Inventaire d'archives : Asile départemental d'aliénés de Saint-Avé

Contenu :

L’esprit de la loi de 1838 se retrouve aisément dans le fonds d’archives de l’asile d’aliénés.
Le Centre hospitalier spécialisé de Saint-Avé devenu Établissement public de santé mentale du Morbihan a en effet versé entre 1985 et 2014 plus de 150 mètres linéaires d’archives. Ils s’ajoutent à l’important volume de documents déjà versé par la Préfecture entre 1922 et 1993. La moitié est constituée de registres et dossiers d’hospitalisation de malades qui constituent une série quasiment complète de 1851 à 1970. Ces documents donnent des renseignements précieux pour la généalogie, l’évolution des pathologies mentales, de leurs causes et de leurs traitements.
Le reste du fonds est composé d’archives essentiellement relatives à l’administration de l’hôpital, au personnel, aux budgets et comptes, aux travaux importants menés au fil des années, à l’économat, à l’administration des biens des aliénés couvrant la période 1886-1970. Des dossiers retraçant l’histoire mouvementée de l’hôpital pendant les deux guerres mondiales sont également très intéressants. Entre 1914-1918 et 1940-1945, de nombreux transferts d’aliénés provenant de Lesvellec ou d’asiles en provenance d’autres départements ont en effet eu lieu. Le 2e conflit mondial a par ailleurs vu l’asile se transformer tour à tour en lieu d’accueil de réfugiés évacués de la région lorientaise bombardée par les Allemands en 1943, en hôpital militaire allemand en 1944 puis en hôpital militaire auxiliaire pour soigner des malades français et des prisonniers de guerre allemands en 1945-1946.
Le lecteur pourra ainsi découvrir et exploiter les sources de l’histoire de cet établissement, véritable ville à la campagne aux 19e et 20e siècles, et reconsidérer l’aliéné.

Cote :

20 H DEPOT 2/ 1-2403

Publication :

Archives départementales du Morbihan
2012
Vannes

Informations sur le producteur :

Origine: Asile départemental d'aliénés de Saint-Avé
Asile départemental d'aliénés de Saint-Avé
L’aliéné et l’hôpital psychiatrique suscitent souvent mystère, crainte et gêne dans l’imaginaire collectif. Pourtant, au fil des siècles, le regard de la société sur cette catégorie d’individus et leur prise en charge a évolué tant au niveau national que local.
Situation générale initiale
Avant le 19ème siècle, l’aliéné était légalement considéré comme un délinquant, un danger potentiel et un incurable ne méritant aucun soin. Si on ne l’enfermait pas dans une prison, on le gardait au sein de la famille en faisant appel à une thérapeutique religieuse et à l’intervention de saints guérisseurs. Le cas échéant, on le plaçait dans des institutions religieuses ou on l’internait dans des loges réservées aux personnes démentes dans les hospices locaux.
Situation dans le Morbihan
De fait, aucune véritable prise en charge des malades mentaux n’est proposée dans le département du Morbihan avant 1820, date de création d’un quartier réservé aux aliénés à l’Hospice de Vannes.
En 1703, le Couvent du Père Éternel à Vannes, fondé en 1668, est une des premières institutions à recevoir « de pauvres femmes ayant perdu la raison ». Dès 1720, quelques cellules sont également aménagées dans la Tour du Connétable afin d’y « séquestrer » des malades mentaux, des « imbéciles » et des filles de mauvaise vie. Les « idiots » et les épileptiques sont quant à eux reçus à l’Hôtel Dieu de Vannes, transféré au Petit Couvent à la Révolution, et à l’Hospice Saint Yves devenu Hospice des Incurables. Enfin, l’Hôpital général de Vannes, fondé en 1684 et devenu Hospice d’Humanité à la Révolution, possède un quartier réservé aux aliénés non dangereux. En 1768, toujours à Vannes, un dépôt de mendicité est créé, dans lequel des cachots sont aménagés pour les déments hommes et femmes de la région. Les plus dangereux sont ensuite transférés vers le Dépôt des aliénés de Rennes, anciennement Hospice Saint-Méen puis Hospice du Tertre de Joué.
En définitive, la société de l’époque reste majoritairement tournée vers des solutions d’enfermement et d’isolement, y compris dans les prisons.
Situation générale à partir du 19ème siècle
Cependant, au 19ème siècle, les mentalités évoluent grâce à l’action et aux travaux de deux médecins aliénistes, Philippe Pinel (1745-1826) et Jean Etienne Esquirol (1772-1840).
Pinel, médecin de l’Hôpital Bicêtre puis de la Salpêtrière, considère en effet que l’aliéné doit être traité humainement et libéré de ses liens plutôt que séquestré. Auteur de la première classification des maladies mentales, son influence marque le début de la psychiatrie moderne.
Quant à Esquirol, son élève et successeur à la Salpêtrière, il est considéré comme le créateur de l’asile psychiatrique moderne puisque c’est lui qui fait voter la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés.
Cette loi, qui a perduré jusqu’en 1990, marque en effet un tournant capital dans la prise en charge des malades mentaux et de la folie, mettant fin aux mauvais traitements, à l’usage des chaînes et au manque d’hygiène. Elle prévoit en outre la création dans chaque département français d’établissements spéciaux dont elle détermine le fonctionnement et les moyens financiers. Elle prescrit les modalités d’entrée, de sortie et de séjour des malades. Elle détermine enfin la condition juridique des aliénés internés.
Situation des aliénés morbihannais à partir du 19ème siècle
Dans le Morbihan, un rapport préfectoral daté du 15 décembre 1815 adressé au ministère de l’Intérieur, estime à 170 le nombre total des aliénés du département. Une ordonnance royale du 28 août 1818 autorise la commission administrative des Hospices de Vannes à construire un asile régional pour les aliénés. Le financement, la construction et l’achat du terrain près de l’Hôpital général de Vannes sont assurés par le département. Seize loges sont bâties, destinées à recevoir huit hommes et huit femmes. La surveillance des malades est confiée aux Sœurs de la Sagesse qui assuraient déjà la direction des services de l’Hospice d’Humanité. Un règlement intérieur du 28 septembre 1820, établi par le Comte de Chazelles, préfet du Morbihan, prescrit les modalités d’admission des malades, les fonctions et attributions du médecin ainsi que les attributions de l’administration de l’Hospice des aliénés. Cet établissement ouvre le 1er septembre 1820.
À partir du 18 février 1834, date du premier transfert des malades masculins vers l’Établissement des Frères Saint-Jean-de-Dieu à Saint-Aubin-des-Bois puis à Léhon près de Dinan dans les Côtes-d’Armor, seules les femmes aliénées sont conservées par le département du Morbihan dans le quartier des aliénés de l’Hôpital général de Vannes.
Le nombre de ces patientes ne cesse de s’accroître et l’asile se trouve rapidement surpeuplé, insalubre et impropre aux soins. Pour pallier cette situation, les hospices des arrondissements d’Auray, Lorient, Pontivy, Ploërmel aménagent des locaux pour recevoir quelques aliénés en attendant leur admission dans les asiles de Vannes ou de Léhon. On trouve également dans les prisons morbihannaises des malades mentaux parmi les détenus sains d’esprit.
Pourtant, le préfet du Morbihan parvient à faire voter en 1877 le principe de création d’un asile départemental. En 1878, le ministère de l’Intérieur désigne trois inspecteurs généraux pour établir le plan directeur de l’emplacement et de la construction de l’établissement. Malgré l’action des pouvoirs publics, la réalisation du projet prend du temps et l’encombrement de l’asile de Vannes persiste. Un certain nombre de femmes de l’asile de Vannes et d’aliénés masculins sont transférés vers d’autres établissements. Finalement, l’ensemble de la population aliénée du Morbihan se répartit ainsi en 1885 : 222 hommes sont traités à Léhon et 15 à Quimper, 121 femmes sont soignées à Vannes, 41 à l’asile privé de Bégard dans les Côtes-d’Armor et 41 à Niort.
La construction de l’asile de Lesvellec
Près de 40 ans sont donc nécessaires pour que la loi de 1838 se voie enfin mise en œuvre dans le Morbihan, malgré l’importance des besoins. C’est, en effet, par un décret du 29 novembre 1880 que la construction d’un asile départemental d’aliénés à Lesvellec, dans la commune de Saint-Avé, est déclarée d’utilité publique par le Président de la République Jules Grévy. Les plans sont réalisés par l’architecte départemental Maigné. Conformément au plan directeur établi par les inspecteurs généraux en 1878, l’architecte prévoit la construction d’un bâtiment pouvant accueillir environ 500 malades répartis par sexe dans des pavillons séparés de 266 lits pour les femmes et 266 pour les hommes et regroupés par divisions distinguant les différentes catégories de maladies mentales. Les 16 places en surnombre sont réservées au mouvement journalier des malades. Ces quartiers réservés aux malades sont complétés dans un axe central par le bâtiment administratif, la chapelle, la cuisine, le pavillon des bains, l’aumônerie puis la ferme et les ateliers.
Les travaux, confiés à Guillaume Kergoustin, entrepreneur à Sainte-Anne-d’Auray, débutent en 1882. Ils coûtent au département du Morbihan la somme totale de 928 402, 64 F.
Le 14 décembre 1885, le Dr Taguet est nommé médecin-directeur de l’asile. Il recrute des collaborateurs administratifs ainsi que des Sœurs de la Sagesse et du personnel laïc pour assurer l’encadrement des patients et la tenue de la ferme attenante au domaine. Une commission de surveillance est créée pour gérer l’asile. Les premiers malades mentaux originaires du Morbihan, traités jusque-là dans les hospices et asiles bretons cités plus hauts, sont accueillis le 1er mars 1886 dans des conditions précaires. Les travaux, en effet, ne sont pas terminés et la découverte de nombreuses malfaçons rendent difficiles l’ouverture et les débuts de l’asile. Pourtant, les transferts de malades se poursuivent et les premiers placements directs de malades ont lieu en mars et avril 1886.
Au fil des ans, l’asile, en raison de ses défauts de conception, de la croissance exponentielle des malades et de l’avancée des techniques de soins psychiatriques, subit d’importants agrandissements et modifications. On retrouve cette évolution de l’asile de Lesvellec vers la psychiatrie actuelle à travers ses différentes appellations : d’abord asile d’aliénés puis hôpital psychiatrique, il devient Centre hospitalier spécialisé (CHS) à partir de 1937 et enfin Établissement public de santé mentale (EPSM) depuis 2002.
L’ouverture en 1970 d’un deuxième établissement psychiatrique, l’Hôpital Charcot à Caudan, permet la prise en charge des malades du Pays de Lorient et la réduction de la capacité d’accueil de Lesvellec à 900 lits.

Informations sur l'acquisition :

Le fonds est entré en neuf versements :
- trois versements composés exclusivement de dossiers et de registres de malades entrés entre 1873 et 1992 ont eu lieu respectivement les 3 septembre 1985 (malades entrés en 1873-1919), 19 avril 1992 (malades entrés en 1918-1946) et 13 février 1995 (malades entrés en 1945-1970) représentant au total environ 185 ml. Les documents des versements de 1985 et 1992 ont été cotés en série X, ceux de 1992 en 1310 W ;
- deux versements intervenus les 9 janvier 2004 et 29 avril 2005 ont ensuite permis de récupérer la majorité des documents constituant l'essentiel du fonds de l'hôpital, soit environ 90 ml de dossiers d'administration générale, de personnel, de financement, de comptabilité de l’économe et de travaux. Les archives de la période 1851-1885 du quartier d’aliénées de l’hôpital général de Vannes, notamment les dossiers d’admission de ces femmes ;
- un versement complémentaire le 11 décembre 2009 de registres de malades entrés en 1946-1977 ;
- un versement complémentaire de 40 ml de dossiers de malades entrés entre 1945 et 1970 et de documents relatifs notamment à la deuxième guerre mondiale a eu lieu le 27 janvier 2014 ;
- deux versements le 16 mai 2014, l'un de la direction des ressources humaines de l'EPSM composé de 15 ml de dossiers de personnel et relatifs à la gestion du personnel ; l'autre de 12 ml de dossiers d'administration des biens des malades provenant de l'unité de protection juridique des majeurs.
Historique de conservation :
Les archives ont été conservées au CHS de Saint-Avé puis EPSM du Morbihan jusqu’à leurs versements successifs aux Archives départementales. Elles sont pour la plupart en bon état de conservation. Il est à noter que l’EPSM a conservé jusqu’en 2004 les archives de la période 1851-1885 du quartier d’aliénées de l’hôpital général de Vannes, notamment les dossiers d’admission. L’ensemble des documents a été dépoussiéré au fur et à mesure de leur classement aux Archives départementales. Les dossiers médicaux des malades à partir de 1958, distincts des dossiers administratifs, sont encore conservés à l’EPSM.

Description :

Critères de sélection :
Conservation intégrale et définitive.
Environ 2 ml de doubles et d’imprimés vierges ont été éliminés.
Mise en forme :
Le fonds est classé dans la série H-dépôt, en application de la circulaire AD 98-8. Instruction sur le classement et la cotation des archives dans les services d’archives départementales. Il suit le cadre de classement des archives hospitalières de 1968.
Conformément à la circulaire AD 93-4 du 4 mai 1993 sur les archives des établissements publics d’hospitalisation, la césure avec la partie contemporaine du fonds de l’EPSM (voir 20 H-dépôt 3) est fixée au 31 décembre 1970, date de la loi portant réforme hospitalière qui marque un tournant dans le mode de gestion des hôpitaux publics.
Les dossiers et registres des malades versés en 1985 et 1992, ont été cotés en série X relative à l’assistance et à la prévoyance sociale, dans une partie intitulée « Aliénés ». Les documents versés en 1995 ont été cotés en 1310 W.
Selon la circulaire AD 94-2 du 18 janvier 1994. Tri et conservation des archives des établissements publics de santé : documents produits après 1968 par les services administratifs chargés de la gestion des hospitalisations et consultations, un échantillonnage réglementaire de certains dossiers d’hospitalisation postérieurs à la deuxième mondiale a été effectué en 1994 :
? dossiers en service fermé : conservation des années de guerre : 1940-1945 puis échantillonnage d’1 année sur 20 : 1965, 1985 ; les informations contenues dans ces dossiers sont reprises par les livres de la loi (les certificats médicaux y sont transcrits) et leurs éléments proprement médicaux sont, depuis 1958, dans les dossiers tenus par les médecins ;
? dossiers en services libres ou ouverts y compris ceux du service de neuro-psychiatrie infantile : même s’ils ne sont pas repris par les livres de la loi (puisque ces types de placement ne concernent pas la loi de 1838), échantillonnage d’1 année sur 20 : 1965, 1985. Conservation des premières années : 1946-1955 (comme pour les autres types de placements, à partir de 1958, les éléments médicaux intéressants se trouvent dans les dossiers médicaux tenus à part).

Conditions d'accès :

Archives publiquesConformément à la réglementation en vigueur, les données médicales sont communicables après un délai de 120 ans à compter de la date de naissance ou de 25 ans à compter du décès.Les dossiers individuels de personnel sont communicables après un délai de 50 ans à compter de la clôture du dossier ou de 25 ans à compter du décès.Les dossiers comportant des pièces judiciaires, notamment les dossiers d’administration des biens des aliénés, sont communicables 75 ans après la date de ces pièces.

Description physique :

Description physique: Document d'archives
Nombre d'éléments
Nombre d'éléments: 2403 articles
Métrage linéaire
Métrage linéaire: 177 m.l.

Ressources complémentaires :

Pour retracer l’histoire de l’hôpital et de la prise en charge des aliénés, l’étude du fonds de l’EPSM du Morbihan peut s’accompagner de la consultation :
- du 20 H-dépôt 1 : fonds de l’hôpital général de Vannes, quartier des aliénées (1821-1886) ;
- du 20 H-dépôt 3 : fonds de l’Établissement public de santé mentale du Morbihan (1965-2003) ;
- de la série X : fonds de la préfecture concernant l’assistance et la prévoyance sociale ;
- de la série N relative aux bâtiments départementaux ;
- du 49 J : fonds de l’architecte Caubert de Cléry-Kervégant ;
- des articles 1 Fi 209/1 et 1 Fi 209/2 : plans établis par l’architecte Maigné pour un projet d’asile pour 400 aliénés (1879).

Références bibliographiques :

Ouvrages généraux :LAHARIE, Muriel. La Folie au Moyen Âge, XIe-XIIIe siècles. HB 7764JACCARD, Roland. La Folie. HB 3809FOUCAULT, Michel. Histoire de la folie à l’âge classique. HB 3789Ouvrages locaux :CARADO, Jean. Contribution à l’étude de l’assistance publique aux malades mentaux dans le département du Morbihan. S.d. PB 2383LEHOUCQ, Marc. De l'asile de Lesvellec à l'établissement public de santé mentale : 100 ans d'histoire de la psychiatrie morbihannaise. Ouvrage collectif, 2013. RB 4428BIEDER, J. (Dr). Histoire de l'assistance psychiatrique dans le Morbihan avant la création de l'hôpital de Lesvellec. Collection Que sais-je ? KB 2312LE THIEC, Cyrille. L'Asile de Lesvellec : étude sociologique (1886-1918). Mémoire de maîtrise, Université de Haute-Bretagne Rennes II, 1994. TH 415Mémoire d’un asile psychiatrique en Bretagne. 1886-1986. Les cent ans du Centre hospitalier spécialisé de Saint-Avé Morbihan. Catalogue d’exposition organisé à l’occasion du centenaire du CHS de Saint-Avé. 1987. RB 4169Rapport général sur le Service des aliénés en 1874, à M. Le Ministre de L'Intérieur par les Inspecteurs généraux du Service MM. Les Drs Constans, Lunier, et Dumesnil. Paris, 1878. FB 216PRIVAT DE FORTUNIE (Dr). L'alcoolisme et la folie. Observations faites dans le Morbihan. KB 2667

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Organisme responsable de l'accès intellectuel: Archives départementales du Morbihan

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAD056_20HDEPOT2

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