Inventaire d'archives : Fourrures Visse

Contenu :

L'ensemble versé aux Archives départementales est en bon état de conservation car constitué d'archives récentes, principalement des décennies 1960 à 1990 relatives à l'administration, au fonctionnement et aux actions commerciales de l'établissement. Les archives les plus anciennes datant des années 30 et de la Seconde Guerre mondiale concernent le fondateur de la société.
Nous retrouvons des parties dédiées à l'histoire de la société et à celle de ses propriétaires, aux biens immobiliers (immeubles, fonds de commerce), puis celle, conséquente, relatives aux finances (factures, livres comptables, impôts et charges) et enfin celle relative à la gestion des ressources humaines avec notamment les dossiers du personnel.
La société des Fourrures Visse ayant aussi pour activité la fabrication et la restauration de pièces de pelleterie, le classement de ce fonds fait apparaître des parties relatives à la valorisation de cet artisanat, aux relations avec les fournisseurs de fourrures et avec les syndicats de pelleterie.
Une partie importante est aussi dédiée aux actions de commerciales et de communication organisées par la société ou auxquelles elle a participé, notamment des salons et des défilés de mode, cette partie comprend un grand nombre de photographies de ces évènements.

Cote :

128 J 1-72

Publication :

Archives départementales de la Vienne
2020
Poitiers

Informations sur le producteur :

Origine:
Fourrures Visse
Jean Visse nait le 27 mars 1908 à Paris. Il est issu d'une famille d'ouvriers du livre installée dans le 10ème arrondissement. En 1922, à l'âge de 14 ans, il devient apprenti chez un fourreur du quartier, Baril, et termine sa formation en juin 1926 avec la qualification de « petit ouvrier ». Il intègre les ateliers de la Manufacture de fourrures confectionnées des établissements Louaizil. Il part au service militaire puis travaille à Nantes dans les Etablissements Bernard jusqu'au printemps 1930. Après quelques mois difficiles, il est embauché en août 1930 par la maison Peignon, rue des Grandes Ecoles à Poitiers. Il y rencontre Jeanne Bobeau, née le 20 janvier 1911 à Poitiers, qu'il épouse en cette même commune en 1932. Jean Visse travaille à la maison Peignon jusqu'en mai 1931, puis accepte la proposition de la maison Mac Leod de Vendôme sous l'enseigne « Au manteau de Saint Martin ». Son épouse prend également congé pour accepter un poste de vendeuse comptable dans le même établissement, emploi correspondant à la formation qu'elle avait suivie à l'Ecole pratique de Commerce et d'Industrie de 1922 à 1925. Leur fille Nicole nait le 1er septembre 1936.
Lorsque la guerre éclate, Jean Visse rejoint le 21ème bataillon de chasseurs à pied du 131ème régiment d'infanterie à Orléans. Jeanne Visse, elle, revient vivre à Poitiers chez ses parents et travaille comme secrétaire-comptable à la Pile Leclanché. Jean Visse est fait prisonnier par les Allemands le 20 juin 1940 et envoyé en captivité en Poméranie. Il rentre à Poitiers le 8 août 1945, il a 37 ans.
M. et Mme Visse se lancent alors dans l'achat d'une machine et de fournitures et, après quelques semaines, travaillent à leur compte en qualité de chambre-maître (artisan qui possède sa propre clientèle et travaille pour le compte de confectionneurs). Un atelier est aménagé au domicile des parents de Jeanne Visse et une équipe se forme dans le cercle familial avec la demi-sœur de Jeanne et sa cousine germaine.
Le 5 septembre 1946, l'affaire s'installe au 16 rue des Vieilles Boucheries dans une partie des anciens locaux d'un salon de coiffure pour hommes. S'ensuivent de nombreux travaux de transformation. L'activité de chambre-maître se poursuit.
En 1947, Nicole Visse étudie au collège moderne de la rue des Ecossais.
A partir de 1949, la notoriété de l'entreprise s'affirme. Le couple fait l'acquisition du fonds de commerce de la boutique de bonneterie et confection sous l'enseigne « Aux Bonnes Affaires », mitoyenne des établissements Visse. L'atelier quitte alors la soupente du troisième étage pour s'installer au premier.
L'affaire est de plus en plus florissante et les locaux ne sont plus adaptés à l'activité. En 1955, M. et Mme Visse achètent l'immeuble du 16 rue des Vieilles Boucheries. Propriétaires de leur local, ils se lancent alors dans d'importants travaux d'aménagement et de transformation de la boutique et de la salle de garde du troisième étage.
Malgré une concurrence importante pour une ville moyenne, la boutique devient, grâce à l'audace et au travail des propriétaires, une référence du commerce pictavien. Le couple possède de grandes qualités professionnelles, tous deux sont reconnus et appréciés, M. Visse pour son grand savoir-faire de coupeur et sa gentillesse, Mme Visse pour ses talents dans la vente et l'aménagement des vitrines, son goût pour la mode et les belles choses. Outre la qualité de la marchandise et la sincérité des prix pratiqués, la renommée de l'entreprise repose sur le professionnalisme de ses fondateurs.
Mais la maladie frappe brusquement et durement la famille : Jeanne Visse décède le 3 mars 1958, laissant son époux et sa fille dans un grand désarroi.
Nicole Visse n'a alors que 22 ans. Elle est titulaire d'une capacité en droit, a suivi des cours à l'Institut de préparation à l'administration des entreprises et a fait un stage de gestion à la Chambre de commerce. Elle a travaillé à l'Inspection académique et occupe à cette période un poste de secrétaire de direction à la concession Frigidaire. Elle décide de quitter son emploi pour soutenir son père dans la poursuite de son affaire. Elle a sa confiance et celle du personnel mais, si l'activité de l'atelier n'a pour elle aucun secret, la tenue de la boutique et la relation avec la clientèle lui sont inconnues. Forte de son enthousiasme et des conseils de vente et de vêture appris pendant un stage chez Lionel Fourrures à Paris, Nicole Visse se lance dans cette association père/fille.
Au fil des années, la jeune femme apporte des nouveautés dans le but d'adapter l'affaire aux désirs de la clientèle, à la mode et à l'évolution du marché. Son goût pour le spectacle l'incite à mettre en scène la vitrine de la boutique. En 1959, la maison Visse participe pour la première fois à un défilé de mode, ces représentations saisonnières des collections sont très appréciées par la société féminine poitevine et perdureront jusqu'aux années 1990.
Les années 1960 révolutionnent la mode et par conséquent celle de la fourrure. Les méthodes de vente changent. A partir de 1962, la boutique propose plus de vêtements de cuir pour suivre les tendances de la haute couture. En 1966, un coupeur est recruté afin de soutenir puis remplacer Jean Visse, affaibli par de graves problèmes de santé.
Le 5 octobre 1969, Jean Visse décède, victime d'un second infarctus à l'âge de 61 ans, alors qu'il était sur le point de prendre sa retraite.
Sous peine de voir disparaître le résultat de 23 années de travail, et soutenue par les huit membres de l'équipe, Nicole Visse décide de reprendre la direction en solitaire. C'est dans ce contexte que la société d'exploitation des Fourrures Visse voit le jour le 14 décembre 1970 sous la forme d'une SARL dont elle est la gérante minoritaire.
En 1971, les Fourrures Visse quittent le groupement poitevin de commerçants « Sélection Club » et adhèrent au groupement « Client Roi ».
Le bilan est bon, les clients font eux aussi confiance à la jeune cheffe d'entreprise. Les locaux de la rue des Vieilles Boucheries sont maintenant trop petits, il devient difficile de trouver de la place pour entreposer la marchandise du magasin et les fournitures de l'atelier où aucun poste de travail ne dispose de l'espace dont il a besoin.
En 1972, il est nécessaire de trouver un nouveau local pour l'atelier, il est transféré dans celui des anciens établissements Rebeilleau (ancienne bonneterie en gros) 12 rue Scévole de Sainte-Marthe. D'importantes modifications y sont effectuées. Les principaux aménagements consistent en l'achat d'une grille et de volets de protection, la pose d'un système d'alarme et des travaux de peinture, de chauffage et d'électricité. Rue des Vieilles Boucheries, si le rez de chaussée reste en l'état, au premier étage, la salle de clouage devient un espace réservé à la vente et aux essayages de fourrures. Une équipe réduite y demeure pour répondre aux besoins immédiats de la clientèle. Le personnel transféré est très satisfait de ses nouvelles conditions de travail mais des difficultés liées à l'éloignement des deux sites apparaissent avec le temps.
Les années 1973 et 1974 sont florissantes, les commandes affluent et l'atelier peine à satisfaire toutes les demandes. Un changement de local est envisagé et, en février 1977, Nicole Visse investit presque tout son patrimoine dans l'achat de l'immeuble et du fonds de commerce du 46 bis rue Gambetta, rue la plus commerçante de Poitiers. Les travaux nécessaires à la remise en état sont importants. Au final, la boutique est moderne et confortable ; en plus d'un bel espace pour les vitrines, l'étalage et la présentation de pièces de griffes prestigieuses, elle offre aussi la possibilité pour la propriétaire d'organiser le défilé de mode annuel, qui deviendra une véritable institution.
Ouvriers, vendeuses et couturières sont recrutés pour absorber l'accroissement des ventes : de 1977 à 1980, le chiffre d'affaire a presque doublé grâce aux compétences de tous.
En 1980, les Fourrures Visse s'implantent dans la galerie marchande Carrefour à Chasseneuil-du-Poitou. Les membres fondateurs de Client Roi avaient acquis en 1968 des parts pour l'achat d'un terrain appelé « Fond de misère ». Lorsque Nicole Visse se joint au groupement en 1971 elle s'acquitte de l'achat de son quota de parts. L'opération avait été réalisée par Client Roi dans l'espoir de voir s'implanter une grande surface et sa galerie marchande à la grande périphérie nord de Poitiers. C'était chose faite.
En 1982, la société adhère au groupement Point « f » Fourrures (groupement de fourreurs professionnels). La profession a besoin de se protéger : la pression des actions anti-fourrure se renforce, de grands établissements spécialisés distribuent fourrures et cuirs à grand renfort de publicité, les ventes en masse et autres ventes flash se multiplient. Nicole Visse s'implique largement dans les opérations engagées par la fédération pour promouvoir la fourrure et surtout pour soutenir le métier. Son combat pour l'image de prestige de ce métier d'art ne cessera qu'à la fin de sa carrière.
Entre 1984 et 1986, les boutiques des établissements Visse s'informatisent avec la création de fichiers « sur mesure » dans le but de gérer les ventes, les stocks, les commandes… et de se lancer dans des petites campagnes de marketing direct très en vogue à l'époque.
En 1987, des travaux de rafraîchissement de la boutique de la rue Gambetta et la mise aux normes de sécurité dans celle de Carrefour pèsent sur le bilan. Toutefois les résultats restent stables.
Le poids des investissements, l'envolée des charges et des primes d'assurance pèsent lourd dans un contexte où les professions de la fourrure sont touchées de plein fouet par les campagnes anti-fourrures agressives. Pour y faire face la maison Visse s'adapte en diversifiant son offre, propose un rayon de confection prêt à porter textile et tente de développer le travail à façon auprès des fournisseurs confectionneurs, malgré ces efforts le chiffre d'affaires demeure en baisse.
En 1989, un plan d'austérité est mis en place avec un programme de mesures d'économie et de réorganisation de l'atelier et des magasins. L'atelier quitte la rue Sainte-Marthe pour réintégrer le rez-de-chaussée des locaux de la rue des Vieilles Boucheries. Deux ouvrières doivent être licenciées pour raisons économiques : l'effectif passe à 13 personnes. Malgré les efforts accomplis, le contexte économique est mauvais, les impôts et charges restent très élevés et le bilan de l'exercice de 1989 accuse une nouvelle fois une baisse.
La gestion de la boutique de Chasseneuil est devenue critique : sa fermeture, qui s'avère indispensable, se fait en 1990 à l'occasion du départ à la retraite de la responsable limitant ainsi les licenciements à deux personnes. Après la déspécialisation du local, la boutique est reprise par un salon de coiffure. En cette fin d'année, le bilan est meilleur grâce à ces mesures. La diversification de l'offre élargit la clientèle et la fréquentation du magasin augmente. Malheureusement, malgré l'accroissement du nombre de pièces vendues, le chiffre d'affaires recule encore.
1992 annonce un redressement des comptes mais, quelques mois plus tard, la conjoncture économique française est encore plus mauvaise : tous les secteurs sont touchés mais plus encore le marché de la fourrure, qui continue son inexorable chute.
Depuis 1991, Nicole Visse envisage d'organiser la reprise de son affaire. En 1994, une proposition sérieuse semble l'engager dans une cession tranquille mais rien ne se déroule comme souhaité. Le premier projet de reprise de l'activité échoue. Cependant, c'est satisfaite que Nicole Visse cède le 26 décembre 1995 l'immeuble de la rue des Vieilles Boucheries et son fonds de commerce à un très proche collaborateur qui devient gérant de la société Paulène (commerce de pelleterie, cuir et prêt-à-porter).
En janvier 1996 la cession du bail des locaux commerciaux situés au 45 bis rue Gambetta est signée.
Les semaines qui suivent sont employées aux nombreuses démarches administratives, à la réfection des lieux avant la reprise, à la dispersion du matériel et à la vente des stocks, mais aussi au déménagement de l'immeuble de la rue des Vieilles Boucheries, immeuble originel dans lequel est née l'aventure commerciale et humaine du couple Visse puis de leur fille.
La liquidation est entérinée par l'Assemblée générale de clôture du 21 décembre 1996.
Enseigne emblématique du commerce du centre-ville de Poitiers, la société des Fourrures Visse a été asphyxiée par la mutation générale de la société, non seulement par les mouvements anti-fourrure, mais aussi par la déconsidération continue envers l'artisanat et le savoir-faire professionnel, ainsi que par des méthodes de vente généralisées faisant appel à l'éphémère et du bon marché, toutes choses auxquelles les milieux respectueux de la tradition étaient mal préparés à faire face, surtout dans les villes de moyenne importance.

Informations sur l'acquisition :

Nicole Visse a fait don des archives des Fourrures Visse le 3 mars 2016.
Historique de conservation :
Nicole Visse a toujours conservé à son domicile les archives de l'entreprise familiale depuis la cessation d'activité de celle-ci.

Description :

Critères de sélection :
En dehors des documents en doubles, les éliminations sont restées limitées (0,40 mètre linéaire environ) et ont reçu l'accord de la donatrice.
Il s'agit notamment :
de factures : EDF GDF (1983-1992), France Telecom (1981-1992), eau et assainissement (1983-1987), bordereaux de quittances d'assurance (1978-1995), les factures de fournisseurs, directement liées à l'activité de l'entreprise, ont été conservées ; de bordereaux de livraison des transporteurs ; de copies de relevés de banques (1989-1994, qui étaient joints aux factures des fournisseurs qui elles ont été intégralement conservées) ; de la documentation : textes légaux, articles de presse et d'internet (licenciement, salaires, TVA…) [1974-1995], et 8 disquettes informatiques (inexploitables).
Mise en forme :
Les principales rubriques du plan de classement de ce fonds sont celles communément utilisées pour le classement d'archives d'entreprises.

Conditions d'accès :

Archives privées.
Les documents décrits dans le présent instrument de recherche peuvent être librement consultés, à l'exception des articles 128 J 1, 16, 48, 49, 51-61, 63, 64 consultables au terme d'un délai de 50 ans à compter de la date des documents (protection de la vie privée des personnes). Avant le terme de ce délai, les documents concernés ne peuvent être consultés que sur autorisation des Archives départementales de la Vienne.
Les articles 128 J 10, 15, 20 sont consultables uniquement sur autorisation des Archives départementales de la Vienne, pour des raisons matérielles (présence d'objets).

Conditions d'utilisation :

Pour les documents dont la consultation est soumise à un délai de 50 ans, la reproduction est soumise à autorisation des Archives départementales de la Vienne pendant le même délai.
Les autres documents peuvent être reproduits librement.

Description physique :

Description physique:
Document d'archives
Nombre d'unités de niveau bas
Nombre d'unités de niveau bas: 72

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Organisme responsable de l'accès intellectuel: Archives départementales de la Vienne

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAD086_128J

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