Document d'archives : Un sociologue s'entretient avec un couple et, tandis que l’homme fait le récit de l’adversité qu’il a traversé entre la France et...

Titre :

Un sociologue s'entretient avec un couple et, tandis que l’homme fait le récit de l’adversité qu’il a traversé entre la France et l’Algérie, son épouse raconte sa vie quotidienne depuis son combat pour l’indépendance à l’éducation de ses enfants et sa vie familiale

Contenu :

Khedidja Adel et Faouzi Adel s'entretiennent avec un couple. Le mari intervient plus longuement que son épouse et commence l’entretien. Il revient d’abord sur ses origines mais il a peu d'informations sur ses grands-parents (Tunisie pour l’arrière grand-mère, Aurès par sa mère). Le père du témoin et son frère ont épousé respectivement deux sœurs rencontrées dans les Aurès où ils servaient dans l’armée française. Tous les deux ont reçu plusieurs décorations, et après la première guerre mondiale, ils ont vécu ensemble dans une maison qu’ils avaient achetée. Ils avaient participé à la guerre de Abdelkrim contre les Allemands [lalmân] et ont obtenu de la France une licence de café. Après avoir quitté l’armée française en 1926, son père a ouvert son café avec son frère en 1927, dans le centre ville à côté du bureau du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) de Messali Hadj. Quand son père décède, il n’a que 5 ans. C’est son oncle qui va les élever, malgré quelques querelles de famille et il va les protéger, en prenant parti même contre son épouse. Le témoin dit être né muet et que son oncle, pour le soigner, l’a emmené chez des guérisseurs qui lui ont appliqué près du corps une fauche [al-manjal] chauffée à blanc. Il était le préféré de son oncle, même s’il était turbulent, et il le surnommait Hmouda, - comme dans la chanson de Salah Bey de Constantine : [Ya Hamouda ‘ulidî thala fa-dâr] : “Mon fils Hamouda tu t’occupera de la maison…” Avec son frère aîné, ils étudiaient l’arabe à l’école coranique le matin et le soir et la journée le français à l’école française. Tous les deux sont entrés dans l’armée française. Lui-même a passé sept ans en France où il a suivi sa formation militaire mais il choisit de rentrer en 1962 – même s’il n’avait pas de perspectives de travail – et de se marier quelques jours avant l’indépendance de l’Algérie. Il est fier de sa femme qui avait fait six mois de prison car elle était l’instigatrice de la manifestation du 11 décembre 1960 à Annaba. Ce sont ses voisins juifs qui étaient alors intervenus pour sa sortie auprès des autorités françaises. Pendant la révolution, elle cousait des drapeaux. Elle a dû arrêter sa scolarité au niveau de sa sixième année primaire mais elle lit couramment l’arabe. Ils ont fait une grande fête pour leur mariage, sans alcool et sans musique car c’était encore la guerre L'informateur raconte les difficultés qu'il a eues pour trouver du travail à son retour en Algérie, n'ayant pas été aidé par ses collègues algériens. Il a eu plusieurs emplois et a travaillé en 1964 dans le BTP, puis il a été délégué médical à partir de 1975. Il a présenté un examen pour accéder au poste de commissaire de police, a été admis mais, après un stage, n’a pas obtenu le poste. Après quelque temps au chômage, il a été contacté pour occuper le poste de directeur d’une entreprise d’État où il a réalisé des bénéfices pour l’entreprise en dinars comme en devises étrangères. Mais, à ses dires, "il gênait trop de monde" et a été mis en prison pour vingt-cinq motifs d’inculpation pendant quinze mois. La période est très dure pour toute sa famille et encore aujourd’hui, il a l’impression de reprendre tout le temps sa vie à zéro. La partie de l’entretien avec son épouse est plus courte. Elle revient sur ses relations avec l’oncle de son mari. Elle appelait sa belle-mère maman Yuma et l’oncle de son mari papa beba. Son père et son mari ne voulaient pas qu’elle travaille, et elle ne l’a jamais fait. Après son mariage, elle s’est retrouvée à vivre avec l’oncle de son mari, sa mère, sa femme, les frères et soeurs et leurs six enfants. Elle ne s’est jamais voilée (mlâyâ) mais elle peut le faire parfois pour se rendre aux enterrements. Elle sort sans problème et quand elle se rend dans la famille maternelle de son mari, à Batna, où les femmes ne sortent pas, elle préfère ainsi ne pas aller trop souvent chez eux, n'ayant pas l’habitude de rester trop longtemps à la maison. Elle apprécie la relation qu’elle avait avec ses beaux-parents qui étaient de son côté. Il est arrivé que son mari boive ; un jour elle a quitté la maison après une dispute, et ses beaux-parents l’ont suivi chez son frère. Le soir, son mari est venu en courant les ramener à la maison. Elle a fait le choix, avec son mari, de n’avoir que trois enfants car le travail était trop important et elle explique la contraception qu’elle a utilisée. Elle a accouché à la maison comme l’avait déjà fait sa mère. Le couple revient sur la gestion du budget, la gestion des courses, l’achat des vêtements, l’ameublement de la maison, les sorties, leurs loisirs, les thermes. Lorsqu’ils évoquent l’éducation des enfants, le père insiste sur le fait qu’ils ont été perturbés par son emprisonnement et que sa mère s’est paralysée à ce moment-là. Il aurait voulu que ses enfants soient plus en sécurité. L’enquête se termine en questionnant la religion. L’épouse indique prier avec sérieux depuis vingt ans, surtout depuis après le pèlerinage à la Mecque de ses beaux-parents. Le couple s’est inscrit sur la liste de demande de départ en pèlerinage mais leurs noms ne sont pas encore sortis. Ils veulent réessayer même s’ils savent que cela leur coûtera beaucoup d’argent.

Cote :

F4197, F4198, F4199

Inventaire d'archives :

Fonds Faouzi Adel

Langues :

arabe

Description physique :

Information matérielles :
1 cassette audio
Importance matérielle :
Durée : 3h 32min

Où consulter le document :

Maison méditerranéenne des sciences de l'homme (MMSH) - Secteur Archives de la recherche

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