Inventaire d'archives : Fonds Georges Granai

Contenu :

Les archives de Georges Granai rendent notamment compte de ses activités d’enseignement et de recherche.
Une courte partie concernant sa carrière ouvre le fonds ; on y trouvera notamment des curriculums vitae, des listes de publications, les traces de son passage à Tunis dans la seconde moitié des années 1950 avant d’arriver à Aix-en-Provence, ainsi que celles de sa lutte pour achever, malgré la maladie, sa thèse d’Etat à partir de la fin des années 1970.
Les nombreux dossiers relatifs à ses leçons à l’Université de Provence contiennent des notes de cours – de la main du producteur ou de ses étudiants – des réflexions manuscrites en vue de ces cours, des brochures concernant l’organisation des UV et des examens, ou encore des travaux d’étudiants. S’y joignent des archives sonores, sur cassettes audio et bandes magnétiques, doublant les dossiers papiers ou inédits. Si certains dossiers de cours sont fragmentaires et manquent d’informations, d’autres sont très complets, allant jusqu’à présenter des notes de cours classées par séances. Ce corpus constitue ainsi une source de premier ordre sur la pensée du producteur ainsi que les premières décennies d’enseignement de la sociologie à Aix-en-Provence. Le sous-fonds consacré aux activités de recherche de Granai montre combien il s’est investi dans la recherche sous-contrat, par les nombreux rapports publiés ainsi que les projets de recherche. Les dossiers relatifs à sa thèse d’Etat en constitue une autre part importante, avec ses tapuscrits et remarques de correction. Enfin plusieurs dossiers de recherche épars rendent comptent de ces centres d’intérêts. Le sous-fonds relatif à la commune de Monoblet (30) témoigne de l’investissement politique du producteur, en tant que membre du conseil municipal, mais également du projet de zone d’environnement protégée (ZEP), qu’il a porté de nombreuses années durant. Enfin un dossier de correspondance ferme le fonds. Il contient les échanges de Granai avec ses élèves de même que ses confrères. A noter que des lettres peuvent également être trouvées dans d’autres dossiers du fonds – notamment GG/2, GG/3 et GG/81 – qui ne leur ont pas été soustraites en vertu du principe de respect du fonds.

Informations sur le producteur :

Georges Granai
Ce texte de présentation a été rédigé par Pierre Lassave, sociologue et directeur de recherche (CNRS-EHESS), ancien élève de Georges Granai : Lassave Pierrre, "Georges Granai", Bulletin d’histoire de la sociologie, Association française de sociologie, N° 9, 2019, pp. 10-11 .
« Georges Granai est né en 1922, à Carrare en Italie où il fit un début de scolarité avant de migrer vers Nice pour poursuivre ses études jusqu’au baccalauréat. Il fait de brillantes études de philosophie (avec certificat de sociologie) à la faculté d’Aix où il soutient un mémoire sur la « personne et le jugement » qui lui vaut le prix Marcel Raybaud en 1944. Au sortir de la guerre, il obtient en 1945 un certificat d’ethnologie à la faculté de sciences de Paris où il se lie avec l’anthropologue André Leroi-Gourhan et devient son assistant au Musée de l’Homme (Centre de formation aux recherches ethnologiques) et à la faculté de lettres de Lyon (chaire d’ethnologie coloniale). Attaché de recherche au CNRS en 1952, il se distingue par ses premiers écrits comme épistémologue des sciences humaines alors en pleine redéfinition. Dans le droit fil de la quête du « fait social total » de Marcel Mauss, dont il reprend avec d’autres l’héritage, il fait état des limites heuristiques du cloisonnement naissant entre ethnologie et sociologie et entre approches dynamistes et structurales. Se rapprochant de Georges Gurvitch, il contribue avec le linguiste André-Georges Haudricourt à la célèbre controverse qui oppose le premier à Claude Lévi-Strauss (« Linguistique et sociologie », Cahiers internationaux de sociologie, 1956).
À l’instar d’autres jeunes chercheurs d’après-guerre (tels Michel Crozier ou Henri Mendras), Granai souscrit au voyage d’études dans les universités américaines (Harvard, Columbia, Princeton) d’où il tire en 1956 un bilan informé et critique de la psychologie sociale (dans L’Année psychologique au sein de laquelle il est un temps rédacteur). Sa participation active à l’Encyclopédie Clartés (1956), pour la partie anthropologique dirigée par Leroi-Gourhan, confirme son art de la vulgarisation scientifique ainsi que l’étendue de sa palette thématique . Son chapitre sur les « manifestations religieuses » illustre par exemple sa maîtrise d’un thème aussi central que problématique. Préparant une thèse d’État sur les rapports entre sociologie et ethnologie avec Gurvitch et une thèse secondaire sur l’ethnologie des groupements de localité avec Leroi-Gourhan, Granai part en 1957 à l’Institut des hautes études de Tunis où il installera peu après la nouvelle licence de sociologie. Riche période de publications de l’auteur, notamment ses chapitres sur les techniques d’enquête et sur le langage comme fait social dans le célèbre Traité de sociologie en deux tomes dirigés par Gurvitch (PUF, 1959 et 1960) où sa signature voisine avec les grands noms des sciences humaines d’alors (Bastide, Braudel, Friedmann, Piaget, Stoetzel) et à venir (Balandier, Lefebvre, Mendras). Période également d’inflexion disciplinaire, où l’épistémologue voit dans la sociologie le lieu privilégié d’échange entre sciences particulières (économie, démographie, technologie, ethnographie) pour la mise en relation des productions sociales avec leurs producteurs (« Le problème du changement social et la théorie sociologique », CIS, 1964).
Dans le cadre du redéploiement de la discipline en province, à l’instigation de Gurvitch notamment, il prend poste de chargé d’enseignement à la faculté de lettres d’Aix-en-Provence en 1961 où il fonde la section de sociologie. En ces années 1960 de structuration disciplinaire, il crée un laboratoire qui développe un ensemble de recherches sur l’urbanisme et les politiques locales, travaux financés par diverses instances ministérielles puis régionales (Construction, Équipement, DATAR, OREAM, SNCF, etc.). Orateur hors pair, marchant de long en large sans notes, Granai fascinait son public en usant d’un langage imagé et accessible pour établir la différence entre connaissance pratique et connaissance scientifique ou pour décrire les voies et moyens de la rupture critique propre à la construction de l’objet sociologique. Il semble qu’après la disparition soudaine de Gurvitch en 1965, le chercheur plein de promesses des années 1950 ait abandonné son projet de thèse d’État, happé par une longue série de tâches pédagogiques, de recrutements et de direction de la recherche sur contrats. Conseiller écouté des instances locales d’aménagement et d’urbanisme, le sociologue alourdit sa charge en créant en 1969, avec des professeurs de droit et d’économie de l’Université d’Aix-Marseille, l’Institut d’aménagement régional, structure pluridisciplinaire et doctorale spécialisée (devenue aujourd’hui Institut d’aménagement et d’urbanisme régional). C’est l’époque des tentatives de développement des compétences sociologiques hors des seuls métiers d’enseignement et de recherche.
Le fossé croissant entre ses fonctions professorales ou directoriales et son simple statut de maître- assistant semble avoir pesé sur sa carrière. Il se lance alors sur le tard dans une course-poursuite à l’écriture de sa thèse d’État au moment où sa santé malmenée par ses engagements multiples le rattrape avec un premier infarctus en 1976. Dans une lettre de 1978 adressée à Jean-Paul Trystram sollicité pour diriger sa thèse recentrée sur la « théorie sociologique du phénomène urbain », Granai dresse l’état d’avancement de son écriture et termine ainsi par ces mots : « La sociologie est sans doute un projet scientifique, mais pour le sociologue elle est avant tout une manière de voir le monde – c’est- à-dire une poétique au sens étymologique du terme, c’est-à-dire au sens où Orphée fait le monde quand il l’énonce », et plus loin : « Vous rappelez-vous la « Jolie rousse » d’Apollinaire ; j’y pense sans cesse depuis ma maladie (qui a créé en moi une étrange fêlure) : « Me voici devant tous en homme plein de sens, connaissant de la vie et de la mort ce qu’un vivant peut connaître… ». Au premier matin de septembre 1981 son cœur s’est soudain arrêté dans sa maison de campagne de Monoblet. Il n’avait que 59 ans. La veille il s’était plu à lire les voyages de Montaigne. Disparaissait ainsi un des pionniers et jeunes espoirs de la sociologie française de l’après-guerre dont il reste aujourd’hui à rassembler les archives et les traces, y compris celles que son exceptionnel talent pédagogique a laissé dans les habitus de pensée et de recherche de multiples élèves qui ont eu la chance de le côtoyer. Citons parmi ceux-ci, Danièle Bleitrach, Alain Chenu, Nicole Ramognino, Hélène Claudot-Hawad, Jean-Samuel Bordreuil ou Michel Péraldi, pour les plus connus. Sans parler des étudiants sortis de l’enceinte universitaire qui ont acquis grâce à lui cette compétence irremplaçable de traduction entre les langues de la science, de l’expertise et de la politique. »

Informations sur l'acquisition :

Historique de conservation :
Après son décès, les archives de Georges Granai sont conservées au domicile de sa fille, Laure Granai. En 2019, la table ronde organisée pour les soixante ans de la sociologie à Aix-en-Provence conduit à mettre en évidence l’importance fondatrice de Georges Granai dans l'histoire régionale de la discipline, et dégager ainsi un champ de recherche. En 2020, par l’intermédiaire de Pierre Lassave et de Constance de Gourcy, le fonds rejoint la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme (MMSH) où il est pris en charge par le secteur Archives de la recherche de la Médiathèque.

Description :

Évolutions :
Fonds clos.
Critères de sélection :
Un premier tri concernant les documents personnels, familiaux ou intimes a été réalisé par Laure Granai. Puis, lors du classement de 2021, ont été éliminés les documents présents en plus de deux exemplaires, ou en double pour les rapports de recherche sous-contrat.

Conditions d'accès :

Archives publiques, aucune restriction de communicabilité (article L213-2 du Code du patrimoine).

Conditions d'utilisation :

Les cours, publications, manuscrits, tapuscrits, ainsi que la correspondance sont protégés par le droit d’auteur : sauf exceptions prévues par l’article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle, l’accord des ayants-droits est requis pour toute divulgation ou réutilisation.

Description physique :

Information matérielles :
1.2 ml d’archives papier, 15 cassettes audio et 23 bandes magnétiques
Importance matérielle :
Durée des enregistrements sonores catalogués : 20h56min. Durée des enregistrements sonores non-catalogués : 40h

Ressources complémentaires :

Laboratoire TELEMMe, fonds Georges Duby, DUBY/11-DUBY/19 : dossiers relatifs à la coordination des recherches rurales (mention et participation de Georges Granai).

Références bibliographiques :

Hommage à Georges Granai, Aix-en-Provence, publications de l’Université de Provence, 1985, 358 p.

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

MMSH

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FR-130019801-MMSH_UNIV_GRANAI

Où consulter le document :

Maison méditerranéenne des sciences de l'homme (MMSH) - Secteur Archives de la recherche

Maison méditerranéenne des sciences de l'homme (MMSH) - Secteur Archives de la recherche

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