Jean Sutter, qui a fait partie de l'INED dès l'origine, en est l'une des figures emblématiques. Son itinéraire est caractéristique des premiers chercheurs de l'INED. Comme la plupart des chercheurs " fondateurs " de cet institut, il avait été membre de la Fondation française pour l'étude des problèmes humains, dirigée par Alexis Carrel sous le régime de Vichy, et supprimée à la Libération. Tout au long de sa carrière par la suite, il est d'ailleurs resté un promoteur et un historien de l'eugénique.

Né en 1910 à Anor, dans le Nord, il était avant tout médecin et ne s'est en fait consacré exclusivement à la recherche qu'à partir des années 1950. A son entrée à la Fondation Carrel, il prend la tête de l'équipe " Nutrition " et se penche sur les problèmes d'alimentation que rencontraient les jeunes enfants, particulièrement marqués en cette période d'Occupation, dans le but de fournir aux familles et aux cantines scolaires des indications précises sur les meilleurs régimes alimentaires possibles. De manière générale, il s'intéressait aux conditions optimales de développement de l'enfant, dès avant sa naissance. Parallèlement, il participait activement à la Résistance et fut, à la Libération, l'un des membres du comité d'épuration de la Fondation Carrel.

Le passage de la Fondation Carrel à l'INED ne marque pas de rupture fondamentale dans la nature de ses travaux : il élargit seulement son champ d'investigation. Il essaye en effet de souligner les liens entre génétique et démographie, ouvrant la voie à une nouvelle spécialité, la génétique de population. C'est dans ce cadre qu'il rédige plusieurs articles consacrés à différentes notions : la " qualité " d'une population, en fonction de la distribution en son sein de certains facteurs biologiques et humains ; les " isolats ", définis par l'existence en leur sein de mariages consanguins.

Ses centres d'intérêts expliquent l'orientation prise par les enquêtes qu'il a dirigées à l'INED : qu'il s'agisse des incisives latérales supérieures ou de la luxation de la hanche, il s'agit toujours d'étudier la consanguinité et ses effets au sein d'une population donnée. En plus de ces enquêtes, qu'il a conduites personnellement, mais uniquement dans la France de son temps, il a repris les données établies par d'autres que lui dans des contextes très différents, tant géographiques (l'isolat esquimau de Thulé, au Groënland, étudié par Jean Malaurie en 1952) qu'historiques (le peuplement préhistorique de la France, par Louis-René Nougier en 1954). L'enquête en Bretagne, qui a abouti, en ce qui concerne Jean Sutter, à son étude sur la luxation congénitale de la hanche , était pour sa part une vaste entreprise, engagée en collaboration avec Robert Gessain, lui aussi médecin, mais qui avait privilégié une approche anthropologique et ethnologique.

Tous ces thèmes fournissent la matière d'une douzaine d'articles signés dans la revue de l'INED, , en collaboration avec un jeune chercheur, Léon Tabah, qui était pour sa part mathématicien et statisticien de formation. Population

Parallèlement, il continuait à s'intéresser aux conditions de développement de l'enfant, son premier centre d'intérêt. Outre sa participation au cours de pédiatrie sociale créé par Robert Debré en 1948, il s'intéresse de près aux méthodes contraceptives : il collabore à un ouvrage sur les origines de la contraception, il mène des enquêtes dans les hôpitaux sur les attitudes devant la contraception et l'avortement, il suit le développement des recherches sur les méthodes chimiques visant à éviter la grossesse. Il reprend également à travers une enquête sur le niveau intellectuel des enfants d'âge scolaire le thème d'une enquête déjà réalisée du temps de la Fondation Carrel.

Tout au long de sa carrière, il a toujours beaucoup publié, au sein de l'INED comme à l'extérieur. Il figurait parmi les rédacteurs les plus assidus de , et ce jusqu'à sa mort au cours de l'été 1970. Fondateur, pour ainsi dire, de la section de Génétique de population à l'INED, ses travaux ne sont pas restés sans suite à sa mort. Ils ont été repris et continués par des médecins et des généticiens plus jeunes que lui, notamment Albert Jacquard. Signalons enfin que tous ces travaux ont laissé tout de même le temps au Dr. Sutter de s'intéresser à la peinture ; il est même l'auteur d'une synthèse sur le néo-impressionnisme et de la biographie d'un des représentants de ce courant pictural, Maximilien Luce. Ce dernier aspect de son activité échappe par contre tout à fait aux archives contenues dans le présent versement. Population

Si l'on excepte la peinture, ces dossiers sont le reflet de l'ensemble des activités du docteur Sutter. Elles sont constituées de deux ensembles assez distincts. On trouve au début (art. 1-11) les dossiers relatifs aux enquêtes menées par Sutter lui-même. En dehors de quelques pièces de correspondance avec les autorités locales relatives à la préparation de l'enquête sur le terrain, ils sont formés pour l'essentiel des données statistiques brutes de l'enquête. Outre des tableaux et des graphiques synthétiques, la masse est constituée de fiches individuelles généralement nominatives et, de ce fait, soumises au délai de communication de 100 ans applicable selon la loi à tous les dossiers d'enquêtes statistiques. On trouve également au CAC, sous la cote 19780181 art. 1-3, les résultats de l'enquête de Jean Sutter lui-même sur les mariages consanguins dans le Finistère de 1859 à 1962, et dont le présent versement constitue le pendant.

La seconde partie (art. 12-15) est formée de dossiers plus divers, consacrés aux activités de recherche de Jean Sutter. On y trouve parfois la seule source sur certaines enquêtes de l'INED : le dossier sur la taille des polytechniciens (art. 12) correspond en fait à l'enquête n°71 de l'INED, laquelle n'a donné lieu à aucun versement au CAC. Comme par ailleurs, il semblerait que Jean Sutter n'ait publié aucun article à partir de cette étude, on peut supposer qu'elle n'a pas abouti, pour une raison qui nous échappe. Ce dossier est une exception : les dossiers de cette seconde partie n'ont pas de lien direct avec la mise en place de ses enquêtes, même s'ils touchent évidemment à des questions similaires (participation à des colloques, rédaction d'articles, suivi de la recherche dans des domaines voisins de ses centres d'intérêt, etc.). Ces dossiers ont parfois pu déboucher, dans , sinon sur de longs articles, du moins sur des " Notes et documents " plus succincts. Ainsi, le dossier réuni par Jean Sutter sur les législations de par le monde en matière de stérilisation (art. 13) a-t-il servi de base à un petit article publié dans en 1947 (n°3). Par ailleurs, certains dossiers reflètent la participation de Jean Sutter à des enquêtes de l'INED qu'il ne menait pas seul : c'est le cas pour la grande enquête de 1963-1966 sur le niveau intellectuel des enfants d'âge scolaire (art. 13). PopulationPopulation

De par l'ampleur de ses travaux, il est logique que Jean Sutter ait suscité des continuateurs. Il s'est tenu à Paris en septembre 1975 un colloque sur l'étude des isolats dont la publication des actes a été assurée par Albert Jacquard, qui avait collaboré avec Jean Sutter dans ses dernières années. Plus récemment encore, en 1989-1990, l'INED a mis en place une enquête sur les descendants des porteurs d'anomalies héréditaires dont l'origine est le Nord-Pas-de-Calais, la Normandie et la Bretagne : on trouvera les éléments relatifs à cette enquête au CAC sous la cote 19980083 art. 8.

Deux indications pratiques pour finir en premier lieu à propos des dates extrêmes indiquées : la plupart des dossiers et sous-dossiers de cette deuxième partie sont formés pour une large part de documents publiés à des dates bien antérieures à leur intégration dans le dossier. Il va de soi que les dates indiquées sont celles de la constitution du dossier, et pas les dates de publication des tirés à part, qu'on peut notamment y trouver. Il en va d'ailleurs de même pour la première partie. Certaines enquêtes ont amené le docteur Sutter à effectuer des dépouillements statistiques rétrospectifs : là encore, ce sont les dates du dépouillement qui ont été retenues, pas celles de la période qu'il couvre. Seul le tout dernier dossier du versement échappe à cette règle, n'étant composé que de textes d'articles, sous forme de transcriptions ou de tirés à part. En deuxième lieu, la deuxième partie du versement est soumise au délai habituel de 30 ans. Rappelons en effet que, malgré les apparences, il ne s'agit pas d'archives privées, mais bien d'archives produites par un chercheur œuvrant au sein d'un établissement public ; de ce fait, elles sont soumises aux règles régissant les archives publiques.