et de pensions accordés aux anciens militaires de carrière et aux invalides, notamment aux militaires des guerres de la Révolution, de l'Empire et du Second Empire [3 R 108-109]. Ces dossiers de demandes, déposées par d'anciens soldats ou leurs parents survivants (veuves, enfants), sont constitués en partie ou entièrement d'instructions, de correspondance (demande et réponse des autorités) et de listes. Deux cas particuliers, pour la seconde moitié du XIXe siècle, sont bien documentés : le cas des militaires retraités, Vosgiens d'origine, résidant à l'étranger ou admis en cure à Bourbonne-les-Bains [3 R 110-111]. Les pensions de retraite sont organises par la loi du 14 avril 1831 ; ils ont engendré des états nominatifs, notamment dans le cadre de l'enquête menée en 1866 dans toutes les communes sur la situation des anciens militaires de la Révolution et de l'Empire. Des secours et diverses allocations ont pu venir compléter la pension de retraite et être versés aux familles : dotations pour le mariage des militaires retraités attribuées par Napoléon à l'occasion de son mariage avec l'impératrice Marie-Louise, secours accordés de la monarchie de Juillet jusqu'au début de la Troisième République à d'anciens soldats de la Révolution et de l'Empire. Ces pensions venaient en reconnaissance de leurs sacrifices engagés, pour leur permettre de vivre décemment lors de leur retour à la vie civile, certains étant dépourvus de tout bien et souvent malades. Les attributions se firent parfois des années après leur retour et leur mise à la retraite : sous Napoléon, entre 1856 et 1870, on recensait encore les anciens militaires de la République et de l'Empire qui n'avaient pas obtenu de secours viagers. Prévus par un décret du 24 octobre 1868, puis par la loi du 24 juillet 1873, les emplois civils réservés aux anciens militaires sont aussi abordés, destinés à d'anciens sous-officiers pour compenser la faiblesse de leur pension.
Mais ce sont essentiellement les dossiers, établis à l'échelon cantonal, d'admission au tribunal départemental des pensions, pour les militaires de la guerre de 1914-1918, - ou leur rejet par notification ministérielle -, qui occupent la majeure partie de cet ensemble [3 R 112-147]. Est aussi évoquée la question des militaires réformés, recensés en 1915 et attributaires d'allocations temporaires jusqu'au milieu des années 1920 [3 R 148-149]. Le fonds préfectoral comprend enfin les dossiers du contrôle sur les sociétés d'entraide de ces anciens combattants, qui se sont créées en grand nombre au sortir de la Grande Guerre, telles ici l'Association des mutilés et anciens combattants de la Grande Guerre, le Comité départemental de rééducation et de placement des mutilés et réformés de la guerre, l'Association républicaine des anciens combattants ou le Bleuet de France, dont le fonctionnement est suivi jusqu'à la fin des années 1930 [3 R 150-154].
– Les pupilles de la Nation [3 R 155-157]
Enfin, le fonds versé par la préfecture comportait aussi trois dossiers sur la prise en charge des pupilles, issus de la Grande Guerre, dont le statut fut institué par la loi du 27 juillet 1917, mise en œuvre par un office national. La loi prévoyait la prise en charge par l'État des enfants dont le père, la mère ou le soutien de famille avait été victime militaire ou civile du conflit, faisant de la notion de « victime de guerre » une acception large. La sous-série 3 R comporte un dossier, d'ailleurs tardif, sur la réglementation de cette prise en charge, et deux cas locaux autour des pupilles du canton de Provenchères-sur-Fave et de la commune de Gérardmer, dont on conserve des listes nominatives pour les années 1920 [3 R 155-157], mais le chercheur tirera profit, dans ce domaine, de la consultation complémentaire de la série X Assistance et prévoyance sociale dans les Vosges (1800-1940) et par les fonds des archives communales déposées, conservées en série E dépôt.
– Les anciens combattants [3 R 158-209]
Quant au fonds de la délégation départementale, il provient d'un organisme public et indépendant du ministère des Anciens Combattants. Le statut d'ancien combattant prend une signification nouvelle après la guerre de 1914. La loi de 1831, qui avait régi jusqu'alors la réforme des soldats et l'attribution des soldats, ne suffisait plus à répondre à la situation liée à la masse de mutilés d'une importance quantitative sans précédent. Dès mars 1919, une loi fut adoptée pour réformer l'attribution des pensions. Pour son application, le ministère Millerand, installé en janvier 1920, après l'élection de la chambre « bleu horizon », éleva au rang de département ministériel le sous-secrétariat d'État aux Pensions, créé en 1917 par le ministère Painlevé. Ce ministère des Pensions, attribué à André Maginot, ancien combattant militant, est l'ancêtre du ministère des Anciens Combattants, qui ne prit ce nom qu'en 1938.
Le décret du 28 juin 1927 précisait l'organisation et les fonctions d'un Office national des Anciens Combattants, créé par la loi de finances du 19 décembre 1926, et définissait comme combattants les militaires ayant reçu une blessure de guerre ou ayant été présents au moins trois mois (90 jours) dans une unité combattante, dont le texte fixait la liste. Chargé de l'attribution de la qualité d'ancien combattant, il devait aussi veiller aux intérêts matériels et moraux des anciens combattants et aux avantages qui leur étaient reconnus : secours, actions d'aide sociale. Une carte du combattant devait être attribuée à tout demandeur remplissant les conditions.
La sous-série 3 R, pour ce qui est du fonds de l'office départemental des Anciens Combattants et Victimes de guerre, se rapporte exclusivement à l'attribution de la carte d'ancien combattant avant 1940, matérialisée par des dossiers de demandes individuelles. Les dossiers de la première guerre mondiale forment la majorité des liasses, mais certains, placés à l'extrême fin de la sous-série 3 R, concernent aussi les opérations postérieures à 1918, soit lors des conflits des opérations extérieures (colonies, etc.), soit lorsque des unités françaises ont été en situation de combat, en Syrie, au Maroc (notamment à l'occasion de la guerre du Rif de 1925-1926), dans les pays rhénans, en Silésie ou dans les pays du Levant. Très riches pour la recherche généalogique, ces dossiers sont classés par ordre alphabétique des patronymes, pour chacun des conflits avant 1940.
Il convient de signaler que si, dans les Vosges, les versements des archives des Anciens Combattants n'ont pas été victimes de campagnes d'épurement préalable ou de tri par échantillonnage des patronymes commençant en B et T, les dossiers des anciens combattants de la guerre 1914-1918 sont en large part des dossiers reconstituées après la seconde guerre mondiale, les archives des Anciens Combattants et des Dommages de guerre ayant été très endommagées dans l'incendie de trois annexes de la préfecture des Vosges, le 23 mai 1944, à la suite du second bombardement aérien de la ville d'Épinal.
Il est précisé par ailleurs que les dossiers sont établis par chaque demandeur domicilié dans le département. Classés alphabétiquement sans critère chronologique par la délégation départementale, ces dossiers ne « suivent » pas la personne lors d'un changement de domicile dans un autre département, ce qui limite leur intérêt historique. Enfin, certaines personnes ont pu être pensionnées sans avoir obtenu la qualité d'ancien combattant.

Cote :

3 R 1 à 293

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