Inventaire d'archives : Fonds cartographique du dépôt de la guerre : "La France vue par les militaires" Catalogue des cartes générales et thématiques de...

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Fonds cartographique du dépôt de la guerre : "La France vue par les militaires" Catalogue des cartes générales et thématiques de France - GR 6M J10

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Une documentation cartographique très riche. – Si, comme on vient de le voir, l’ensemble de l’œuvre des ingénieurs géographes militaires n’est pas conservé à Vincennes, on y trouve en revanche toute une documentation cartographique gravée, très variée, rassemblée au dépôt de la guerre pendant plus de deux siècles pour aider les ingénieurs à réaliser leurs travaux ou les différents administrateurs à se documenter sur leurs dossiers en cours. Laissant volontairement de côté la carte de Cassini et la carte d’état-major, ces deux grandes entreprises qui dominèrent la cartographie française, nous allons tenter un bref survol des autres cartes gravées conservées dans le fonds France. Certes, on n’y rencontrera que peu les noms de Beaulieu, de de Fer et de Beaurain. Ces cartographes s’étant plutôt spécialisés dans les « Théâtres de la semblée dans la partie du fonds intitulé Atlas historique. A ces exceptions près, tous les grands noms de la cartographie de cabinet sont ici représentés et l’ensemble du fonds se présente comme le reflet fidèle de l’évolution et de la diversification de la cartographie gravée jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale.
Après la plus ancienne carte de France conservée dans le fonds, celle de Jean Jolivet de 1590 éditée dans le Théâtre françoys de Maurice Bouguereau en 1594, la cartographie française du XVIIe siècle est largement représentée par Nicolas Sanson (1600-1667) qui réalise essentiellement une œuvre de cartographie administrative, largement encore diffusée dans la première moitié du siècle suivant. Outre diverses éditions de ses cartes des provinces de France, le S.H.A.T. conserve également une importante série de ses cartes des diocèses. Ces documents sont inventoriés dans le second volume du présent catalogue. Pour le début du XVIIIe siècle, nous citerons encore le nom de Guillaume Delisle qui donna la première carte de France réalisée selon les corrections de l’Académie des sciences. Le découpage de la France en départements provoqua également une grande production cartographique dont la plus importante reste la réalisation de l’Atlas national de la France, œuvre réalisée entre 1790 et 1811 par Edme Mentelle et Pierre Grégoire Chanlaire. On trouvera ces cartes également inventoriées dans le second tome du présent catalogue. Les différentes éditions des cartes représentant l’Empire français sont d’autant plus intéressantes que ce sont le plus souvent des documents de travail faisant état d’une situation fluctuante et par là même difficiles à dater. La carte de base est souvent une carte gravée représentant parfois une situation totalement dépassée, complètement transformée par des ajouts manuscrits. La carte de France de Belleyme a fait ainsi l’objet de nombreuses éditions et a été largement utilisée comme fond de carte par l’administration civile et militaire. Les cartes traitant de l’administration territoriale militaire jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale représentent bien évidemment une part importante du fonds.
En dehors des cartes à vocation administrative, on voit apparaître au XVIIIe siècle les cartes routières qui avec celles des postes49 et des étapes forment une part de plus en plus importante du fonds. Les premières cartes minéralogiques font leur apparition entre 1766 et 1770 avec l’atlas minéralogique de France de Dupain-Triel père. Enfin, apparaissent au XIXe siècle les cartes des chemins de fer.
La cartographie étrangère est également très présente dans ce fonds. On sait que la cartographie hollandaise fut particulièrement brillante au XVIIe siècle et que les atlas néerlandais comprenaient des cartes générales de France mais aussi de nombreuses cartes des « pays » et provinces ainsi que quantité de plans de villes. Un bref survol du fonds permet de constater que plusieurs provinces du centre de la France furent représentées très tôt par la production hollandaise, ainsi l’Anjou avec une carte sortie des presses de Blaeu en 1573, le Berry, le Gâtinais, le Nivernais et le Quercy sortis des mêmes presses en 1631 ou encore le Béarn édité par la firme Valk et Schenk en cette même année. Les plus anciens plans de ville conservés dans le fonds proviennent également des grands atlas néerlandais du XVIIe siècle, ainsi Valence, Lille et Avesnes édités dans l’Atlas major de Blaeu en 1649, Nice édité chez Blaeu en 1682 ou les nombreux plans et profils de villes du Nord édités chez de Wit : Ath, Maubeuge, Condé et Le Quesnoy, Landrecies, Mariembourg, Avesnes et Chimay. On trouvera l’ensemble de ces plans inventorié dans le deuxième tome du présent catalogue. Dans le courant du XIXe siècle, la cartographie des villes françaises fut complètement renouvelée par les travaux du dépôt de la guerre qui parallèlement aux travaux de la carte d’état-major édita une série de plans des environs des grandes villes à l’échelle de 1:20 000 avec les mises à jour rendues particulièrement nécessaires par le développement des chemins de fer.
Le fonds du dépôt de la guerre continua à s’enrichir par achats et par dons jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale, la section historique de l’état-major continuant à se procurer les cartes nécessaires à la poursuite de ses travaux et se constituant notamment une importante collection de cartes de France éditées en Allemagne. Parmi celles-ci, nous ne citerons qu’une carte de la France et des pays circonvoisins avec dans un cartouche les gouvernements d’Ancien Régime et les limites des langues régionales publiée par le Weimar geographisches Institut en 1870 et 1891. Parallèlement, les archives des cartes s’accrurent de manière non négligeable par l’adjonction de feuilles d’atlas démembrés, soit qu’ils existassent en deux exemplaires soit qu’ils fussent en mauvais état. Le dernier accroissement significatif de ce genre fut celui du don Mellinet, général et député, qui laissa en 1871 au dépôt de la guerre l’ensemble de sa bibliothèque. On trouvera dans le fonds France de nombreuses cartes de cette provenance, probablement extraites d’atlas démembrés.
REMERCIEMENTS
Ce catalogue, fruit d’un travail d’équipe, n’aurait pu voir le jour sans le soutien de l’ensemble du personnel du département des archives et de la bibliothèque du S.H.A.T. et la sollicitude constante de son conservateur en chef, Philippe Schillinger.
Nous tenons également à remercier Madame Monique Pelletier, conservateur général honoraire du département des cartes et plans de la Bibliothèque nationale de France, qui nous a fréquemment aidés de ses conseils et Madame Cécile Souchon, conservateur en chef de la section des cartes et plans des Archives nationales, qui a assuré une relecture minutieuse du manuscrit et nous a chaleureusement soutenus tout au long de ce travail.

Cote :

GR/6/M/J10 (Tome 1er)

Publication :

Service historique de la Défense
2001
Vincennes

Informations sur le producteur :

producteur: Ministère des Armées
INTRODUCTION
LE DÉPÔT DE LA GUERRE ET LA CARTE DE FRANCE
1688-1887
Au IIIe siècle de notre ère, Végèce, haut fonctionnaire romain, s’exprimait ainsi : « Un général doit avoir un plan détaillé du pays où se fait la guerre […]. D’habiles généraux ont porté cette recherche au point d’avoir un plan figuré, partie par partie, ce qui les mettait en état non seulement de raisonner avec l’officier qu’ils détachaient sur la route qu’ils devaient tenir mais encore de la lui faire sentir en quelque sorte au doigt et à l’œil1. » Dans le dernier quart du XVIIe siècle, cette affirmation est plus que jamais d’actualité. Les transformations de l’art de la guerre dues à la généralisation de l’emploi de l’artillerie ont fait de l’art de lever des plans et de cartographier les alentours d’une place forte une activité à part entière, indissociable de l’art de la fortification. Les ingénieurs du roi sont les premiers cartographes militaires. Parallèlement, la diffusion par la gravure des représentations de sièges et de batailles dans lesquels se sont illustrés le roi et les grands chefs de guerre contribue à construire l’image du prince et participe de la guerre psychologique.
À cette même époque, le développement des grands départements ministériels entraîne la mise en place progressive de services d’archives organisés. Ainsi en 1688, le marquis de Louvois ordonne-t-il à son premier commis M. de Bellou de centraliser et d’archiver l’ensemble des correspondances expédiées et reçues par les bureaux de la guerre. À la même époque Colbert prend une initiative semblable pour la Marine et les Affaires étrangères. Mais le dépôt de la guerre, véritable service d’archives du secrétariat d’État, qui conserve dès lors la correspondance ministérielle échangée avec les généraux, souvent accompagnée de cartes ou de plans, voire de nombreux mémoires topographiques et militaires destinés à les expliciter n’acquiert sa véritable autonomie que lors de son transfert à l’hôtel des Invalides en 1701.
En outre, à partir de la guerre de la ligue d’Augsbourg (1688-1698) la durée des conflits et l’importance des effectifs mis en ligne obligent à faire voyager rapidement et secrètement des troupes nombreuses pour les concentrer en un endroit propre à la bataille. La carte se révèle alors un instrument indispensable pour le haut commandement. Or, on déplore un manque certain entre la carte imprimée à petite échelle qui donne une vue trop imprécise du théâtre d’opérations et les plans des ingénieurs des places. En outre le besoin de nourrir et de loger longtemps des troupes nombreuses exige une connaissance approfondie des ressources d’un pays. On éprouve la nécessité d’établir des cartes à échelle topographique, accompagnées de mémoires détaillés. Enfin, fait qui n’est pas sans importance, le roi ne se tient plus à la tête de ses armées à partir de 1695 et laisse cette place au Grand Dauphin. Il a donc besoin de cartes pour suivre les opérations depuis Versailles.
C’est ainsi que naît et se développe progressivement le corps des ingénieurs géographes militaires. Ce sont tout d’abord quelques ingénieurs des camps et armées attachés à un chef de guerre, souvent un maréchal général des logis, grand maître de la logistique. Dotés d’une commission d’officier réformé à la suite d’un régiment d’infanterie, ils travaillent le plus souvent seuls, en marge de la hiérarchie militaire commune, et correspondent directement avec le ministre3 . Jusqu’à cette époque ils étaient souvent licenciés à la paix. Mais peu à peu le commandement prend conscience de la nécessité d’avoir une documentation cartographique toujours plus complète et détaillée, et surtout mise à jour. Les ingénieurs géographes considèrent que leur corps est né en 1691. C’est l’époque où sortent de l’ombre les premiers d’entre eux : D’Hermand en 1687, Naudin l’aîné en 1688, Roussel en 1691. Cette même année est créé le département des fortifications des places de terre et de mer par lequel ils auront beaucoup de mal à faire reconnaître leur spécificité. Cependant aucun document ne vient confirmer leur affirmation et leur existence même en tant que corps n’est reconnue que très progressivement et souvent remise en question. Il faut attendre 1777 pour qu’ils soient dotés d’un véritable statut. Leur appellation même varie jusqu’à cette date.
Des individus conscients de leur spécificité. – Pendant la guerre de la Ligue d’Augsbourg et surtout la guerre de Succession d’Espagne, le dépôt de la guerre engrange quantité de matériel cartographique représentant les différents théâtres d’opérations, que leurs auteurs s’efforcent de mettre à jour, de compléter et d’uniformiser durant la longue période de paix qui suit. Leurs travaux, directement envoyés au secrétaire d’État de la guerre, sont payés sur les fonds de l’extraordinaire des guerres. Ainsi les travaux cartographiques effectués par Roussel en Catalogne et La Blottière dans les Pyrénées atlantiques sont-ils suivis par une reconnaissance de l’ensemble de la frontière des Pyrénées qui redevient d’actualité en 1719, lors de la guerre entre la France et l’Espagne. De leur côté les frères Naudin, qui ont travaillé essentiellement sur la frontière de Flandre, poursuivent leurs travaux vers l’Est, en Champagne et en Lorraine. La longévité de ces trois officiers assure une permanence à un petit groupe jusqu’à la guerre de Succession d’Autriche. Ainsi Roussel, entré au service au siège de Mons en 1691, après avoir été inspecteur des travaux de Marly pendant six ans, reçoit il, probablement en 1716, la garde des cartes, plans et dessins du département. Il meurt en fonctions le 30 août 1733. Jean-Baptiste Naudin, qui apparaît au siège de Philippsbourg en 1688 et fait toutes les campagnes sur la frontière du Nord, entretient parallèlement un bureau de quatre dessinateurs pour réaliser les travaux ordonnés par le Régent en 1716. En 1729, ce bureau est supprimé par le cardinal de Fleury et ce n’est qu’à la mort de son camarade que Naudin reçoit la garde des cartes et plans du département. Jusqu’à sa mort en 1743, il négocie la remise au dépôt des cartes qu’il a établies dans son propre bureau ou achetées et pour lesquelles il n’a, semble-t-il, pas été payé.
Les états militaires de la France publiés par Lemau de La Jaisse entre 1730 et 1741 nous donnent une douzaine de noms qui permettent de mieux appréhender ce microcosme et la manière dont il se renouvelle. Depuis 1730, les cartographes sont sous les ordres d’un directeur. Louis-Nicolas Le Coutelier, comte de Lilliers est nommé par le marquis d’Angervilliers, secrétaire d’État de la guerre entre 1728 et 1740. C’est aussi un ancien serviteur : brigadier d’infanterie depuis 1719, il a exercé les fonctions de maréchal des logis pendant les deux dernières guerres de Louis XIV. Il est alors âgé de près de soixante-dix ans et mourra en 1741. On relève ensuite trois Naudin. Si l’on ajoute le sieur Denis, époux d’une demoiselle Naudin, cette famille représente le tiers de l’effectif. Mais on y relève également un sieur Roussel fils et son beau-frère, le sieur Cordier. Cordier sert depuis 1716, Roussel fils a fait sa première campagne en 1733 pendant la guerre de Succession de Pologne.
On a longtemps été sévère pour cette cartographie de la première moitié du XVIIIe siècle. En effet, parallèlement à ces travaux sur le terrain une cartographie scientifique s’est progressivement mise en place, sous l’égide de l’Académie des sciences. Les astronomes Picard et La Hire ont commencé par déterminer les principaux points géodésiques de la France selon la méthode perfectionnée par Jean-Dominique Cassini. Dès 1682, la Carte de France corrigée par ordre du roy sur les observations de Mrs de l’Académie des sciences a montré l’inexactitude des cartes précédentes et en 1744 le canevas géodésique de la France est achevé. Un peu plus tard, en 1746 et 1747 Cassini séjourne en Flandre où il a été envoyé par le secrétaire d’État de la guerre pour constituer le canevas géométrique d’une région qui est alors le théâtre principal de la guerre de Succession d’Autriche. Le tableau d’assemblage des travaux des Naudin sur les frontières Nord-Est montre bien la difficulté d’assembler des levés avant cette date. L’État au vrai des cartes et plans qui existent actuellement au dépôt du bureau de la guerre, fait par ordre de Monseigneur le marquis de Breteuil, ministre et secrétaire d’État, par le S. Naudin, ingénieur ordinaire du roi, capitaine au régiment de Piémont, chevalier de l’ordre de St Louis, auquel la garde en a été confiée en 1733, rédigé en 1742, permet de se faire une idée assez précise de la documentation cartographique dont on pouvait disposer à Versailles. 1087 cartes manuscrites et gravées, groupées en 85 liasses t portefeuilles sont répertoriées dans cet inventaire précédé d’un index. Elles ne sont malheureusement décrites que sommairement et par conséquent difficilement identifiables. Cette cartographie essentiellement consacrée aux provinces frontières et aux pays qui forment périodiquement le théâtre de la guerre est bien sûr confidentielle et véhicule une densité d’informations, notamment en ce qui concerne le réseau des communications, qui est loin d’être reprise dans les versions gravées qui sont mises en circulation. Certes on relève bien des inexactitudes, dues aux conditions difficiles et parfois à la hâte avec laquelle les levés ont été réalisés, mais grâce aux mémoires topographiques qui l’accompagnent l’œuvre des cartographes militaires apporte une contribution essentielle à la connaissance du territoire tel qu’il se présentait dans cette première moitié du XVIIIe siècle et à son utilisation tactique.
Entre le corps du génie et le dépôt de la guerre. – En 1743, en pleine guerre de Succession d’Autriche, trois décès se succèdent dans le personnel politique entourant Louis XV. Le cardinal de Fleury, le marquis de Breteuil, secrétaire d’État de la guerre, et le maréchal d’Asfeld, chef du département des ingénieurs meurent à quelques semaines d’intervalle. Le département des fortifications est alors rattaché au département de la guerre et un premier statut est accordé aux ingénieurs du roi par l’ordonnance du 7 février 1744 qui, en fixant le service et le rang des ingénieurs prépare leur intégration dans l’armée. Le dépôt des cartes et plans du département de la guerre est réuni à celui des fortifications et les ingénieurs géographes qui recevaient auparavant leurs appointements ordinaires chez eux et y attendaient les ordres du ministre pour des commissions extraordinaires, sont rassemblés à Versailles. La collaboration entre ingénieurs géographes et ingénieurs du génie doit être facilitée par cette réorganisation. Ainsi, Jean Villaret est-il détaché au dépôt des fortifications dès la paix de 1748 et participe-t-il à la grande entreprise cartographique du général Bourcet sur la frontière des Alpes. Cet ingénieur fait en quelque sorte le lien entre deux générations. Né en 1703 à Montpellier, il sert depuis 1719 et a fait ses premières armes comme dessinateur employé sous la direction du général de La Blottière à la carte des Pyrénées. Nommé ingénieur ordinaire en 1729, il a fait les campagnes de 1733 à 1736 en Italie et celles de 1742 à 1748 en Allemagne et en Flandre. Il terminera sa carrière à la tête des ingénieurs géographes de 1772 à 1778.
Deux autres personnages font leur apparition à cette époque. JeanBaptiste Berthier est né en 1721. Après avoir débuté comme inspecteur général des élèves de l’ancienne école militaire, nous dirions instructeur, il a reçu une commission de lieutenant réformé dans le Royal Comtois et sert comme ingénieur géographe aux reconnaissances des camps, marches et emplacements de l’armée du roi en Flandre pendant les campagnes de 1745 à 1748. Il est notamment remarqué par le roi à la bataille de Lawfeld. Employé au levé topographique du cours de la Lys et du Neuf-fossé qui doit faire communiquer cette rivière avec l’Aa, il travaille pour la première fois sous les ordres du comte de Vault. Ce dernier vient de faire les campagnes de Bohême de 1741 et 1742 comme aide de camp du maréchal de Belle-Isle et celles de 1746 à 1748 comme aide maréchal général des logis de l’armée du Bas Rhin. Les deux hommes se retrouvent au début de la guerre de Sept Ans sur les côtes qu’il faut mettre en état de défense. Puis, tandis que de Vault sert à l’armée d’Allemagne en tant que maréchal général de l’armée du maréchal de Soubise et à ce titre assure le commandement des ingénieurs géographes sur le principal terrain d’opérations, Berthier est rappelé à Versailles par le marquis de Paulmy, secrétaire d’État de la guerre depuis peu. Il doit « trier et extraire à l’arrivée des courriers, des lettres des généraux tout ce qui avoit rapport aux positions prises ou à prendre, aux marches, projets, dispositions à faire ou à consulter pour les exprimer sur les cartes du roi, pour accompagner lesdites lettres qui se portoient au conseil et pour les ministres auxquels ils avoient l’honneur d’aller rendre compte, l’un après l’autre, après Monseigneur le dauphin ». Bref, il est chargé de tenir à jour la carte des opérations. Il fait dès lors fonction de chef des ingénieurs géographes et de garde du dépôt des cartes et plans.
De plus, une tâche fort différente l’attend. En 1751, il a sauvé d’un incendie total les grandes écuries de Versailles. Il a depuis mis en œuvre un procédé de voûtes plates en briques qui doit éviter les risques d’incendie. Quand il propose de l’appliquer à la construction de l’hôtel de la guerre qui doit réunir sous un même toit l’ensemble des services du ministère et conçoit en outre les plans d’un édifice fonctionnel, le maréchal de Belle-Isle accepte son projet et le charge de sa réalisation (1759-1760). Le dépôt de la guerre est transféré des Invalides à Versailles dès l’année suivante. La même année, le duc de Choiseul qui remplace Belle-Isle à la guerre et regroupe également sous son autorité les Affaires étrangères et la Marine étend son projet de regroupement administratif à ces deux derniers départements ministériels. Il nomme également un nouveau directeur du dépôt de la guerre, le comte de Vault.
Les deux hommes ne s’aiment guère. De Vault est l’homme de Belle-Isle, dont il a été l’aide de camp pendant la campagne de Bohème et la retraite de Prague. En arrivant au ministère, le maréchal l’a appelé auprès de lui et lui a confié outre les milices et les gardes côtes, le dépôt de la guerre. Lors de la disgrâce du ministre en 1761, il ne conserve que cette dernière fonction. De son côté Berthier a su gagner la confiance de Choiseul qui le nomme chef des ingénieurs géographes et gouverneur des hôtels de la Guerre et des Affaires étrangères en 1763. Ce n’est qu’après la disgrâce de ce ministre que le dépôt des cartes et plans se trouve effectivement rattaché au dépôt de la guerre.
Le traité de Paris (1763) en mettant fin à une guerre décevante et ruineuse a ramené à Versailles une cinquantaine d’ingénieurs géographes qu’il faut employer ou licencier. En 1765, ils ne sont plus que quarante : vingt capitaines et vingt lieutenants. En 1769, leur effectif est ramené à vingt huit, douze capitaines et seize lieutenants partagés entre quatre brigades de sept ingénieurs chacune ; un professeur de mathématiques, un professeur de langues, deux peintres et un secrétaire leur sont adjoints. Dès 1764, Berthier fait exécuter à l’intention de Choiseul la carte de son domaine de Chanteloup, pour l’usage de ses chasses. C’est cet ouvrage qui, semble-t-il, donne à Louis XV l’idée de faire établir d’abord une carte des environs de son château de Saint-Hubert, en forêt de Rambouillet (1764-1767) puis son extension autour de Versailles (1767-1768). Une nouvelle prolongation englobant les forêts de Marly, de Saint-Germain et de Sénart ainsi que les bois de Boulogne et de Vincennes est entreprise en 1769. Les levés sont dès lors beaucoup plus lents. En effet, d’autres travaux plus militaires attendent nos ingénieurs qui peu à peu rejoignent les brigades travaillant sur les frontières.
Quelques-uns d’entre eux avaient déjà été amenés à travailler sur la frontière des Alpes avec les officiers du génie sous les ordres du général Bourcet. Celui-ci, l’un des plus grands cartographes français du XVIIIe siècle, est un enfant du pays et a fait la plus grande partie de sa carrière dans le Dauphiné et sur le théâtre d’opérations italien. Né en 1700 à Pragelas, vallée d’Outre-Mont cédée au Piémont-Savoie en 1713, il a accompagné son père, capitaine d’une compagnie franche au service du roi de France, pendant les dernières campagnes de la guerre de Succession d’Espagne. Officier d’artillerie puis ingénieur ordinaire en 1729, il a fait les campagnes d’Italie de 1733 à 1735 puis de 1743 à 1748. Devenu entre-temps ingénieur en chef à Montdauphin (1736) puis directeur des fortifications du Dauphiné (1756) il est surtout connu pour avoir réalisé entre 1748 et 1754 une Carte géométrique du Haut Dauphiné et de la frontière ultérieure et une autre du comté de Nice et de la vallée de Barcelonette dont les réductions au 1:86 400 ont été gravées par Guillaume De La Haye. Enfin en 1760, Bourcet a été nommé tout naturellement commissaire du gouvernement français pour la démarcation de la frontière entre la France et le Piémont et à ce titre il a supervisé l’ensemble des travaux de délimitation. Une part importante de ses réflexions sur la frontière des Alpes se trouve réunie dans deux ouvrages publiés après son décès : Mémoires militaires sur les frontières de la France, du Piémont et de la Savoie depuis l’embouchure du Var jusqu’au lac de Genève et Principes de la Guerre de montagne.
Dès 1768, certains ingénieurs sont envoyés en Corse pour y exécuter des travaux topographiques. Par ailleurs, la guerre de Sept Ans vient de montrer que les côtes ne sont pas à l’abri des descentes anglaises. Le comte d’Hérouville, directeur général des camps et armées chargé de les mettre en défense, présente un premier rapport dès 1771. L’année suivante, le marquis de La Rozière étudie plus en détail les côtes de Bretagne et remet un travail de 238 pages accompagné de quarante et un documents cartographiques . C’est à la suite de cette étude préparatoire qu’est réalisé entre 1772 et 1785 l’un des plus beaux travaux de cartographie militaire de l’Ancien Régime, la carte topographique des côtes de Bretagne. Accompagnée de mémoires décrivant souvent de manière précise le terrain, elle est actuellement encore un témoignage précieux sur la côte bretonne de la fin du XVIIIe siècle. D’autres ingénieurs sont envoyés sur les côtes de Normandie et de la mer du Nord21 . Les cotes de profondeur qui devaient être représentées par les ingénieurs hydrographes n’ont malheureusement pas été indiquées et le travail de mise au net était encore en cours lors de la dissolution du corps des ingénieurs géographes en 1791.
L’ensemble de ces levés doit rejoindre ceux qui sont réalisés entre 1771 et 1776 sur la frontière du Nord. Sous les ordres du général de Grandpré, commissaire du roi pour les règlements des limites de la Manche au Rhin, d’autres ingénieurs établissent une nouvelle carte entre Dunkerque et Landau sur trois à quatre lieues de profondeur. Là encore le travail cartographique s’accompagne de longs mémoires décrivant les ressources du pays et étudiant les cours d’eau, les itinéraires et les lignes de défense successives possibles. Enfin, les travaux topographiques du général Bourcet sont poursuivis par le major du génie d’Arçon dans le Jura et en Alsace.
Ce travail ne fait certes pas double emploi avec celui des ingénieurs de Cassini qui poursuivent à la même époque les levés de la carte géométrique de France. En effet, le but de ces derniers n’est pas de donner une image topographique précise mais un canevas scientifique qui pourra être enrichi par les différents usagers, notamment en ce qui concerne le relief et les voies de communication qui ne sont qu’ébauchés. Cependant, une certaine hostilité se fait jour quand les équipes se trouvent à lever les mêmes zones et à réclamer l’aide des mêmes populations. De plus, les militaires ont toujours considéré les frontières comme leur domaine et craignent la diffusion d’éléments susceptibles de renseigner l’ennemi. Ainsi d’Arçon résume-t-il l’opinion générale : « Le privilège accordé aux ingénieurs de monsieur Cassini devrait excepter les parties de frontières dont il serait important de réserver la connaissance […] sa carte sera bonne ou mauvaise. Si elle était bonne, il faudrait l’interdire. »
Si en 1777 les ingénieurs géographes militaires reçoivent leur premier statut, ils le doivent sans doute à la maladresse de l’ordonnance du 31 décembre 1776. Celle-ci achève l’intégration dans l’armée des ingénieurs du roi, amorcée en 1744, mais en fixant le service des officiers du nouveau corps du génie, prononce implicitement l’absorption de la vingtaine d’officiers géographes en activité. En effet, quelques articles donnent aux officiers du nouveau corps les missions que les ingénieurs géographes revendiquent depuis un siècle comme leur appartenant en propre. Eux-mêmes doivent être dispersés dans les douze directions du génie (titre I article 5). En outre, l’article 6 du titre III leur fait craindre une mainmise du génie sur le dépôt de la guerre. Ils répondent point par point dans une adresse au roi rédigée en janvier 1777 :
Titre III, article 6. – L’intention de sa Majesté est que dans le nombre des officiers du corps royal du génie il en soit détaché deux à la suite du dépôt de la guerre à Versailles, aux ordres de l’officier principal auquel le dit dépôt sera confié. Les fonctions de ces deux officiers seront de contribuer au bon ordre des papiers, cartes, plans et mémoires et d’étendre leurs connoissances topographiques par la communication de ces archives militaires et pour faire circuler la dite connoissance dans toutes les parties du corps royal du génie. Sa Majesté entend rendre amovibles et périodiques ces places à la suite du dépôt de façon à faire de cette marque de confiance aussi bien que du supplément d’appointemens qui en sera la suite une récompense à laquelle les officiers du corps royal du génie pourront tous également prétendre, sans distinction de grade.
On voit par cet article que les deux officiers du corps royal du génie nommés par le roi sans distinction de grade pour contribuer, conjointement avec le directeur au bon ordre des plans sont substitués de droit au directeur en cas d’absence et par conséquent les ingénieurs géographes conservés au dépôt de la guerre par l’article 7 titre IV sont à leurs ordres. On y oublie donc encore plus formellement que dans l’article 5 titre I que les ingénieurs géographes sont officiers en les soumettant aux derniers des ingénieurs du corps royal du génie.
Titre V, article 60. Défense de communiquer des plans. – Tout ingénieur géographe, tout entrepreneur et dessinateur soit de directeur soit de commandant de district ou de tout autre officier du corps qui communiquera des plans ou des mémoires concernant la fortiffication sans la permission par écrit de celui qui l’aura employé sera puni très sévèrement, et même de mort, selon la circonstance du délit.
Cet article jette le jour le plus lumineux sur tous ceux où il est traité des ingénieurs géographes. Ce n’est plus sur l’honneur qu’on statue pour les punir. L’ordonnance, après avoir prononcé dans l’article 59e la cassation des officiers du corps royal du génie qui communiqueroient des plans confond dans cet article 60e les ingénieurs géographes avec les entrepreneurs et dessinateurs d’officiers pour ne plus statuer leur punition que sur leur vie en cas de même délit. Cet article semble même dire positivement que les ingénieurs géographes appartiennent ainsi que les dessinateurs aux directeurs et autres officiers du corps royal du génie. Les ingénieurs géographes ne doivent ni ne peuvent espérer que l’ordonnance soit réformée, l’objet seul de leur démarche est de sauver leur honneur en lui sacrifiant leur fortune, le service où ils s’étoient consacrés est attribué aux officiers du corps du génie, leur existance militaire, base de leur émulation, est éteinte par le sort qui leur est offert. Toute leur ressource est de prier sa Majesté de les réformer comme l’ont été tous les autres officiers de ses troupes…
L’ordonnance du 26 février 1777 leur donne partiellement satisfaction en leur accordant pour la première fois officiellement le titre d’ingénieurs géographes militaires et en les intégrant à l’armée comme officiers à part entière. Une lettre du comte de Saint-Germain en date du 25 mai 1777 est plus explicite encore en s’adressant à eux au même titre qu’aux officiers du corps royal du génie. Elle donne également un bon résumé de l’esprit rationnel avec lequel est menée l’entreprise cohérente de cartographie des frontières du royaume en cette fin du XVIIIe siècle. Plusieurs points y sont successivement abordés concernant l’uniformité et l’exactitude du travail de levés sur les frontières. Tout d’abord, on ne travaillera pas sur le terrain sans « calage » préalable sur le canevas géométrique d’ensemble réalisé à l’aide des tables de distance à la méridienne et à la perpendiculaire que l’Académie a fait imprimer. De plus, les levés seront tous réalisés à la même échelle de 6 lignes pour 100 toises soit 1:14 400. Les mises au net seront élaborées en référence à un modèle commun. Elles seront accompagnées d’un mémoire « pour expliquer les détails que la main ne peut rendre à la vue ». La suite de la lettre aborde le problème des levés que les officiers doivent être capables de réaliser en temps de guerre, c’est-à-dire à vue et sans instruments. C’est la mission essentielle que les ingénieurs géographes considéraient comme étant de leur ressort propre et que l’ordonnance de 1776 confiait aux officiers du génie, celle qui leur permet « de prétendre de préférence à l’avantage que le roi promet […] de les admettre dans l’état-major des armées ». Le corps de la lettre est suivi de six pages d’observations qui semblent inspirées par le général de Vault, adressées aux officiers détailleurs pour les aider à rédiger les mémoires dans lesquels ils doivent « expliquer ce que le dessin ne peut représenter et les détails que la main ne peut exprimer, tant sur la nature des objets que sur leur propriété ».
C’est une reconnaissance tardive et partielle. « L’exception » des ingénieurs géographes militaires ne peut avoir qu’une existence éphémère dans une France en proie à une crise financière endémique et bientôt à une crise politique grave. En 1785, ils ne sont plus que dix-neuf. Lorsque le général De Vault décède, en octobre 1790, le plus ancien d’entre eux expédie les affaires courantes. En août 1791, lors de la dissolution du corps, trois d’entre eux sont employés sur les frontières des Pyrénées, conjointement avec huit ingénieurs espagnols et quatre ingénieurs géographes du département des Affaires étrangères, pour la levée des cartes des limites ; un autre est détaché pour travailler à la division du royaume avec le Comité de constitution ; ceux qui sont employés au dépôt perfectionnent le travail fait sur les côtes et établissent des copies pour les Affaires étrangères.
Ce sont les guerres de la Révolution qui vont redonner vie à ce corps moribond. Il n’y a pas lieu d’évoquer ici l’œuvre des ingénieurs géographes militaires dans toute l’Europe, mais seulement ce qui peut avoir une influence sur la cartographie de la France. C’est un ancien ingénieur géographe, géodésien qui a travaillé à la carte des côtes de Bretagne, le général Calon, qui est nommé directeur du dépôt de la guerre le 16 avril 1793. Également député de l’Oise, il mène une politique ambitieuse visant à faire du dépôt, dont le personnel est entièrement renouvelé, un organisme tout-puissant chargé de contrôler l’ensemble de la production cartographique, à savoir rassembler la documentation de toute provenance ; être l’unique diffuseur d’une information cartographique réservée exclusivement aux besoins des armées ; harmoniser et diriger les levés entrepris systématiquement dans les pays conquis, notamment dans les départements réunis. L’une des premières mesures de ce programme consiste à retirer à l’Observatoire de Paris et à confier au dépôt de la guerre la gestion de la carte de Cassini et sa réduction par Louis Capitaine (12 novembre 1793). Pour ce faire, le dépôt de la guerre est doté d’ateliers de dessin et de gravure.
C’est dans cet esprit de rationalisation et de centralisation qu’est convoquée en 1802 une commission de topographie chargée d’uniformiser et de codifier les signes et conventions en usage dans les divers services publics. Réunie sous la présidence du général Sanson, successeur de Calon, elle comprend en majorité des membres des différents services topographiques militaires mais aussi des délégués des mines, des ponts et chaussées, des forêts, de la marine, des colonies etc. Les principes et les règles qu’elle édicte créent l’armature de la carte topographique moderne :
– l’adoption de l’échelle métrique qui conduit théoriquement à n’employer que des échelles décimales ;
– l’adoption du niveau de la mer comme niveau de référence unique et l’indication de points cotés ;
– l’harmonisation du relief par des hachures selon les lignes de plus grande pente, appuyées sur des courbes de niveau approximatives ;
– l’harmonisation des signes conventionnels : tous les objets planimétriques seront désormais représentés par leur projection horizontale. Des tableaux très complets de ces signes sont élaborés pour la chorographie (notamment les agglomérations, les routes, les limites), l’hydrographie, la minéralogie, les armées de terre et de mer.
Ces idées ne sont certes pas nouvelles et rejoignent les instructions données par le comte de Saint-Germain en 1777. Il ne s’agit en outre que de recommandations qui ne sont pas toujours suivies d’effets dans la gigantesque production de matériel cartographique élaborée par les ingénieurs géographes militaires français sur les champs de bataille européens. Cependant, les techniques s’améliorent aux différents stades d’établissement de la carte et les cartographes militaires acquièrent une expérience incomparable ; enfin, par leurs contacts avec les cartes étrangères levées depuis la carte de Cassini, ils élargissent leurs connaissances à tout ce qui a été réalisé en Europe depuis un quart de siècle. La paix revenue, ils sont prêts à se lancer dans l’aventure d’une grande carte topographique à l’échelle nationale.
Du dépôt de la guerre au service géographique de l’armée. – Cependant, la première tâche importante à laquelle sont confrontés les quatre-vingt quatre ingénieurs géographes conservés au dépôt de la guerre par l’ordonnance du 1er août 1814 est tout naturellement la délimitation de la nouvelle frontière. Huit d’entre eux sont mis à la disposition du général Guilleminot, puis du général Poitevin de Maureillan, commissaires successifs du gouvernement français pour la frontière du Nord. Les travaux interrompus par les Cent-Jours reprennent en 1816 à partir des premiers levés réalisés par les ingénieurs géographes français et bavarois et se prolongent jusqu’en 1822. C’est ainsi que pendant six ans ingénieurs géographes français sous la direction du colonel Rousseau et hollandais sous la direction de van Gorkum réalisent en étroite collaboration un travail de topographie extrêmement précis et homogène. Celui-ci est basé sur une nouvelle triangulation et une charte graphique débattue par les commissaires aux levés et les directeurs qui signent les levés. Les cartes définitives, manuscrites, à l’échelle de 1:14 000 sont entérinées par la convention de Courtrai du 28 mars 1820. Au Nord-Est, les travaux sont plus difficiles et la convention avec la Prusse n’est signée qu’en 1829. Sur la frontière de l’Est enfin, les levés sont exécutés au 1:10 000 avec les Suisses et les Badois. Ce n’est finalement qu’en 1832 que les derniers ingénieurs sont remis par le ministre des Affaires étrangères à la disposition du dépôt de la guerre.
Malgré les continuelles retouches apportées à la carte de Cassini, dans le but de l’améliorer et de la mettre à jour, sa refonte totale apparaît de plus en plus nécessaire sous l’Empire. La représentation du relief et la planimétrie y sont imparfaites et la toponymie incertaine. Le réseau des communications est rudimentaire. De plus, de nombreux cuivres sont endommagés ou usés. Aussi dès 1808, Napoléon manifeste-t-il le désir de faire entreprendre une nouvelle carte de France mais les événements politiques et les revers militaires empêchent la mise au point de ce projet. La campagne de France de 1814, pendant laquelle les officiers se plaignent de ne pas avoir de carte correcte, ne fait que confirmer cette nécessité. Par ailleurs, une nouvelle carte peut bénéficier de l’expérience acquise par les cartographes français sur les champs de bataille européens et de l’étude des cartes étrangères auxquelles la carte de Cassini a servi d’exemple. Un projet est proposé par le général Bacler d’Albe sous la Première Restauration, mais, là encore les bouleversements politiques ajournent sa réalisation.
Ce n’est finalement qu’en 1816 que peut débuter l’aventure de ce qu’on appellera plus tard la carte d’état-major. À cette date, le colonel Brossier, du dépôt de la guerre, présente un mémoire très précis dans lequel il propose de combiner l’établissement du cadastre et celui de la carte militaire. Un canevas astronomique et géodésique suffisant doit être exécuté pour permettre la coordination des plans cadastraux et le rattachement des travaux exécutés au-delà des frontières. On procédera également aux déterminations altimétriques nécessaires à l’exécution d’un nivellement d’ensemble et d’une bonne représentation des formes du terrain. Le roi rend finalement en 1817 une ordonnance instituant une commission royale de la carte de France. Placée sous la présidence de l’astronome Laplace et composée de quatorze membres représentant les administrations intéressées, soit la guerre, les ponts et chaussées, les mines et carrières, la marine, le cadastre et les forêts, elle a pour mission d’examiner le « projet d’une nouvelle carte topographique générale de la France, appropriée à tous les services publics et combinée avec les opérations du cadastre ». Le dépôt de la guerre se voit confier les opérations géodésiques fondamentales et les déterminations des triangles de premier et de deuxième ordre ainsi que le nivellement. Il doit assurer en outre les levés dans les terrains militaires, les forêts royales, les zones incultes etc. Enfin, c’est lui qui est chargé de la gravure et de la publication de la carte. Un comité du dépôt de la guerre, composé uniquement d’ingénieurs géographes militaires et d’officiers d’état-major est créé pour mener à bien le projet.
Les premières opérations sont extrêmement lentes pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’insuffisance des moyens. Les chambres n’accordent qu’une partie des crédits nécessaires, bien que les calculs fassent ressortir le fait que les produits de la vente compenseront largement les frais d’établissement. Par ailleurs, la réalisation technique se révèle difficile et onéreuse. En particulier, la gravure du figuré du terrain en hachures appuyées sur des courbes et respectant des normes précises s’avère beaucoup plus longue et coûteuse que prévu. De plus, la contribution du cadastre se réduit très vite à peu de choses. Enfin, de nombreux militaires sont opposés à la publication et à la vente d’une telle carte qui, selon eux, profitera davantage à un envahisseur potentiel qu’à nos propres troupes.
La commission royale se prononce tout d’abord pour des levés au 1:10 000 et une publication l’échelle de 1:100 000. En effet, le 1:50 000 paraît trop coûteux et le 1:100 000 a l’avantage de permettre un raccordement avec les cartes des pays voisins qui pour la plupart ont opté pour cette échelle. Cette différence d’échelle entre les levés et la publication s’explique d’une part par le désir de satisfaire les services publics qui ont besoin d’un document à grande échelle, d’autre part par le coût de la gravure sur cuivre, seul procédé alors utilisé pour la publication. De plus, l’échelle relativement petite de la carte gravée rassure partiellement les militaires opposés au projet. Selon l’usage antérieur, les levés seront soigneusement mis au net, dans une facture très homogène et ce sont ces documents originaux non reproduits que les usagers consulteront pour les besoins du service. Cependant, dès 1818, on revient sur cette décision à la demande des services concernés et c’est l’échelle de 1:80 000 qui est finalement adoptée pour la publication. C’est un compromis entre les désirs des différentes parties prenantes et cette échelle a l’avantage de se rapprocher de celle de la carte de Cassini qui doit être remplacée progressivement. Quant aux levés, pour des raisons d’économie, ils sont successivement ramenés à l’échelle de 1:20 000 pour les zones urbaines et les frontières et de 1:40 000 pour le reste du pays.
La carte, une fois terminée, comprend 273 feuilles de 80 x 50 cm couvrant chacune 64 x 40 km, numérotées de 1 à 167 (du Nord-Ouest au Sud-Est et à la Corse), avec des coupures bis et ter pour les régions rattachées plus tard de la Savoie et du comté de Nice. Outre l’année de publication, la date des levés est indiquée, ce qui est important pour une carte dont la réalisation s’étire sur plus d’un demi-siècle. En effet, les levés commencés dès 1818 ne sont achevés qu’en 1866. Quant à la gravure, ce n’est qu’en 1833 que les premières épreuves sont livrées au public. Par la suite, les travaux se poursuivent régulièrement d’année en année. En 1840, soixante-trois feuilles sont parues et jusqu’en 1880, date de parution de la dernière feuille, celle de Corte, la publication est assurée à la cadence moyenne de cinq à six feuilles par an. Il faut environ dix à douze ans pour mener de bout en bout la réalisation d’une feuille.
Depuis 1814, des officiers d’état-major étaient adjoints aux ingénieurs géographes du dépôt de la guerre. La création du corps d’état-major en 1818 conduit à généraliser cette collaboration et à partir de 1821 tous ces officiers sont amenés à participer aux levés. Dès lors, une fusion des deux corps s’impose et en 1831 les ingénieurs géographes sont intégrés dans le corps royal d’état-major. En fait, si les levés de terrain sont réalisés essentiellement par les officiers d’état-major, les opérations géodésiques préalables sont tout naturellement réalisées par les ingénieurs géographes de formation.
L’ordonnance créant le corps royal d’état-major traite dans son titre V de l’école d’application pour le service d’état-major général de l’armée. Celle-ci sera établie près le dépôt de la guerre à Paris (article 31) et les matières suivantes y seront enseignées, à savoir :
1° la géographie et la statistique, la topographie, le dessin, le levé de la carte et les reconnaissances militaires ;
2° les éléments d’artillerie ;
3° la fortification passagère, l’attaque et la défense des places ;
4° l’art, l’histoire et l’administration militaire (articles 31 et 36).
De plus, « chaque année, les élèves de l’école d’application de l’état-major de l’armée seront employés, pendant trois mois, avec ceux du corps des ingénieurs géographes et sous la direction des professeurs de ce dernier corps, à des levés de terrain et à des reconnaissances militaires » (article 38).
De ces missions nos jeunes officiers d’état-major rapportent, outre un levé de terrain généralement à l’échelle de 1:20 000, un mémoire topographique et statistique dans lequel ils sont amenés à remplir les rubriques suivantes : population et nombre de feux ; nombre de fours et contenance ; production de la terre en blé, orge, avoine, vigne ; forêts ; bétail (chevaux, vaches, ânes, moutons et chèvres) ; moulins à vent et à eau et leur capacité ; artisans et commerçants (charrons, menuisiers, maréchaux-ferrants, serruriers, bourreliers, cordonniers, maçons, boulangers, bouchers) ; capacité de logement pour les hommes et les chevaux ; moyens de transport etc.
us les esprits ; aussi les officiers d’état-major sont-ils également employés à mettre à jour et à réduire l’ancien plan de Verniquet en 75 feuilles à l’échelle de 1:1 728 paru en 1791. C’est ainsi que de 1818 à 1823 et en liaison avec leurs travaux topographiques portant sur la feuille de Paris, ils travaillent à faire figurer sur ce plan les changements survenus depuis sa parution et à préciser les détails intérieurs des masses de maisons qui ne s’y trouvaient pas à l’origine, notamment les cours et jardins. C’est un travail considérable qui se poursuit encore pendant vingt ans. En 1843, les vérifications ne sont pas encore terminées. Par ailleurs, le siège de Paris de 1814 a montré l’absence de défense de la capitale. D’importants travaux topographiques sont entrepris pour asseoir le système des différents ouvrages fortifiés défendant l’enceinte des fermiers généraux. De décembre 1830 à février 1831, vingt-cinq officiers d’état-major font autour de la capitale un levé et un nivellement de 7 lieues carrées, formant un plan topographique de 25 feuilles à l’échelle de 1:5 000.
Le développement de ces travaux topographiques auxquels il faut joindre ceux de l’établissement de la carte d’Algérie entrepris dès le début de la conquête a compromis un équilibre toujours précaire entre cartographie et travaux historiques accompagnant une réflexion stratégique. Depuis cent cinquante ans, la cartographie est devenue de plus en plus scientifique et ne peut plus être menée que par des spécialistes. Depuis Calon, la direction du dépôt de la guerre est assurée le plus souvent par un scientifique, général du génie comme Sanson (1802-1812) ou ingénieur géographe comme Blondel (1852-1867). L’ancien dépôt de la guerre, englobé dans la disgrâce du corps d’état-major, ne survivra pas à la réorganisation totale du commandement et de l’administration centrale qui est entreprise au lendemain de la guerre malheureuse de 1870-1871. Dès juin 1871, il est rattaché à l’état-major général dont il forme le 2e bureau puis une sous direction. Tandis que la section historique reprend ses études sur les campagnes de la Révolution et de l’Empire, selon une méthode inaugurée un siècle plus tôt par le lieutenant général de Vault, le capitaine puis général Perrier, membre du bureau des longitudes puis de l’Institut, met progressivement en place le Service géographique militaire qu’il a décrit dans un article paru dès 1871 dans le Journal des savants. En 1885, la brigade topographique du génie est rattachée au dépôt de la guerre et la section historique en est détachée, à l’exception des archives des cartes, pour être rattachée au deuxième bureau de l’état-major général. Le nom même de dépôt de la guerre disparaît deux ans plus tard au terme de deux siècles d’existence.
Cette histoire mouvementée permet de connaître un peu mieux des hommes qui ne furent jamais bien nombreux – un peu plus d’une centaine sous le Premier Empire – et qui luttèrent pendant ces deux siècles pour faire reconnaître leur spécificité et une certaine autonomie, tiraillés qu’ils furent entre le corps des ingénieurs du génie et le dépôt de la guerre. Comme on vient de le voir, leur existence même en tant que corps ne fut que très éphémère et ils furent finalement absorbés par le corps d’état-major. La carte de France dite d’état-major est-elle une carte militaire ? Certes, elle fut réalisée entièrement par des militaires, ingénieurs géographes pour la triangulation et officiers d’état-major pour les levés. Au XIXe siècle, le militaire a en quelque sorte absorbé la cartographie française, selon le souhait du général Calon. Cependant, pour être toujours plus exacte, plus complète, la Nouvelle carte de France à laquelle on songe lors de la création du Service géographique sera encore plus longue à établir ; en effet, les dernières feuilles paraîtront seulement dans les années 1960. Elle nécessitera des moyens encore plus considérables et une participation importante des spécialistes civils. Il n’est donc pas étonnant que le Service géographique de l’armée, qui fait en quelque sorte figure de service cartographique national, ait quitté le giron de l’armée et soit devenu l’Institut géographique national en 1940. Pour prendre en compte les problèmes cartographiques spécifiquement militaires, l’état-major doit créer une section géographique militaire, composée de spécialistes certes, mais d’une taille plus proche de celle du corps des ingénieurs géographes tel que l’histoire vient d’en être retracée.
L’éclatement de l’ancien dépôt de la guerre n’est en fait que le terme d’un long processus de spécialisation entamé vers 1740, quand la cartographie scientifique a rejoint la cartographie de terrain. Il ne fait qu’entériner un divorce entre techniciens de la cartographie et stratèges. À la fin du XVIIe siècle, les ingénieurs géographes croquaient à vue le terrain et confiaient à l’écrit ce que les techniques cartographiques de l’époque ne permettaient pas de présenter de façon visuelle. Plus tard, on leur demanda d’être également des officiers d’état-major, pouvant raisonner le terrain. Les grandes réalisations cartographiques de la deuxième moitié du XVIIIe siècle nous apportent en cela une connaissance incomparable d’une importante partie de la France. Cependant, on peut se demander si la complexité croissante des techniques cartographiques et la recherche continue de la carte globale dans un monde qui bouge de plus en plus n’ont pas fait des artisans de la carte d’état-major des spécialistes qui sont des cartographes avant d’être des militaires.

Informations sur l'acquisition :

Historique de conservation :
Un fonds de cartes conservé par plusieurs institutions. – La répartition actuelle des fonds cartographiques du dépôt de la guerre dans différents services est le fruit de cette histoire complexe. Lors de son éclatement en deux services, les fonds furent partagés de la manière suivante. Le Service géographique conserva tout ce qui pouvait lui être utile pour la mise à jour de la carte de France, essentiellement les archives de la carte de Cassini, militarisée par le Premier Empire, et celles de la carte d’état-major, mais aussi l’état abouti des grandes entreprises cartographiques du XVIIIe siècle sur les frontières et les côtes. En revanche, les travaux préparatoires, les levés, les mémoires les accompagnant furent considérés comme matériel n’ayant plus qu’une valeur purement historique. Aussi furent-ils confiés à la section historique de l’état-major. Les cuivres encore en usage furent également dévolus au Service géographique.
Quelques exemples permettent de se faire une idée de l’imbrication des fonds. C’est ainsi que l’on trouve à l’I.G.N. à Saint-Mandé les minutes et tablettes originales à l’échelle de 1:43 200 (soit deux lignes pour cent toises) des frontières du nord de la France réalisées par les Naudin entre 1704 et 1746, alors que les levés préparatoires au 1:28 800 (soit trois lignes pour cent toises) sont conservés au S.H.A.T. De même on peut consulter à Saint-Mandé deux séries complètes des frontières du Dauphiné, mises au net en 1778, respectivement aux échelles de 1:14 400 et 1:28 800, alors que les travaux de triangulation et les levés réalisés antérieurement sous les ordres de Bourcet sont à Vincennes. Le S.H.A.T. conserve également une superbe mise au net sur papier vernis de la carte de la frontière du Jura par d’Arçon au 1:14 400 mais l’ensemble des travaux de la même équipe depuis Landau jusqu’à Pontarlier est à l’I.G.N.
En 1885, on l’a vu, la brigade topographique du génie fut rattachée au dépôt de la guerre. En vertu de ce rattachement, dans les premières années du XXe siècle, un nombre assez important de plans de places fortes sur les frontières de la France fut transféré au Service géographique de l’armée. Toute une série de plans de rivières et canaux prit le même chemin. Là encore, on retrouvera les mémoires accompagnant ces plans dans les cartons des articles 5 (Communications de terre et d’eau, dessèchements) et 8 (Places françaises) des archives du génie. L’imbrication constante des travaux des ingénieurs géographes et de ceux des officiers du génie sous l’Ancien Régime, telle qu’elle a été évoquée ci-dessus explique également que l’on trouve dans les fonds du dépôt des fortifications une partie des travaux des ingénieurs géographes, notamment dans l’article 4 (Frontières terrestres et maritimes de la France) mais aussi dans le fonds de la bibliothèque de l’Inspection du génie.
Lors de la dissolution du corps des ingénieurs géographes en 1791, les travaux sur les côtes étaient nettement moins avancés que ceux réalisés sur les frontières terrestres et furent interrompus à des stades d’élaboration différents ce qui peut expliquer un important flottement dans le partage des matériaux conservés. La grande carte des côtes de Bretagne levée à l’échelle de 1:14 400 entre 1770 et 1780 n’avait pas encore fait l’objet d’une réduction et d’une mise au net définitive. En effet, on attendait les travaux complémentaires que devaient réaliser les ingénieurs du Service hydrographique de la Marine en y ajoutant les sondes. C’est ce qui explique sans doute qu’il n’en existe pas d’exemplaire à l’I.G.N. En revanche, la Bibliothèque nationale de France conserve au département des cartes et plans l’exemplaire de travail sur calque remis aux ingénieurs hydrographes déposé en 1947 par le Service hydrographique de la Marine avec une partie de ses fonds anciens.
On trouve de même dans les portefeuilles du Service hydrographique une série de feuilles à l’échelle de 1:14 400 de la carte de la côte de Basse Normandie depuis les environs de Bayeux jusqu’à Portbail. Réalisées à cette même époque, elles viennent compléter la carte des côtes du Cotentin conservée au S.H.A.T.44 ainsi que les cartes plus anciennes représentant les côtes du Bas Poitou à l’embouchure de la Gironde, œuvre de Claude Masse dans la première moitié du XVIIIe siècle que l’on travaillait encore à mettre à jour en 1791.
Les levés sur les côtes de Haute Normandie et de Picardie, entre la Seine et l’Authie présentant un intérêt stratégique évident avaient été menés à bien plus rapidement et une mise au net à l’échelle de 1:14 400 se trouve à l’I.G.N. Cependant, là encore, aucune réduction n’a été effectuée. En tout état de cause, on aura intérêt à consulter au S.H.A.T. les levés exécutés sur les côtes normandes pendant la guerre de Sept Ans qui permettent en quelque sorte de « boucher les trous »45 et surtout l’important ensemble de mémoires accompagnant ces levés conservés dans la série 1M (Mémoires et reconnaissances).

Description :

Mise en forme :
Des cartes difficiles à classer. – Dès la Révolution, les archives des cartes, comme on les appelait, furent classées en vingt-trois divisions d’après un tableau dressé conformément aux divisions des empires, royaumes et états souverains, tels qu’ils existaient en 1787. Les plans des champs de bataille étaient alors classés dans le fonds géographique. Dans cet ensemble, les cartes générales de France suivant les anciennes provinces et les nouvelles divisions administratives formaient la cinquième division et les cartes locales – y compris celles des Pays-Bas nouvellement annexés – étaient regroupées dans la sixième division. Ce n’est que sous le Second Empire qu’un premier commis au dépôt de la guerre, Auguste Turpin, fut chargé d’organiser un Atlas historique qui devait rassembler toutes les cartes représentant des sièges, des batailles, marches de troupes, camps et armées etc., en les extrayant soit des archives des cartes soit des volumes de correspondance dans lesquels ils se trouvaient. Il utilisa comme cadre de classement le tableau chronologique des batailles, combats, sièges et actions de guerre de tout ordre établi par Camille Rousset en 1866. On ne trouvera donc pas en principe dans le fonds géographique de carte ou de plan élaboré en liaison avec une action militaire. Par ailleurs, le plan de classement initial fut modifié jusqu’à représenter la physionomie politique de l’Europe entre 1870 et 1914. C’est ainsi que les cartes représentant l’Alsace-Lorraine annexée par l’Allemagne en 1871 ne se trouveront pas dans ce fonds mais qu’il faudra aller les chercher dans le fonds Allemagne.
Par la suite, les cartes de France furent réparties en trois sous séries : les cartes générales, les cartes régionales et les cartes locales. Cependant, ce classement s’avéra parfois difficile à respecter et présente le grand inconvénient de dissocier le travail des ingénieurs des camps et armées sur les frontières en classant leur production dans les cartes régionales ou dans les cartes locales selon qu’elles représentent des portions plus ou moins importantes de territoire.
Par ailleurs, on peut regretter qu’un certain nombre d’atlas manuscrits détenus par les archives des cartes ait été rétrocédé à la bibliothèque à la fin du siècle dernier. On les trouve actuellement répertoriés sous les numéros 803 à 839 du Catalogue général des manuscrits de la bibliothèque du ministère de la Guerre établi par Jean Lemoine en 1911. Parmi ceux-ci, nous n’en citerons que deux : le recueil de Cartes diverses et plans des diocèses et des principaux forts du Languedoc réalisé par F. de La Pointe en 168752 et le Modèle du format dans lequel devaient être exprimées les costes de l’Océan, divisées en gouvernemens, levées en 1756 par M. Berthier.
Le présent catalogue tente de reconstituer la logique interne du fonds, au de-là des classements successifs. Les cartes générales de France n’ont pas posé de problème particulier et forment une première partie assez homogène, classée dans un ordre purement chronologique. En revanche, le classement des cartes régionales n’était pas satisfaisant comme on vient de le voir et il a paru préférable d’introduire la notion de cartes partielles thématiques qui permet en particulier de regrouper l’ensemble du travail des ingénieurs géographes militaires sur les frontières et les côtes. On trouvera également dans cette partie, outre des cartes géologiques et des cartes de chemins de fer qui représentent une part du fonds documentaire, les reconnaissances des officiers, exécutées en liaison avec les levés de la carte d’état-major extraites du fonds des mémoires et reconnaissances. Deux chapitres sont consacrés aux cartes et plans des cours d’eau et des forêts dans lesquels le travail des ingénieurs géographes militaires voisine avec des réalisations de provenance très diverse.
Le deuxième tome s’ouvrira avec les cartes régionales, réparties en trois chapitres : les diocèses, les divisions administratives d’Ancien Régime et les divisions administratives issues des départements. Enfin, la quatrième partie regroupera les plans de villes classés par ordre alphabétique.
La présence dans le fonds de cartes gravées et manuscrites a rendu difficile l’harmonisation des notices. Compte tenu du nombre important des cartes gravées, il a paru préférable de rédiger l’ensemble des notices en suivant au plus près les normes bibliographiques de catalogage des documents cartographiques. Les notices réalisées à partir de la base Opaline de la Bibliothèque nationale de France par Béatrice Pacha et Ludovic Miran dans leur catalogue des cartes gravées de la région Centre nous ont servi d’exemple. La zone du titre et de la mention de responsabilité ainsi que la zone de l’adresse bibliographique ont été considérées comme des zones de transcription. Le titre transcrit n’étant pas toujours explicite, particulièrement pour certaines cartes manuscrites, il a paru également intéressant de faire précéder chaque notice d’une vedette lieu, assortie d’une date plus ou moins précise permettant de situer chaque document catalogué dans l’ensemble du fonds. L’ensemble de ces vedettes forme l’ossature de l’index géographique sans lequel ce catalogue n’aurait guère d’utilité. Un index des noms de personnes permet également une recherche par auteur.
Ce catalogue, premier d’une longue série, n’est certes pas exempt d’imperfections. Nous espérons cependant qu’il facilitera les recherches des spécialistes et des curieux dans un fonds longtemps oublié, qu’il permettra d’approfondir la connaissance de la France d’antan et qu’il incitera de jeunes chercheurs à suivre sur les routes d’Europe des hommes trop souvent méconnus.

Conditions d'accès :

Archives publiques

Références bibliographiques :

ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE
Généralités
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Histoire de la cartographie
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BOUSQUET-BRESSOLIER (Catherine), “ Du paysage naturel à l’utopie : le corps des ingénieurs - géographes et la diffusion d’un savoir théorique sur les cartes », Le paysage des cartes, genèse d’une codification. Actes de la troisième journée d’étude du musée des Plans Reliefs, sous la direction de Catherine Bousquet-Bressolier, Paris, Musée des plans-reliefs, 1999
CORVISIER-DE-VILLÈLE (Marie-Anne), BOUSQUET-BRESSOLIER (Catherine) "À la naissance de la cartographie moderne : la commission topographique de 1802" Evolution et représentation du paysage de 1750 à nos jours, Actes du festival d’histoire de Montbrison sous la présidence d’Alain Corbin (28 septembre-6 octobre 1996), Montbrison, 1997.
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PASTOUREAU (Mireille), “ Géographie et cartographie à la B. N. pendant la Révolution : un rendez-vous manqué », Revue de la Bibliothèque Nationale, été 1989, n° 32.
Inventaires
KOEMAN (Cornélius), Atlantes Neerlandici. Bibliography of terrestrial. maritime and celestial atlases and pilot books, published in the Netherlands up to 1880, Amsterdam, 1967-1969, 4 vol.
PACHA (Béatrice), MIRAN (Ludovic), Cartes et plans imprimés de 1564 à 1815.
Collections des bibliothèques municipales de la région Centre, Paris, Bibliothèque nationale de France/Agence interprofessionnelle régionale pour le livre et les médias, 1996
PASTOUREAU (Mireille), Les atlas français (XVIe-XVIIe siècles). Répertoire bibliographique et étude, Paris, Bibliothèque nationale, 1984.
Les Alpes : histoire et perspectives d’évolution d'un territoire transfrontalier. Recueil de références cartographiques de la frontière du lac Léman à la mer Méditerranée. Programme de recherche franco - italien Interreg dans le cadre des communautés européennes, direction de l'architecture et de l'urbanisme, mars 1995. Multigraphié.
Les hommes
BLANCHARD (Anne), Les ingénieurs du roy de Louis XIV à Louis XVI. Étude du corps des fortifications, Montpellier, Université Paul Valéry, Centre d'histoire militaire et d’études de défense nationale, 1979.
BLANCHARD (Anne), Dictionnaire des ingénieurs militaires (16911791), Montpellier, Université Paul Valéry, 1981.
BERTHAUT (Colonel Henri), Les ingénieurs géographes militaires (1624-1831). Étude historique, Paris, Service géographique de l’armée, 1902, 2 vol.
PELLETIER (Monique), “ Formation et missions de l’ingénieur géographe militaire au XVIIIe siècle », L'œil du cartographe et la représentation géographique du Moyen Age à nos jours, sous la direction de Catherine Bousquet - Bressolier, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 1995.
CORVISIER-DE VILLÈLE (Marie-Anne), “ Les Naudin et la cartographie militaire française de 1688 à 1744 », L'œil du cartographe et la représentation géographique du Moyen Age à nos jours, sous la direction de Catherine Bousquet - Bressolier, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 1995.
Catalogues d’exposition
Images de la montagne. De l’artiste cartographe à l'ordinateur, Paris, Bibliothèque nationale, 1984.
Espace français. Vision et aménagement (XVI - XIXe siècles), Paris, Archives nationales, septembre 1987-janvier 1988.
La carte de Savoie. Histoire de la représentation d’un territoire, Musée savoisien, 1988.
Couleurs de la terre. Des mappemondes médiévales aux images satellitales, sous la direction de Monique Pelletier, Paris, Seuil/Bibliothèque nationale de France, 1998.
La carte générale de la France
BERTHAUT (Colonel Henri), La carte de France (1750-1898). Étude historique, Paris, Service géographique de l'armée, 1898, 2 vol.
PELLETIER (Monique), La carte de Cassini. L’extraordinaire aventure de la carte de France, Paris, Presses de l'École nationale des Ponts et chaussées, 1990.
PELLETIER (Monique), OZANNE (Henriette), Portraits de la France. Les cartes témoins de l'histoire, Paris, Hachette/B. N. F., 1995.
Les frontières
DESBRIÈRES (Michel), Champagne septentrionale. Cartes et mémoires à l’usage des militaires (1544-1659), Charleville-Mézières, Société d’études ardennaises, 1995.
GIRARD D’ALBISSIN (Nelly), Genèse de la frontière franco-belge. Les variations des limites septentrionales de la France de 1659 à 1789, Paris, Éditions A. et J. Picard, 1970.
LEMOINE-ISABEAU (Claire), HÉLIN (Étienne), Cartes inédites du pays de Liège au XVIIIe siècle, Bruxelles, Crédit Communal de Belgique, 1980.
LEMOINE-ISABEAU (Claire), Les militaires et la cartographie des Pays-Bas méridionaux et de la principauté de Liège à la fin du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, Bruxelles, Musée royal de l'Armée, 1984.
WATELET (Marcel), Paysages de frontières. Tracés de limites et levés topographiques (XVIIe-XIXe siècle), Paris, Louvain-la-Neuve, Lanoo/Duculot, 1992.
Cartes thématiques
ARBELLOT (Guy), Autour des Routes de poste. Les premières cartes routières de la France (XVIIe-XlXe siècle), Pans, Bibliothèque nationale/Musée de la Poste, 1992.
DAINVILLE (François de, S. J.), Cartes anciennes de l'Eglise de France. Historique, Répertoire. Guide d’usage, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1956.
REVERDY (Georges), Atlas historique des Routes de France, Paris, Presses de l'École nationale des Ponts et chaussées, 1986.
Cartes régionales
ALBITRECCIA (Antoine), La Corse, son évolution au XIXe siècle et au début du XX siècle. Le plan terrier de Corse au XVIIIe siècle, Marseille, Laffitte Reprints, 1981
BOURCIER (Sylvie), La carte des chasses royales, État-major de l’année de terre Service historique, Vincennes, 1972, multigraphié.
BRUCHET (Max), L'ancien cadastre de Savoie, Annecy, Archives de Haute-Savoie, 1988.
CERVONI (Frank), Images de la Corse. 120 cartes de la Corse des origines à 1831, Ajaccio, Fondation de Corse/La Marge Édition, 1989.
GAUDILLAT (Claude), Cartes anciennes de la Bretagne (1582-1800), Institut culturel de Bretagne/Skol, 1999.
LOEB (Renaud), Les plans parcellaires de 1728 et leur influence sur la cartographie de la Savoie. Mémoire présenté en vue d'obtenir le diplôme d’ingénieur E. S. G. T., Évry, École supérieure des géomètres et topographes, 1990.
PASTOUREAU (Mireille), HOMET (Jean-Marie), PICHARD (Georges), Rivages et terres de Provence, Avignon, Editions A. Barthélémy, 1991
Le cadastre sarde de 1730 en Savoie, Chambéry, Musée savoisien, 1980.
Mesure de Vile. Le plan terrier de la Corse (1770-1795). Publication collective accompagnant l’exposition Mesure de l'Ile. Musée de la Corse, Corte, Collectivité territoriale de Corse, 1997.
Trois siècles de cartographie en Ile-de-France, Les cahiers de l’Institut de l’aménagement et d’urbanisme de la région d’Île-de-France, n° 119, décembre 1997, 2 vol.

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Vincennes

Identifiant de l'inventaire d'archives :

2217_FRSHD_INV_GR6MJ10

Où consulter le document :

Ministère des Armées - Service historique de la Défense (SHD)

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