Document d'archives : Champ de La Prade situé à Tournesac, paroisse de Bétête : bail emphytéotique par le prieur conventuel Antoine Mauru, et demande...
Titre :
Champ de La Prade situé à Tournesac, paroisse de Bétête : bail emphytéotique par le prieur conventuel Antoine Mauru, et demande en résiliation de ce bail pour abus de confiance de la part du bailleur et défaut d’observation des formalités exigées pour l’aliénation des biens d’église.
Contenu :
Bail emphytéotique (15 août 1557) par voie
d’adjudication, dans l’abbaye de Prébenoît, devant notaire,
par Antoine Mauru, prieur conventuel, et dom Bonaventure
Quartier, religieux profès de l’abbaye de Bonnevaux,
résident en l’abbaye de Prébenoît, d’un champ dit de La
Prade, situé à Tournesac, paroisse de Bétête, d’une
contenance d’environ 20 setérées : ledit sieur Mauru, fondé
de la procuration de Mes Maupuy, abbé de Prébenoît, a dit et
déclaré que les religieux étaient, avec ledit abbé,
propriétaires du champ susdit dont la majeure partie est
inculte ; que ce « champ ne leur rendait aucun produit, soit
parce qu’il est entièrement en friche, rempli d’ajoncs et de
broussailles, soit parce que ce qu’il y avoit de meilleur
dans ladite terre a été enlevé et raviné par les eaux dudit
ruisseau, soit enfin parce que en étant beaucoup éloigné,
ils ne pouvoient le faire cultiver, ny clore qu’à grands
frais, et que les bouchures sont enlevées aussitôt qu’elle
les sont mises, par les gens du voisinage ». Les religieux
ont fait publier en différents endroits que leur intention
était de consentir une emphytéose de ce champ pour 99 ans,
au plus haut metteur et dernier enchérisseur ; sur la somme
de 30 livres par an, tandisque les concurrents n’offraient
que 25 livres, le sieur Goguyer, bourgeois, demeurant au
lieu de Tournesac a été déclaré adjudicataire, tant pour lui
que pour les siens en ligne directe. En dehors du prix
annuel du bail, l’adjudicataire ne paiera à l’abbaye
« aucuns droits ny devoirs, pas même les grains de la dixme
décimale qui pourront se récolter dans ledit chant ». 11
pourra « se servir de l’eau qui vient dudit étang rompu,
appartenant à ladite abbaye et l’aller prendre à la queue
dudit étang pour la conduire dans le susdit champ et servir
à l’arrosement d’iceluy ». Requête (juillet 1768) suivie du
permis d’assigner, au sénéchal de la Marche par les prieur
et religieux de Prébenoît : le sieur Mauru, religieux de
Prébenoît, abusant de la confiance de l’abbé et de la
procuration qu’il lui avait donnée pour agir et gouverner
les revenus de l’abbaye, et « voulant favoriser le sieur
Goguyer, quoiqu’il ne pût ignorer que le bien de l’église
est inaliénable de sa nature », lui a donné à bail
emphythéotique la terre de la Prade, « et comme il fallait
une cause et un motif à cette aliénation, inséra dans l’acte
que ce champ ne portait aucun produit ». Outre que cette
aliénation est nulle pour avoir été faite sans aucune
information préalable et sans le consentement des supérieurs
ecclésiastiques le monastère éprouva une lésion considérable
par la vileté du prix. Les suppliants ont sollicité et
sollicitent de la chancellerie des lettres de rescision
contre un pareil acte et demandent que le Conseil donne acte
de la présentation qu’ils font desdites lettres de rescision
du 6 juillet, et sollicitent l’autorisation d’assigner, en
vertu de ces dites lettres, demoiselle Gabrielle Chatonnet,
veuve de maître Jean Goguyer, tutrice de leurs enfants, en
résiliation du bail emphytéotique. Acte (28 juin 1775)
consenti au profit d’Edme-Germain Précy, prieur de
Prébenoît, y demeurant, et de J. B. Beaupuy, prêtre, docteur
en théologie, prieur de Craysse, doyen de l’église de
Sarlat, abbé de Prébenoît, par Étienne-Sylvain Goguyer,
marchand, demeurant à Tournesac, lequel, comme héritier pour
un septième de feu J. B. Goguyer, notaire royal, considérant
que pendant sa minorité le précédent abbé avait obtenu des
lettres de rescision de la vente de la terre de La Prade,
dont on poursuit l’entérinement ; « qu’il a remarqué que les
formalités pour l’aliénation des biens de l’église n’ont pas
été observées dans cette occasion, principalement,
l’homologation que l’on n’eût pu obtenir sans un
procès-verbal de commodo et incommodo » ; que, malgré
l’intention où est le sieur Goguyer, curé de Tercillat, son
oncle, curateur de ses frères, de poursuivre l’affaire dont
l’événement est très incertain, il veut donner aux religieux
de Prébenoît une preuve de son attachement et de son
respect ; pour ces motifs se désiste de la septième partie,
indivise, de la terre de La Prade en faveur de l’abbaye.
Mémoire (1779) au sénéchal de la Marche par les religieux de
Prébenoît, demandeurs, contre les enfants et héritiers de
Jean Goguyer et Gabrielle-Marie Chatonnet, leurs père et
mère, émancipés d’âge par lettres du prince et procédant
sous l’autorité de Louis Goguyer, curé de Tercillat, leur
curateur : ils demandent l’entérinement des lettres obtenues
en la chancellerie du palais le six juillet 1768 et
l’annulation du bail emphytéotique du 10 août 1757 ; le
susdit bail est « d’une forme si irrégulière et si contraire
aux véritables principes qu’il est étonnant que les sieurs
Goguyer persistent avec autant d’obstination dans leur
résistance » ; le prieur Mauru et Bonaventure Quartier,
profès de Bonnevaux, résidant à l’abbaye de Prébenoît,
étaient « peu soucieux des intérêts de cette abbaye et
favorablement disposés à faire à l’avantage du sieur Jean
Goguyer ; il sautait aux jeux que cet acte (le bail
emphytéotique) n’était que le fruit d’un concert frauduleux,
et les contradictions, les impostures et les suppositions
qui ont servi de bases à cet édifice informe annonçoient
visiblement que les parties avoient moins recherché
l’intérêt du couvent et de l’abbaye qu’un avantage sordide
et personnel pour le sieur Goguyer » ; en 1778, M. de
Beaupuy, abbé de Prébenoît, reconnaissant que sa religion
avait été surprise et que le bail (10 août 1757) était
préjudiciable à l’intérêt de l’abbaye, n’hésite pas à se
pourvoir en lettres de rescision contre Gabrielle Chatonnet,
veuve de Goguyer ; cette dernière étant décédée, les
demandeurs firent assigner en reprise les enfants
héritiers ; une des filles des défunts, Claire Goguyer,
s’étant mariée avec Pierre Paret, ce dernier refusa à sa
femme l’autorisation d’intervenir au procès ; un jugement
décide que Claire Goguyer procèderait sous l’autorisation de
justice ; il est de principe que les biens de l’église sont
inaliénables en vertu de canons adoptés par une
jurisprudence invariable, à défaut d’application des
formalités prescrites par les conciles de Meaux et de
Beauvais, tenu en 845 ; le bail emphytéotique est assimilé
aux aliénations ; de nombreux arrêts ont annulé des baux de
cette nature pour défaut d’accomplissement des formalités,
« les formalités requises consistant à faire dresser un
procès-verbal de l’état des biens, de le visite et de
l’estimation qui doivent être faites par l’expert, à faire
faire une enquête de commodo et incommodo, à faire publier
la vente avec l’emphytéose par des affiches, à faire
confirmer l’opération par des lettres patentes duement
enregistrées, ou tout au moins, lorsqu’il s’agit d’objets
d’une médiocre valeur, par l’homologation, et enfin, il faut
une cause juste et une nécessité de recourir à cette loy » ;
le sieur Goguyer, comprenant que l’abbé ne donnerait pas son
agrément, « ne s’empressa point de lui faire notifier son
prétendu bail emphytéotique » ; il y a contradiction à
« soutenir qu’une terre est tout à la fois entièrement en
friche et remplie d’ajoncs et de broussailles, et de ne la
présenter inculte que dans sa majeure partie ; il est faux
que la terre de la Prade soit située au territoire de
Tournesac ; elle n’est séparée de l’abbaye que par un bois
d’une médiocre étendue ; les chemins qui y conduisent, de
l’abbaye, sont plus beaux et plus faciles que ceux à suivre
en partant de Tournesac, qui obligent à traverser la petite
Creuse et sont presque impraticables ; il ne suffisoit pas à
dom Mauru et au sieur Goguyer d’embellir l’acte du dix août
1757 de faussetés et de suppositions, ils devaient encore
faire dresser procès-verbal de tous les faits par eux
allégués et faire procéder à une visite par experts dès que
le bail ne pouvait être accepté que par le sieur Goguyer
qu’autant qu’il seroit avantageux à l’abbaye, et faire
homologuer le tout en la cour sénéchal dans le ressort de
laquelle est située l’abbaye de Prébenoît » ; on a bien dit
dans l’acte qu’il avait été fait une enquête de commodo et
incommodo, mais il n’existe aucune preuve que cette
formalité eût été remplie, de même que rien ne justifie
qu’il y ait eu des affiches ; la terre de La Prade peut
produire de 60 à 80 livres de revenu ; la rente de 30 livres
que payent les sieurs Goguyer représente à peine la valeur
de la dîme dont-ils ont été d’ailleurs exemptés : le canon
Terrulas n’était pas applicable dans la circonstance, car il
ne supprime l’obligation de certaines formalités que lorsque
les choses aliénées sont de peu d’importance et que, du fait
de leur vente, l’église ne souffre aucun préjudice ;
etc.
Cote :
H 531
Inventaire d'archives :
Description physique :
Liasse. 1 pièce parchemin ;
17 pièces, papier.