Introduction à l'inventaire des Archives de la Maison de France (Branche d'Orléans). Tome I, par Suzanne d'Huart. 1976.
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L'intérêt suscité ces dernières années par les archives privées, qui se sont enrichies par des
dons, des dépôts et des achats de fonds de grande valeur historique, ne pouvait laisser les
Archives nationales indifférentes au sort du plus prestigieux fonds privé de France, celui du
roi des Français, de ses aïeux et de ses descendants.
La Section ancienne en possédait déjà une partie dans sa série des "Papiers des Princes", mais
il ne s'agit que de documents de l'apanage et des domaines, restés aux Archives après la reprise
par le duc d'Orléans en 1814 de la majorité des liasses et registres saisis en 1791 par le
gouvernement révolutionnaire.
Nous n'étions pas sans avoir sur la question quelques informations, certaines même imprimées
et détaillées, mais ce n'était que des renseignements partiels. "Les malles blindées trouveront
quelques sceptiques". Ce doute, exprimé en 1930 par Albert Mathiez, était bien dépassé. Nous
savions que ces malles existaient et qu'elles étaient à Londres. Nous savions qu'à Dreux étaient
conservés de nombreux dossiers et registres et que des archives autrefois à Eu, en Sicile et en
Haute-Marne, y avaient été transférées. Nous pensions à d'autres endroits où pouvaient se
trouver des éléments de ce fonds qui ne pouvait être que volumineux.
La décision si espérée fut prise par Monseigneur le Comte de Paris qui en autorisa le
rassemblement aux Archives nationales et le Prince signa le 5 mars 1969 avec M. André Chamson,
de l'Académie française, directeur général des Archives de France, un contrat de dépôt pour la
totalité du fonds de la Maison de France.
Peu à peu, les documents, dont le volume a pu être estimé à 50 tonnes, vinrent se ranger dans
les rayonnages d'un dépôt neuf qui s'élève dans les jardins de l'hôtel de Rohan-Strasbourg. La
masse la plus importante, conservée à Dreux, arriva en mai 1969. En novembre 1970, quand, grâce
à l'intervention de l'ambassade de France à Londres, fut obtenue des autorités britanniques la
licence d'exportation, il devint possible de transférer de Londres les 166 caisses, malles,
cantines, paquets et plis qui étaient abrités, pour certains depuis plus d'un siècle, dans les
coffres-forts de la banque Coutts et Cie, qui depuis Philippe-Égalité était la banque des
princes de la Maison d'Orléans. Quelques dossiers, gardés pour les nécessités des affaires
courantes dans les bureaux de la Société civile du Domaine de Dreux, s'y ajoutèrent, ainsi que
des correspondances et papiers privés contemporains, rapportés du Portugal.
[ Béatrice Hyslop, L'Apanage de Philippe-Égalité. Paris, 1965, p. XIII à XVI.] La Société
civile du Domaine de Dreux a bien voulu nous communiquer divers dossiers qui apportent
précisions et compléments au précieux historique rédigé par Miss Hyslop. Celle-ci est morte en
juillet 1973, à son retour d'un voyage en France, au cours duquel elle avait consulté une
nouvelle fois les papiers de la succession de Philippe-Égalité.
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A l'origine ceux de l'apanage avaient été conservés à la Chambre des comptes d'Orléans et un
premier inventaire en avait été réalisé en 1545. En 1661 au quatrième apanage, celui de Gaston
d'Orléans, les biens se multiplièrent et par là-même les documents. Une partie en fut alors
transportée au Palais-Royal et une première commission de garde des archives fut attribuée à
Antoine d' Arrest, sieur de Chastigny, auquel succédèrent son fils et son petit-fils, puis Marc
Danjan en 1733, et Dardenne en 1744. Les Chastigny s'étaient contentés de tenir des bordereaux
des pièces qui leur étaient remises, Danjan numérota les armoires et les coffres et essaya de
les ranger. C'était une époque où l'on considérait plus la valeur pratique des archives que leur
intérêt historique. Dardenne, à sa prise de fonction, vit la nécessité d'un classement qui
permît de retrouver facilement les pièces demandées par les intendants des domaines et les
officiers du conseil. Il décida de les répartir en quatre séries : titres personnels, titres de
l'apanage, terres patrimoniales et terres engagées. Les papiers, jusque-là dans une salle basse,
furent transportés dans un local plus salubre, la salle des Gardes suisses au rez-de-chaussée de
l'hôtel de la rue des Bons-Enfants où le duc d'Orléans avait installé sa chancellerie.
Lorsque la Révolution supprima l'apanage, les papiers furent versés dans les dépôts
départementaux, alors créés, et aux Archives nationales. Dès la première Restauration, le duc
d'Orléans se préoccupa de rentrer en possession des documents concernant les biens échus à lui
et à sa soeur, comme héritiers de leur père. L'ordonnance royale du 17 septembre 1814, suite de
celles des 18 et 20 mai, qui leur rendaient le Palais-Royal, Monceau et autres biens, énonçait
que "par une conséquence naturelle de cette restitution les titres, comptes, plans, papiers et
autres documents relatifs auxdits biens devaient être remis en sa possession tant par la Cour
des comptes que par l'administration des domaines et forêts et les agents et conservateurs des
archives et autres dépôts publics tant à Paris qu'en province". Grâce à la ténacité de son
dévoué chancelier, Rouzet de Folmon, la duchesse douairière recouvra la première ses papiers,
qui, après un inventaire établi à l'hôtel Soubise d'octobre 1814 à janvier 1815, furent
transportés en son palais de la rue de Tournon.
La restitution des archives du Prince fut plus longue et plus complexe. Aussi son
administration adressa-t-elle le 28 juillet 1815 une lettre à Daunou, en rappelant les faits
suivants : "Aussitôt après le départ du Roi l'autorité illégitime a fait apposer les scellés sur
tout ce qui appartenait à Monseigneur le duc d'Orléans au Palais-Royal et notamment sur la pièce
qui renfermait les cartons contenant les titres et papiers constitutifs des propriétés du
Prince"... La remise se fit progressivement de 1815 à 1826. Il y eut notamment de longues
discussions avec la préfecture du Loiret, qui finalement garda un important fonds (classé dans
la série A des Archives départementales du Loiret et détruit dans les bombardements de 1940). Le
préfet s'était référé à l'exemple des Archives du Royaume qui ne s'étaient dessaisies que des
titres relatifs à des droits de propriété, et avaient conservé les titres éteints (Série R4 des
Archives nationales).
La dispersion lors de la Révolution avait détruit les anciens classements. Lorsque, aux 2000
cartons environ qui restaient encore au Palais-Royal, s'ajoutèrent ceux qui provenaient des
réintégrations, il fut procédé à des analyses et à des classements, mais tout cela se fit
hâtivement et sommairement et toujours dans un but pratique. Les archives devaient être dans un
ordre suffisant pour qu'il fût aisé d'en extraire les pièces nécessaires aux successions,
procès, et à la gestion des affaires.
L'organisation du conseil privé du duc d'Orléans le 6 juin 1814, les règlements du 31 décembre
1824 et du 20 mars 1832 fixèrent les principes de l'administration du domaine et les fonctions
de l'archiviste. Le recours aux titres de propriété et actes divers fut particulièrement utile à
cette époque où l'administration du Prince avait à faire face à de nombreuses difficultés dans
la liquidation des successions paternelle et maternelle et dans les affaires contentieuses, nées
de la reprise des biens.
Sous la Monarchie de Juillet, le fonds s'accrut considérablement. Aux dossiers des successions
et des procès touchant les créances et les domaines, s'ajoutèrent les papiers de gestion du
domaine privé et de la liste civile. Le personnel de l'administration centrale, des domaines,
inspections, palais et châteaux était nombreux et tout ce monde secrétait beaucoup de rapports
et de correspondance. Des registres étaient tenus, comptes, sommiers des domaines, catalogues
des bibliothèques, objets d'art et mobiliers, enregistrement et copies du courrier. La Reine,
Madame Adélaïde, le Prince Royal avaient leurs biens propres et les archives en étaient aussi
gardées à l'administration centrale. Les archives s'accrurent encore des papiers d'État
proprement dits, affaires diverses, correspondance avec les ministres, les souverains étrangers,
les ambassadeurs, et aussi de divers papiers et écrits de Louis-Philippe et de Marie-Amélie,
datant des régimes précédents.
En 1848, ce fut l'exil. Les papiers personnels et la correspondance qui avaient échappé aux
destructions et à l'incendie des journées de février, furent envoyés en Angleterre, d'abord à
Claremont jusqu'à la mort de la Reine, puis entreposés à la banque Coutts et Cie, à Londres et
ils s'augmentèrent pendant tout le XIXe siècle et le début du XXe de documents contemporains. Du
6 au 14 février 1849, sur les 4 078 cartons, registres et cartes qui se trouvaient au
Palais-Royal, 3 051 furent transférés à Monceau, dans le bâtiment dit "Pavillon rouge". Ce fut
un déménagement précipité et les sacs furent entassés au fur et à mesure de leur arrivée. C'est
l'essentiel du fonds dit de Dreux.
Un classement de la partie "Titres de famille" fut réalisé en 1863, mais la situation resta
stable pour ces archives jusqu'à l'abolition en 1871 du décret d'exil. Philippe, comte de Paris,
vécut quelque temps en France et sous son impulsion, et avec les conseils de Flammermont,
archiviste du château de Chantilly, diverses mesures furent prises pour les archives.
L'attention avait été éveillée par une vente faite le 6 décembre 1878 à l'hôtel Drouot de
papiers annoncés comme provenant d'un ancien régisseur de la Maison d'Orléans, et Flammermont
put négocier le rachat d'une grande quantité de papiers chez un libraire parisien. C'est lui
aussi qui fut chargé en 1879 de rechercher un archiviste-paléographe pour faire un classement
sommaire de l'ensemble du fonds, qui devait être rassemblé dans un dépôt général à Dreux, et
procéder au triage des papiers de l'administration de la rue de Varenne.
Il y eut à Dreux quatre campagnes de classement qui s'échelonnèrent entre 1879 et 1905 et
c'est à des élèves en fin d'études à l'École des chartes qu'il fut fait appel pour ce travail.
Ces campagnes de classement eurent lieu l'été. Émile Rébouis traita en 1879 la première tranche
(art. 1 à 745), sur la recommandation de Gustave Péreire, Symphorien Bougenot classa en 1898 la
troisième (1904 à 2145), Georges Crépy, en 1904, la quatrième (2146 à 2325). L'auteur de la
deuxième tranche (746 à 1903), inventoriée en 1889-1890 n'a pas été identifié.
En 1912, sous l'impulsion du duc Philippe d'Orléans, il fut décidé de pro- céder à une
révision générale de cet important travail, réalisé par tranches successives, au fur et à mesure
de l'accroissement du fonds par des envois de documents. Des conseils avaient été demandés à
Pierre de Cénival, qui estima nécessaire de compléter les analyses jugées par lui trop sommaires
des inventaires réalisés de 1879 à 1905. Il n'y avait pas eu de classement général, puisque les
articles avaient été traités suivant les séries établies sous la Restauration et la Monarchie de
Juillet et même plus anciennement. Les regroupements logiques de dossiers et de pièces par
personnes et par domaines n'avaient pas été effectués. Cependant Cénival se déclarait opposé à
un inventaire analytique, travail démesuré pour ce fonds immense. Il fallait voir avant tout un
but pratique : faciliter les recherches, tout en respectant la composition de chaque unité de
classement et en gardant les numéros existants. Par contre il préconisa la division des archives
en un certain nombre de séries pourvues d'une lettre : A. Papiers de famille. B. Administration.
C. Domaines (divisés en sous-sections). D. Cartes et plans. E. Mélanges. F. Lithographies.
C'est en somme un classement sur le papier avec une table de concordance qui fut alors
proposé. Le prince Jean d'Orléans, futur duc de Guise, approuva en 1912 ce plan, et chargea de
ce travail Maurice Oudot de Dainville, qui établit un catalogue méthodique des archives de
Dreux. Celui-ci, avec l'indication des numéros de cartons et un index alphabétique, permettait
de se retrouver dans cette masse.
Ainsi avant la guerre de 1914-1918, les archives de Dreux et celles du comté d'Eu se
trouvaient pourvues de répertoires. Entre les deux guerres elles restèrent au centre d'archives
du bâtiment dit l' "Évêché", qui ne souffrit pas comme la chapelle royale des bombardements de
1944. Les registres armoriés étaient dans des vitrines, les liasses se trouvaient dans des
cartons ou des caisses, ou protégées par du papier fort.
Dès son retour en France en 1950, après l'abrogation de la loi d'exil, Monseigneur le Comte de
Paris, chef de la maison de France depuis la mort du duc de Guise en 1940, provoqua la réunion à
Dreux de documents provenant des domaines de Joinville et de la Haute-Marne. Il confia
l'ensemble à la garde du chanoine Deraisin, aumônier de la chapelle royale.
Mais pénétré de l'importance historique de ce fonds hérité de ses ancêtres, saisi aussi de
nombreuses demandes de consultation, le Comte de Paris proposa à M. André Chamson de les
remettre aux Archives nationales. Lorsqu'après la signature du contrat de dépôt, le fonds de
Dreux eut été transféré dans les dépôts, il fut rapidement procédé à sa mise en place, tandis
qu'étaient étudiés les problèmes qui se posaient pour son exploitation. Une décision était à
prendre. Fallait-il conserver classement et cotes anciennes, ou procéder à une refonte générale
des diverses parties, regroupant suivant un ordre méthodique rigoureux les éléments dispersés
entre les diverses tranches qui avaient fait l'objet des classements successifs ? Il importait
raisonnablement de tenir compte du fait suivant : ce fonds avait été peu ouvert, mais cependant
quelques historiens et chercheurs y avaient eu accès et les bibliographies des livres de Miss
Hyslop et de M/me/ Castillon du Perron fournissaient de nombreuses références aux cotes
anciennes. Il n'était pas cependant exclu de songer à une table d'équivalence qui aurait remédié
à cet inconvénient. Mais une refonte générale, qui aurait dû englober les divers suppléments
sans inventaire, les archives du comté d'Eu et les papiers rapatriés de Londres, eût été une
entreprise gigantesque et impossible à envisager.
D'autre part les états anciens se révélèrent à l'examen et à l'usage d'une grande utilité.
Pourquoi défaire ce qui avait été fait avec conscience et soin, même s'il avait été tenu compte
pour l'organisation de ce fonds de critères anciens (Les titres mêmes des séries distinguées par
les rédacteurs des inventaires anciens sont révélateurs des idées maîtresses de leurs
classements, calqués sur les principes et l'organisation de l'administration de la Maison
d'Orléans, puis du domaine privé et de la liste civile). Il convenait seulement, tout en
respectant la composition de chaque unité de classement, d'aménager et d'élargir ces instruments
de recherche, quand l'intérêt des documents et surtout leur diversité dans la même liasse
rendait nécessaire un inventaire plus détaillé. Il fallait notamment remplacer beaucoup
d'analyses très succinctes par d'autres plus détaillées, décrire les registres, indiquer les
dates extrêmes de chaque article.
Le travail qui s'imposait pour la reconstitution, la remise en état, la recherche et
l'identification de liasses, cartons et documents sans étiquette ou cote, était déjà
considérable. Il fallait donc prendre des mesures de simplification. Le but poursuivi en
établissant cet inventaire a été de fournir un répertoire utile aux chercheurs.
Cet état porte d'abord sur les cotes 300 AP I 1 à 2325, cartons, registres et plans, tous
répertoriés dans les inventaires anciens. Les plans sont inventoriés par le Service des plans et
feront l'objet d'un catalogue spécial. Certaines liasses, très épaisses ont dû être fractionnées
et des exposants A, B, C,... ont dû être utilisés. Quelques déficits n'ont pu être résorbés :
liasses et registres cédés au moment de la vente de domaines, dons, pertes inexplicables.
Certaines destructions ont été opérées avec l'autorisation de Monseigneur le Comte de Paris,
qui a daigné nous témoigner dans la conduite de ces opérations, une confiance dont nous lui
sommes profondément reconnaissante. A la suite ont été classés quelques suppléments : d'abord
quelques liasses, sans cote ancienne, sans doute retrouvées après la fin des travaux de
classement de 1912 (300 AP I 2326 à 2336). Enfin, sous les cotes 300 AP I 2337 à 2633 figure la
suite très importante des comptes de maison du duc et de la duchesse d'Orléans sous la Monarchie
de Juillet (p.18), qui avaient jusqu'ici échappé à toute classification et qui constituent un
ensemble très précieux pour l'histoire de l'art et du commerce parisien à cette époque.
Tout récemment ont été retrouvés les dessins des blasons destinés à la Salle des Croisades de
Versailles, dont l'aménagement avait été décidé par le roi en 1839.
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Le fonds de Dreux se compose de papiers personnels, et surtout de titres de propriété,
comptes, documents seigneuriaux et d'administration des domaines et biens de la Maison
d'Orléans.
Il est permis d'éprouver une certaine déception en constatant la faible proportion de
documents familiaux et de fonctions et de correspondances politique et privée, pour les XVIIe et
XVIIIe siècles. Des questions viennent à l'esprit : où sont les papiers de Gaston d'Orléans, du
Régent, du duc du Maine et du comte de Toulouse ? Il s'en trouve dans le fonds, mais il ne
s'agit que d'épaves, épaves dont souvent la qualité fait regretter la disparition des autres. La
correspondance reçue par le duc du Maine de 1709 à 1727, lorsqu'il était grand maître de
l'artillerie de France, quelques papiers du comte de Toulouse sont des dossiers bien minces, à
côté de ce que l'on pouvait légitimement espérer découvrir.
Pour le XIXe siècle, les archives sont plus riches en papiers personnels, mais les successions
en forment la majorité.
La liquidation de celles de Philippe-Égalité et de Louis-Philippe s'ouvrirent chacune dans des
périodes spécialement difficiles pour leurs héritiers, au moment des changements de régime qui
remettaient en cause les droits acquis. Ce furent des entreprises ardues et les hommes
d'affaires qui en furent chargés rassemblèrent et étudièrent, pour mener à bien leur tâche,
pièces originales et copies d'actes. Les titres de rentes de Philippe-Égalité et leur
remboursement occupent de nombreuses liasses. De son vivant avait été signé, le 9 janvier 1792,
le fameux concordat avec ses créanciers et il espérait alors payer ce qu'il devait. Les
événements l'en empêchèrent et ce furent ses héritiers, Louis-Philippe et Madame Adélaïde, qui,
après 1814, acquittèrent les dettes de leur père et remboursèrent les rentes perpétuelles et
viagères. Avec celle de son époux, la succession de la duchesse douairière d'Orléans, celle de
Madame Adélaïde et enfin celle de Louis-Philippe donnèrent lieu à une accumulation de dossiers
et à l'établissement de nombreux registres dont l'essentiel, sinon la totalité, a été
conservé.
Le classement en est très imparfait, mais il a été difficile d'opérer des changements
radicaux. Il importait de conserver les cotes anciennes citées en notes par Miss Hyslop dans son
ouvrage fondamental sur l'apanage de Philippe-Égalité. Un fichier recensant les noms des
créanciers et rentiers et les autres éléments pourrait être dressé par la suite pour faciliter
les recherches.
A cet ensemble s'ajoutent les papiers des autres successions dont bénéficièrent les Orléans à
travers les âges : successions Montpensier, Guise, Conti, Bade, celles de l'Électeur palatin et
du duc de Penthièvre. Dans ces liasses figurent quelques actes originaux, mais surtout des
copies, nécessaires aux hommes d'affaires, et naturellement beaucoup de pièces notariées.
Mais c'est l'administration des domaines et biens des ducs d'Orléans, du roi Louis-Philippe,
de la reine Marie-Amélie et de leurs enfants et petits-enfants, qui représentent la masse la
plus importante.
La loi du 2 mars 1832, qui supprima l'apanage, avait distingué les biens de la liste civile et
ceux du domaine privé, qui furent gérés par deux administrations distinctes. Le roi avait du
reste abandonné par un acte notarié du 7 août 1830 la totalité de son domaine privé, en ne s'en
réservant que l'usufruit, à ses quatre fils puînés et à ses trois filles. Le prince royal reçut
de la Chambre une dotation.
Évaluation de domaines, comptabilité, contentieux, correspondance administrative, inventaires
mobiliers et tout ce qui a trait à la gestion, se trouvent dans le fonds pour les divers
domaines, châteaux et biens, échus par des héritages ou provenant d'acquisitions ou
d'échanges.
Liasses et registres se succèdent et sont particulièrement nombreux pour la première moitié du
XIXe siècle, et aussi après 1852 quand les décrets du 22 janvier 1852 obligèrent
l'administration centrale à assurer la liquidation générale des biens.
Mais pour la plupart des domaines figurent aussi de nombreux documents anciens : titres de
propriété, actes féodaux et de justice, terriers, constitutions de rentes, procédures,
inventaires des siècles précédents, dénombrant les pièces existantes ou disparues. Ce sont de
véritables chartriers seigneuriaux qui comportent aussi des papiers personnels des propriétaires
précédents. Chaque alliance ou chaque acquisition provoque un retour en arrière en matière
d'archives et c'est ainsi qu'aux documents d'administration de l'époque de Louis-Philippe, duc
d'Orléans, et roi des Français, se trouvaient réunis des ensembles de parchemins, papiers,
registres anciens, allant du XIIe au XVIIIe siècle. L'apport provenant des biens de la
succession Penthièvre est particulièrement important, le duc de Penthièvre ayant toujours suivi
de très près avec ses intendants la conduite de ses affaires et ayant fait procéder à des
inventaires de titres anciens, qui permettaient de contrôler l'administration de son immense
fortune terrienne de prince légitimé de France, héritier du duc du Maine, du comte de Toulouse
et du comte d'Eu.
Louis-Philippe, quand il se préoccupa à la Restauration de la reprise en possession des
héritages paternel et maternel, vit aussi l'utilité de garder tous les titres qui pouvaient
appuyer ses droits présents et futurs, et il ne semble pas que des destructions aient alors été
opérées. Il fit faire des classements et des états, et grâce à son esprit méthodique et à son
sens de l'organisation, ces ensembles de documents anciens se présentaient comme des fonds
constitués, le plus souvent en ordre, et même parfois numérotés. Au contraire les liasses et
registres relatifs à l'apanage et les volumineuses archives du domaine de Vernon étaient en
partie pourvus d'un classement ancien, en partie dans le plus grand désordre.
Quoi qu'il en soit, il faut se féliciter de ce que ces chartriers ou fractions de chartriers
aient été conservés. Ils fourniront une documentation de prix pour de nombreuses régions de
France. Des tableaux méthodiques, qui ont été établis pour les principaux domaines, en
regroupant les cotes se trouvant à divers endroits de l'inventaire, remédieront à l'inconvénient
présenté par le classement ancien par tranches et rendront plus faciles les recherches.
Une mention spéciale doit être faite pour souligner la part importante de dossiers et
registres concernant la gestion des forêts, source capitale de revenus pour Louis-Philippe,
Madame Adélaïde, la Reine et les princes. Le bois était alors la principale source d'énergie et
comptait parmi les matières premières les plus employées par l'industrie. Aussi, le rendement
des coupes, que ce soit de haute futaie ou de taillis, les ventes de chablis et les menus
produits, tout était l'objet du soin des responsables de chaque inspection et de
l'administration centrale qui les contrôlait. En outre, et ceci n'était pas négligeable pour les
princes de la Maison d'Orléans qui, Louis-Philippe excepté, furent de grands chasseurs, ces
forêts constituaient une réserve extraordinaire de gibier qu'il fallait protéger, en réprimant
les délits, fréquents à cette époque, de braconnage intensif et de ramassage ou abattage
clandestin de bois.
D'une façon générale, le fonds, tant pour les forêts que pour les autres domaines, contient de
très nombreux éléments d'ordre économique. D'ordre social aussi, avec les dossiers et registres
concernant le personnel de rangs et de fonctions divers, et les liasses ayant trait aux secours
et allocations, distribués avec la plus grande générosité à la plupart de ceux qui faisaient
appel aux ducs et princes d'Orléans et à la famille royale.
D'autres documents, classés çà et là, et spécialement une dizaine de cartons qui figuraient
dans l'inventaire ancien sous la simple rubrique "Maison", méritent aussi d'être
particulièrement signalés. A l'heure actuelle, où les recherches d'histoire de l'art ont pris un
grand essor, ce sont des éléments de valeur, autant sur la vie quotidienne des Orléans et de
leur entourage sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, que sur les palais, châteaux et
autres bâtiments possédés et habités par eux, leurs collections diverses, leur mobilier.
Factures, mémoires, devis, inventaires de meubles, livres et objets, rapports, requêtes de
fournisseurs et d'artistes, propositions de ventes, ordres de paiement, demandes et attributions
de secours, correspondances abondent. Louis-Philippe, comme duc d'Orléans et comme roi, et avec
lui sa nombreuse famille, donnèrent une impulsion considérable à l'art. On sait que, lorsque le
roi se préoccupa, sous la Monarchie de Juillet, de refaire de Versailles un musée dédié "à
toutes les gloires de la France", il s'y rendit lui-même 398 fois pour donner ses ordres et en
surveiller l'exécution. Mais à côté de ces grandes entreprises, ce souverain resta aussi un
homme de détail. Il se faisait soumettre la moindre question et l'étudiait avec minutie. Il
pesait ses décisions avec le soin et le bon sens qui caractérisèrent les actes de sa vie privée.
C'était lui-même qui fixait par exemple l'emplacement des tableaux au château d'Eu, qui
examinait avec la plus grande attention les commandes à faire aux artistes, le rachat de
portraits anciens, qui avaient fait autrefois partie des collections de ses ancêtres et qu'il
jugeait dignes de figurer dans les galeries et appartements des bâtiments en cours de
restauration et de réaménagement. La famille royale fréquentait les ateliers, recevait peintres,
musiciens et hommes de lettres AU Palais-Royal et aux Tuileries, protégeait et encourageait les
talents et les entreprises, récompensait les dévouements et les services rendus, prenait en
considération les situations difficiles.
La masse sûrement volumineuse des papiers de la maison de Louis-Philippe a spécialement
souffert des destructions de février 1848. Comme l'a écrit Vavin " Tous les papiers, tous les
registres du bureau des secours, tout ce qui pouvait redire les bienfaits du Roi et de la
famille royale et révéler les noms des obligés (la plupart devenus ingrats), fut brûlé dans la
nuit du 24 au 25 février, au milieu du désordre qui existait encore aux Tuileries".
Les Archives nationales en ont recueilli une partie (sous-série O4), mais quand on considère
l'importance numérique des dossiers et registres de la maison du duc et de la duchesse d'Orléans
et de leurs fils, conservés au pavillon de Marsan, qui échappèrent à l'émeute et représentent
291 articles, il est permis de regretter encore plus la disparition d'une partie des dossiers
correspondants de la maison du roi et de la reine, qui auraient été également une documentation
capitale pour l'histoire de l'art et du commerce parisien, à l'exemple de celle qui est fournie
par ces liasses et registres provenant du fils aîné du roi et de sa famille. A côté de documents
purement administratifs, comme des registres et états de comptabilité, des ordonnances, mandats
et quittances de paiement, y figurent des rapports concernant demandes de commandes, de secours
ou de gratifications, avec les réponses et décisions. L'éventail est extrêmement large :
artistes, hommes de lettres, médecins et vétérinaires, fabricants et commerçants, architectes,
entrepreneurs, sociétés artistiques, scientifiques, littéraires, de bienfaisance et diverses,
communes, régiments, membres des maisons civiles et militaires, officiers et soldats, veuves et
orphelins et personnes de toute classe, demandant un secours, une allocation, une subvention ou
une aide.
Presque dans chaque liasse se rencontrent des pièces ou des lettres missives qui sont de
précieux autographes, sources d'indications et renseignements très utiles (Leur dépouillement
sur fiches est en cours. Les fiches seront classées dans le fichier général de la série AP et
complèteront l'index de cet inventaire où cet ensemble intéressant n'a été recensé que sous
forme d'un état sommaire). Pour ne citer que quelques exemples, il en existe d'Alexandre Dumas,
de Corot, du sculpteur Barye, de Delacroix, d'Ingres, de Victor Hugo, de Mlle Mars, d'Hector
Berlioz et de Mlle Georges. Les factures sont ainsi très nombreuses : Jacob Desmalter, Lepage,
Odiot, le traiteur Chevet, etc. Même des documents qui pourraient sembler a priori d'importance
mineure, comme des bons de pain et de viande ou de livraison de marchandises, permettraient de
situer de nombreux commerçants et artisans de la capitale.
Le duc d'Orléans possédait une écurie de courses et l'histoire du sport hippique trouverait
aussi de nombreux éléments dans une suite de dossiers intitulés "Chevaux" et "Écuries".
Plusieurs régions de la France sont aussi concernées puisque les commandes et la générosité du
duc et de la duchesse d'Orléans, qui firent plusieurs voyages à travers les provinces, ne furent
pas seulement dispensées à la ville de Paris, mais favorisèrent aussi diverses villes, dont
Compiègne, Chantilly et aussi l'Algérie.
Sur le plan artistique il convient aussi de signaler la collection de lithographies de la
famille royale tirées sous la Monarchie de Juillet et de pierres lithographiques du fonds de
Dreux. Par contre, c'est en vain qu'ont été recherchées les lithographies beaucoup _ plus
anciennes, gravées en Angleterre sous l'Empire par le duc d'Orléans et son frère Montpensier,
qui possédait un réel talent de dessinateur et de peintre, talent qui s'est transmis à d'autres
princes et princesses de la maison d'Orléans.
Les cartes sont très nombreuses, comme il a été dit plus haut. Non seulement des articles sont
constitués par des ensembles de cartes et plans du XVIIe au XIXe siècle, dessinés, gravés,
imprimés, aquarellés ou coloriés, certains de très belle facture, mais dans les liasses de
titres de propriété et de gestion des divers domaines en figure un grand nombre. Un catalogue
imprimé les recensera. En attendant, il convient de se reporter à la liste dressée dans les
inventaires anciens (p. 415). Cette liste est partielle, portant seulement sur les cotes
AP/300(I)/1781-AP/300(I)/2299).
Il faut aussi attirer l'attention sur la beauté de certaines reliures. Si les registres
anciens, faisant partie des chartriers seigneuriaux des domaines, sont simplement recouverts de
parchemin ou de basane, à la mode de l'époque, si les registres d'administration courante au
XIXe siècle sont seulement cartonnés ou reliés en basane ou toile noire, ceux du XVIIIe siècle
et même certaines catégories de registres du début du XIXe siècle sont revêtus de cuir avec
filets d'or, initiales et rinceaux, de maroquin ou de vélin.
Enfin, comme dans tout fonds d'archives privées, se rencontrent des documents divers. Pour
certains, la provenance peut s'expliquer facilement. Il semble que la collection de registres de
copies établies au XVIIIe siècle, à partir des actes des rois de France de 1200 à 1596, ait été
réalisée sur l'initiative du duc de Penthièvre et qu'elle ait été réunie à son chartrier, dont
une partie est conservée dans ce fonds. Par contre, pour citer un exemple parmi d'autres, il n'a
pas été possible de découvrir pourquoi au milieu d'une liasse se trouvait un registre des
comptes communaux de Maisons-Alfort au XVIIe siècle.
Cette première partie des Archives de la Maison de France, le fonds dit de Dreux, constitue
une documentation riche et très diverse. L'histoire de plusieurs provinces de France, l'histoire
économique, sociale et artistique s'y mêlent à l'apport fourni sur la vie et les biens de
Louis-Philippe et des ducs et princes d'Orléans et des maisons qui s'allièrent à eux, à travers
les siècles.
Après ce premier volume répertoriant le fonds de Dreux, le second est consacré aux archives du
comté d'Eu, des domaines de Haute-Marne et des biens de Sicile, aux papiers politiques et privés
de Louis-Philippe, duc d'Orléans et roi des Français, de la reine Marie-Amélie, de leurs enfants
et de leur petit-fils le duc de Chartres. Le troisième volume porte sur les papiers de leurs
descendants depuis Philippe, comte de Paris, jusqu'à nos jours.
Ces inventaires couvrire la totalité des archives déposées à partir de 1969 et permettent
l'utilisation de cette masse documentaire d'un grand intérêt.
Suzanne d'HUART. 1976.
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Évolution des archives de la Maison de France depuis 1976.
*
Les archives de la Maison de France, déposées en 1969 aux Archives nationales, bénéficient
d’une protection particulière. Une archiviste a été recrutée par la Fondation Saint Louis en
2001 pour effectuer le travail de protection et de conservation conjointement avec un agent de
la section (puis du département) des archives privées aux Archives nationales.
De 1989 à 1991, Madame Suzanne d’Huart avait reçu ce fonds et publié les instruments de
recherches. Ce sont ces inventaires qui ont été retravaillés, et à partir desquels de nombreuses
corrections ont été apportées. Elles concernent plus particulièrement les dates extrêmes,
l'importance matérielle et la présentation du contenu. Le résultat de ce travail est consultable
en salle des inventaire virtuelle des Archives nationales.
Depuis le 15 janvier 2001, à chaque demande de consultation, l’estampillage et la numérotation
des pièces d'archives sont systématiquement effectués. En 2013, 2779 cartons ont été estampillés
au sceau des archives de la Maison de France, reconnaissable à sa fleur de lys.
Depuis 2009, et avec la perspective du déménagement du fonds à Pierrefitte-sur-Seine, la mise
en valeur et la protection du fonds ont nécessité de vérifier l'état matériel des boites et leur
contenu. Les cartons abîmés ou inadaptés aux documents ont été changés pour une meilleure
conservation. Les chemises des liasses d'archives ont été changées dès que le carton était
remplacé, soit plus de 75% des boites, cotées AP/300(I) à AP/300(VI). A noter que le fonds
Nemours AP/300(IV) a été entièrement reconditionné pour le déménagement. De plus, les boites du
AP/300(III) ont été quasiment entièrement reprises. Depuis leur déménagement, les archives se
trouvent ainsi mieux protégées et conservées dans de nouveaux magasins adaptés.
Depuis 2010, les 1237 registres, reliés cuir, basane ou cartonnés, ont été placés dans des
boites adaptées à leur format, étiquetés et reclassés dans la continuité du fonds.
Parallèlement, 846 cotes ont été dégroupées pour éviter au maximum la procédure d'extrait qui
venait s'ajouter à la demande d'autorisation, obligatoire à la consultation des archives par les
lecteurs.
Les photographies, contenant 7934 clichés, relatent les expéditions des princes Henry et
Philippe d’Orléans. Elles ont été conditionnées dans des boites et des pochettes transparentes
adaptées et à ph neutre.
Les plans, coté CP, sont entreposés soit aux cartes et plans, soit dans les cartons au côté
des papiers qui les concernent. 3103 plans hors cartons aujourd'hui référencés ont été
systématiquement estampillés et numérotés, dans des portefeuilles à ph neutre pour les plans à
plat ou des boites adaptés au format des plans roulés. 2220 plans sont conservés à plat et
rangés dans des meubles à plans. Les 3000 plans roulés ont été revus et référencés dans leur
intégralité. A cette occasion, 25 atlas ont été protégés et conditionnés dans des boites. Ils
sont aujourd'hui conservés aux cartes et plans. A noter que 266 cartons contiennent des plans
pliés au côté des liasses, mais souvent détaillés dans l'inventaire publié dans la salle des
inventaires virtuelle des Archives nationales.
Depuis 10 ans, l’atelier de restauration a plus particulièrement contribué à créer des
reliures, des boites spéciales et à restaurer des couvertures en cuir en reproduisant par
exemple les dorures et les poinçons d'origine.
Enfin, de 2008 à 2013, les archives de la Maison de France ont connu une croissance continue
des consultations - qu'il s'agisse d'historiens, d'étudiants ou de spécialistes - pour des
recherches historiques sur les régimes et les familles nobles du XIXe siècle. Les demandes ne
cessent d’augmenter : ainsi en décembre 2001, 386 dossiers dont 53 registres avaient été traités
; en décembre 2011, on en comptait 2397 dont 1070 registres.
Éric Landgraf, 2013.
Avec la collaboration d'Yvonique Alfred.