Inventaire d'archives : BRIAND, Aristide

Contenu :

Les archives remises en 2008 au ministère des Affaires étrangères comprennent de nombreux documents sur les activités privées d'Aristide Briand, que ce soit ses fonctions d'avocat, ses débuts dans la vie politique, l'unification du Parti socialiste ou encore son rôle dans le vote de la loi de séparation de l'Église et de l'État. Elles portent aussi sur les activités politiques du grand ministre. Un nombre important de pièces concerne son action diplomatique pendant la Première Guerre mondiale, alors qu'il était président du Conseil, entre octobre 1915 et mars 1917. Des documents portent sur les affaires de Grèce, renseignées par des lettres du prince Georges et de son épouse, Marie Bonaparte, maîtresse de Briand. Quelques dossiers s'étendent jusqu'après la Guerre, en particulier la conférence de Cannes en janvier 1922, quand Lloyd George refuse l'alliance franco-britannique que lui propose Briand. Le fonds comprend aussi une série de calepins de Briand, malheureusement très lacunaire (1). Il contient enfin d'autres ensembles qui reflètent tant les intérêts de Briand que l'utilisation du fonds lui-même par Suarez. On note ainsi la présence d'un ensemble de lettres de Gambetta, ministre des Affaires étrangères en 1881, en partie inédites, confiées par la veuve d'Arthur Ranc, proche collaborateur de Gambetta, à Briand (2).
(1) Pour ses proches, les calepins de Briand auraient constitué en quelque sorte une sorte de préparation de mémoires : Cagniard note le 14 avril 1915 dans son journal : « Peycelon me dit que Briand écrit ses mémoires. Comme je manifeste un certain étonnement, il dit : J'en ai été le premier épaté, mais j'ai dû me rendre à l'évidence. Tu n'imagines pas combien il écrit.' »
(2) témoigne du goût des hommes politiques de la IIIe République pour les lettres autographes du tribun républicain, goût partagé aussi par Édouard Herriot.

Cote :

335PAAP

Publication :

Archives diplomatiques du MAEE
MAEE

Informations sur le producteur :

BRIAND, Aristide
Aristide Briand est né le 28 mars 1862 à Nantes, dans une famille modeste. Il entreprend des études de droit après l'obtention de son baccalauréat et devient clerc de notaire à Saint-Nazaire. Il s'engage en politique suite à sa rencontre avec Fernand Pelloutier, secrétaire de la Fédération des Bourses du travail. Devenu directeur politique de l'Ouest républicain, il rejoint les radicaux-socialistes. Il est élu conseiller municipal de Saint-Nazaire entre 1888 et 1889.
De 1900 à 1909, il est avocat au barreau de Pontoise. Il se fait connaître comme journaliste, notamment au sein de La Lanterne, journal anticlérical mais aussi en assurant la défense du monde ouvrier lors de procès emblématiques, comme celui des employés de l'horlogerie Crettiez de Cluses.
Il est par ailleurs élu député socialiste de Saint-Etienne en 1902 et est alors très proche de Jean Jaurès. Rapporteur de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, il joue un rôle important dans le processus de laïcisation. En 1906, il est nommé ministre de l'Instruction publique dans le gouvernement radical de Sarrien, ce qui provoque l'émoi dans les rangs de la SFIO qui se sent trahie. Briand travaille même à la venue de Clémenceau au gouvernement. Il est ensuite nommé ministre de la Justice en 1908 dans le gouvernement Clémenceau. En 1909, il devient président du Conseil avec le portefeuille de l'Intérieur. Il demeure à ce poste jusqu'en 1913. En 1914, il participe à la création de l'éphémère Fédération des Gauches. La même année, il est nommé ministre de la Justice dans le gouvernement Viviani puis de 1915 à 1917, il redevient Président du Conseil avec cette fois le portefeuille des Affaires étrangères. Combattu farouchement par Clémenceau, il cesse d'être ministre en 1917. Il fait son possible pour éviter l'élection de Clémenceau à la présidence en 1920.
Entre 1921 et 1929, Briand est président du Conseil à cinq reprises, occupant aussi le poste de ministre des Affaires étrangères en 1921 puis d'avril 1925 à janvier 1932. Partisan de la politique de paix et de collaboration internationale, il préside le Conseil de la Société des Nations et corédige le pacte Briand-Kellogg en 1928, mettant "la guerre hors-la-loi". Il se voit décerner le Prix Nobel de la Paix en 1926.
Il n'abandonne ses fonctions politiques que deux mois avant sa mort le 7 mars 1932.

Informations sur l'acquisition :

Les volumes 30 à 58 de la sous- série des papiers Aristide Briand ont été acquis en 2008 par la direction des Archives du ministère des Affaires étrangères. Ils comprennent une partie des originaux des documents classés sous forme de copie dans les 23 premiers volumes de la sous-série.
Ces papiers, longtemps conservés en mains privées, sont entrés aux Affaires étrangères au terme d'une aventure singulière de plusieurs décennies. Le 1er septembre 1931, Aristide Briand rédige un testament qui transfère la propriété d'une partie de ses meubles à son petit-neveu, Charles Billiau, qui fut longtemps son secrétaire particulier. Parmi ses meubles se trouve un ensemble assez disparate de papiers conservés sans doute pour des raisons personnelles et de confidentialité.
L'existence de ces papiers est bien connue. En 1938, Alexis Léger, secrétaire général du Quai d'Orsay, s'en inquiète dans une longue conversation avec son collègue Henri Hoppenot (1). Les diplomates craignent alors qu'ils fassent l'objet d'une exploitation malintentionnée dans la presse. De fait avec l'accord de Charles Billiau, un journaliste, Georges Suarez, travaille alors sur les papiers de Briand, dont il reproduit de larges extraits dans sa monumentale biographie, publiée en cinq tomes (et six volumes), à partir de 1938 (2).
Les nombreuses citations faites par Suarez contribuent à la réputation de ces archives. En 1988, une association constituée à Saint-Nazaire obtient d'en faire une copie partielle, alors qu'elles sont la propriété de l'arrière-petit-neveu d'Aristide Briand, M. Michel Lambert. L'association fait établir par Mme Agnès Duguay un inventaire analytique de sa copie. Les Archives du ministère des Affaires étrangères obtiennent une autre copie qui constitue aujourd'hui les 23 premiers volumes de la sous-série des papiers d'agents consacrée à Aristide Briand.
En 1993, les Archives du ministère des Affaires étrangères complètent cette série en acquérant quelques liasses originales comprenant de la correspondance privée. Il s'agit pour l'essentiel de lettres antérieures à la Première Guerre mondiale et des pièces officielles relatives aux fonds secrets (3). Elles prennent place dans les volumes 24 à 29 de la sous-série.
Quinze ans plus tard, des descendants d'Aristide Briand décident de se séparer d'un lot d'archives encore en leur possession. Ils chargent maître Philippe Kaczorowski, commissaire-priseur à Nantes, d'organiser une vente. Dans le catalogue, la plupart des archives sont regroupées en un unique lot d'environ 750 pièces sous l'intitulé « archives de Cocherel ». De ce lot sont disjoints des séries de « souvenirs historiques », notamment des médailles, diplômes et photographies destinés à être vendus à part.
À la nouvelle de la vente, plusieurs journaux et personnalités politiques manifestent leur souhait que l'intégrité du fonds Briand soit préservée et que celui-ci soit porté à la connaissance du public. Les services du ministère de la Culture et du ministère des Affaires étrangères interviennent auprès du commissaire-priseur et de l'expert, M. Eric Séguineau, libraire à La Baule, et demandent que le lot intitulé « archives de Cocherel » soit remis au ministère des Affaires étrangères. Cette démarche permet que le lot soit retiré de la vente du 29 mars 2008 et envoyé au centre des archives diplomatiques de Nantes. La vente des autres lots se déroule normalement et permet aux institutions nantaises d'acheter quelques pièces les intéressant, notamment le diplôme du prix Nobel de la paix reçu par Briand.
Après avoir été conservé pendant plusieurs années à Nantes, les « archives de Cocherel » sont envoyées finalement au centre de La Courneuve en 2016, où elles sont classées dans les volumes 30 à 58 de la sous-série des papiers d'agents Briand.
(1)  Hélène Hoppenot, Journal, 1936-1940, éd. Marie-France Mousli, Paris, Claire Paulhan, 2015, p. 167. « Léger [..} parle de Briand et de ses derniers moments. Il n'avait pris aucune disposition testamentaire et on ne retrouva que deux petits papiers : sur l'un, le don de son voilier à Léger, son collaborateur préféré, sur l'autre le legs d'une partie de son domaine de Cocherel à sa maîtresse. Le reste à son neveu (que l'on croit être son fils naturel) et « ce qui était important, tous ses papiers ». Briand en possédait beaucoup : il ne déchirait jamais une lettre et constituait des dossiers sur ceux qui lui avaient causé quelques torts, non pour s'en venger car il négligeait de le faire, mais comme preuve de la vilénie des hommes. D'ailleurs certains de ceux qui lui avaient joué des mauvais tours s'en repentaient et lui écrivaient des lettres de regrets. Il en possédait une de Philippe Berthelot dont la publication ne servirait pas sa mémoire. Léger pense, sans en être sûr et cela l'inquiète - que les papiers doivent se trouver entre les mains de Suarez. »
(2) L'édition de l'ouvrage est achevée après l'exécution de Suarez pour faits de collaboration à la Libération.
(3) À l'exception notable d'une série de lettres de Raymond Poincaré pendant la Guerre.
Historique de conservation :
Il est difficile de reconstituer le sort exact du fonds Briand, tant il a fait l'objet de bouleversements durant les décennies pendant lesquelles il est resté en mains privées. Les archives ont d'abord été largement manipulées par Suarez qui les a assemblées par ordre chronologique pour établir le manuscrit de son ouvrage. Mais le fonds n'a ensuite cessé d'être utilisé et complété. De nombreux documents ne sont que des copies dactylographiées voire des transcriptions de pièces éparses, souvent anonymes, dont on ne sait si elles ont effectivement appartenu à Briand ou si elles sont plutôt le résultat du travail de Suarez. Des coupures de presse ont été ajoutées par les héritiers de Briand jusque dans les années 1950. Inversement de nombreuses pièces en ont été soustraites dans les dernières décennies sans qu'on ait d'explications cohérentes. Le rapprochement entre les pièces présentées à la vente et l'inventaire réalisé par Mme Duguay fait apparaitre à la fois des pièces supplémentaires et de nombreux manques. Pour la commission du ravitaillement de Paris, Mme Duguay a ainsi inventorié un lot important de notes alors qu'il ne reste que des procès-verbaux. Inversement, des lettres importantes semblent lui avoir échappé. Le nombre d'environ vingt mille feuilles qu'elle annonce dans l'introduction de son inventaire, même surestimé, est en tout cas infiniment supérieur aux 750 documents annoncé lors de la vente de 2008.
L'ensemble de ces interventions a rendu le classement particulièrement délicat. À partir du moment où le travail opéré par Mme Duguay avait été entièrement bouleversé, il paraissait nécessaire de constituer de nouveaux dossiers. L'ordre de ceux-ci respecte dans l'ensemble celui établi par Mme Duguay, mais quelques précisions ont été apportées. Ainsi, une résolution confidentielle du comité des forges sur les buts de guerre économiques de la France en 1916, qui avait été classée par erreur dans un dossier sur la vague pacifiste, est venue abonder un dossier sur les questions économiques. Dans l'ensemble, des analyses synthétiques ont été établies de façon à rendre plus aisée la lecture.
Pour l'historien, le fonds ne comprend pas de nouveauté majeure : il est en principe largement connu depuis les ouvrages de Georges Suarez et l'inventaire établi par Mme Agnès Duguay. Cela n'interdit pas de souligner l'intérêt extrême des documents qu'il contient. Aristide Briand, a conservé par devers lui des pièces dont il percevait l'importance historique. Parmi elles, on note des procès-verbaux des réunions du parti socialiste, sur lesquels figurent la signature du jeune Léon Blum, alors âgé d'une vingtaine d'années, des manuscrits de Jaurès et de Viviani, ou encore un ensemble considérable sur la loi de séparation de l'Église et de l'État, d'une grande utilité pour l'étude du célèbre rapport d'Aristide Briand. On peut aussi signaler les rapports de Lyautey en 1915 dans lesquels il fait part de son souhait de participer à la mobilisation en envoyant sur le front occidental les premiers régiments de troupes coloniales et, bien sûr, les différents exemplaires du tapuscrit du discours radiodiffusé du pacte Briand-Kellog, dans lequel il salue la réception « pour la première fois depuis plus d'un demi-siècle sur le sol de France » du ministre des Affaires étrangères d'Allemagne.

Description physique :

58 articles

Ressources complémentaires :

Répertoire sommaire pour les articles 335PAAP/1 à 29, Ministère des Affaires étrangères, 14 p. : voir l'inventaire .
Répertoire numérique détaillé pour les articles 335PAAP/30 à 58 par Jean-Philippe Dumas, conservateur en chef du patrimoine, Ministère des Affaires étrangères, La Courneuve, mars 2017, 15 p. : voir l'inventaire .
L'importance des activités d'Aristide Briand oblige à consulter de nombreuses sources en fonction de ses centres d'intérêts. Aux Affaires étrangères, il faut notamment signaler les différentes séries Y (internationale), Z (Europe) ainsi que le fonds de la délégation française auprès de la Société des Nations. Parmi les papiers d'agents, il faut étudier ceux d'André Tardieu et de Philippe Berthelot durant la Première Guerre mondiale, ou encore ceux d'Alexandre Millerand pendant la conférence de Cannes.
Dans la collection iconographique des Affaires étrangères, deux ensembles sont plus particulièrement consacrés spécialement à Briand. Il s'agit de la collection Briand, série de plusieurs centaines de photographies acquises par la direction des Archives en mémoire du grand ministre. Elle comprend de nombreux tirages d'Henri Manuel. Parmi les acquisitions récentes, il faut noter la collection Saint-Georges de Bouhelier, donnée en 2010 par M. Jean-Claude Lachnitt. Elle comprend, outre 28 photographies de Briand, une lettre de Berthe Cerny, de la Comédie française, sa maîtresse de 1907 à 1916, un discours d'Aristide Briand sur la tombe de René Viviani, et un ouvrage enrichi de lettres manuscrites.
Aux Archives nationales, les sources sont innombrables. Parmi les archives les plus consultées figure le fonds de Peycelon (370 AP), son ancien collaborateur. Les papiers Briand (598AP) ne comprennent que deux articles dont un lot de lettres reçues de particuliers pendant la Première Guerre mondiale.

Références bibliographiques :

Ouvrages d'Aristide Briand
La séparation : application du régime nouveau (1906-1908),  Paris : E. Fasquelle, 1909, 568 p.
Ouvrages consacrés à Aristide Briand
Aristide Briand par Gérard Unger, Paris : Fayard, 2005, 658 p.- [8] p. de pl.
Aristide Briand, la paix : une idée neuve en Europe, Paris : Robert Laffont, 1987, 612 p. -[8] p. de pl., réédité en 2004 aux éditions Perrin.
Aristide Briand, la Société des nations et l'Europe, 1919-1932, actes du colloque international tenu à Paris, Université Paris-Sorbonne et Fondation Simone et Cino del Duca, 13-15 octobre 2005 organisé par l'Association internationale d'histoire contemporaine de l'Europe publié sous la direction de Jacques Bariéty, préface de Jean-Robert Pitte, Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg, 2007, 542 p.-XVI p. de pl.

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Centre des archives diplomatiques de La Courneuve

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRMAE_335PAAP

Personnes :

BRIAND, Aristide

Où consulter le document :

Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères - Direction des archives

Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères - Direction des archives

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