Henri Médard, spécialiste de l'Afrique Orientale revient dans cet entretien enregistré dans le
cadre de l’ANR Histinéraires, sur son parcours professionnel d’historien. Il raconte comment
à l’âge de 8 ans, il s'est passionné pour l’histoire au contact d'un membre de sa famille, féru
de généalogie. Il voyage depuis son enfance car son père, professeur de sciences politiques,
enseignait régulièrement en Afrique. Durant sa jeunesse, il a ainsi vécu au Cameroun,
jusqu'au collège où il rentre en France. Il repart ensuite à Nairobi lors de ses années de
lycée. Après le baccalauréat, il s'inscrit à l’Université de Paris 1 en histoire et se passionne
davantage pour l’histoire internationale que pour l’histoire française. En avançant dans ses
études, il s'intéresse plus particulièrement à l'Afrique et fait un mémoire de maîtrise sur les
missionnaires du 19ème siècle au Soudan. Il travaille avec deux africanistes, Jean Boulègue
et Gérard Prunier, mais ne peut poursuivre ses recherches sur le Soudan, devant à cause de
la barrière de la langue. Pour son diplôme d'études approfondies, il fait des recherches sur
un sujet inédit : l’histoire de l’église catholique en Ouganda. Pour sa thèse, il élargit son
champ de recherche non pas en changeant de période, mais en étudiant les conversions et en
soulignant l'impact de ce phénomène sur l'Afrique des Grands Lacs et la société
contemporaine. Pour ses sources, il se rend à Rome, où il trouve des archives en français des
pères blancs, qui n'avaient pas encore été étudiées par ses confrères anglophones. S'il a été
initié durant ses études aux sources orales par l’historienne Claude-Hélène Perrot, il confie
dans l'entretien que la collecte est enrichissante, mais longue et parfois délicate du point de
vue de la maitrise des langues et de la culture. Il bénéficie des premières allocations de
recherche pour sa thèse et sous la direction de Gérard Prunier et Jean-Pierre Chrétien
soutient à Paris en 2001 devant Françoise Raison-Jourde, Michael Twaddle, et Gérard
Prunier. N'ayant pas présenté les concours d'enseignement, après sa thèse, il enseigne au
collège expérience difficile, ou fait aussi des vacations en lère et 2ème année à l'université,
tout en continuant à publier. Il postule dans plusieurs universités en France comme à
l'étranger, avant d'être recruté à Paris 1 sur le poste de par Jean Fremigacci, spécialiste de
Madagascar. Il travaille alors près de Jean Boulègue et de Pierre Boilley. Après avoir publié
sa thèse chez les éditions Karthala, on lui conseille de passer rapidement son habilitation à
diriger la recherche. I s'intéresse alors à l'Afrique de l'Est, mais contrairement à la thèse,
confie avoir détesté l'exercice, même si sa soutenance s'est très bien passée. En effet, pressé
par le temps, il estime avoir bâclé son mémoire inédit, quelques chapitres manquants aux
rendus de ses travaux. Il regrette de n'avoir pas suffisamment insisté sur le phénomène de
l'esclavage. Il est très critique sur l’égo-histoire, il trouve l'exercice long, confiant qu'une
dizaine de pages lui aurait suffi. Il considère aussi que cet écrit est hypocrite, puisqu'il
pousse les chercheurs à construire une cohérence, parfois artificielle dans leurs travaux de
recherche, et favorise en plus l'individualisme, les candidats étant accaparés par l'exercice, et
ne pouvant plus pleinement assumer d'autres projets d'enseignement ou de travaux collectifs.
Henri Médard considère que ce diplôme a simplement remplacé la thèse d’État, mais n’a pas
forcément d'équivalent dans d'autres pays. Il souligne tout de même un apport positif dans
l’habilitation, cet écrit lui a permis de se positionner plus clairement dans son champ
disciplinaire, que ce soit dans l’histoire, voire l'anthropologie. Après sa qualification, il a
rapidement obtenu un poste de professeur à l'université d’Aix-Marseille où il codirige aussi
l'institut des mondes africains. Dans la discussion, il apporte d'autres éléments du monde
universitaire, de ses travaux de recherches, ou de sa méthodologie, en évoquant par exemple
les sources orales ou la microhistoire. Pour conclure, il affirme qu'il n'aurait pas changé de
métier, mais aurait plutôt souhaité exercer à l'étranger.