Document d'archives : 1953-1959

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A bien des égards, la période 1953-1959 apparait comme une période de transition pour le Moyen-Orient. Alors que la Grande Bretagne et la France perdent, en pleine guerre de décolonisation et à la suite de la crise de Suez de novembre 1956, leur influence, les Etats-Unis et l'URSS s'imposent comme les grandes puissances de cette région au cœur de la guerre froide.
                                                                   
Le poids des puissances occidentales et soviétiques ne peut à lui seul expliquer l'évolution de la région. Cette période voit en effet se développer le mouvement nationaliste panarabe autour d'une entité politique et diplomatique, la Ligue Arabe, à travers le rejet d'Israël et grâce à une personnalité : Gamal Abdel Nasser, à la tête de la rébellion militaire égyptienne qui fat tomber le roi Farouk en 1952, et chef de l'Etat égyptien depuis 1954. Il tente d'imposer une voie et une voix panarabe dans la région. Figure de proue du neutralisme, les événements de Suez vont le voir se rapprocher de plus en plus de l'Union Soviétique. Le Moyen Orient se fracture de plus en plus autour de rivalités géopolitiques, dynastiques, idéologiques, politiques et religieuses.
 
Une illustration de ces divisions est l'affaire du partage des eaux du Jourdain, dans une région où la question de l'accès à l'eau est primordiale. Les affrontements sont nombreux entre Israël et les États arabes riverains du fleuve, notamment la Jordanie, qui cherchent à développer leurs propres projets hydrauliques et concurrents autour de leurs bassins. Ce problème est renforcé par l'afflux des réfugiés palestiniens en Jordanie depuis 1949. C'est dans ce cadre que le négociateur Eric Johnston entreprend de proposer un plan de partage équitable des ressources en eaux. Au-delà des enjeux économiques et sociaux, ce projet est un enjeu de pouvoir et de souveraineté, un exemple local des tensions qui traversent la région. Une autre question économique est celle des ressources en pétrole, qui reste encore dans le giron des grandes puissances.
 
Les questions militaires, dans ce fond, sont, quant à elles, dominées par la mise en place progressive du Pacte de Bagdad, une alliance militaire qui unit l'Irak (jusqu'en 1959), le Pakistan, la Turquie, le Royaume-Uni (avril 1955) et l'Iran (à partir d'octobre 1955). Ce pacte est le prolongement des alliances Turco-pakistanaises de février 1954 et Turco-irakiennes de février 1955. Bien que non engagés dans ces alliances, ce sont les Etats-Unis qui vont pousser à la signature de ces accords, calqués presque entièrement sur l'OTAN et l'OTASE. Cette militarisation de la région oblige les pays frontaliers à prendre position. Le Liban cherche à garder une attitude neutre, même si le pays se rapproche du Pacte. La Grande-Bretagne fait pression sur la Jordanie pour qu'elle rejoigne l'alliance, entraînant une crise majeure dans le pays entre décembre 1955 et janvier 1956, en vain. Israël adopte une attitude neutre, le conflit avec les pays arabes ayant empêché toute alliance avec ceux-ci. La Syrie présente une attitude plus ambiguë. En effet, l'Irak pousse pour son entrée dans l'alliance, avec pour objectif, avoué ou non, la création d'une fédération arabe proche de la politique de « croissant fertile » ou de « Grande Syrie », même si la Syrie cherche dans un premier temps à préserver son indépendance. Elle se rapproche cependant de l'Egypte pour former, avec l'Arabie Saoudite, une alliance militaire (pacte égypto-syro-saoudien), bientôt rejoint par le Yémen. Ainsi, à la fin des années 1950, deux axes se font face : les puissances du Pacte de Bagdad et l'axe Egypte-Arabie Saoudite-Syrie-Yémen, sous l'égide de Nasser. Cet équilibre bascule à la suite de la révolution irakienne de juillet 1958 qui voit la chute de la famille royale hachémite et du premier ministre Noury Pacha Saïd. Cet arsenal défensif dicte la politique d'armement de la zone. Même si le contrôle anglo-franco-américain, via la Comité de Coordination des Fournitures d'Armes au Proche Orient reste important, des soupçons se font de plus en plus jour sur le rôle de l'Union Soviétique dans la politique d'armement, notamment l'exportation d'armes via la Tchécoslovaquie. 
 
La France reste très présente dans la région, à travers ses relations économiques, son poids diplomatique, ses infrastructures culturelles et religieuses mais aussi par les liens tissés entre des personnalités françaises et la région. Sa place reste aussi très ambigüe. Elle fait face, sur le plan intérieur, à une instabilité ministérielle entraînant la chute de la IVème République et l'arrivée au pouvoir de Charles de Gaulle. Ces difficultés sont pour partie liées aux conflits coloniaux qui se jouent dans la région : sa politique en Afrique du Nord (Maroc, Algérie et Tunisie) est largement critiquée. Elle s'attire ainsi les foudres de la Ligue Arabe et doit subir de nombreuses mesures de boycott, alors que des relations diplomatiques sont rompues dans la région. En matière de défense, elle n'adhère pas à l'Organisation pour la Défense du Moyen-Orient (ODMO), même si elle reste proche du bloc occidental. Elle se pose en protectrice de ses anciens mandats, Syrie et Liban, et surtout d'Israël. Jusqu'à la Crise de Suez, elle reste également très proche de l'Égypte.
 
La période est aussi marquée par le développement du multilatéralisme à toutes les échelles. Se multiplient ainsi les conférences internationales afro-asiatiques, notamment à Bandung (1955) et au Caire (1958) dans lesquelles les dirigeants s'efforcent de parler d'une même voix pour gérer les problèmes auxquels font face la région. Alors que la déclaration tripartite de 1950 a donné un rôle moteur aux relations franco-anglo-américaine, les pays d'Afrique Levant cherchent un cadre de dialogue qui leur est propre, soutenu par les chefs d'État dominant de ces continents en pleine décolonisation, et notamment Nasser. Ces nouveaux cadres de dialogues sont toujours corsetés par l'ingérence des grandes puissances et les positions politiques des leaders de la région.

Cote :

214QO/114-214QO/203

Inventaire d'archives :

Levant / Généralités

Informations sur le producteur :

France. Ministère des Affaires étrangères. Direction des Affaires politiques. Direction d'Afrique-Levant. Sous-direction du Levant.

Description :

Mise en forme :
Classement à l'article. Les dossiers Généralités Proche-Orient correspondent aux cotes GEN, K et PRO du cadre de classement de la sous-direction Levant en vigueur jusqu'en 1972. Ils ont été communiqués de 2003 à 2017 sur la base d'un inventaire provisoire sous les cotes 214QONT/531 à 729, avant de faire l'objet d'un reclassement en 2017 selon un plan thématique.

Conditions d'accès :

Les documents sont soumis aux délais de communicabilité des archives publiques prévus par le Code du patrimoine.  (voir l'inventaire des pièces réservées en fin d'instrument de recherche).

Description physique :

90 articles, 37 cartons, 4,1ml

Ressources complémentaires :

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Centre des archives diplomatiques de La Courneuve

Où consulter le document :

Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères - Direction des archives

Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères - Direction des archives

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