Inventaire d'archives : Répertoire numérique détaillé du fonds de Lettre de Temps Présent (Paris)

Contenu :

Ces archives sont celles de la Lettre, publication créée en 1957 par la société Temps Présent (connue aussi comme « le 68 rue de Babylone ») pour exprimer l'action et la pensée de militants chrétiens engagés à gauche, convaincus de trouver dans l'Evangile un appel à une libération humaine (inséparablement spirituelle et sociale) et soucieux de promouvoir un catholicisme dégagé de sa vieille compromission avec la droite et les forces sociales conservatrices. Jusqu’en 1987, pendant ses trente ans d’existence, la Lettre s’affirma ainsi comme l’organe d’expression de militants se situant dans une optique anticapitaliste et socialiste, inspirée par la rencontre d'un marxisme humaniste et d'un christianisme révolutionnaire ; les sujets abordés au fil des numéros évoqueront, par exemple, la question des prêtres-ouvriers, le mouvement de la paix, le dialogue avec les marxistes, la théologie de la libération, le combat des peuples pour leur indépendance, l'émergence du Tiers-Monde, la défense d’une parole libre en fidélité aux Eglises, etc.

Publication :

Agence Bibliographique de l’Enseignement supérieur
2015

Informations sur le producteur :

Temps Présent (Paris)
En 1957, au moment de sa création, la Lettre s’inscrit dans une histoire déjà longue. En effet, la société Temps Présent existe alors depuis déjà vingt ans : elle a été fondée en 1937 pour lancer l’hebdomadaire catholique du même nom, qui, tout en étant hostile au communisme, se positionna sans ambiguïté contre le nazisme et l'antisémitisme et illustra un antifascisme inspiré par l'Evangile. Ce premier journal cessa sa parution en juin 1940, avant de renaître ensuite en août 1944, dès la Libération de Paris, pour atteindre un tirage de 100000 exemplaires en 1945 ; on compte alors parmi ses signatures des noms comme Jean Lacroix, Etienne Gilson, le dominicain M.D. Chenu, ainsi que Hubert Beuve-Méry, qui publie chaque semaine un billet signé Sirius. Dans cette période d’après-guerre, après avoir milité en faveur de réformes structurelles et espéré maintenir l’unité des forces politiques réalisée dans la Résistance, Temps Présent se trouve cependant confronté aux effets du déclenchement de la guerre froide et à des divisions entre ses trois principaux dirigeants : tandis que Stanislas Fumet, son rédacteur Fumet est un gaulliste fervent, Ella Sauvageot PDG, s'affirme nettement à gauche et Georges Hourdin est, lui, MRP…. L’hebdomadaire cesse donc sa parution en mai 1947. La société Temps Présent, elle, continue d’exister, et lance en novembre 1950 un nouveau bimensuel, La Quinzaine, qui pendant quatre ans, sous la direction de Jacques Chatagner, va multiplier les articles sur trois grands thèmes : le combat ouvrier (pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs et, aussi, la construction d’un monde nouveau), la lutte pour la paix (plusieurs rédacteurs de La Quinzaine ont signé l’appel de Stockholm et militent au Mouvement de la paix) et le soutien aux peuples colonisées en révolte (dénonciation de la politique française en Indochine, en Afrique noire et en Afrique du Nord). Très liée aux prêtres-ouvriers, La Quinzaine est toutefois fragilisée par leur condamnation par Pie XII en 1954 ; finalement, elle est elle-même condamnée par le Saint-Office le 4 février 1955. Trois jours après, le 15 février, l’équipe du journal décide d’arrêter sa publication — tout en affirmant encore une fois, dans son dernier numéro, sa double fidélité à l’Eglise et à ses engagements politiques.
Quelques mois plus tard, en novembre 1950, Temps Présent fait paraitre un nouveau Bulletin, destiné notamment à maintenir un lien entre les anciens abonnés de La Quinzaine. C’est à la suite d’une rencontre de 300 militants, en octobre 1956, que la décision est finalement prise de publier une Lettre.Dans la lignée des engagements précédents de Temps Présent et pendant ses trente années d’existence, cette nouvelle publication, la Lettre, dirigée par Jacques Chatagner, ne cessera alors de travailler autour de trois grandes thématiques politiques : le combat pour la paix, l’option socialiste et la solidarité avec les mouvements de libération des peuples du tiers-monde.Dans cette longue histoire, il semble cependant possible de distinguer trois grandes périodes.
Entre 1957-1966, l’actualité reste certes toujours présente dans la Lettre (Guerre d’Algérie, combat pour la paix, évolutions politiques en Espagne et en Amérique latine), mais la revue — qui publie de nombreux textes résultant du travail de groupes et donne souvent la parole à ses lecteurs — propose aussi de longs articles témoignant d’une volonté d’approfondir la foi chrétienne. Elle fait souvent appel au philosophe Claude Tresmontant, analyse la pensée de Teilhard de Chardin et organise même des cours de théologie. Elle publie des textes du Père Chenu mais aussi du Révérend-Père Liégé, du pasteur Casalis et même de Paul Ricoeur, et aborde de manière récurrente des thèmes comme l’athéisme et la foi (le père Ganne dialogue ainsi avec Vercors et Roger Garaudy sur plusieurs numéros), l’Eglise et le monde, les rapports entre prêtres et laïcs, la Mission, les rapports entre le christianisme et le marxisme, etc.
La période 1967-1978, ensuite, est celle de la contestation : une nouvelle génération de chrétiens prend la parole (des étudiants, un jeune dominicain, Paul Blancart, une militante, Marie-Claude Betbeder, qui s’interroge sur le sort des femmes dans les quartiers défavorisés, etc.), et le numéro de décembre 1966 propose ainsi un dossier sur « la contestation, signe de santé de l’Eglise », en France mais aussi de l’Afrique à la Pologne, de l’Espagne à l’Amérique latine. Les convictions révolutionnaires s’affirment dès avant mai 68, et dans l’après mai, la Lettre rend compte des multiples facettes de la contestation propre à l’époque : celle portée par les prêtres regroupés au sein d’Echanges et Dialogue (dénonciation du « retard mis à instaurer un nouveau style de vie sacerdotale »), celle consistant à critiquer la théologie missionnaire (considérée comme véhiculant le racisme), catholicisme critique défini par exemple par la Comunità dell’Isolotto de Florence et mouvement des communautés de base élaboré à Boquen autour de l’abbé Bernard Besret, contestation portée par les femmes après l’encyclique Humana Vitae, etc. La revue dénonce la normalisation en Tchécoslovaquie et soutient le peuple palestinien (conférence mondiale des chrétiens pour la Palestine, Beyrouth 1970). Dans ce contexte politique, la foi devient un « problème » pour de nombreux militants, dont les nombreuses interrogations sont alors prises à charge par la Lettre, via ses groupes de travail et divers dossiers. La revue ne cesse cependant pas son travail de recherche, par exemple en initiant ses lecteurs à la théologie politique de J.B. Metz ou à la pensée d’Ernst Bloch. En 1974, Lecture matérialiste de l’Evangile de Marc, le livre de Fernando Belo, suscite un grand intérêt, et Michel Clévenot met en route à travers toute la France de nombreux groupes de lecture biblique. Deux rencontres internationales de lecture matérialiste de la Bible sont organisées, et en 1978 la Lettre publie un livre, Marxisme vivant. Pratiques et réflexions de militants [ouvrage consultable à la BDIC].
La dernière décennie d’existence de la Lettre, à partir de 1979, se caractérise plutôt par une atmosphère de crise(s). En dépit de la victoire de la gauche en 1981, les militants chrétiens s’enfoncent dans les divisions : absorbés par la gestion de la gauche au pouvoir, certains désertent les terrains de combat antérieurs, tandis que d’autres — parfois qualifiés de « gauchistes » — dénoncent à la fois la crise du marxisme et de la gauche socialiste. Dans l’Eglise, tous constatent avec amertume le retour à l’ordre avec Jean-Paul II, et, à Paris, avec le cardinal Lustiger (la Lettre lui consacre un numéro spécial en juillet 1982). La revue poursuit toujours son travail théologique, mais les interrogations se multiplient au sein de l’équipe : peut-il être question d’une théologie européenne de la libération ? Faut-il explorer le religieux par d’autres voies ou abandonner toute référence chrétienne ? etc.
Prenant acte de ces divisions internes, la Lettre cesse finalement sa parution en 1987. La société Temps Présent lance l’année suivante une nouvelle revue, Il est une foi, qui sous la direction d’Agnès Rochefort-Turquin tente une forme de recentrage et de renouvellement. En 1991, cette dernière — qui refuse de condamner la Guerre du Golfe — se heurte à l’équipe de rédaction unanime et à Jacques Chatagner, président de Temps Présent, et préfère démissionner. Il était une foi cesse de paraitre en 1992. Certains groupes de réflexions (comme le groupe biblique) poursuivent alors leur travail tandis que, soutenu par l’association des « Amis de la Lettre », devenue l’association des « Amis du 68 rue de Babylone », Temps Présent reste fidèle à son orientation fondamentale et à son refus de dissocier foi et politique : en 1999, la société favorise ainsi la naissance et l'extension de la Fédération Réseaux du Parvis, et accepte de coéditer la revue de cette fédération.

Informations sur l'acquisition :

don de la société Temps Présent enregistré en novembre 2015.

Description :

Critères de sélection :
Aucun tri ou élimination n’a eu lieu.
Mise en forme :
Le classement de provenance, établi par Martine Sevegrand, a été respecté. Conservées telles que confiées la BDIC en juillet 2015, ces archives ont été classées en respectant une structure chronologique.La correspondance — courriers envoyés et courriers reçus, souvent accompagnés de notes et de diverses pièces complémentaires — n’a pas été regroupée dans une section particulière, mais conservée dans des cartons classés par année. Ces cartons « Courrier » annuels comprennent des dossiers mensuels, parfois complétés par des « dossiers supplémentaires », liés par exemple à des activités, à une mobilisation ou à un épisode particuliers.
Les dossiers thématiques, qui souvent portent sur plusieurs années, ont pour leur part été conservés dans le carton correspondant à l'année de leur clôture.La même logique a été suivie pour les archives rendant compte de l’activités des différents groupes de travail (parmi lesquels, entre autres, le Groupe Histoire des chrétiens, le Groupe de travail sur l’Amérique latine, le Groupe Lecture matérialiste de la Bible, le Groupe Lutte de classes dans l'Eglise, le Groupe Résurrection, le Groupe Symboles, le Groupe Troisième Homme, le Groupe Vie de foi/Sciences humaines ou le Groupe Vie quotidienne), classés à l'année correspondant au moment de cessation des activités du groupe, ou, dans quelques rares cas, à celle correspondant aux derniers documents concernant ses travaux.

Conditions d'accès :

Librement consultable.

Conditions d'utilisation :

La reproduction, la publication ou la citation des documents sont soumises à l’accord préalable de La contemporaine.

Description physique :

Importance matérielle :
62 cartons

Ressources complémentaires :

Des archives des éditions Temps Présent (21 cartons) concernant les années 1950 à 1957 sont conservées à Roubaix aux Archives nationales du monde du travail. Entré par voie de dépôt en 2002, ce fonds est conservé sous la cote 2002 058. Un inventaire sommaire est disponible en ligne sur le site du CAMT .
La revue Lettre des éditions Temps Présent est consuktable à la BDIC à la cote : 4 P 14948.
La collection de la Lettre , qui figurait dans le fonds, a été confiée au département des périodiques de la BDIC.

Références bibliographiques :

Martine Sevegrand, Temps Présent : une aventure chrétienne, 1937-1992. Tome 1 : Un hebdomadaire, 1937-1947. Paris, Editions du Temps présent, 2006
Martine Sevegrand, Temps Présent : une aventure chrétienne. Tome 2 : Une avant-garde catholique, 1950-1968

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

La contemporaine

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FR BDIC - Arch 0033

La Contemporaine

Liens