Inventaire d'archives : Inventaires anciens d’archives ecclésiastiques (Paris, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Denis)

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Les série L (documents conservés dans des cartons) et LL (documents reliés, cartulaires et autres registres) sont constituées par la juxtaposition, ou plutôt dans bien des cas, de débris des fonds d’archives des établissements appartenant au clergé séculier et régulier, qui se trouvaient à Paris et sur le territoire du département de la Seine. On en compte un peu plus de 150 dans l’« État général des chartriers existant à Paris (1) » et dans le Répertoire des chartriers ecclésiastiques « déposés au Bureau des archives établi en la maison du Saint-Esprit (2) » contiguë à l’Hôtel de ville de Paris, après avoir été saisis au nom de la Nation en exécution des lois révolutionnaires entre les mois d’août 1790 et de prairial an III (mai-juin 1795).
Pour l’utilisation des inventaires confisqués avec les archives et décrits ci-dessous, il est indispensable de signaler ici comment ces fonds d’archives ont été démembrés. Le dépècement fut opéré en conséquence du décret de la Convention qui organisa, le 7 messidor an II (25 juin 1794), les Archives nationales, par les fonctionnaires de l’« Agence temporaire des titres » instituée le 28 brumaire an III (18 novembre 1794) et ceux du « Bureau du triage des titres », qui la remplaça le 5 floréal an IV (24 avril 1796). Aucun de ces fonds d’archives ne devait être conservé dans son intégrité : la loi ordonnait qu’en fussent tout d’abord distraits, pour être détruits (« anéantis »), les documents jugés par ces fonctionnaires soit comme sans intérêt par eux-mêmes ou inutiles pour « établir les droits actifs ou passifs que la Nation a recueillis » en devenant propriétaire des biens des établissements ecclésiastiques, soit comme « purement féodaux ». La masse des documents conservés fut divisée ensuite en trois parts : 1° les « titres domaniaux », c’est-à-dire relatifs à la propriété et à l’administration de ces biens ; 2° les « titres judiciaires », à savoir les actes résultant de l’exercice des juridictions spirituelle et temporelle par les établissements ecclésiastiques supprimés ; 3° « les chartes et manuscrits appartenant à l’histoire, aux sciences et aux arts ou pouvant servir à l’instruction (sic) » ou plus brièvement « les titres relatifs aux sciences et aux arts ». C’est pourquoi le Bureau du triage était « organisé en trois sections, l’une domaniale, l’autre judiciaire, la troisième de l’histoire (3) ».
Comme conséquence de cette division tripartite, les documents placés alors dans les trois catégories ci-dessus ont été répartis ensuite, après le triage, entre trois sections distinctes et séparées des Archives nationales : la domaniale, installée durant plusieurs années dans le palais du Louvre (ils y formèrent la série S) ; la judiciaire, qui resta jusqu’en 1847 au Palais de justice (§ 12 de la série Z, actuellement Z/1o et série Z/2) ; la « section de l’histoire », dénommée ensuite « historique », logée d’abord aussi au palais du Louvre (4), réunie par la suite aux Archives nationales, quoique d’après l’article 12 du décret du 7 messidor an II, les chartes et autres documents dont elle fut formée aient été destinés à être « déposés à la Bibliothèque nationale ».
À cette troisième catégorie appartiennent les parties des séries K et L, qui s’intitulent, dans la première, « les monuments historiques…, actes des rois de France…, histoire des corps politiques…, des lois…, des provinces et villes… », dans la seconde les « monuments ecclésiastiques », les uns et les autres « recueillis dans les archives de plusieurs établissemens supprimés » et estimés constituer « un deuxième Trésor des chartes (5) ».
Il convient ici de parler d’une masse assez considérable de documents, que le Bureau du triage avait attribués à la Section domaniale et qui étaient encore dans la série S vers 1829 ; au cours des travaux de classement qui y furent faits à cette époque, le chef de cette section des Archives alors royales les fit mettre « au rebut ». Ils furent sauvés de la destruction vingt ans plus tard, grâce à l’avis formulé par J. Michelet, chef de la section historique, en contradiction sur ce point avec ses collègues chefs des trois autres sections, dans son rapport du 28 octobre 1849 (6). C’étaient des documents concernant l’administration des biens et les finances des établissements religieux (archevêché, chapitres, paroisses, monastères, séminaires) et aussi des collèges et d’hôpitaux et maladreries, provenant de leurs archives. Les plus anciens étaient des actes du XIIe siècle, la plus grosse partie se rapportait à la seconde moitié du XVIIIe siècle : car le Bureau du triage n’avait conservé en principe des documents de cette nature que quelques spécimens parmi les plus anciens, et d’autre part, estimant que les plus récents pourraient servir à justifier ou à revendiquer des paiements faits ou à recevoir, les avait systématiquement mis en réserve (7) ; certaines liasses encore aux Archives ont des chemises portant ces indications : « conservés par précaution » ou « provisoirement » et « à anéantir ». Michelet fit valoir que « les papiers en question… seraient peut-être utiles » aux historiens. Au surplus le triage hâtif fait vers 1829 avait laissé parmi ces « papiers mis au rebut » des actes tout aussi « historiques » que ceux conservés dans L et S ; en voici un exemple : le carton H/5 3377, fragment de ce résidu rejeté, contient, en outre de titres de constitution de rentes et de pièces de comptabilité, des documents concernant le spirituel et le temporel du chapitre de Saint-Marcel de Paris (8) en original, dont le plus ancien est de l’an 1116, entre autres les statuts de ce chapitre promulgués par les évêques de Paris de 1203 à 1500, et contenait aussi sept bulles originales des papes, des XIIe et XIIIe siècles, transférées en 1854 dans le bullaire général.
L’avis de Michelet fut écouté et de l’ensemble de ce résidu, versé à la section historique, on a formé les sous-séries H/3 et H/5, en répartissant dans la série M ce qui concernait les hôpitaux et maladreries (9).
On voit par ce qui précède qu’une partie importante de ce qui a subsisté, après « triage », des fonds d’archives ecclésiastiques, doit être cherchée dans d’autres séries L, LL et S, qui en renferment les anciens inventaires.
Les chartes les plus remarquables des rois et des empereurs, les bulles les plus remarquables des papes avaient été retirées de ces fonds et mises à part par le Bureau du triage « en prodigieuse quantité », comme dit le titre du projet cité ci-dessus (10). On en fit deux collections classées chronologiquement, « cartons des rois » et « bullaire » (11), mises en tête respectivement des séries K (que Michelet qualifiait de « nouveau Trésor des chartes » dans un rapport du 26 janvier 1850 (12)) et de la série L. Mais le choix n’en pouvait être qu’arbitraire et incomplet : aussi resta-t-il un bon nombre de documents analogues dans les divers fonds de L et dans S. De pareils errements furent continués aux Archives pendant le XIXe siècle : en 1837, le diplôme original de Hugues Capet (K 18 n° 1, au Musée n° 84) fut transféré de S dans K (13) ; peu après, de L 483 d’autres actes passèrent à K 18 (n° 85) et K 19 (n° 22, 25, 32 ; on en tira aussi près de cent de S pour les mettre dans K (14) ; il y eu aussi des transferts de L à S, dont le plus considérable en 1890 (15) et d’autres de S dans L (16). Un archiviste n’hésita pas à substituer dans le fonds de l’abbaye de Saint-Denis, à un acte depuis longtemps perdu, un vidimus de ce document qu’il avait rencontré et extrait dans le fonds de l’archevêché de Paris (17).
La confusion qui résulte de l’application de ces faux principes adoptés en l’an III n’est pas petite ; elle met fort en peine lorsqu’il s’agit de distinguer, parmi les documents analysés dans les anciens inventaires, ceux qui étaient disparus en 1790, ceux que le triage a condamnés au feu ou au pilon, ceux enfin que les Archives nationales ont recueillis. Résultat de ces déclassements et reclassements imparfaits : par exemple, l’original d’un acte royal de 1186 relatif à la fondation d’une chapellenie à Notre-Dame de Paris est dans S 90 (18), le vidimus fait en 1485 de ce même acte est dans L 474. Il faut d’ailleurs tenir compte des difficultés matérielles rencontrées par le Bureau du triage : dans le dépôt provisoire de la maison du Saint-Esprit, les archives de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés étaient « placées dans six chambres, à des étages différents et dans le désordre le plus complet (19) ».
Mais le Bureau du triage ne s’est pas borné à former les collections générales et artificielles des « cartons des rois » et du « bullaire » (K 1 à 164 et L 220-400). Il retira de presque tous les fonds ecclésiastiques, et surtout de ceux des abbayes de Saint-Germain-des-Prés (20), de Saint Victor et de Longchamp, une grande quantités d’actes glanés çà et là, sous la rubrique « topographie de Paris », qui demeurent plus ou moins groupés et mêlés dans K 964 à 982, parce qu’on y trouvait mentionnés des lieux-dits ou des voies de Paris et de sa banlieue. Là aussi, le choix se révèle arbitraire autant qu’inégal et incomplet ; même il est arrivé qu’il procédât d’une erreur : ainsi la pièce K 980 n° 39, parcourue à la légère, fit noter le nom de Gentilly et pour cette raison fut mise dans la portion de K dite « topographie de Paris » ; or, si on la lit on voit qu’elle concerne la terre d’Herbouvillers (dans la commune de Choisel, près Boullay-les-Troux, Yvelines) et n’a rien de commun avec Gentilly (Val-de-Marne), sinon que l’acquéreur s’appelle Guy de Gentilly (21).
Dans d’autres parties de la série K se rencontrent d’autres documents retirés en même temps des chartriers ecclésiastiques ; en faire la recherche systématique serait un travail fort long ; deux exemples seulement : dans K 1029, les pièces 2 à 43, relatives au bailliage de la Barre du chapitre de Notre-Dame de Paris, proviennent des archives de cette église, et les pièces 44 à 56, de celles de Saint-Germain-des-Prés. Les cartons K 930 à 932 sont remplis d’actes relatifs aux métiers exercés dans la ville de Saint-Denis et aux foires du Lendit et de Saint-Denis, extraits du fonds de l’abbaye de Saint-Denis. Les quelques précisions que nous venons de donner pourront guider dans l’usage des inventaires que nous décrivons ci-après. On verra par le détail que leur répartition entre LL et S n’a pas été faite selon une logique satisfaisante et même que des volumes d’une même suite ont été séparés.
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Notes
1. Arch. nat., AB V/C 2.
2. LL 1722.
3. AB V/C 2 (12 brumaire an IX).
4. Cf. « Projet d’un travail pour mettre en ordre la prodigieuse quantité de chartes et de bulles, de titres et de manuscrits qui sont disséminés dans les salles du Louvre, [présenté] par le citoyen Berger, membre du Bureau du triage des titres » au ministre de l’Intérieur. Ce projet n’est pas daté mais il est postérieur au 21 prairial an V (9 juin 1797), date de la loi qui fit passer le Bureau du triage des attributions du ministre des Finances à celles du ministre de l’Intérieur.
5. , p. 7-8.Tableau systématique des Archives de l’Empire au 15 août 1811
6. AB XIII 1. Il y a consigné son opinion personnelle que « rien de ce qui y entre une fois (aux Archives) ne doit être détruit, excepté les doubles et le papier blanc. »
7. Cf. un rapport du Bureau du triage concernant les archives du prieuré de Saint-Martin-des-Champs de thermidor an VI (juillet-août 1798), où la date de 1769 est donnée comme terminus a quo pour la conservation des pièces de comptabilité trouvées dans les chartriers ecclésiastiques (AB V/C 2).
8. Cf. l’inventaire de ce fonds rédigé vers 1700 (LL 582, ci-dessous n° 26).
9. Voir l’ de 1867, col. 67-76 ; la sous-série H/5 était alors « entièrement à classer ».Inventaire général sommaire des Archives de l’Empire
10. P. 2, note 2.
11. Constitué en l’an VII (1798-1799).
12. AB XIII 1.
13. Récépissé à la p. 10 de l’inventaire n° 340 de l’ de 1914.État
14. Cf. l’appendice de l’inventaire n° 330 de l’ de 1914.État
15. Cf. … 1914, p. 20, note 2.État des inventaires
16. Voir H. Bordier, , p. 241-242.Les archives de la France
17. C’est la pièce L 387 n° 58 ; son origine est prouvée par la mention qu’elle porte au dos du folio de l’inventaire du chartrier de l’archevêché (LL 11, ci-dessous n° 8) où elle était cotée n° 1 de la 4e liasse.
18. Voir H. Bordier, , p. 241-242.Les archives de la France
19. Compte-rendu du Bureau du triage du 6 frimaire an VI (26 novembre 1797) (AB V/C 2).
20. « L’avantage particulier de cette opération [de triage] a été de former une collection de plusieurs caisses des titres les plus précieux pour l’histoire, la diplomatique et la topographie de Paris » (compte-rendu du 6 frimaire an VI, précité).
21. Elle fut extraite des archives de l’ordre de Malte, à savoir de la 46e liasse du fonds de la commanderie de Louvières et Vaumion, dont les autres pièces sont dans S 5138.

Publication :

Archives nationales de France
2020
Pierrefitte-sur-Seine

Informations sur l'acquisition :

Documents entrés aux Archives nationales à la Révolution.

Conditions d'accès :

Fonds librement communicable sous réserve des restrictions nécessitées par l’état matériel des documents.

Conditions d'utilisation :

Selon les termes de la loi du 15 juillet 2008.

Description physique :

Importance matérielle :
330 pièces ou registres

Localisation physique :

Paris

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Archives nationales de France

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAN_IR_058159

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