Inventaire d'archives : Épuration administrative : dossiers individuels.Affaires disciplinaires ne concernant pas l'épuration administrative : dossiers

Titre :

Épuration administrative : dossiers individuels.Affaires disciplinaires ne concernant pas l'épuration administrative : dossiers individuels.

Contenu :

Présentation du contenu
Portée du fonds :
Ce fonds couvre une période chronologique allant vraisemblablement de 1940 aux années 1980. Si l'épuration administrative des agents de la Préfecture de police commence au mois d'août 1944, des documents antérieurs à cette date, faisant office de pièces justificatives, sont parfois contenus dans les dossiers. On peut ainsi présumer qu'ils peuvent remonter au moins jusqu'à 1940, année du début de la collaboration du régime de Vichy avec l'Allemagne nazie, puisque les faits reprochés aux agents ne couvrent que la période de l'Occupation (ou l'après guerre pour de très rares cas).
Le fonds concerne non seulement les agents des différents services (actifs et non-actifs) de la Préfecture de police, des commissariats d'arrondissement de Paris, mais également des commissariats des villes de l'ancien département de la Seine, supprimé en 1968, qui relevaient alors du ressort territorial de la Préfecture de police.
Un dossier concernant un agent du commissariat de Gagny, et donc ne faisant pas partie des effectifs de la Préfecture de police, est également présent (Affaire BORREL Philippe, KB 12).
Contenu du fonds :
Ce fonds contient les dossiers individuels des agents épurés à la Libération, incluant également le processus de révision des sanctions qui commença à partir de l'année 1947 et qui se poursuivit notamment jusqu'à la loi d'amnistie d'août 1953. Des recours suivront jusqu'aux années 1980.
Rappel du contexte de l'épuration
L'épuration administrative est l'action, à la Libération, de « purification » des fonctionnaires et des employés des entreprises nationales suspectés d'avoir, à différents niveaux, collaboré avec l'occupant. Si elle commence, de façon légale, dès août 1943 en Afrique du Nord, il n'est ici question que de celle directement liée à la libération progressive du territoire métropolitain à partir de juin 1944, et particulièrement de Paris en août. En effet, dès le 30 août 1944 est créée une Commission d'épuration au sein de la Préfecture de police.
Commission d'épuration et Section d'épuration
(Voir aussi le versement 287W)
La Commission d'épuration (CE), organe consultatif, a pour mission de proposer au Préfet de Police toutes mesures administratives concernant les membres du personnel de la Préfecture ayant, depuis juin 1940, manqué à leurs devoirs envers la France et les institutions républicaines. Elle est également qualifiée pour proposer éventuellement au Préfet de saisir, pour les mêmes motifs, les autorités judiciaires compétentes. La Commission dispose de son propre service d'enquête.
Par ailleurs, une Section d'épuration, service d'enquête chargé des affaires comportant une suite judiciaire probable en raison de la gravité des faits reprochés, notamment pour les agents de deux brigades spéciales de la Direction générale des Renseignements généraux et des Jeux (la première - BS1 - chargée de la lutte anticommuniste et la deuxième - BS2 - de la lutte antiterroriste, comprenant aussi les réfractaires au Service du travail obligatoire), est associée, dès le mois de septembre, à cette Commission.
La période septembre 1944-été 1945 constitue l'acmé de cette première phase d'épuration.
Rôle et missions de la Commission d'épuration :
L'arrêté de création de la CE du 30 août 1944 définit ses missions ainsi :
« Cette commission aura pour mission de proposer au Préfet de police toutes mesures administratives telles que révocation, rétrogradation, déplacement d'office, mise à la retraite, suspension, etc. des membres du personnel de la Préfecture ayant, depuis juin 1940, manqué à leurs devoirs envers la France et les institutions républicaines. La Commission sera également qualifiée pour proposer éventuellement au Préfet de saisir, pour les mêmes motifs, les autorités judiciaires compétentes. »
L'arrêté du 13 novembre est plus précis quant au fonctionnement de la CE.
L'article 1 énonce que : « Le Préfet décide de l'envoi devant la Commission d'épuration. Celle-ci rend un avis motivé sur le point de savoir si les fonctionnaires, agents, employés et ouvriers dont les dossiers lui sont soumis ont, soit favorisé les entreprises de toute nature de l'ennemi, soit contrarié l'effort de guerre de la France et de ses Alliés, notamment par des dénonciations, soit porté atteinte aux institutions constitutionnelles ou aux libertés publiques fondamentales, soit sciemment tiré ou tenté de tirer un bénéfice matériel direct de l'application de règlements de l'autorité de fait contraires aux lois en vigueur le 16 juin 1940. »
Par son article 2, l'arrêté détaille le rôle de chacun : « Le président règle les travaux de la Commission et fixe les dates de ses réunions. Les rapporteurs instruisent les dossiers, recueillent les explications orales ou écrites des intéressés et procèdent à toutes investigations et auditions qui pourraient leur apparaître utiles à la suite de ces explications. »
Une autre mission de la CE, et dont il ne reste malheureusement pas de trace, est l'avis qu'elle doit rendre pour la réintégration des agents israélites, révoqués au moment de l'Occupation en application des lois antisémites du 3 octobre 1940 et du 2 juin 1941 portant statut des Juifs. En effet, par un arrêté du 16 septembre 1944, toutes les révocations exécutées en application de ces deux lois sont annulées, mais la réintégration de ces agents est soumise à l'avis préalable de la CE. À noter que la Commission du 26 décembre 1944 (révision des décisions administratives individuelles) est aussi chargée d'étudier la réintégration des agents victimes des lois raciales.
Il faut garder à l'esprit que l'ordonnance du 27 juin 1944, qui constitue le socle juridique sur lequel se basent toutes les décisions rendues par la Commission d'épuration au sein de la Préfecture de police, dans son article 4, a prévu que les décisions de la CE peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Ces recours passent directement devant le Conseil d'État.
Organisation interne de la Commission d'épuration :
Dans l'article 3 de l'arrêté de création de la Commission d'épuration du 30 août 1944, la composition de celle-ci est :
• Président : Arthur Airaud (inspecteur général) ;
• Membres : Armand Fournet, Léon Pierre, Joseph Lamboley, Georges Clergeot (représentants des mouvements de Résistance de la Préfecture de police) ; Michel Sonnet (directeur du personnel, du budget, du matériel et du contentieux).
L'arrêté précise aussi : « […] elle comprendra un représentant de la Résistance appartenant à la catégorie du fonctionnaire dont le cas sera examiné (on entendra par catégories celles qui sont énumérées dans l'arrêté du 24 novembre 1932 sur les Conseils de discipline). Au cas où aucun représentant de la Résistance n'appartiendrait à l'une de ces catégories, il en serait désigné un dans une catégorie voisine par décision spéciale. »
La Commission comprend quatre services : le service des enquêtes, le service de rédaction, le service administratif et le service des relations avec la Cour de justice du département de la Seine.
Cependant, à partir de mai 1945, les déportés, prisonniers de guerre, résistants, travailleurs du Service du travail obligatoire (STO), civils ayant fuit la zone occupée, etc., reviennent progressivement en région parisienne. Ces retours ont pour conséquences l'apport de nouveaux témoignages contre des agents de la Préfecture de police : parfois qui étayent les précédents et parfois, au contraire, qui viennent les contredire. Cela engendre également la création de nouveaux dossiers. C'est ainsi que très tôt, le service d'enquête de la Commission d'épuration est chargé d'étudier certaines demandes de révision : en décembre 1946, 29 réintégrations avaient déjà été prononcées par le Préfet de police. Dans le Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 10 janvier 1947, le conseiller Emmanuel Fleury parle de « 34 blanchissages déjà effectués ». Cette première vague de révision constitue les prémices de cette deuxième phase de l'épuration.
Cette révision, pendant la période 1944-1946, n'obéit à aucune règle précise. Certains dossiers sont examinés par l'Inspecteur général des services qui prend une décision définitive. D'autres, au contraire, sont soumis à la décision du Préfet de police. Parfois, ce sont des inspecteurs des renseignements généraux, sous l'autorité d'un rapporteur général, qui sont chargés d'examiner certaines demandes de révision. Le rapporteur général prononce des conclusions et transmet le dossier au Président de la Commission d'épuration. Celui-ci envoie ensuite le dossier au Préfet de police en mettant un avis sur l'opportunité de la demande de révision.
Cette manière de fonctionner est légèrement remise en question par la toute première des lois d'amnistie.
La première loi d'amnistie : la loi n° 46-729 du 16 avril 1946
Bien que cette première loi d'amnistie ne soit pas en lien direct avec l'épuration administrative, puisqu'elle amnistie uniquement les sanctions autres que celles de l'épuration (faits contraventionnels ou délictueux, poursuite judiciaire…), elle amorce cependant un mouvement qui ne se terminera qu'en 1953 et qui aura de nombreuses conséquences pour l'Administration et les fonctionnaires épurés.
Ne s'agissant pas de sanctions d'épuration, leur révision est soumise à un conseil de discipline (rattaché à l'Inspection générale des services), conformément à l'arrêté n° 6416 du 25 octobre 1945 relatif aux sanctions disciplinaires. Les demandes de révision sont établies par les intéressés puis adressées, par la voie hiérarchique, à la Direction générale du personnel, du budget, du matériel et du contentieux (DPBMC). L'Inspection générale des services, saisie des dossiers, les instruit conformément à l'arrêté précédemment évoqué et le conseil de discipline émet un avis qui est ensuite validé par le Préfet de police. Selon certaines conditions prévues par les décrets d'application de la loi d'amnistie (décrets n° 46-2437 et n° 46-2438 du 6 novembre 1946), la demande de révision peut être présentée à une Commission centrale (§ h du titre II de l'article 9 du décret d'application).
Il faut encore attendre quelques mois pour qu'une réunion du Conseil de Paris vienne accélérer la création d'une nouvelle commission, spécialement dédiée à la révision des sanctions d'épuration au sein de la Préfecture.
Commission qui examinera le bien-fondé des demandes de réintégration
Le 28 décembre 1946, lors de la discussion du budget de la Préfecture de police au Conseil municipal de Paris, l'élu communiste du XXe arrondissement, Emmanuel Fleury, dénonce la révision des sanctions en cours à la Préfecture et exprime sa crainte du « blanchiment des collaborateurs ». Proposition est donc faite au Préfet de police de l'époque, Charles Luizet, de créer une commission de révision.
C'est chose faite quelques mois plus tard avec l'arrêté n° 1782 du 21 avril 1947. L'article 1er précise que la commission examinera le bien-fondé des demandes de réintégration en cours, déposées par d'anciens fonctionnaires, exclus de l'administration par application de l'ordonnance du 27 juin 1944. L'article précise également que la commission doit comprendre :
• trois membres du conseil municipal de la Ville de Paris ;
• trois représentants de l'administration ;
• deux représentants du FURPP (Front unique des résistants de la Préfecture de police) ;
• quatre représentants choisis dans les syndicats reconnus de la catégorie à laquelle appartient l'intéressé.
L'arrêté n° 1927 du 3 mai 1947 vient préciser les noms des membres de la Commission.
L'article 2, quant à lui, indique que c'est la commission qui élit son président. La Commission n'est compétente que pour la révision des sanctions de révocation. Les sanctions mineures et intermédiaires continuent à être révisées selon la procédure déjà évoquée, sous réserve qu'elles aient été déposées avant le 31 décembre 1946.
Cependant, la Commission n'a une durée d'existence que de deux mois. En effet, avant même sa première séance qui se tiend le 14 mai 1947, la création de cette Commission avait déjà soulevé de nombreuses remarques. Elle fut tout de même créée, conformément à l'engagement pris par le Préfet Luizet envers le conseil municipal de Paris. Mais cette première séance est émaillée d'incidents. Le Préfet de police, au début de juillet 1947, dans un rapport adressé au ministre de l'Intérieur, résume la première séance ainsi : « Ce malaise – pour ne pas employer de mot plus fort – s'est traduit lors de la première réunion de la commission par des incidents tels que le Président a dû lever la séance au milieu du tumulte » (fonds du Cabinet du Préfet, sous-série 381W, dossier 3.090.510).
Il est à noter que cette commission est parfois nommée « Commission Ziwès », en référence à Armand Ziwès, Préfet de police par intérim, entre le 20 mars et le 8 juillet 1947, à la suite du départ de Charles Luizet.
Parmi les raisons évoquées pour expliquer cet échec, il y a principalement le fait qu'elle soit composée d'élus : des conseillers municipaux de la Ville de Paris, dont l'un est en plus le président de la Commission. L'introduction d'éléments politiques, de surcroît étrangers à l'Administration, et qui doivent examiner des affaires confidentielles, sont considérés comme des éléments pouvant expliquer cet échec. Eléments qui font d'ailleurs vivement réagir les agents et syndicats. La légalité de la Commission est également jugée douteuse.
Pour conclure sur cette première Commission de révision, il est intéressant de noter que l'arrêté de création de celle-ci ne fut jamais publié au Bulletin municipal officiel.
Cette commission étant un échec, puisqu'il n'y aura pas autre séance, une nouvelle commission est créée dès le mois de juillet.
Commission consultative de révision des sanctions d'épuration
Après de nombreux rapports et échanges, notamment entre le Préfet de police et le ministre de l'Intérieur, cette première commission de révision disparaît au profit de la Commission consultative de révision des sanctions d'épuration, créée par l'arrêté n° 2499 du 21 juillet 1947.
L'article 1 de l'arrêté est rédigé ainsi : « Il est institué à la Préfecture de police une commission consultative chargée de communiquer au Préfet un avis sur la suite à donner aux recours gracieux formés par des agents ou d'anciens agents de cette administration, en vue d'obtenir la révision des sanctions prévues aux paragraphes « d » et suivants de l'article 4 de l'ordonnance du 27 juin 1944, relative à l'épuration administrative sur le territoire de la France et prononcées à leur encontre. Sont seules susceptibles d'examen les demandes de révision introduites antérieurement au 31 décembre 1946, ou dans les deux mois qui ont suivi la décision contestée, si cette dernière est postérieure au 1er novembre 1946. »
Si la composition de la Commission, évoquée dans l'article 2, semble ressembler à celle de la précédente (trois membres du conseil municipal de la ville de Paris, trois représentants de l'Administration, deux représentants du FURPP et quatre délégués du personnel), plusieurs changements majeurs sont à évoquer :
• le président de la Commission est un conseiller d'État, désigné par un arrêté du ministre de l'Intérieur ;
• les trois conseillers municipaux sont désignés par le Président de la Commission ;
• les trois représentants de l'Administration sont désignés par le Préfet de police.
La mission de président est assurée par Paul Bouët, ancien Préfet des Ardennes entre 1926 et 1929.
L'article 2 apporte deux précisions intéressantes. Premièrement, en cas de partage des voix, c'est celle du président qui est prépondérante. Deuxièmement, aucun des membres de la Commission d'épuration qui a eu à connaître, en cette qualité, du cas du fonctionnaire en cause ne peut siéger à la Commission lorsque celle-ci doit formuler un avis sur la demande de révision présentée par cet agent.
La Commission consultative est souvent abrégée « C.S. » dans les documents. Il est d'ailleurs à noter que les boîtes 109 à 122 contiennent des dossiers qui sont dans des pochettes qui portent un numéro « C.S. ».
Focus sur les sanctions susceptibles d'être examinées par la Commission
Conformément à l'arrêté du 21 juillet 1947, seules sont susceptibles d'examen par la Commission les sanctions prévues aux paragraphes « d » et suivants de l'article 4 de l'ordonnance du 27 juin 1944, aussi qualifiées de « sanctions majeures », à savoir :
• mise à la retraite d'office ;
• suspension à temps ou définitive de la pension de retraite ;
• interdiction provisoire ou définitive d'exercer la profession ;
• radiation des cadres de l'armée avec ou sans pension ;
• déchéance provisoire ou définitive du droit de porter des décorations et de recevoir les traitements y afférents ;
• révocation avec ou sans pension.
Les autres catégories de sanctions (intermédiaires et mineures) sont quant à elles révisables, après un avis de l'Inspection générale des services, par une décision du Préfet de police.
Pour plus de détail sur les échelles de sanctions, voir le versement 287W.
Moins d'un mois après le 21 juillet 1947 est publiée la deuxième loi d'amnistie qui aura cette fois beaucoup plus de conséquences que la première.
Loi n° 47-1504 du 16 août 1947 : amnistie des sanctions mineures
Cette deuxième loi d'amnistie a un impact direct sur les sanctions d'épuration puisque, par son article 5, elle amnistie toutes les sanctions mineures, soient celles qui n'excèdent pas le « déplacement d'office ». Les sanctions mineures correspondent aux sanctions de l'article 3 de l'arrêté n° 6416 du 25 octobre 1945, à savoir : l'avertissement, le blâme, le changement d'emploi dans le même service ou dans la même direction, la privation de congé de 1 à 5 jours avec maximum de 10 jours par an, le déplacement par mesure disciplinaire (parfois appelé le déplacement d'office) et la mise à pied jusqu'à un maximum de 5 jours. Dans certains documents, d'autres sanctions mineures sont parfois évoquées : l'observation, le retard dans l'avancement de classe et la mise en disponibilité d'office pour une période inférieure à un mois.
En parallèle de cette deuxième loi d'amnistie, les délais de recours acceptés par la Commission consultative de révision des sanctions d'épuration sont modifiés par l'arrêté n° 4378 du 26 octobre 1950. À partir de cette date, la Commission est compétente pour examiner les demandes de révision introduites antérieurement au 31 décembre 1950.
Deux autres lois d'amnistie suivent (lois n° 51-18 du 5 janvier 1951 et n° 53-112 du 20 février 1953) mais elles n'ont qu'un impact limité sur la révision des sanctions pour la Préfecture de police. Celle d'août 1953 a, au contraire, un retentissement beaucoup plus important.
Loi n° 53-681 du 6 août 1953 : amnistie de toutes les sanctions
Cette loi d'amnistie, avec une portée plus large, vient annuler toutes les sanctions d'épuration, qu'elles soient mineures, intermédiaires ou majeures. Elle constitue l'ultime loi de la trilogie des lois d'amnistie post Seconde Guerre mondiale (avec celles de 1947 et 1951). Pour cette période de la Seconde Guerre mondiale, d'autres lois d'amnistie se succèdent jusqu'en 1959 mais elles ne concernent que des faits particuliers (faits de collaboration économique pour la loi d'amnistie de 1958) ou viennent modifier la loi de 1953.
L'étendue très importante de cette nouvelle loi a évidemment de très nombreuses conséquences. La première de ces conséquences est la disparition de la Commission consultative de révision des sanctions d'épuration, puisqu'il n'y a plus de sanction à réviser. Le travail de cette Commission aura donc duré sept ans. Il est intéressant de noter que la Commission consultative aura existé deux fois plus longtemps que la Commission d'épuration et que, par voie de conséquence, on peut dire que le processus de révision des sanctions occupe finalement une place plus importante dans l'histoire de l'épuration au sein de la Préfecture de police.
Mais au-delà de la suppression de la Commission, c'est aussi tout le processus d'épuration, engagé depuis presque 10 ans, qui est remis en question, ce qui engendre de nombreuses conséquences. Deux en particulières sont à évoquer : les répercussions pour la révision des sanctions intermédiaires et les modalités de réintégration des agents épurés dont les sanctions ont été révisées ou amnistiées.
Le cas des sanctions intermédiaires
Le cas des sanctions intermédiaires est un peu particulier. Ces sanctions, qui correspondent aux sanctions de l'article 4 de l'arrêté n° 6416 du 25 octobre 1945 (privation de congé de 6 à 10 jours avec maximum de 10 jours par an, mise à pied de 6 à 30 jours, retard de l'avancement de classe variant de 3 mois à un an par faction trimestrielle, descente de classe, rétrogradation et mise en disponibilité jusqu'à deux ans), font effectivement, jusqu'à cette loi d'amnistie de 1953, l'objet d'aucune disposition particulière. Elles ne peuvent pas être examinées par la Commission de révision des sanctions d'épuration après sa création en juillet 1947, car jugées « pas suffisamment graves ». Elles ne font pas non plus l'objet d'une amnistie après la loi de 1947, celles-ci étant au contraire « trop graves ». Jusqu'à cette loi d'amnistie, elles constituent donc les seules sanctions, en principe, non révisables (sauf par recours pour excès de pouvoir). Cependant, d'après certains documents, une demande de révision d'une sanction intermédiaire pouvait être adressée à l'Inspection générale des services qui faisait directement des propositions au Préfet de police.
En septembre 1953, le cabinet du Préfet de police évalue à 178 le nombre de dossiers individuels concernant des sanctions intermédiaires et le coût possible de reconstitution de carrière à 7 millions de francs (fonds du Cabinet du Préfet, sous-série 381W, dossier 3.090.531).
Les modalités de réintégration des épurés : reconstitution de carrière, affectation et pension
Cette loi de 1953 n'a cependant pas pour effet d'effacer toutes les conséquences administratives des sanctions prises, à commencer par la conséquence pécuniaire pour les agents ayant vu leur salaire imputé, voire supprimé, depuis plusieurs années.
En effet, l'annulation de toutes les sanctions d'épuration n'entraine pas une reconstitution de carrière automatique. Dans le § 2 de l'article 41 de la loi, il est indiqué que : « l'amnistie ne donne lieu en aucun cas à reconstitution de carrière ». Pourtant, la reconstitution de carrière relève normalement des principes du droit commun d'après lesquels le retrait par l'autorité administrative d'un acte qu'elle a pris, produit les mêmes effets que l'annulation de la décision par un tribunal administratif, et donne lieu notamment à la reconstitution de carrière.
Mais les choses sont en réalité plus compliquées. Si l'amnistie a effectivement pour effet d'effacer les sanctions prises à l'encontre des agents, elle ne fait pas disparaître pour autant les faits qui sont à l'origine des sanctions. Conformément à une circulaire interministérielle du 13 juin 1954, l'Administration est tenue de supprimer, dans les dossiers des intéressés, les mentions relatives aux peines qui leur ont été infligées, mais non celles des faits ayant motivé la sanction. Pour autant, la loi d'amnistie leur permet néanmoins, dans certaines conditions, de déposer des recours gracieux ou contentieux en vue d'obtenir l'annulation des décisions dont ils ont été l'objet. Mais ce n'est bien entendu qu'à la condition que l'inexactitude ou l'inexistence des faits ayant entraîné la sanction soit reconnue par le juge ou l'autorité administrative, que l'annulation des faits eux-mêmes pourra intervenir. S'il en est ainsi, la disparition des faits confère au fonctionnaire intéressé un droit à reconstitution de carrière, mais il doit en faire lui même la demande.
Ainsi, de nombreux fonctionnaires déposent une nouvelle demande de révision de leur sanction devant l'Inspection générale des services ou, pour ceux qui ont déjà usé du droit de révision de leur sanction devant le Préfet ou la Commission consultative et grâce à la réouverture des délais de recours, profitent de l'occasion pour déposer un recours devant le Tribunal administratif de Paris et, le cas échéant, devant le Conseil d'État. Les démarches syndicales sont également nombreuses. On peut noter que les passages d'échelon, les revalorisations de catégorie ou de grade font également partie des revendications des ex-agents épurés pour la reconstitution de leur carrière à la suite de l'annulation de leur sanction. Le cas des concours de la fonction publique est aussi pris en considération par les services chargés de la réintégration des agents, car certains vont mettre en avant le fait qu'ils ont été « privés » de concours et se retrouvent donc désavantagés au moment de leur réintégration par rapport à leurs collègues avec la même ancienneté.
Au-delà de ces aspects liés à la reconstitution de carrières, les modalités d'affectation de ces agents sont également au cœur des préoccupations de la Direction du personnel. En effet, ces réintégrations ne sont pas sans conséquence sur les agents en poste : les souvenirs de l'Occupation, de la Collaboration, de la Seconde Guerre mondiale en général sont encore très présents, même en 1953. De nombreux fonctionnaires étaient déjà en poste pendant cette période, certains étaient même membres des réseaux de résistance de la Préfecture de police. L'idée que d'anciens « collabos » puissent de nouveau intégrer des équipes déclenche de nombreuses interrogations : quelle sera la réaction des agents en poste ? Comment seront intégrés ces anciens épurés ? Quelle ambiance naîtra dans les services ? Des incidents sont-ils à craindre de ces réintégrations ? Des voix s'élèvent, notamment des associations de résistants.
La dernière conséquence de ces révisions des sanctions est la modification des pensions de retraite. En effet, les sanctions de fonctionnaires à la retraite (ou mis à la retraite et laissés dans ce statut après la révision de leur sanction) étant elles aussi impactées par les différentes lois d'amnistie, certaines situations se trouvent considérablement modifiées : un fonctionnaire mis à la retraite en 1945 alors qu'il ne devait partir qu'en 1948, et qui voit sa sanction annulée en 1953, peut ainsi gagner trois ans de travail supplémentaire sur sa retraite, ce qui peut représenter une revalorisation importante de cette pension.
Intérêts du sous-fonds :
Ce sous-fonds présente de nombreux intérêts.
Intérêt pour la recherche historique
Le fonds peut bien évidemment intéresser toute personne effectuant des recherches sur la période de la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement sur les conséquences de la libération des territoires occupés par l'Allemagne nazie. Ainsi, ce fonds est utile à l'étude de l'épuration administrative légale en France mais peut aussi être intéressant à comparer avec les fonds traitant de l'épuration illégale (femmes tondues, assassinats sauvages…).
Intérêt pour la recherche juridique et notamment pour les conséquences des lois d'amnistie
Le fonds constitue une source très intéressante pour toutes les questions relatives à l'application des textes pris par le Gouvernement provisoire de la République Française (GPRF) dans cette période particulière où deux gouvernements coexistaient. Il serait notamment intéressant d'étudier la légalité des arrêtés pris par le Préfet de police avant la date du 11 décembre 1944, puisqu'avant l'ordonnance prise ce jour-là, celui-ci n'était pas autorisé à prendre des sanctions d'épuration (voir notamment l'article 36).
Bien évidemment, les conséquences des lois d'amnistie et de la réintégration des agents présentent l'intérêt majeur de ce fonds, notamment grâce aux différents documents préparatoires et études mais également à la jurisprudence, abondante à partir de la loi d'amnistie de 1953.
Intérêt pour la recherche sur l'histoire de la Préfecture de police
L'intérêt du fonds pour l'histoire de la Préfecture de police va sans dire, car il constitue la conséquence de son implication dans les différentes mesures répressives du régime de Vichy et du IIIe Reich, mais également la continuité directe des événements de la Libération de Paris, libération dont la Préfecture de police a été l'élément déclencheur au matin du 19 août 1944. Les documents du fonds apportent en outre une vision intéressante de cette étape de reconstruction d'une administration publique après la Libération.
Cet ensemble de documents est aussi utile à l'étude des notions même de « résistance », et par opposition de « collaboration », notions ô combien complexes dans cette période particulière de la libération du territoire métropolitain.
Qu'est-ce que la résistance ? Quels actes sont considérés comme des actes de résistance ? Où fixe-t-on la limite entre un « résistant » et un « collaborateur » ? Quelles actions (ou inactions) vous placent en position de collaborateur ? Y a-t-il des actes plus graves que d'autres ?
Pour répondre à ces questions, qu'il fallait évidemment trancher rapidement pour pouvoir entamer le processus d'épuration, on a fixé par un texte législatif (l'ordonnance du 27 juin 1944 relative à l'épuration administrative sur le territoire de la France métropolitaine) des critères sur lesquels on pouvait apprécier les activités des agents pendant l'Occupation. On a établi une liste de griefs permettant de mesurer, d'analyser et de juger du degré de résistance ou de collaboration des individus.
Cependant, certains des agents souffriront d'une analyse parfois trop manichéenne des événements, sans examen des nuances, des histoires personnelles, des profils et des personnalités. Les témoignages des agents épurés sont ainsi révélateurs des différents états d'esprit qui cohabitaient pendant cette période. Seront ainsi quelquefois jugés aussi sévèrement, d'une part un collaborateur zélé et, d'autre part, un fonctionnaire embauché à la Préfecture de police pendant l'Occupation, non par conviction, mais parce que cette institution embauchait pendant cette période de privatisation et de pénuries.
Intérêt pour la recherche généalogique
Cet ensemble de document être intéressant à consulter pour des recherches généalogiques portant sur des ex-agents de la Préfecture de police.

Cote :

K B 1-134

Publication :

Archives de la Préfecture de police de Paris
Paris

Informations sur le producteur :

Origine:
Commission d'épuration
Commission consultative de révision des sanctions d'épuration
Direction générale du personnel, du budget, du matériel et du contentieux
Inspection générale des services

Informations sur l'acquisition :

Informations sur les modalités d'entrée
Versement à une date inconnue.
Plusieurs versements concernant des dossiers d'épuration sont cependant à noter :
- de la Direction du personnel : en février, juillet et novembre 1958. Un autre versement d'avril 1968 concerne spécifiquement les cas d'amnistie de sanctions ;
- de l'Inspection générale des services : un versement de février 1999 concerne, entre autres, des dossiers de procédures diligentées à l'encontre de fonctionnaires de police, au regard de leur comportement pendant l'Occupation.
Cet ensemble de documents est donc probablement un rassemblement de ces différents versements.
Historique de conservation :
Historique de la conservation
Il est à noter que le classement d'origine comportait 137 boîtes. Les boîtes 135 à 137 ont été extraites en 2018 pour intégrer la sous-série 108W (Épuration : suivi de l'épuration par la Commission consultative de révision des sanctions d'épuration, la Direction générale du personnel, du budget, du matériel et du contentieux et par le Service documentation de l'Inspection générale des services ; 1943-1970). Une partie des documents contenus dans la boîte 134 ont également été intégrés dans la sous-série 108W.

Description :

Critères de sélection :
Informations sur l'évaluation
Aucune élimination n'a été pratiquée lors de la mise à jour de 2019.
Mise en forme :
Mode de classement
Comme indiqué dans la Présentation du contenu, des dossiers ne concernant pas l'épuration ont été identifiés lors de la reprise de l'instrument de recherche en 2019. Il a donc été décidé de les séparer intellectuellement, dans le nouvel instrument de recherche, des autres dossiers.
Le plan de classement est le suivant :
1. Épuration administrative
2. Affaires disciplinaires ne concernant pas l'épuration administrative
Les dossiers sont classés par ordre alphabétique dans les deux sous-parties.

Conditions d'accès :

Statut juridique Archives publiques
Communicabilité
L'ensemble des documents du fonds sont communicables selon les articles L. 213-1 à 213-2 du Code du patrimoine et selon l'arrêté du 24 décembre 2015 portant ouverture d'archives relatives à la Seconde Guerre mondiale (référence NOR : PRMX1526389A), sous réserve des restrictions imposées par l'état matériel des documents.
Toutefois, certains documents sont soumis à un délai de communicabilité de 50 ans à compter de la date du document le plus récent contenu dans le dossier.

Conditions d'utilisation :

Conditions d'utilisation
Condition de reproduction
La reproduction de documents conservés par le Service de la mémoire et des affaires culturelles de la Préfecture de police donne lieu à la perception d'un droit de reproduction, conformément aux articles 15 et 16 de l'arrêté n° 2015-01027 relatif à la réglementation applicable en salle de consultation des archives de la Préfecture de police.
Néanmoins, la prise de vue avec un appareil photographique numérique ou analogique, sans utilisation du flash, est autorisée en salle de lecture en prenant des précautions pour certains documents.
La réutilisation des informations publiques
La réutilisation publique, commerciale ou non, des informations contenues dans les documents produits ou reçus par la Préfecture de police, dès lors qu'ils sont librement communicables, par exemple dans le cadre d'une mise en ligne d'un article ou d'une publication papier, donne lieu à l'établissement d'une licence de réutilisation à titre gratuit.
Cas particuliers de la réutilisation des données à caractère personnel
Le respect des conditions de réutilisation des données à caractère personnel contenues dans les documents de cet ensemble incombe au réutilisateur, qui doit notamment respecter l'article 100-1 du décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 (article L. 322-2 du Code des relations entre le public et l'administration), révisée par une directive de 2013, elle-même transposée en France depuis 2015 par la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 "relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public", puis par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 "pour une République numérique".

Description physique :

Description physique: Document d'archives


Support
Support: Papier
Nombre d'éléments
Nombre d'éléments: 4747 dossiers
Métrage linéaire
Métrage linéaire: 20,05

Ressources complémentaires :

Autre instrument de recherche
Fonds du Cabinet du Préfet
Répertoire numérique de la sous-série 381W. Problèmes statutaires généraux. - Mesures d'exception, conséquences de la Seconde Guerre mondiale. 1936-2000.
Fonds de la Direction du Personnel
Répertoire méthodique de la sous-série 108W. Épuration : suivi de l'épuration par la Commission consultative de révision des sanctions d'épuration, la Direction générale du personnel, du budget, du matériel et du contentieux et par le Service documentation de l'Inspection générale des services. 1943-1970.
Répertoire numérique de la sous-série 169W. Pourvois des personnels de la Préfecture de police devant le service du personnel, le Conseil d'État ou le Tribunal administratif de Paris. 1891-1971.
Fonds de l'Inspection générale des services
Répertoire numérique de la sous-série 287W. Fonds de la Section d'épuration. 1931-1946.
Fonds de la Direction de la Police judiciaire
Répertoire numérique de la sous-série 114W. Contrôle pénal de l'épuration. 1935-1982.
Sources complémentaires
Sources externes
Lorsque les recours ont été portés devant le Tribunal administratif de Paris ou devant le Conseil d'État, il est possible de consulter les archives de ces deux juridictions : aux Archives de Paris pour la première, aux Archives nationales pour la deuxième.

Références bibliographiques :

Bibliographie
BERLIÈRE Jean-Marc. « L'épuration de la police parisienne en 1944-1945 », in : Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°49, janvier-mars 1996. pp. 63-81.
BERLIÈRE Jean-Marc et CHABRUN Laurent, Les policiers français sous l'occupation, Paris, Perrin, 2001.
BERLIÈRE Jean-Marc et LIAIGRE Franck, Ainsi finissent les salauds, Paris, Robert Laffont, 2012.
BERLIÈRE Jean-Marc et PESCHANSKI Denis (dir.), La police française (1930-1950) – Entre bouleversements et permanences, Paris, La documentation Française, 2000.
ROUQUET François et VIRGILI Fabrice, Les Françaises, les Français et l'Epuration (1940 à nos jours), Paris, Gallimard, 2018.

Observations :

Commentaire
Les noms de famille ne sont parfois pas accentués. Il conviendra donc, pour le lecteur, de veiller à faire une recherche avec et sans accents lorsque celui-ci est censé en posséder.

Localisation physique :

Localisation physique: Le Pré-Saint-Gervais, Seine-Saint-Denis, France

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Organisme responsable de l'accès intellectuel: Archives de la préfecture de Police

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAPP075_KB

Où consulter le document :

Préfecture de Police - Service des archives

Liens