Inventaire d'archives : Répertoire numérique détaillé du fonds Intercomité du Marais et « affaire Maeght »

Contenu :

Ce fonds regroupe des archives et de la documentation sur les luttes menées, entre 1974 et 1980, par plusieurs collectifs d’habitants dans le centre de Paris, dénommé « Le Marais » (3ème et 4ème arrondissement), pour résister aux tentatives d’expulsion de sa population en majorité modeste (ouvrière et artisanale) par différents promoteurs publics et privés.
Ce fonds illustre le combat mené contre les projets de « rénovation » du quartier, dont notamment celui du « projet Maeght », qui fit grand bruit. A l’issue du rejet de ce vaste projet portant sur une portion de « l’îlot 16 » (triangle des rues de Jouy-de Fourcy-François Miron) le comité des habitants Jouy-Fourcy- Miron (JFM) et plusieurs autres comités du quartier, composés de locataires dépendant du domaine public, Ville de Paris, comme de propriétaires privés, se fédérèrent, la création de « L’Intercomité du Marais » donnant lieu à diverses actions politiques, juridiques et culturelles.
Si ces luttes n’ont pu évité la transformation de tout un quartier du cœur de Paris en zone historique patrimoniale destinée au tourisme et au luxe, elles ont néanmoins permis le maintien dans les lieux d’une petite partie de ses habitants en obligeant les pouvoirs publics à conserver et à réhabiliter un parc de logements sociaux partagé entre trois bailleurs sociaux (SAGI, RIVP, HLM Paris Habitat).
Ces archives constituent ainsi un témoignage de la résistance à la « reconquête » du Marais, étape déterminante de la transformation de tout l’« Est parisien » (en opposition à l’Ouest riche), dont la gentrification est toujours à l’œuvre en 2018.
Rassemblées par d’anciens membres de l’Intercomité du Marais et du Comité Jouy-Fourcy-Miron, elles représentent une bonne part de la documentation alors constituée. Cependant, de nombreux documents ont été dispersés ou perdus, de même qu’une importante iconographie (photos et films).

Publication :

Agence Bibliographique de l’Enseignement supérieur
2020

Informations sur le producteur :

Intercomité du Marais
Le 5 mars 1975, une manifestation rassemble plus de 5 000 personnes de la Bastille à l’Hôtel de ville de Paris, 2 jours avant la délibération du Conseil de Paris concernant le projet Maeght. L’Intercomité du Marais nait dans la foulée et fédère de nombreux comités de locataires, dont les comités CH3-CH4, créés en 1974 (projet de terrains d’aventure pour les enfants du quartier), le comité du marché des « Enfants rouges », le comité Justice et Paix, créé en 1972, tous signataires de l’appel « J’y suis, j’y reste ! Le logement n’est pas une marchandise ! », sans oublier le soutien des commerçants de la rue Saint-Antoine. Manifestation qui verra également surgir le soutien de divers mouvements, groupes, syndicats et partis politiques (Front des artistes plasticiens, CGT, CFDT, PCF, PSU…) Est alors organisé un travail commun d’actions et de réflexion : rédaction et diffusion de tracts, atelier sérigraphique pour l’impression d’affiches, organisation d’une présence régulière tous les dimanches sur les marchés de l’arrondissement, permanence juridique pour le « Droit au logement », publication d’articles et de communiqués de presse, recherche du soutien de personnalités, etc.
De janvier à juin 1978, 5 numéros de « Pourquoi nous luttons ? » —bulletin « qui paraît quand il peut » — seront édités. De 1975 à 1978, L’Intercomité réunira divers comités d’habitants en lutte dans le 3ème et le 4ème arrondissement de Paris, nombreux à se créer à cette époque (rue Chapon, rue du Grenier Saint Lazare, rue Quincampoix, rue des Tournelles, rue du Pont Louis Philippe, quai de l’Hôtel-de-Ville, rue du Trésor, rue des Ecouffes, passage des singes, etc.). Adoptée le 26 mai 1975, une Plateforme précise les conditions de son travail collectif : tous les comités, privés, publics, du Marais peuvent y adhérer pour coordonner des actions concrètes, en lien direct avec les besoins réels de la population du quartier du Marais. L’Intercomité fait connaître son refus de toute récupération politique, les partis et organisations politiques étant cantonnés au seul rôle de soutien — position qui sera respectée à la lettre.
L’Intercomité fonctionne alors sur la base de réunions plénières, ouvertes à tous, organisées tous les mercredis soir. Aura droit de vote toute personne présente. Cette vie démocratique, pendant les 5 années de son existence parviendra à se maintenir, avec des hauts et des bas selon les difficultés rencontrées, notamment à l’occasion d’occupations d’immeubles ou d’appartements (le passage d’une totale légalité à une autre forme de « légitimité » ne fut pas sans controverses). Le « Cahier des réunions », dans lequel étaient consignés les comptes rendus des débats et les décisions prises, n’a malheureusement pas été retrouvé.
Devant la déferlante de la spéculation immobilière dans le Marais, conduisant aux expulsions de ses anciens habitants, sera mise en place tous les samedis une permanence juridique pour permettre la défense de leur « maintien dans les lieux ». Ce qui conduira à faire le constat d’un nombre important de logements vides dans le quartier, « 5000 logements vides, 7 000 mal logés ». L’Intercomité organisera alors plusieurs occupations de logements pour des familles inscrites au fichier des mal-logés et se mobilisera afin d’organiser campagnes de presse et défense juridique avec le soutien engagé de trois avocats. Du 18 novembre 1976 au 4 janvier 1978, l’occupation d’un logement par Yolande Saada et ses 4 enfants dans l’Hôtel Hénault de Cantorbe (rue François-Miron, aujourd’hui Maison européenne de la photographie) se soldera, à l’issue d’un procès, par l’obligation donnée à la Ville de Paris de la reloger dans le quartier.
De février au 29 août 1977, l’Intercomité organise aussi l’occupation d’appartements par 5 familles mal logées (dont 18 enfants) dans l’îlot Saint-Paul. A moitié vidé de ses habitants, cet îlot, qui deviendra le « Village Saint-Paul », fut confié pour un projet de rénovation à la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP). En janvier 1977, celle-ci réclame 85 millions de francs, à titre de dédommagement, aux cinq familles ainsi que, nominativement, à trois membres de l’intercomité. La RIVP sera finalement déboutée en justice au printemps 77, avec obligation de reloger les familles expulsées manu militari le 29 août 1977 à grand renfort de policiers, de casseurs, le quartier du Marais étant entièrement bouclé. Ces expulsions scandalisèrent (« On n’avait jamais vu ça depuis la guerre ! ») et nécessitèrent d’organiser le 8 septembre 1977 une grande conférence de presse et d’information dans l’école occupée, en présence de personnalités comme Jack Lang et Georges Dayan, sénateur et conseiller de Paris PS.
Parallèlement, l’Atelier Populaire d’Architecture et d’Urbanisme du Marais (APAUM), regroupant architectes et habitants du quartier, élabore des contre-projets de réfection des immeubles tenant compte des besoins et des vœux des locataires pour les deux parties de l’îlot 16 (triangle JFM et Saint-Paul). Devant des représentants de la Préfecture, des Domaines de la ville de et de la RIVP est ainsi présenté par l’Intercomité et l’APAUM, en septembre 1978 à l’Hôtel de ville de Paris, le projet de « Réfection légère au profit des locataires ! ». Réponse de tous ces officiels : « le concept est bon et valable, mais nos crédits sont déjà engagés ». Réunion mascarade alors que cette initiative fut soutenue par de nombreux architectes et professionnels du bâtiment, dont Jean Prouvé et Jean Nouvel. Une manifestation fut donc organisée, quelques jours après, au siège de la RIVP sur les Champs Elysées pour protester contre les orientations choisies. L’animation et la vie de quartier firent également parties des activités l’Intercomité, dont l’organisation d’un « contre Festival du Marais », le 15 juillet 75 : spectacles (théâtre, musique, chansons) dans l’Hôtel de Beauvais, puis dans l’école désaffectée de l’îlot Saint-Paul et plusieurs rues du quartier. La même année, sur initiative du Front des artistes plasticiens (FAP), est organisée lors de la tenue de la FIAC Bastille une intervention-irruption mêlant comités d’habitants et plasticiens pour dénoncer l’affaire Maeght.
L’Intercomité participa aussi à la préparation du film « Poutres apparentes », réalisé par Justice et Paix, et présenté au cinéma 14 juillet - Bastille du 31 janvier au 6 février 1976. Deux autres films témoignent également des activités et actions menées : un documentaire réalisé par la télévision japonaise dans le Marais (dont un extrait fut montré en 2016 lors de l’exposition « Le Marais en héritage » au Musée Carnavalet) ; un film plus militant, hélas perdu, réalisé par un documentariste franco canadien. Après une tentative de fédération et de coordination au niveau parisien des comités en lutte dans toute la capitale- initiative bien reçue, mais trop tardive au regard de l’avancée de la spéculation et de l’affaiblissement des comités, l’Intercomité s’est maintenu encore quelques temps puis a cessé ses activités en 1979, de même que le comité JFM.
L’ampleur de la mobilisation des habitants et le travail de l’Intercomité n’ont pu empêcher la gentryfication du « Marais ». Néanmoins a été obtenu, et durablement, le maintien de tous les logements de l’îlot 16 dans le domaine public avec une conversion en logements sociaux gérés par les HLM, la SAGI, et la RIVP, avec maintien des locataires dans leur logement rénové ainsi que le relogement, dans le quartier, d’une partie des familles occupantes.

Informations sur l'acquisition :

Don conjoint de Annie Cyngiser, Françoise Dussert, Claude Rédélé (Front des artistes plasticiens), Danièle Sardet, Cloud Dupuy et Pascale Tixier (APAUM, Atelier Populaire d’Architecture et d’Urbanisme du Marais), enregistré en juin2018 sous le numéro 81153.

Description :

Critères de sélection :
Aucun tri ou élimination n’a eu lieu.
Mise en forme :
Le fonds a été classé par les donateurs avant son don à La contemporaine. Aucun papier n’a été éliminé.
Le plan de classement originel a été conservé, ainsi que les intitulés des dossiers établis par les donateurs du fonds et, cités entre guillemets, leurs éventuelles notes à propos des pièces conservées.

Conditions d'accès :

Librement consultable.

Conditions d'utilisation :

La reproduction, la publication ou la citation des documents sont soumises à l’accord préalable de La contemporaine.

Description physique :

Importance matérielle :
6 cartons

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

La contemporaine

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FR_920509801_LC_Archives_AP_

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