Document d'archives : Yasser Arafat et Eric Rouleau s'entretiennent à Damas dans les années 1980 en abordant les questions clés du conflit...

Titre :

Yasser Arafat et Eric Rouleau s'entretiennent à Damas dans les années 1980 en abordant les questions clés du conflit israélo-palestinien et notamment les tentatives politiques et diplomatiques qui pourraient permettre de parvenir à une solution pacifique

Contenu :

L'entretien débute par une question directe d'Eric Rouleau sur le refus de l'OLP de valider la proposition d'une charte visant à un accord politique israélo-palestinien. Yasser Arafat répond que l'intention du Front Démocratique pour la libération de la Palestine est de modifier cette charte pour qu'elle précise le programme politique du peuple palestinien et favorise une reconnaissance mutuelle et la coexistence pacifique entre les État palestinien et israëlien. Il rappelle dans ce cadre les positions de dirigeants israéliens tels que Menahem Begin (1913-1992), Ariel Sharon (1928-2014) et Yiṣḥaq Rabin (1922-1995) qui, malgré la reconnaissance par l'OLP des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité et le droit d'Israël à exister, ont refusé de reconnaître l'OLP ou de négocier avec elle. Même si l'OLP reconnaissait les résolutions 242 et 338 et le droit d'Israël à exister, ils ne seraient pas reconnus puisqu'aucune négociation directe n'a eu lieu. Il rappelle que Shimon Peres a donné des dizaines de déclarations indiquant qu'il ne négocierait pas avec l'organisation, considérant que le seul groupe représentant les Palestiniens était le roi Hussein (1935-1999) et tout groupe qui rejoindrait sa délégation. Cette attitude démontre, selon lui, les véritables intentions des dirigeants israéliens qui rejettent le droit des Palestiniens à l'autodétermination et à l'indépendance, et utilisent l'obstruction pour s'emparer des terres. En outre, Yasser Arafat évoque les difficultés rencontrées dans la lutte armée, soulignant que malgré les obstacles géographiques et d'armement, la Résistance palestinienne a persisté, s'inspirant d'exemples historiques comme l'Algérie. La Namibie est également évoquée, en référence à la résistance contre l'occupation sud-africaine. Il souligne l'importance de la lutte politique et diplomatique, parallèlement à la lutte armée, pour faire avancer la cause palestinienne. Il insiste sur le fait que la Résistance palestinienne prend en compte l'opinion publique israélienne, cherchant à dialoguer avec des forces démocratiques israéliennes non expansionnistes pour explorer des solutions politiques. Des tentatives de négociations secrètes ont même eu lieu, reflétant une volonté d'ouverture au dialogue malgré les défis.
Éric Rouleau interroge Yasser Arafat sur les avantages qu'il y aurait à créer un gouvernement provisoire non lié au contexte qui permettrait de mettre en place un véritable programme gouvernemental, avec un rôle politique et diplomatique. Il pourrait participer à des conférences de paix, et ne serait pas accusé d'être lié à certaines organisations palestiniennes. Mais selon Yasser Arafat ce gouvernement serait confronté aux mêmes problèmes qui se posent actuellement à l'OLP. Il rappelle qu'Israël est un membre des Nations Unies reconnu, sans frontières définies et que cela n'a pas empêché les Nations Unies de la reconnaître.
Éric Rouleau l'interroge ensuite sur la date future du Conseil national, lui demande s'il apportera des solutions et comment l'organisation envisage la stratégie à venir. Pour Yasser Arafat la lutte armée est celle qui s'annonce maintenant car leur peuple a essayé la lutte politique et diplomatique entre 1948 et 1967. Il ajoute "Nous étions oubliés après cela, et quand le Conseil de sécurité en novembre 1967 s'est souvenu de nous, nous étions devenus un groupe de réfugiés". Il évoque l'expérience d'autres peuples dont l'indépendance n'a pu se faire que par la lutte. A la lumière des résultats de la guerre et de l'invasion du Liban mais aussi de l'extermination des Palestiniens au Liban [Note de l'archiviste : référence au massacre de Sabra et Chatila] il indique que la lutte ne peut prendre une seule forme. Elle doit combiner le front militaire, le front politique et le front intellectuel [Des bruits indistincts à l'extérieur, gênent la compréhension].
L’entretien met en évidence les efforts constants des Palestiniens pour gagner le soutien international et avancer vers une solution politique, tout en faisant face à des obstacles considérables, notamment le refus d'Israël de reconnaître les droits fondamentaux du peuple palestinien et de s'engager dans des négociations significatives.
Éric Rouleau pose ensuite une question mais elle est inaudible car le micro est trop distant. Elle concerne les otages de Ma'alot-Tarshiha. Une discussion s'ensuit sur les détails de l'opération et le rapport qui a suivi rédigé par une commission formée par le gouvernement israélien. Éric Rouleau évoque ensuite la position de Ruhollah Khomeyni (1902-1989) et donne l'exemple algérien où la classe politique d'élite a contribué à la victoire politique et au soutien mondial de leurs causes. Il veut démontrer ainsi que la résistance armée n'est pas toujours celle qui fonctionne. Yasser Arafat répond qu'il ne sacralise pas le fusil, le recours aux armes est une réponse lorsque les droits des peuples sont bafoués. Sans l'usage des armes, le monde aurait oublié la cause palestinienne. Il reprend l'exemple de 1967, et de la résolution 242 du Conseil de sécurité : les Palestiniens n'étaient mentionnés que comme des réfugiés. La mobilisation, à ce moment-là, a permis de changer les choses. Il revient sur les exemples de l'Algérie et du Vietnam. Il compare les rapports de force. Sur le terrain, ils étaient en faveur de la France mais la victoire a été politique, et de même pour le Vietnam, ce sont les interactions politiques qui ont conduit au retrait américain. En conséquence, l'arme est seulement un levier, la lutte syndicale mais aussi la politique, et la diplomatie sont nécessaires. Après une coupure Yasser Arafat lit deux nouvelles de Radio Israël et de Radio Monte Carlo en lien avec la guerre au Liban.
Après une nouvelle coupure, il revient sur les positions des forces américaines et israéliennes et leurs conditions pour déployer leurs forces à Beyrouth.
Yasser Arafat mentionne ensuite la communication qui a été faite auprès de l'opinion publique israélienne en avril 1974, publiée dans des journaux israéliens, américains (Washington Post) et libanais (An-Nahar et Al-Orient) s' adressant aux forces démocratiques de la société. Mais l'appel a été minimisé et il n'y a pas eu de réponse. D'autres appels ont été lancés, non seulement en 1974, mais aussi en 1977 et 1979, pour insister sur le dialogue avec toutes les forces démocratiques israéliennes, mais il n'ont jamais été entendus. Il évoque des noms de journalistes, hommes politiques, intellectuels et activistes en Israël ou à l'international, qu’il a rencontré ou dont il connaît les activités, et qui ont essayé de faire passer ce message comme Paul Jacobs, Shlomo AvineriAryeh Eliav, Yossi Sarid, Itzhak Ben-Aharon, Amnon Kapeliouk ou Mordechai Gur
La conversation va vers la fin. Les deux hommes évoquent les négociations secrètes qui ont eu lieu à Paris et Prague avec des Israéliens non communistes [Note : l'enregistrement semble avoir été coupé]. Yasser Arafat revient sur l'invasion israélienne du Liban, il donne les noms de personnalités israéliennes et signale un incident mais l'enregistrement est peu audible. A ce propos, il raconte une crise où Ariel Sharon est accusé d'être le plus grand commandant sanguinaire et où ce dernier répond par l'insulte. Éric Rouleau lui demande ensuite quelle est la personnalité israélienne qu'il souhaiterait rencontrer. La réponse de Yasser Arafat est directe, il souhaite strictement travailler avec une personnalité non expansionniste qui reconnaît le droit du peuple palestinien à la vie. Les deux hommes plaisantent ensuite, Éric Rouleau promettant de lui amener Menachem Begin et après quelques minutes, la conversation s'interrompt.
Les deux hommes, Yasser Arafat et Eric Rouleau, semblent bien se connaître. [Point de vue de l'analyste : les coupures qui sont repérées dans l'entretien sont peut-être liées à une complicité entre les deux hommes qui les engagent implicitement à ne pas enregistrer d'informations confidentielles pour que le cadrage de l'entretien reste officiel].

Cote :

MMSH-PH-7837

Inventaire d'archives :

Fonds Eric Rouleau

Langues :

arabe (dialecte palestinien). .

Description physique :

Information matérielles :
1 cassette audio
Importance matérielle :
1h 15min (nombreuses coupures)

Type de document :

entretien

Où consulter le document :

Maison méditerranéenne des sciences de l'homme (MMSH) - Secteur Archives de la recherche

Maison méditerranéenne des sciences de l'homme (MMSH) - Secteur Archives de la recherche

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