Document d'archives : Justice pour Otelo

Contenu :

Reportage.
Fiche technique :
- Réalisation : José Vieira.
- Image : Pascal Olivier.
- Son : Julie Clémencin.
- Voix : Nadia Durand et Mohamed Kamel.
- Extrait du film : Bon peuple portugais, de Rui Simoes 1980.
- Musique : Renaud, chanson Triviale Poursuite.
- Production : Agence IM'média
Reportage sur le mouvement de solidarité avec Otelo Saraiva de Carvalho, figure du Mouvement des Forces armées et de la révolution des oeillets du 25 avril 1974 au Portugal.
« Un gouvernement qui poursuit en justice un homme comme Otelo représente un danger pour ses propres citoyens ». Ramsey Clark, Ministre de la Justice sous l'administration Kennedy.
Paris, 8 novembre 1988. Dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, se tient une rencontre avec les écrivains portugais, en présence du Président de la République du Portugal Mario Soarès et de Jack Lang, Ministre de la Culture français. Assis au milieu d'un public venu en nombre, le chanteur Renaud, le dessinateur Siné et quelques uns de leurs ami-es portent ostensiblement un T-shirt noir ou gris barré du slogan « Justice pour Otelo ». Ils se lèvent subitement et Renaud, oeillet rouge au poing scande : « Justice pour Otelo de Carvalho, liberté pour Otelo », avant de quitter l'amphithéâtre sous les applaudissements d'une partie de l'assistance. A la tribune, Mario Soarès lui, est manifestement gêné aux entournures.
Lors d'un entretien, Renaud revient sur les raisons de « perturber ce colloque, où les écrivains disaient que grâce à la révolution ils ont retrouvé la liberté d'écrire. J'espère qu'on leur a rappelé que cette liberté d'écrire, ils l'ont retrouvée grâce à Otelo qui lui, aujourd'hui, est en prison » .
Récapitulatif des événements, sur des images du film Bon peuple portugais, de Rui Simoes (131 min. - 1980) : le 25 avril 1974, un coup d'État mettait fin à 48 ans de dictature au Portugal. Le plan opérationnel avait été confié par les conjurés à Otelo, un militaire de 37 ans. Lui et ses compagnons rétablissaient immédiatement toutes les libertés démocratiques. Renaud : « Les prisons sont vidées, le peuple embrasse les militaires dans la rue, leur offrent des oeillets rouges. Les militaires redonnent le pouvoir aux civils, c'est quand même quelque chose d'assez rare. C'était un pas de plus vers une Europe démocratique ».
Otelo Saraiva de Carvalho devient la figure la plus populaire de la révolution des oeillets. Dans tout le pays, le vent de liberté provoque un tourbillon d'initiatives. Nommé commandant de toutes les armées, Otelo soutient l'occupation des terres et des entreprises. Il rêve à voix haute à un socialisme de base à la portugaise.
Renaud insiste sur son estime pour le personnage : « En général, j'ai une aversion pour les militaires quand ils sont au service du pouvoir, donc des ennemis du peuple qui tirent sur le peuple. Quand je vois un militaire qui honore sa fonction en mettant l'armée et ses idéaux au service du peuple, je l'aime d'autant plus. Ce n'est pas étonnant qu'Otelo, qui représentait un danger pour les puissances, les trusts, la CIA, le FMI, ait été emprisonné et condamné après cette parodie de procès. Une machination ». Le 19 juin 1984, Otelo de Carvalho, accusé d'être le cerveau de l'organisation Forces populaires du 25 avril (FP 25), est arrêté. L'homme qui avait renversé une dictature sans effusion de sang est accusé de « terrorisme ». « Prisonnier et cobaye de la normalisation », suggère un banc-titre.
« Vingt ans pour Otelo / autant pour Mandela / combien de hors-la-loi chez ces petits juges en bois / dont on fait les salauds ? » chante Renaud (Triviale Poursuite, album Putain de camion – 1988). Crayon feutre en main, Siné esquisse un dessin : « Tant qu'Otelo sera en prison, le Portugal ne sera pas libre ! Libertade para Otelo ! ». Et donne son avis, tranché : « Avec Otelo, c'est carrément une erreur judiciaire d'une part, et en plus un scandale. Il se retrouve en prison alors que ceux qui n'ont jamais rien fait de leur vie sont au pouvoir. C'est un truc que je n'accepterais jamais. C'est un peu comme si moi j'étais en prison ! ».
Images de prison sur fond de bruits de bottes, et matraquages de manifs.
Commentaire :
- Après une procédure étirée sur quatre ans dont les péripéties ont laissé stupéfaits les juristes internationaux, Otelo est condamné à 15 ans de prison. L'accusation repose uniquement sur le témoignage de repentis du FP 25 et sur un texte rédigé par Otelo en 1977. Ce document prévoyait la défense de la démocratie dans l'hypothèse d'un coup d'État d'extrême-droite.
- Renaud s'explique ensuite sur la portée de son engagement : « Même dans mon public, même pour les jeunes, quand j'en parle son nom n'évoque pas grand chose, c'est donc important pour moi de profiter de mon petit nom, de ma popularité, pour défendre les causes pas beaucoup défendues. Le pouvoir portugais est assez inquiet par les vagues qui se passent en Europe (Italie, Grèce, France), et même au Portugal depuis quelques mois les gens se réveillent un petit peu. ».
- Siné se veut résolument optimiste : « C'est évident qu'Otelo va être libéré alors que ce soit sous la pression des intellos, des copains ». Renaud précise : « On veut pas seulement la liberté d'Otelo mais celle des environ 70 prisonniers politiques comme lui, et surtout un nouveau jugement qui les réhabiliteraient. ».
« Ce qui commence franchement à m'angoisser, dit Otelo de Carvalho dans une lettre de prison, c'est cette douloureuse sensation d'impuissance devant le lent et sombre écrasement dont mes compagnons et moi-même sommes l'objet. A qui recourir, à qui crier mon innocence, notre innocence, l'ignominie de tout ce procès ? J'imagine l'horreur, la douleur et l'angoisse qu'à dû subir le capitaine d'artillerie français Alfred Dreyfus il y a 93 ans. Il eut fallu la confiance, l'appui et la solidarité du grand écrivain Émile Zola, qui s'est battu pour démontrer l'innocence de cet officier exigeant l'annulation et la révision du procès à l'issue duquel il fut proclamé innocent à l'unanimité ».
* Relâché en 1989 en liberté conditionnelle, dans l'attente d'une décision définitive de la Cour suprême, Otelo de Carvalho est amnistié en 1996 ainsi que la plupart de ses compagnons. 

Cote :

NUMAUD/0013/096

Conditions d'accès :

Consultable sur les postes informatiques en salle de lecture de La contemporaine.
Prendre contact avec le département des archives (collections@lacontemporaine.fr).

Description physique :

Importance matérielle :
Durée : (00:08:33)
Dimensions :
Taille : 2,62 Go

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