Inventaire d'archives : Intérieur ; Direction générale de la Sûreté nationale. Fonds photographique du Service central photographique et d'identité

Titre :

Intérieur ; Direction générale de la Sûreté nationale. Fonds photographique du Service central photographique et d'identité (1907-1962)

Contenu :

En France, le premier exemple connu d'usage de la photographie à des fins policières est l'exploitation, par la préfecture de Police de Paris, des portraits de communards réalisés en prison par le photographe Eugène Appert en 1871.
Les archives du service central photographique offrent une source documentaire inédite sur l'application à la Sûreté nationale des techniques d'identification judiciaire élaborées par Alphonse Bertillon à la préfecture de Police de Paris. Au-delà et plus largement, ce corpus permet de faire l'histoire d'un laboratoire photographique œuvrant en milieu policier, les deux aspects étant évidemment intrinsèquement liés. Indirectement, on y trouve des éléments sur l'histoire organisationnelle du ministère de l'Intérieur : documentation photographique réunie sur les cérémonies, les événements particuliers liés à ces commémorations, des remises de décoration ainsi que les locaux et équipements (uniformes, véhicules, matériel). Des reportages de suivis des voyages de chefs d'État à partir de l'instauration, en 1929, d'un service des Voyages officiels au sein du ministère de l'Intérieur.
Une histoire de la photographie administrative
  • Données matérielles ou matérialités
La particularité de ce fonds tient d'abord à ses caractéristiques physiques. Numériquement d'abord, il se compose de 30 000 négatifs et de 12 000 vues sur papier pour réflectographie « Guilflex » qui sont le fruit du travail quotidien d'un laboratoire photographique sur près d'un demi-siècle. Cette masse et cette continuité, qui se sont imposées d'emblée à la fois comme des contraintes et comme des points d'appui pour le travail de classement, sont des qualités qui forment par elles-mêmes un corpus intéressant. Matériellement ensuite, domine la diversité des supports et des formats. Si la plaque de verre représente environ 80% du fonds, elle côtoie d'autres types de négatifs (négatif souple, film 6x9 ou 24x36, papier pour reflectographie dit « Guilflex ») et des positifs (papier, plans sur calques, tirages, contacts). Encore ces deux grandes catégories se déclinent-elles dans tous leurs formats standard, du 6x6 au 40x50 inclus. Il existe enfin de façon exceptionnelle un support que l'on pourrait qualifier de mixte, parce que partiellement travaillé pour l'impression ou la photogravure, à savoir les plaques gouachées ou montées avec des parties légendées.
  • Évolutions des techniques
Le service photographique a une existence assez pérenne pour permettre une étude diachronique des évolutions techniques propre à ce domaine. Globalement, le fonds témoigne de l'utilisation massive de la plaque de verre avec émulsion au gélatino-bromure d'argent, que ce soit en prise de vue directe, en intérieur et extérieur, ou en reproduction de documents. Dans le premier cas, dominent les petits formats 9x12 ou 10x15, dans le second les formats moyens 13x18 et 18x24. La quasi-totalité des plaques d'origine était de marque Guilleminot mais dans une variété de produit importante : Anecra, Super-Fulgur, Panchro 66, spécial Arts Graphiques, Multibrom. à partir des années 1950, les photographies de personnes tendent à être effectuées sur négatif souple, les reproductions de documents graphiques sur un papier dit « Guilflex » dont le fournisseur est la société Lumière. Ces données commerciales ne sont matériellement plus visibles dans le fonds classé à l'exception de celles figurant sur les boîtes conservées à titre de témoin. Elle sont en revanche toujours accessibles via la description physique des plaques.
Si le passage du verre au film et au Guilflex constitue la vraie rupture technologique, nombreuses sont cependant les survivances et les anomalies. Tout d'abord, la prise de vue sur verre reste pratiquée fort tardivement, jusqu'au milieu des années 1950 pour les reportages en extérieur et jusqu'au début des années 1960 pour les travaux en intérieur, alors que le film est à la fois banalisé et plus facile d'utilisation. Il existe également sur verre des documents, généralement des documents au trait (plans, tableaux statistiques ou organigrammes) reproduits en très grand format, de 24x30 à 40x50, sans que le recours à de telles dimensions puisse facilement s'expliquer. Par ailleurs, le papier Guilflex, présent dans le fonds dès l'après-guerre et jusqu'en 1963 semble une technique mal référencée et inconnue des professionnels de la photographie contactés dans le cadre du classement du fonds. Enfin la qualité des images elles-mêmes change : les opérateurs réalisent d'abord des prises de vue soignées, où le rendu des visages, des détails vestimentaires ou celui de l'écriture dans le cas de la correspondance est précis. A partir de 1950 surtout, les signes de dégradation sont patents : pièces de nature différente, par exemple pièce d'identité et photographie d'origine privée reproduites sur le même négatif dans des sens de lecture non concordants, fond imprimé sans relation avec l'image reproduite, photographies anonymes sans aucune identification possible, etc.
Il est possible que la qualité de rendu et de précision propre au support verre ait conduit un laboratoire œuvrant en milieu policier, où la photographie tend à être considérée, au même titre que l'analyse des empreintes ou le relevé d'indices, comme un outil de production de preuves, à conserver des techniques traditionnelles. Il est possible aussi que le contexte administratif de la production ait engendré un retard dans la modernisation du service. Ce ne sont là que des hypothèses d'abord destinées à mettre en avant la forme en partie anachronique d'une partie de l'ensemble.
  • Les pratiques du laboratoire photographique
Reproduction et prise de vue directe, par nature opérations distinctes dans les techniques mises en œuvre et les modalités d'exécution, sont donc représentées tout au long de la production et s'incarnent dans la distinction des séries qui portent en partie sur le type de travail photographique effectué. Schématiquement, relèvent de la prise de vue directe : les photographies face-profil et d'identité (F/7/16319 à 16324, F/7/16329 à 16441), les photographies prises sur des lieux de délits ou d'accidents (F/7/16868 à 16916), les photographies relatives au ministère de l'Intérieur (F/7/16917à 16957) et celles des voyages de personnalités (F/7/16958 à 16979) ; relèvent de travaux de reproduction la copie de documents utiles aux activités d'enquête et de surveillance policières. Sont ainsi reproduites des correspondances interceptées ou saisies (F/7/16632 à 16865), des photographies, fiches de signalement et papiers d'identité transmis entre services nationaux ou internationaux de police pour identification (F/7/16442 à 16631). Cette dernière activité est en partie documentée par les bons de commande (F/7/16616 à 16618) qui témoignent de la demande de reproduction en plusieurs exemplaires de documents, le plus souvent à caractère nominatif, qui de ce fait transitent par le service photographique.
Les problématiques de travail sur ces deux activités divergent : pour la prise de vue, les interrogations portent sur les raisons de la permanence de cette activité sur support verre et sur le partage des tâches entre polices, en particulier entre la préfecture de Police de Paris et la Sûreté nationale pour ce qui est des photographies judiciaires effectuées à Paris. Pour la seconde, elles ont trait au circuit de transmission des documents reproduits (quand sont-ils interceptés, comment sont-ils remis à leur destinataire initial,...) et à leur modalités d'archivage (le service photographique conserve-t-il des positifs des clichés réalisés, quels sont les destinataires habituels de ces exemplaires multiples, procède-t-il à un autre classement des documents que celui de ses travaux photographiques).
Un pan énorme de la production est presque complètement absent du fonds : les positifs ou tirages destinés aux services de la Sûreté nationale (PJ, RG, DST, Voyages officiels, etc.) et de ce fait intégrés dans des fichiers ou des dossiers qui ne sont pas directement alimentés par le service photographique. Ils apparaissent en creux sur les bons de commande « d'épreuves », et adressés aux deux « laboratoires » - vocabulaire qui confirme la nature essentiellement technique du service photographique - et montrent que chaque prise de vue donne lieu à plusieurs exemplaires, entre 3 et 9, d'un même tirage. Évidemment, le travail de reproduction s'accompagne parfois d'opérations de réduction ou d'agrandissement dont les bons de commande des années 1950 portent la trace. Quelques éléments techniques sur le matériel employé dans ce domaine, par l'intermédiaire des qualités de papier commandées en particulier, subsistent dans les archives de fonctionnement conservées.
  • Équipement du laboratoire photographique
En dehors de la production proprement dite, les équipements sont difficiles à appréhender du fait de la quasi-absence d'archives papier du service. Pour ce qui concerne le matériel lui-même, il existe deux sources : d'une part les boîtes de conservation des plaques insolées, identiques aux boîtes de conditionnement des plaques à la vente, informent sur les types de plaques utilisés - à ce titre, un ou plusieurs exemplaires des conditionnements de chaque sorte ont été gardés sur l'intégralité de la période d'exercice du service - ; d'autre part des pièces comptables qui font état, pour le premier tiers du siècle, des quantités et produits commandés par le laboratoire essentiellement aux établissements Calmels situés 150 boulevard du Montparnasse à Paris. Ces documents permettent en partie de reconstituer l'équipement du laboratoire et les techniques de prise et de vue et de développement mises en œuvre par le biais de l'étude des appareils et produits chimiques commandés essentiellement. Le rôle centralisateur du service y apparaît aussi via le transit des commandes de matériel des brigades mobiles par le service central photographique. Rien ou presque sur les appareils utilisés ou l'aménagement du laboratoire : des illustrations, en photographie et en plans, probablement d'une brochure datant de l'Occupation et montrant l'installation générale type (salle de pose, laboratoire du service) d'un service d'identité judiciaire à vocation locale ou régionale (F/7/16937) ainsi qu' un reportage plus général réalisé en 1953 dans les locaux du service central d'identification et comportant des vues du laboratoire photographique.
  • Les inspecteurs photographes
Sur les hommes n'ont pu être recueillis que quelques éléments épars. Pour le début de l'existence du service, une note de présentation de son directeur Jacques Haverna, en date du 11 juin 1917, fait état d'un effectif de quatre personnes qui sont, avant-guerre, les commissaires Carrouée et Lacaille et les inspecteurs Dufau et Mathieu, puis après-guerre le commissaire Garnier (qui prendra la suite de J. Haverna à la tête du service à la fin des années 1920) ainsi que les commissaires Afel et Brulat (F/7/14609). Il existe par ailleurs un portrait collectif de Jacques Haverna et de ses collègues Boche et Garnier réalisé à l'occasion de leur participation à l'exposition internationale de Lyon en mai 1914, probablement dans le cadre d'un stand consacré à la « photographie judiciaire » (F/7/16768). Enfin, des patronymes ont été relevés sur les conditionnements d'origine : Bard, Cottonec, Gasnier, Gaulay, Jacques Harstrich, Laffage, Hartemann, Parent, Piolat ou encore Jacques Randu étaient inspecteurs photographes dans les années 1950.
Plus largement le fonds propose deux petits ensembles relatifs à la formation plus qu'à l'exercice du métier. Le premier est consacré aux concours de recrutement des inspecteurs-photographes sous l'Occupation (à partir de 1942) et constitué de clichés réalisés par les candidats lors des épreuves pratiques (F/7/16952 à F/7/16955). Ces documents sont à mettre en parallèle avec les dossiers papier concernant l'organisation des concours conservés sous le numéro de versement 1990061. Le second ensemble, typologiquement homogène, se compose de photographies de promotions des fonctionnaires de police ayant suivi le « cours de signalement descriptif » entre 1942 et 1957 dont l'intérêt, essentiellement documentaire, porte sur le matériel pédagogique présent dans la salle (face-profil de très grand format, squelette, moulages anatomiques). Il est aussi le témoin d'une formation-phare pour l'institution policière, puisque la détention du brevet d'étude de signalement descriptif offrait une bonification de cinq points au concours de commissaire de police dans les années 20 (JO du 4 janvier 1920).
L'identification judiciaire à la Sûreté nationale
  • Brève histoire de l'identification
En raison de son antériorité et de la notoriété de son directeur Alphonse Bertillon, le service d'Identité judiciaire et les photographies produites à la préfecture de Police de Paris sont le symbole de la photographie policière. Le cas du service central photographique du ministère de l'Intérieur offre désormais, via l'accès à ses archives, un point de comparaison intéressant et par essence inédit. Une telle comparaison est d'autant plus pertinente que, dès la création du service en 1907, les méthodes mises en pratique par Bertillon sont immédiatement adoptées par le directeur de la Sûreté générale (Célestin Hennion). Dans une note du 27 juillet 1907, il qualifie ainsi les photographies à joindre aux notices individuelles : « je crois devoir indiquer que les épreuves photographiques obtenues à l'aide d'instruments portatifs de petites dimensions sont peu utilisables en matière de recherches judiciaires. Il en est de même des photographies dites artistiques. Les seules qui aient une valeur réelle sont les photographies obtenues d'après les principes de M. Bertillon, chef du service de l'Identité judiciaire à la Préfecture de Police, qui reproduisent les caractères morphologiques à l'aide desquels on peut identifier d'une certaine manière un individu, même lorsque son apparence extérieure a été modifiée par l'âge et la maladie » (F/7/14663).
Le fonctionnement et l'histoire de ces deux institutions sont dans tous les cas à replacer dans le cadre plus large de la question des pratiques d'identification et de leur évolution scientifique et technique. Ils sont enfin à mettre en parallèle avec les activités des services d'identité judiciaire crées en province.
S'assurer avec certitude de l'identité des individus arrêtés ou recherchés est une condition sine qua non pour confondre les « criminels professionnels » ou récidivistes. Dans le dernier quart du XIXe siècle, la création de fichiers alphabétiques s'avère partiellement inefficace en raison d'une part des possibilités de falsification des identités, d'autre part des évolutions physiques normales (vieillissement, changements d'aspect). Comme on le sait, la préfecture de police est pionnière en instaurant, en 1882, le premier service d'anthropométrie. Il s'agit alors d'ajouter aux fiches préalablement employées des mesures osseuses, prises à l'équerre et au compas, distinctes selon chaque individu et donc discriminantes en termes d'identité.
L'anthropométrie à proprement parler n'étant pas infaillible, elle est rapidement complétée par plusieurs autres techniques à savoir le signalement descriptif ou portrait parlé (relevés de la couleur des yeux, de la forme des oreilles, du nez et du front), le relevé des marques particulières (cicatrices, tatouages, grains de beauté) et la photographie face-profil qui peut prendre la forme du face-profil-trois-quart. Par ailleurs, la dactyloscopie, qui désigne le relevé et l'étude des empreintes digitales, est utilisée concomitamment à l'anthropométrie dès 1894 par le service d'Alphonse Bertillon. Elle la supplante totalement dans les années 1920.
Dans la littérature consacrée à ces questions, les termes sont souvent employés avec une précision relative, entraînant en particulier une synonymie entre anthropométrie et photographie judiciaire et réciproquement alors que, à strictement parler, ne sont anthropométriques que les fiches portant des mentions de mesures. Quant à la photographie face-profil, elle est généralement destinée à être associée à une fiche, mais existe aussi de façon autonome et à ce titre, fait partie de la photographie judiciaire, ensemble plus vaste qui comporte aussi des photographies d'attitude et des photographies de lieux. Identification est le terme générique qui désigne l'ensemble des techniques, anthropométrique et dactyloscopique ou photographique, destinées à vérifier l'identité d'une personne.
  • Le SCP et le Fichier central
En termes historiques stricts, Fichier central et SCP sont deux entités distinctes qui trouvent cependant leur origine commune dans les réformes de 1907. Il existe en effet dès le début du XXe des fichiers dans les services de police ; en témoigne, par exemple, une circulaire du 27 juillet 1907 adressée par Célestin Hennion, directeur de la Sûreté générale, aux commissaires de police spéciaux et municipaux, se félicitant du rassemblement de « plus de 30.000 notices concernant des malfaiteurs professionnels ayant l'habitude de se déplacer ». Toutefois c'est le décret du 28 avril 1934 « portant réforme de l'administration centrale du ministère de l'Intérieur et de la Sûreté générale » qui crée le « Fichier central » en unifiant les divers fichiers préexistants. En termes d'organigramme, cela se traduit par la création d'un 6e bureau intitulé « Archives et Fichier central » au sein de la sous-direction de la Sécurité intérieure et de la Police économique et financière (décret du 1er août 1934).
Au-delà ou en deçà des créations institutionnelles, les deux entités sont de tous temps liées. à cela trois raisons : leur activité consiste, en tant que service centralisateur, à archiver, dupliquer ou diffuser des données à caractère nominatif recueillies par les services de police sur le terrain ; ils ont donc en commun un rôle centralisateur. Ensuite le SCP réalise, pour une part de ses travaux, des photographies face-profil destinées à compléter des fiches de signalement elles-mêmes au centre du classement et du fichage destiné à identifier les personnes suspectées ce qui leur assigne des fonctions d'identification partagées. Enfin, dès que le fichier central apparaît dans les organigrammes du ministère de l'Intérieur, il se trouve regroupé avec le SCP, le Chiffre et la Traduction jusqu'à apparaître sous la dénomination commune de « Service central d'identification » ou SCI à partir de 1949. Cette proximité peut être visualisée dans le présent fonds photographique par les reportages sur les locaux du service lui-même dont les vues montrent bien des presses d'où sortent des planches photographiques mais aussi des alignements de dossiers suspendus ou des casiers à fiches.
À ce degré de description, seule une étude plus aboutie des interactions permettrait de dire si ce fonds de négatifs est parfaitement autonome. En effet, il est envisageable que la partie de négatifs sur verre ait été versée avec d'autres archives, émanant en particulier du Fichier central, notamment des ou les positifs correspondants, auquel elle serait directement rattachée, ce qui permettrait de l'éclairer différemment. Elle aurait alors été volontairement mise à part du fait des difficultés de lecture et de conservation posées par la plaque de verre, et serait, à ce moment-là, devenu une entité à part entière, forme sous laquelle le fonds se présente de fait aujourd'hui.
  • Typologie des documents d'identification
L'application de ces normes se traduit par la production de documents-types, reflets des différents âges des techniques employées qui se retrouvent tous dans le fonds :
- photographies face-profil : désignent un portrait double, sous ces deux faces, de la même personne, généralement le tirage présente les deux prises de vue accolées. Ces photographies à deux vues sont réalisées à l'aide d'un matériel spécifique (chaise avec appui-tête, fond) dont les clichés portent parfois la trace. Des mentions manuscrites sont généralement portées : le nom, parfois le prénom, la date de prise de vue, parfois le lieu ou le service d'établissement.
- photographies d'attitude : jamais seules, elles se trouvent toujours jointes à une photographie face-profil. La pose est en pied, en tenue de ville (manteau, sacs pour les femmes, parapluie).
- fiches de signalement : terme le plus générique employé pour désigner toute fiche établie au nom d'un individu. Elle recense au minimum des éléments d'état civil.
- fiches anthropométriques : établies en vertu de la technique d'identification mise au point par Bertillon qui comporte neuf mesures osseuses différentes (largeur de la tête, longueur de l'oreille droite, envergure,...). Elles forment le plus souvent un ensemble complété par la photographie double, le relevé des marques particulières et le « portrait parlé » ou signalement descriptif qui décrit selon une quinzaine de critères, le visage (la forme et la couleur de l'œil, la couleur de peau ou la forme du nez …).
- fiches dactyloscopiques : établies sur le même schéma que les précédentes, elles portent, à la place des mesures osseuses, la marque des empreintes digitales. Peuvent être portées en sus des mentions d'état civil et et lieu et circonstances d'établissement de la fiche.
  • Les photographies judiciaires
La partie la plus ancienne du fonds, 579 photographies face-profil réalisées entre 1908 et 1909 (F/7/16319 à 16324), témoigne avec certitude de la pratique, dès 1908, de signalements photographiques effectués à la Sûreté nationale puisque les clichés portent le sigle SCPI comme lieu de réalisation et qu'il s'agit de prise de vue directe. Or, la préfecture de Police de Paris exerce théoriquement un monopole en matière de surveillance et d'enquête sur l'ensemble du département de la Seine si bien que l'existence de ces clichés fait question. Dans quel cadre sont pris ces clichés? S'agit-il d'une procédure administrative ou judiciaire ? Une note en date du 30 août 1912 signée du directeur de la Sûreté permet en partie d'y répondre puisqu'elle signale parmi les attributions du service celle de « prendre une moyenne mensuelle de 100 clichés anthropométriques de malfaiteurs, qui lui sont journellement amenés par les soins du Contrôle général des Recherches ou des autres services actifs de la direction de la Sûreté générale » (F/7/13043).
En termes de réalisation, la pose (face-profil parfait avec siège de pose dit « chaise anthropométrique » et repose-tête apparents) le cadrage, le numéro porté au cou ainsi que le report de l'identité des personnes photographiées et de la date de prise de vue sur le négatif correspondent très exactement aux méthodes de photographie judiciaire enseignées depuis 1890. Malheureusement l'étude comparative s'arrête rapidement puisque la totalité de la production des années 1910 à 1942 a disparu. Toutefois, les catalogues, enregistrement des photographies anthropométriques effectuées par le service entre 1919 à 1937 (F/7/16313), comblent en partie les lacunes matérielles. Ils portent des annotations de portrait parlé, destinées à l'établissement des fiches, (« cache-col avec épingle, gros nez vex, base relevée, cicatrice au menton sous moustache » par exemple) qui disparaissent à la fin des années 1920, c'est-à-dire au moment où la technique du signalement descriptif devient obsolète sous l'action de la découverte des propriétés d'identification des empreintes digitales. Les photographies d'attitude réalisées concomitamment au face-profil d'un individu, ne font leur apparition, dans le fonds, qu'à partir de 1945. La collection la plus homogène du service photographique concerne une période chronologique tardive : 9 200 photographies anthropométriques réalisées entre 1943 et 1958 (F/7/16329 à 16411). Chacun des individus est identifié par une photographie face-profil suivie d'une photographie d'attitude qui font leur apparition à ce moment-là. Cette série témoigne en tout cas de la permanence de la technique photographique utilisée tant du point de vue du support (plaque de verre) que de la pose et, par là-même, de la réussite du modèle Bertillon.
  • Les fiches de signalement
Les fiches de signalement, qu'elles soient anthropométriques ou dactyloscopiques, sont, au même titre que les photographies face-profil, un document-phare de la production d'un service d'identité judiciaire. Dès la fin du XIXe siècle des formulaires pré-imprimés servent à l'établissement de ces fiches. Le service photographique ne participe pas directement à cette production si ce n'est, pour les fiches établies à la Sûreté nationale, lors de la prise de vue des photographies face-profil. Aussi, ce fonds ne constitue pas un double des collections de fiches signalétiques de la Sûreté nationale comme on peut, par exemple, en trouver au sein du versement numéroté 19930452 pour les années 1946 à 1993. Ne sont présentées ici que les fiches demandées en reproduction au service photographique dans le but d'une diffusion plus large ou d'archivage. C'est pourquoi elles se trouvent ainsi mélangées au reste de la production et ne constitue pas un corpus à part entière à l'exception de celles adressées à la Commission internationale de police criminelle pour les années 1928 à 1931.
La plus ancienne fiche de signalement retrouvée dans le fonds a été dressée en 1909 à Portbou en Espagne (F/7/16660). Elle se compose d'un recto-verso divisé en quatre parties : au recto un emplacement pour les informations d'état civil et pour les empreintes décadactylaires ; au verso, un emplacement pour la photographie face-profil et pour les mentions de signalement descriptif. Ce schéma est très proche des fiches dressées par Bertillon si ce n'est que les empreintes digitales ont, dès les premières années du xxe siècle, remplacé le signalement des marques particulières et cicatrices. Étonnamment les fiches dressées à la Sûreté (F/7/16717) à la même période n'incluent pas de photographie face-profil. Ainsi l'on peut voir qu'identification ne signifie pas systématiquement formalisme même si des instructions afférentes, sous la forme de circulaires ou de brochures, documentent les modalités de prises de vue ou le format des fiches par exemple.
À l'exception de ces quelques exemples, les fiches de signalement sont rarissimes dans le fonds avant 1928 date de l'adhésion de la France à la Commission internationale de police criminelle (CIPC), ancêtre d'Interpol. L'objet principal de la collaboration internationale policière est l'échange de fiches de signalement de criminels recherchés. Ainsi figurent parfois sur les fiches des annotations manuscrites faisant état du résultat des recherches effectuées par la Sûreté dans ces propres fichiers comme par exemple « rép[onse] le 16.09.1929 à la Police de Vienne , dossier 94161 : rech[erches] alpha[bétiques] et dactylo[scopiques] infructueuses » (F/7/16442). De 1928 à 1931, tous les travaux réalisés dans ce cadre par le service photographique sont regroupés sous l'intitulé « malfaiteurs internationaux » (F/7/16442 à F/7/16471). Sont ainsi fichés, en trois ans, plus de 300 malfaiteurs. Quel que soit le pays, et donc la langue dans laquelle sont dressées les fiches, elles répondent toute au même modèle. Au recto, la fiche est divisée en trois parties : état civil, antécédents et motifs de l'arrestation, photographie face-profil et enfin empreintes digitales ; le verso étant réservé à la comparaison des empreintes digitales. Ces modèles tendent à confirmer que le signalement descriptif est totalement abandonné dans les années 1920. Dans les cas, assez rares, où les fiches sont dressées sur d'anciens modèles de fiches anthropométriques, le signalement n'est pas renseigné. Ne sont pas non plus systématiquement remplis les motifs d'arrestation ou d'inculpation. Dans la majeure partie des cas cependant, il s'agit d'actes de vol, de fraudes aux jeux, de trafic divers (fausse monnaie, stupéfiants, cigarettes, papier d'identité,...) et rarement d'affaires de grand banditisme.
Après guerre, les fiches de signalement ne font plus l'objet d'un classement à part et se trouvent mêlées à l'ensemble des travaux de reproduction effectués par le service photographique (F/7/16472 à 16631). Comme les fiches transmises par les bureaux internationaux de la CIPC dont elles constituent une suite, ces fiches sont établies en grande majorité soit à l'étranger soit en France sur des étrangers. Au fur et à mesure, les fiches perdent de leur homogénéité. Certains pays tels que la France et l'Italie, précurseurs en matière d'identité judiciaire, restent fidèles à la fiche recto-verso traditionnelle sur laquelle sont toujours imprimés les mentions de signalement descriptif même s'ils sont rarement remplis, d'autres tels l'Allemagne réduisent le formulaire au strict minimum : état civil (nom, prénom, date de naissance) et empreintes digitales. Des photographies face-profil accompagnent parfois ces simples formulaires sans qu'un espace spécifique ne leur soit réservé.
L'intérêt des fiches signalétiques est autant de permettre une étude statistique et sociologique des délinquants fichés que de fournir à l'historien de la police des informations sur la normalisation de ce type de documents et sur l'évolution des techniques d'identité judiciaire. Elles sont par ailleurs à resituer dans le cadre plus large de la production de documents d'identification, laquelle prend également la forme du regroupement de photos d'identité en premier lieu, souvent opérés par nationalité semble-t-il, de copies de documents administratifs ensuite (cartes d'ancien combattant, d'interné-résistant, d'identité, passeports,...).
Le rôle du SCP dans la centralisation et la diffusion de l'information
  • Produire
Les documents de fonctionnement (cahiers d'enregistrement et bons de commandes adressés au service photographique), montrent que les commanditaires sont en très grande majorité des services de la Sûreté nationale (Renseignements généraux, Police judiciaire, direction de la Surveillance du territoire) et que ces mêmes commanditaires sont systématiquement l'unique destinataire des travaux réalisés. Or, le nombre de tirages demandés sur les bons de commande (7 en moyenne) laisse à penser que plusieurs services sont au final destinataires et que le service demandeur assure lui-même une diffusion auprès d'autres instances, qui pourraient être par exemple des brigades mobiles ou les différents bureaux centraux nationaux dans le cas d'Interpol. Étant donné la proximité institutionnelle établie de tous temps entre le "service des archives" (ancêtre du fichier central) et le service photographique, on peut également envisager une transmission au premier assurée soit par le service demandeur lui-même, soit par le laboratoire photographique, le « service des archives » n'apparaissant pas alors comme destinataire du fait même de son rôle passif et systématique. Ce mode de fonctionnement est cohérent, quelle que soit la nature des travaux effectués : reproduction ou prise de vue, effectuées dans les locaux du service comme ailleurs ou en extérieur. De ce circuit déduit, il résulte que le service photographique est exclusivement détenteur d'une collection de négatifs sur verre, composé par incrémentation de l'ensemble des commandes effectuées par les services ; c'est la conséquence logique de la livraison des tirages aux demandeurs et de l'archivage des matrices. L'état du fonds au moment de son classement, dans lequel les positifs d'origine étaient extrêmement rares, semble confirmer cette hypothèse, soit qu'il s'agisse de tirages épars laissés dans les boîtes de plaques, soit du cas exceptionnel et donc atypique de la collection de tirages relatifs aux atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale vraisemblablement reconstitutée.
La cohérence qui ressort du circuit décrit ne doit pas occulter que l'insuffisance actuelle de mise en relation entre la production photographique et des sources écrites - qu'il s'agisse de fichiers, de rapports d'activité ou d'enregistrements de travaux - oblige à exploiter ces images avec beaucoup de prudence. Le contexte de réalisation ne nous est pour l'instant en effet connu que par les quelques registres et bons de commandes conservés dans le fonds (F/7/16312 à 16319). Dans ce cas, des indications manuscrites soit de commanditaire, soit de destination éclairent le document. En termes de commanditaire, si le service demandeur est noté « DST » la fiche dactyloscopique à laquelle elle est associée prend en partie, un sens : elle a été établie dans le cadre d'une atteinte à la sûreté de l'État, d'espionnage,... De même, une mention « Arch[ives] nomades » associée à une photographie face-profil resitue une pièce nominative qu'il serait, sans cette indication, impossible de relier à une thématique. À ce titre, les deux registres des tirages effectués quotidiennement entre 1921 et 1931 nous éclairent un peu plus sur la finalité des images imprimées et diffusées. Au milieu des noms des fonctionnaires de police à qui étaient remis ces clichés, apparaissent régulièrement des usages plus précis tels « anthropométrie », « nomades », « forains », « courses », « contre espionnage » ou « bulletin de police criminelle » (F/7/16312).
  • Archiver
Le rôle centralisateur joué par le service photographique du ministère de l'Intérieur dans l'archivage et la centralisation de l'information est, dès sa création en 1907, mis en évidence par la série de clichés transmis par les services de police municipale et les brigades régionales de police mobile entre 1907 et 1910 insérée dans son fonds (F/7/16325 à 16328). Dans ce cas, la centralisation des informations se double d'une tutelle exercée sur les services de police mobile, dont les commandes de matériel photographique remontent également jusqu'au service de Jacques Haverna. Le service central reproduit ces clichés dans le but d'alimenter le « service d'archives », futur Fichier central instauré en 1934, dont la vocation est de réunir, à un niveau national, les signalements d'individus collectés sur tout le territoire.
Dans le cadre qui vient d'être décrit, le service photographique se trouve confronté à la question de l'archivage de ses propres négatifs. Comme le laisse à penser l'organisation mise en évidence par le récolement du fonds, le mode de classement du service producteur reposait sur l'ordre de production technique, elle-même dépendante de commandes. Il se traduit par le référencement des plaques, conservées dans leurs boîtes d'origine, par un marquage d'un intitulé de série associé à une numérotation des négatifs à l'unité et en continu. Dans ces conditions, le fonds du SCP ne constitue pas un fichier : il n'est pas structuré selon le mode de classement propre au fichage, qui tend à regrouper toutes les informations recueillies sur un même individu ou une même affaire au sein d'un même dossier. Aucun classement alphabétique ou nominatif n'y est observé. Il n'est pas non plus constitué de documents homogènes comme le sont les fiches ou les dossiers nominatifs d'un fichier.
Toutefois, l'unique registre des documents reproduits conservé, qui concerne la période chronologique 1913-1923, porte des traces de repérage des noms ou des destinataires au crayon bleu. On peut supposer que ce repérage permettait d'établir une sorte de fichier de recherche interne et au service et à sa production, analogue à un fichier de bibliothèque par exemple, permettant de retrouver, le cas échéant, un négatif pour retirage sans recourir à son numéro de production, par nature « muet ».
  • Diffuser
Les réformes qui président à la naissance du SCP créent dans le même temps le Bulletin de police criminelle (BPC) dont le premier numéro paraît le 15 juin 1907 (F/7/14616 à F/7/14643). Dès cette date, la collaboration du service photographique est particulièrement requise pour fabriquer cet hebdomadaire qui diffuse le signalement des personnes faisant l'objet d'un avis de recherches ou d'un mandat d'arrêt. Par la suite, les pièces administratives relatives au service continuent de mentionner la collaboration à cette parution parmi ses missions, comme en 1917 par exemple, où une note à ce sujet précise « il collabore à la confection du Bulletin hebdomadaire de police criminelle ».
Composé d'une quinzaine de pages, cette publication édite un ensemble de notices numérotées des personnes recherchées accompagnées « autant que possible, d'une photographie et d'un signalement anthropométrique » (circulaire en date du 4 avril 1908), ce qui ne sera pas le cas des autres bulletins comme celui consacré aux déserteurs et insoumis à partir de 1911 ou des étrangers expulsés de France. Destiné à favoriser la coopération entre services de police, il est adressé régulièrement « au préfet de police, aux procureurs généraux, procureurs de la République, juges d'instruction, commissaires divisionnaires, commissaires centraux et commissaires de police municipale, commissaires de police spéciaux, brigades de gendarmerie, directeurs de maisons centrales et gardiens chefs de maisons d'arrêt » (ibid).
Le cas des étrangers
  • Une police dédiée
L'activité de surveillance au service duquel se trouve le SCP concerne tout particulièrement le déplacement des personnes qu'elles soient étrangères ou non (nomades, professions ambulantes, voyageurs de commerce, travailleurs saisonniers, etc.). Une police spéciale des chemins de fer est mise en place, à cet effet,dès le milieu du XIXe siècle. En 1907, les commissaires spéciaux (de police spéciale) passent sous la gouverne du Contrôle général des services de police administrative qui deviendra direction centrale des Renseignements généraux en 1934. Parallèlement est mis en place au début du XXe siècle un service du Contrôle et de la Police des étrangers qui se transforme en 1934 en une direction de la Police du territoire et des étrangers puis en une sous-direction des Étrangers et des Passeports dépendant de la direction de la Réglementation et des Étrangers. Ainsi la « police » des étrangers a une double mission : définir et veiller à la bonne application de la réglementation en vigueur en matière d'entrée, de circulation et de séjour sur le territoire français ; et assurer la surveillance des étrangers séjournant en France et se livrant à des activités politiques ou associatives (syndicalistes, ressortissants de pays « ennemis », militants politiques réfugiés en France, etc.) jugées susceptibles de troubler l'ordre public comme par exemple les antimilitaristes au début du siècle, les républicains espagnols au moment de la guerre civile, les ressortissants d'origine nord-africaine pendant la guerre d'Algérie,…
  • Des documents d'identification spécifiques
Ces structures et cette réglementation fournies s'incarnent dans le fichage et la production de documents spécifiques comme le carnet anthropométrique pour les nomades à partir de 1912 ainsi que les cartes d'identité et titre de séjour rendus obligatoires pour les étrangers en vertu d'un décret du 2 avril 1917. À ce titre, il paraît significatif que le début du fichage soit strictement contemporain de la création du service photographique du ministère comme le met en évidence cet extrait de la circulaire du président du Conseil et ministre de l'Intérieur relative aux attributions et au fonctionnement des brigades régionales de police mobile : elles « adresseront au Contrôle général au moyen des notices individuelles visées dans les circulaires des 4 avril et 27 juillet 1907, les renseignements concernant les malfaiteurs de profession qui ont l'habitude de se déplacer […]. Ils photographieront et identifieront chaque fois qu'ils en auront la possibilité les vagabonds, nomades et romanichels circulant isolément ou voyageant en troupes et enverront au contrôle général établies selon la méthode anthropométrique, photographies et notices d'identification » (F/7/12847). Par chance, des photographies face-profil de cette époque sont encore présentes dans le fonds (F/7/16319 à F/7/16324). La pratique du fichage se développe par la nécessité de recenser et de surveiller les populations dont on veut s'assurer de l'identité. Le fait que des familles entières soient fichées (couple et enfants portant le même nom et photographiés le même jour) laisse supposer qu'il s'agit de clichés réalisés dans le cadre de la mise en place de la recension des nomades.
Particulièrement emblématiques, les photographies face-profil ne sont pourtant pas les seuls documents ayant trait aux étrangers présents dans les archives du SCP. Il est émaillé de reproductions de passeports, fiches de signalement, correspondance en provenance ou à destination d'étrangers établis en France. Cette documentation « étrangère » concerne ainsi plus de 50% des notices descriptives enregistrées dans la base de données « Bertille ». Bien entendu, cette caractéristique explique et justifie à la fois la diversité et le nombre des langues de rédaction.
  • Entre fichage et surveillance
Une rapide analyse du contenu des documents montre qu'il existe trois façons principales d'être surveillé au titre d'étranger. La première relève de l'application de la réglementation en matière de circulation sur le territoire : nombreuses sont les fiches signalétiques dressées pour « séjour illégal », « entrée clandestine » ou « interdiction de séjour ». La seconde est d'ordre plus politique et tient de la surveillance : il s'agit des étrangers fichés au titre du danger qu'ils pourraient représenter pour la « sûreté de l'État » comme les personnes soupçonnées d'espionnage, le personnel des ambassades notamment de l'Europe de l'Est pendant la guerre froide (regroupements de photographies d'identité reproduites par nationalité), les Allemands soupçonnés de crimes de guerre après 1945. La dernière manière concerne les étrangers recherchés pour des raisons judiciaires et pénales, ayant commis crime ou délit sur le sol français. Elle donne lieu à des fiches établies par les BCN (bureaux centraux nationaux) transitant par le service central photographique pour reproduction et transmission, que ce soit pour des trafics de contrebande ou de simples délits comme des accidents de la circulation. On notera que, dans le cas d'Interpol, les Français à l'étranger deviennent, par là-même, étrangers et les affaires les impliquant sont également transmises par les BCN au bureau de Paris.
Cette importante partie du fonds relative à l'activité policière appliquée à l'égard de la population étrangère est intéressante à plusieurs titres : elle permet d'étudier du point de vue de la science politique le rapport de l'État à « l'extérieur » et, moyennant une étude fine des évolutions et des variations (nationalités surveillées ou non, mise en corrélation avec les événements de politique intérieure), d'aborder les relations internationales par l'angle policier. Il existe de plus une inter relation forte entre contrôle administratif et production de documents d'identification, certes déjà bien connue mais que le fonds permet aussi d'illustrer. Dans la perspective d'une histoire du fonctionnement de l'institution policière, il serait à mettre en relation avec les dossiers par nationalité de la série F/7 et les milliers de dossiers individuels des archives restituées par la Russie issus des archives de la direction générale de la Sûreté nationale (« Fonds de Moscou ») ainsi qu'avec les dossiers du Fichier central (partie dite « Panthéon ») conservés sous les cotes F/7/15924 à F/7/16028 où se trouvent, sous forme de tirages, un certain nombre de négatifs du présent fonds.
Un outil de surveillance : copies de correspondance et de papiers privés
La reproduction de papiers privés est une facette peut-être plus méconnue de l'usage de la photographie par les services de police. Pratiquée sur l'ensemble de la période (1907 à 1963) même si elle tend à diminuer à la fin (F/7/16632 à F/7/16864), elle s'inscrit par ailleurs pleinement dans les tâches de reproduction, le service photographique assurant alors la fonction de « photocopieuse », par opposition aux prises de vue directes. Cette activité s'incarne dans le fonds par la présence d'échanges de correspondance entre particuliers, mais aussi de pièces administratives ou privées à caractère personnel comme des passeports, cartes d'identité, factures, cartes d'ancien combattant par exemple. À deux périodes différentes, les archives administratives du service (F/7/16312 à F/7/16318) permettent de caractériser les documents reproduits, soit de 1913 à 1923 par l'enregistrement des « documents » photographiés par le service et de 1949 à 1952 par les bons de commande adressés au laboratoire. En termes de volume, la reproduction de documents représente en gros la moitié du fonds : si elle concerne surtout les pièces imprimées ou manuscrites, les copies de photographies ou de fiches signalétiques avec photographies ne sont pas exclues, comme le montre celles adressées au service central par les ancêtres des laboratoires de police scientifique de Lille, Lyon, Marseille et Toulouse entre 1907 et 1910 (F/7/16325 à F/7/16328).
En termes de modalité de réalisation, on y remarque un temps d'exécution court, de deux à trois jours parfois moins, bien visible sur les bons de commande des années 1950 qui comportent une mention « travail remis le... ; travail à livrer le... » et des annotations manuscrites qui signalent l'urgence inhérente à ce type de travail « original à rendre le 29.12.50 avant 18 h. » ou « originaux à rendre de suite ». En termes de circuit des documents reproduits enfin, ces éléments montrent clairement que les originaux ne sont pas conservés par le service photographique mais qu'ils émanent des autres services du ministère qui les détient provisoirement. L'interception de correspondance est illustrée par le registre F/7/16312 où les échanges de certaines personnes est suivi sur plusieurs années : l'hypothèse de personnes, ou groupes de personnes, faisant l'objet d'une surveillance étroite et voyant leurs courriers systématiquement reproduits semble plausible. En revanche, la régularité de leurs échanges ne semble faire aucun doute sur la remise en circulation des courriers même si le circuit de ces documents, de leur signalement à leur arrivée à destination après un passage à la Sûreté, ne peut à ce jour être précisé.
Reste la question de la destination de ces copies. Le plus probable est l'alimentation de dossiers de police soit dans le cadre d'enquêtes judiciaires (papiers saisis), soit dans le cadre de surveillance (correspondance interceptée) et la diffusion à d'autres services en particulier Interpol ou les services régionaux d'identité judiciaire pour les fiches de signalement ou dactyloscopiques. Des tirages de ces documents présents dans les dossiers d'affaires ou nominatifs de la série F/7 corroborent cette supposition : c'est ainsi par exemple que le négatif de la Joconde identifié sous la référence D 2343 (F/7/16695) se retrouve sous forme de tirage dans le dossier papier constitué au moment du vol du tableau en 1911 et conservé sous la cote F/7/14865. Enfin, un certain nombre de reproduction de photos ou papiers d'identité visent à compléter des dossiers administratifs ou cartes internes au ministère de l'Intérieur ; en témoignent les mentions comme « dossier chauffeur service automobile » qui peuvent être relevées sur les bons de commande ; mais il ne s'agit alors plus de pièces privées au sens strict.
Par nature, l'enregistrement des travaux au jour le jour ne permet pas de discriminer les reproductions à caractère ponctuel de celles insérées dans un suivi. Le relevé systématique des correspondants effectué dans la base de données « Bertille » et leur signalement, pour les plus représentés d'entre eux, dans un index nominatif, ainsi que leur association à une thématique de recherche, aboutissent à une mise en évidence non seulement des individus mais aussi des groupes de personnes surveillées. Une restriction cependant : ce travail a été effectué pour l'ensemble des papiers à caractère privé, à l'exception de ceux sur Guilflex qui concernent les années 1945 à 1963 (F/7/16834 à F/7/16865) et n'ont pas fait l'objet d'un dépouillement, pour des raisons de masse mais aussi de plus grande homogénéité des pièces reproduites.
Les principaux groupes ainsi reconstitués sont les suivants :
- Les mouvements de libération des états sous domination britannique
Au début du XXe siècle, Paris est une ville d'accueil privilégiée pour les militants des mouvements nationalistes émergents. La Paris Indian Society (branche de l'Indian Home Rule Society de Londres) s'y installe en 1905, le Congrès général arabe s'y tient en 1913 et en 1919, la Conférence de paix est l'occasion, pour certains états, de venir y défendre leur indépendance. Le fonds présente la particularité de ne s'intéresser qu'aux mouvements de libération des états sous domination britannique. Les militants indépendantistes indiens notamment, dont une partie est installée en France, sont surveillés de manière constante entre 1911 et 1920 alors que les militants égyptiens ne sont surveillés que de façon ponctuelle à l'occasion de leur venue à Paris en 1919.
Bhikaiji Rustom Cama, fondatrice en 1905 du Paris Indian Society, est la personnalité la plus fréquemment citée : plus de 200 correspondances émanant ou à destination de « Madam Cama » sont reproduites par le service photographique entre 1910 et 1917. Personnalité centrale du mouvement indépendantiste indien à l'étranger, Bhikaiji Cama œuvre à l'animation d'un réseau qui comprend, outre ses compatriotes indiens (Vinayak Damodar Savarkar, Shyamji Krishna Varma, Lala Har Dayal, Virendranath Chattopadhyaya ou Sardar Singh Rewabhai Rana) des ramifications vers le mouvement nationaliste irlandais, le mouvement nationaliste turque, la révolution constitutionnelle persane ou le mouvement des suffragettes. En 1915, madame Cama est arrêtée au moment où son domicile du 25 rue de Ponthieu faisait office de quartier général de la communauté indienne à Paris, et envoyée en résidence surveillée à Vichy tandis que S. R. Rana, autre leader du mouvement installé en France, est exilé en Martinique.
Cette collection de correspondances, qui comprend lettres, enveloppes et pièces jointes tels des articles de journaux, offre une source à la fois inédite et exotique, par la diversité des langues d'échange, sur les luttes internes à l'empire britannique. L'activité de surveillance conduit même, malgré elle, à la constitution d'un recueil thématique sur les leaders indiens installés en France, leurs correspondants et leurs opinions et a permis de conserver un ensemble de lettres non seulement dispersées dans le temps et dans l'espace au gré des correspondants mais aussi probablement disparu. Demandées par « monsieur Moreau », chef du Contrôle général des services de police administrative (ancêtre des RG), ces reproductions sont probablement destinées à alimenter les dossiers de surveillance des étrangers classés par nationalité tels qu'il en existe beaucoup dans les archives de la Sûreté. Au-delà, on peut s'interroger sur les motivations de la police française : agit-elle dans le cadre strict de la surveillance du territoire national ou à la demande du Gouvernement britannique ? Cette dernière hypothèse naît de la lecture du registre des documents reproduits (F/7/16312), où le Gouvernement anglais apparaît au moins une fois comme destinataire de la copie de correspondance privée de militants indiens.
- Anarchistes et antimilitaristes
Sous l'impulsion du ministre de l'Intérieur Georges Clemenceau, la répression des manifestations de ces mouvements se durcit à partir de 1906. À Raon-l'Étape en juillet 1907, à Draveil en juin 1908 ou à Villeneuve-Saint-Georges en juillet 1908, des grèves sont réprimées par les armes. Les milieux syndicaux, révolutionnaires et antimilitaristes, autour de journaux comme La guerre sociale de Gustave Hervé et de l'Anarchie d'Albert Libertad, sont également muselés par d'incessantes poursuites judiciaires. Ainsi, Jean Goldschild et Pierre Ruff sont condamnés pour avoir placardé un manifeste contre la fusillade de Raon-l'Étape, Aristide Delannoy et Victor Méric pour avoir caricaturé Clemenceau en boucher, Georges Durupt pour incitation de militaire à la désobéissance et Miguel Almereyda pour avoir fait l'apologie d'une mutinerie. A intervalles réguliers, tous effectuent quelques mois de prison, le plus souvent détenus politiques à la prison de la Santé à Paris ou à l'abbaye de Clairvaux où leur correspondance est systématiquement ouverte comme le note avec humour Pierre Ruff dans une lettre datée du 30 mai 1908 « votre lettre m'a été remise hier soir après un stage d'une semaine dans les dossiers de l'Administration pénitentiaire comme le prouvent le cachet d'arrivée de la Poste, les trous d'épingles aux angles de la feuille et de l'enveloppe et le timbre humide de la Maison centrale apposé sur ce document » (F/7/16638).
Les détenus ne sont pas dupes de ces regards inquisiteurs, aussi le discours n'est pas aussi libre qu'on l'aurait souhaité et, même entre militants, le ton des échanges est plus amical que politique. Jean Goldschild, leader du mouvement anarchiste, et Gustave Hervé, leader du mouvement anti-militariste, sont particulièrement surveillés : 70 des correspondances qu'ils adressent ou qui leur sont adressées par leur famille, leurs avocats ou leurs camarades sont ainsi reproduites entre 1908 et 1909. La surveillance du petit groupe cesse progressivement après 1909, signe que le « Tigre » Clemenceau devait se trouver derrière cette vigilance particulière.
Par la suite, les milieux anarchistes n'apparaissent que ponctuellement au travers d'affaires judiciaires restées célèbres telles celles impliquant les « bandits de Pégomas » (2 lettres) et surtout la « bande à Bonnot ». De ces épisodes, on ne conserve qu'une seule lettre signée de Jules Bonnot lui-même, adressée à sa femme en mai 1911. En revanche, après 1912, les survivants de la bande à Bonnot sont les auteurs de plusieurs lettres de menace pleines de verve.
- Le monde des jeux
Théoriquement, les jeux de hasard sont interdits en France (loi du 21 mai 1936) et passibles de poursuites. Cependant, la loi du 15 juin 1907 instaure une autorisation exceptionnelle pour l'exploitation de casinos dans les stations classées balnéaires, thermales ou climatiques et dans le cadre de « cercles de jeux ». Parallèlement, les loteries sont monopole d'État ainsi que les paris sur les hippodromes via le Pari mutuel urbain (PMU) institué en 1891. C'est donc un domaine particulièrement réglementé dans lequel l'État intervient dès le début du XXe siècle. Depuis 1892, un service de police est spécialement dédié à cette surveillance : le « Service de contrôle de pari mutuel » (d'abord placé sous l'autorité de la police judiciaire puis de la police administrative et générale) qui devient à partir de 1946, le « service des courses et jeux » de la direction des Renseignements généraux chargé d'exercer un contrôle sur les établissements autorisés et de réprimer la clandestinité.
Le fonds permet d'appréhender cette activité spécifique de la police dès le début de de son existence puisque le premier document repérable est, sauf erreur, un certificat délivré pour une course de chevaux en juillet 1905 (F/7/16656). Il n'est pas représentatif du corpus dans la mesure où les photographies relatives à cette question sont essentiellement des reproductions de correspondance dont la presque totalité concerne la surveillance des casinos et très exceptionnellement le monde des courses hippiques. En effet, certains établissements, à l'instar du casino de la Jetée à Nice et du Paramé à Saint-Malo, font l'objet d'un suivi destiné à s'assurer de leur bonne gestion financière et du caractère irréprochable de leur personnel. S'agissant de correspondance interceptée, dans un milieu pratiquant des financements indirects, l'objet même des échanges n'est pas toujours très explicite. Il existe, à la marge, quelques fiches de signalement de personnes suspectées de triche aux jeux ainsi que des photographies de matériel de trucage.
Ce nouveau corpus permet d'appréhender le monde des jeux « de l'intérieur » puisqu'il fait entrer dans la correspondance des dirigeants de casinos. Toutefois, le contexte d'établissement des pièces n'étant pas toujours connu, il est difficile de savoir si la reproduction s'établit dans la cadre de la surveillance ou d'une enquête judiciaire pour fraude et cette question serait à préciser. Une telle étude paraît d'autant plus réalisable que les dossiers de ministère de l'Intérieur complémentaires sont nombreux et a priori peu explorés : registres de comptabilité de produit sur le prélèvement des jeux et subventions accordées à des œuvres sur le produit des jeux (série F/4 du cadre de classement et versements du ministère de l'Intérieur), circulaires de signalement des interdits de jeux (série F/1a et versements du ministère de l'Intérieur), dossiers nominatifs de personnes interdites de jeux, dossiers d'affaires judiciaires et dossiers de principe pour la réglementation (série F/7 et versements du ministère de l'Intérieur).
- L'espionnage pendant la Première Guerre mondiale
Le décret du 30 décembre 1907 définissant les missions du Contrôle général des services de recherches judiciaires (CGSRJ) mentionne, entre autres missions, « la répression de l'espionnage ». Au moment de la Première Guerre mondiale, cette fonction prend une importance particulière comme le souligne une note sur l'organisation de la Police judiciaire datée du 10 avril 1918 : « Elle est aussi appelée à exercer le répression de l'espionnage et, cette partie de ses attributions qui, avant la guerre, était restreinte, a pris depuis lors une importance considérable ». (F/7/12847). Institutionnellement, cela se traduit par le rôle de conseiller technique joué, entre 1914 et 1916, par Jules Sébille, chef du CGSRJ, auprès du général Joffre, chef d'état-major de l'Armée, et par une collaboration avec les services parallèles des ministères de l'Intérieur et de la Guerre (section de centralisation et de renseignement). Ils forment ensemble le service de contre-espionnage que l'on trouve, dans les enregistrements des travaux du SCP, abrégé sous la forme de « Ces ».
Chef du service photographique, Jacques Haverna fait figure de spécialiste du chiffre. Il est mentionné comme destinataire de tous les documents cryptés interceptés entre 1914 et 1918. Aussi le rôle du SCP dans ce domaine s'explique non seulement par les circonstances propres au temps de guerre mais aussi par le fait que, dès sa création en 1907, le service photographique abrite une activité « secrète » de cryptographie. Ainsi, Célestin Hennion, par une note en date du 7 septembre 1917 (F/7/14605) confirma Jacques Haverna « dans ses fonctions de spécialiste des questions de chiffres et le chargea d'organiser sous le paravent de la Photographie une section spéciale où quelques fonctionnaires choisis à cet effet pourraient étudier et traduire tous les documents chiffrés [...] ». Ce rapprochement se pérennise et s'officialise par la cohabitation, dans l'organigramme, du SCP et du service du Chiffre et de la Traduction.
Les pièces chiffrées ou ayant trait aux renseignements militaires reproduites dans le fonds se signalent par un corpus certes réduit (120 pièces environ) mais inédit. On y trouve aussi bien la production d'une littérature grise propre au chiffrage des documents, l'interception de correspondance de militaires, prisonniers ou non, à leur famille et camarades que des cryptogrammes et codes. Il existe également quelques clichés photographiques d'hommes en armes. Cette partie du fonds permet enfin, par le biais des correspondances cryptées, d'attirer l'attention sur le corpus formé par les documents illisibles paradoxalement intéressant à titre linguistique.
- Affaires commerciales, industrielles et financières
Une section des affaires économiques et financières existe au Contrôle général des recherches administratives (futurs Renseignements généraux) depuis 1934. Mais ce n'est qu'à partir de la Seconde Guerre mondiale qu'un bureau de police économique est crée auprès de la direction centrale de la Police judiciaire dans un contexte où ces questions ont un retentissement fort, lié au rationnement et au marché noir qu'il suscite. Cette double attribution à des services de police judiciaire et de surveillance rendait difficile la qualification des documents liés à ces questions qui forment pourtant un ensemble tout à fait important dans le fonds.
Pour la période de l'avant-guerre, quelques affaires ont pu être repérées sans être précisément identifiées. En effet, les difficultés d'interprétation sont nombreuses : l'absence de contexte et de suivi des dossiers cités, la porosité des frontières entre surveillance et affaires délictueuses (escroquerie, espionnage, affaires de faux) et enfin le caractère « ésotérique » du contenu des échanges. Toutefois, les documents se référant à des questions économiques se caractérisent par une typologie particulière - billets, chèques, mandats, extraits de comptes, factures et correspondance à en-tête de sociétés, banques, organismes de crédit et d'assurance - qui, pour la plupart, concernent des négociations commerciales avec l'étranger. Ce qui vient d'être dit ne vaut pas pour les inculpations pour « fausse monnaie » qui donnent souvent lieu à des rapports circonstanciés bien documentés.
Les documents contemporains et postérieurs à la Seconde Guerre mondiale n'ont pas été dépouillés en raison de leur support sur papier réflectographique (contact inversé). Il n'en reste pas moins que les pièces sont assez nombreuses et certaines affaires assez identifiables pour qu'une étude se justifie, d'autant qu'il existe des archives directement complémentaires dans les versements du Fichier central (par exemple articles du versement n°19940275 relatifs aux infractions économiques et financières) et ceux de la direction centrale des Renseignements généraux répertoriés sous l'appellation « Enquêtes sur des entreprises industrielles, commerciales, bancaires et d'assurance » couvrant la période 1900-1999 (versements n°19850675, 19990042, 20000182, 20000471, 20010338, 20020083, 20020563, 20040106 et 20040477).
Interpol
Les prémices d'Interpol résident dans le Congrès de police judiciaire international de Monaco, premier du genre, tenu en avril 1914. C'est cependant lors du second qu'est fondée une véritable institution de coopération policière, le 7 septembre 1923, à Vienne sous le nom de « Commission internationale de police criminelle », ou CIPC, à laquelle la France adhère en 1928. De 1938 à 1945, la CIPC est contrôlée par le pouvoir nazi, incarné par Reinhard Heydrich, chef de la police de sécurité allemande. Une refondation a lieu en 1946 : Louis Ducloux, directeur de la Police judiciaire à la Sûreté nationale, en devient le secrétaire général. Son siège est établi à Paris (en pratique les bureaux se trouvent à Saint-Cloud) et la commission change de nom, devenant « Interpol » (International Police). L'institution est organisée autour d'un secrétariat général, d'une assemblée générale, d'un comité exécutif et de bureaux centraux nationaux (BCN) installés dans chaque pays membre. Sa mission, dès le début de son existence, consiste dans la lutte contre la criminalité à caractère international (terrorisme, homicides, trafic de drogue, criminalité économique et financière) indépendamment de toute intervention dans le travail des polices nationales.
Le fonds du service central photographique reflète les deux moments fondateurs d'Interpol : du point de vue de la production tout d'abord, les premières fiches de signalement reproduites au titre de la CIPC étant contemporaines de l'adhésion française en juillet 1928 ; du point de vue institutionnel ensuite, puisque deux reportages illustrent la refondation de l'après-guerre, qui voit d'une part l'adoption de l'acronyme Interpol et d'autre part l'installation du siège de l'organisme à Paris. La documentation sur la conférence de Bruxelles en juin 1946 se réduit à quelques photographies de groupe ainsi qu'aux portraits à la tribune du nouveau président belge Florent Louwage et du secrétaire général français Louis Ducloux. En revanche, la 16e assemblée générale d'Interpol qui se tient, pour la première fois, à Paris en juin 1947 est directement couverte par le SCP. Les temps forts en sont l'accueil des délégations par les dirigeants, une séance de travail, l'hommage aux policiers morts pour la France dans la cour de la préfecture de Police de Paris et le dépôt d'une gerbe sur la tombe du soldat inconnu.
Les documents identifiés CIPC rendent également compte des missions et activités de la commission. Ils traduisent en premier lieu la structuration du BCN, dont le tampon figure souvent sur les clichés. Un grand nombre des pays membres, voire l'intégralité, sont représentés (Allemagne, États-Unis, Italie, Pays-Bas, Suisse, Uruguay,...) d'où la grande diversité des langues de rédaction des documents (allemand, anglais, langue indienne, japonais, russe, etc.). La production des fiches signalétiques est homogène, quel que soit le bureau producteur et la période de réalisation, et concerne la période 1929-1932 (F/7/16442 à F/7/16444). Les boîtes d'origine portaient l'identifiant manuscrit « malfaiteurs internationaux », ne laissant aucun doute sur le destinataire. De plus, la numérotation des plaques est réinitialisée à partir de 1938 puis de 1947 ce qui correspond aux périodes de rupture liées à la Seconde Guerre mondiale. Paradoxalement, les motifs d'établissement des fiches sont mal connus car le champ prévu à cet effet est loin d'être systématiquement renseigné. Deux affirmations sont possibles cependant : d'une part il s'agit plus de motifs relevant de police judiciaire (« escroquerie au change », « vol à la tire », « faux et usage ») que de police administrative (« examen de situation », « identification ») ; d'autre part il ne s'agit pas de grandes affaires de banditisme. Les photographies sont établies dans le cadre de procédures en cours (commissions rogatoires, mandats d'arrêt) qu'il conviendrait d'étudier plus avant pour comprendre le circuit des documents entre le SCP et la CIPC et ses différents bureaux.
Le ministère de l'Intérieur
  • La prédominance du corpus « Seconde Guerre mondiale »
Les premières photographies documentant le fonctionnement interne du ministère datent de l'Occupation. C'est, pour l'institution policière, un moment particulièrement important, en termes de circonstances bien sûr, mais aussi de structures : création d'un échelon régional des intendants de police, de l'École nationale supérieure de police de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or dans le Rhône, des Groupes mobiles de réserve (GMR), unités mobiles assurant la sécurité publique en région, mais aussi étatisation des polices municipales dans les communes de plus de 10 000 habitants, organisation des services d'identité judiciaire,...
Dans le premier cas, cela se traduit par un déménagement partiel à Vichy et par la production d'images montrant les nouvelles installations comme le service du courrier à l'hôtel des Célestins, les locaux des commissariats de Vichy ou Bellerive-sur-Allier, les équipements nouveaux, mis au goût de la « Révolution nationale » tels les uniformes du corps préfectoral ou l'équipement armé des auxiliaires de police (F/7/16988). Quelques reportages sont moins strictement administratifs, à l'instar de celui consacré à l'arbre de Noël du ministère organisé au Théâtre du grand Casino à Vichy en décembre 1941. Dans le second cas, les structures nouvelles que sont les Groupes mobiles de réserve (GMR) ou les écoles de police apparaissent dans de nombreux reportages particulièrement fournis. L'accent est alors mis moins sur les bâtiments que sur l'entraînement des hommes (motocyclistes gardiens de la paix de Gannat par exemple sous la cote F/7/16985) et leur activité (policiers lyonnais réunis autour du bureau de leur chef ou patrouillant dans les rues par exemple F/7/16988). Surtout, les visites des dignitaires du secrétariat général à la police ou du Gouvernement de Vichy à ces différentes instances sont très fréquentes ; en témoigne le conséquent ensemble consacré aux seuls GMR qui sert ici d'illustration.
Corps de police créé par le Gouvernement de Vichy (décrets du 23 avril et du 7 juillet 1941) - et dissous le 8 décembre 1944 - comme force supplétive au maintien de l'ordre, il est rattaché à la direction de la Sécurité publique avec Alphonse Perrier à sa tête et placé sous l'autorité des intendants de police dans une quinzaine de casernements dont les noms sont inspirés des provinces d'Ancien Régime (Groupement « Aquitaine » à Toulouse, groupement « Bourbonnais » à Vichy, groupement « Quercy » à Montauban, groupement « Navarre » à Pau, etc.). Il s'agit là du seul exemple, dans le fonds, de reportages couvrant de manière suivie, à l'instar des voyages des présidents de la République, des cérémonies internes aux forces de police, certainement en raison du rôle de propagande assigné à ces groupements de jeunes hommes : le premier reportage date du 18 septembre 1941 (prestation de serment du GMR « Bourbonnais ») et le dernier du 14 avril 1944 (remise d'insignes au GMR « Bourbonnais »). Les reportages sont réalisés par les deux services photographiques du ministère de l'Intérieur : le service parisien a suivi les cérémonies à l'École de sécurité publique d'Aincourt (Seine-et-Oise) entre 1942 et 1943, alors que le service photographique installé à Vichy a plus particulièrement suivi les cérémonies se déroulant aux centres des GMR « Limagne » et « Bourbonnais » (respectivement à Gannat et Vichy) ainsi qu'à l'école d'application de Périgueux. Sont couvertes des cérémonies de prestation de serment, les cérémonies de remises de fanion et d'insignes et les visites d'officiels comme celles de Bousquet, Darlan, Darnand, Laval ou Pucheu. D'autres personnalités sont présentes, qui n'ont pas toujours pu être identifiées, le doute subsistant en particulier pour Alphonse Perrier, le directeur de la Sécurité publique. À l'instar des voyages officiels, les reportages sont répétitifs : salut aux couleurs, revue des effectifs, défilé, allocutions. Quelques clichés illustrent des moments moins officiels : exercices sportifs, présentation des tenues, démonstrations de mise en œuvre du matériel,...
D'autres innovations de la période de l'Occupation donnent lieu à des reportages qui sont, contrairement au suivi des GMR, ponctuels. L'ouverture de l'École nationale de police de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or créée par la loi du 23 avril 1941 et destinée à former les commissaires est présente par l'intermédiaire d'une série de clichés documentant à la fois les lieux (bâtiments, salles de cours) et les hommes (photo de groupe de la première promotion des élèves) (F/7/16985). Les fins de sessions des cours de signalement descriptif, probablement organisées au sein de cette même école, sont ponctuées de « photos de classe » qui nous sont également parvenues (F/7/16988).
  • Les moyens du ministère
Les locaux dans lesquels des reportages ont été réalisés sont ceux : du ministère place Beauvau, du Ficher central, du service central photographique, de la police de l'Air, du dépôt légal et du service des Transmissions, sur une période allant de 1940 à 1956 représentant un total de 217 plaques. C'est à la fois beaucoup et peu si l'on compare ces données à l'importance administrative d'un ministère aux attributions étendues (administration préfectorale, collectivités locales, gouvernement de l'Algérie, Police nationale). Les circonstances de réalisation ne sont pas connues mais, pour certains clichés du moins, ils semblent occasionnés par de nouvelles installations : ainsi, le reportage consacré à la police de l'air à l'aéroport d'Orly est daté de 1953, soit juste après le transfert de l'aéroport du Bourget à Orly en novembre 1952 ; il en est de même pour le reportage général - visiblement destiné à publication si l'on en croit la présence exceptionnelle de légendes - consacré aux bâtiments du ministère et ses dépendances (ateliers, garage, crèche...) photographiés en 1956, soit l'année d'acquisition d'immeubles complémentaires place des Saussaies. Enfin les lieux historiques tels l'hôtel de Beauvau qui abrite le ministère de l'Intérieur depuis 1861, sont aussi documentés par des photographies des appartements du ministre et des jardins.
Les nombreux services absents sont parfois représentés via leur matériel spécifique. C'est le cas pour le service automobile où de nombreux véhicules « techniques » (équipés de matériel radio, de civières, camionnettes, …) sont pris en photos sur les quais du bassin de la Villette à Paris, proches du garage Jaurès appartenant au ministère de l'Intérieur. Ce type de clichés est à rapprocher des armes, uniformes, tenues,... souvent difficiles à assigner à un service et à dater, voire à identifier. En effet, les photographies sur les services mettent davantage en relief les équipements (machines à composer, tireuse du service photographique, rayonnages du Fichier central, antennes de transmission, train sécurisé,...) que les bâtiments ou le personnel.
  • La sous-représentation des personnes
On trouve la trace de quelques personnalités historiques du ministère pour différentes périodes : pour la Seconde Guerre mondiale, et il s'agit alors de René Bousquet, secrétaire général à la police, Amédée Bussière, préfet de Police de Paris et de Pierre Pucheu, secrétaire d'État à l'Intérieur du Gouvernement de Vichy ; pour la ive République où l'on peut citer Charles Brune, Édouard Depreux, François Mitterrand ou Jules Moch qui furent tous quatre ministres de l'Intérieur. Jouissant le plus souvent d'une notoriété moindre, quelques chefs de service sont cependant immortalisés pour les mêmes périodes : Georges Hilaire, secrétaire général pour l'Administration au ministère de l'Intérieur d'avril 1942 à mars 1944, posant dans son bureau ou Pierre Boursicot et Robert Hirsch, tous deux directeur général de la Sûreté nationale. C'est cependant portion congrue par comparaison au nombre des fonctionnaires qui se sont succédés à ces postes propices aux portraits officiels, sur la période de production du SCP.
De même, on trouve peu de photographies de fonctionnaires en poste au ministère mis à part quelques personnes au travail sur les photos des services et un corpus de photographies d'identité prises à partir de 1940 et conservées sous les cotes F/7/16414 à F/7/16436 concernent probablement des membres de l'Intérieur. On y reconnaît en effet, au moins pour le début de la « série I », l'arrière-plan présent sur des clichés réalisés à Vichy. De plus, les poses n'ont pas les caractéristiques de la photographie judiciaire. Enfin il arrive que des enfants soient photographiés. Malheureusement, elles sont rarement nominatives et les patronymes relevés n'ont pas permis à ce jour, via un recoupement avec des dossiers de carrière, de vérifier définitivement cette hypothèse. Cependant les dossiers de carrière des préfets comportent, pour la Seconde Guerre et pour elle seulement, des photographies d'identité établies pour dresser des laisser-passer. Par analogie, ce corpus aurait été réalisé aux mêmes fins pour d'autres catégories d'agents.
Enfin, les reportages portant sur des cérémonies à caractère professionnel (réunions de préfets ou de policiers, congrès), commémoratif (ravivage de la flamme du soldat inconnu, remise de décoration) ou de sociabilité professionnelle (pot de départ, obsèques) sont plus présents. Réalisés pour la plupart d'entre eux place Beauvau et cour Brossolette en particulier, ils font revivre, de façon anonyme le plus souvent, une forme de vie fonctionnaire au ministère de l'Intérieur.
Les voyages officiels des chefs de l'État
Chargé d'assurer la protection et la sécurité des personnalités politiques lors de leurs déplacements en France (un service des Voyages officiels est créé en 1929), le ministère de l'Intérieur, qui disposait en outre d'un service photographique, était tout désigné pour assurer par la même occasion la couverture photographique de ces voyages. La création d'un service photographique à l'Élysée en 1952 n'a pas mis fin à cette production puisque des tirages figurant les déplacements des présidents de la Ve République subsistent dans les versements postérieurs du service central d'Identité judiciaire aux Archives nationales. Il en résulte que les fonds de la présidence (sous-série 5 AG) sont un complément naturel à ces tirages.
Les reportages couvrant les déplacements des chefs de l'État en province forment un ensemble assez continu, avec quelques manques toutes périodes confondues, depuis la réélection du président Albert Lebrun en avril 1939 jusqu'aux déplacements du président Vincent Auriol au début des années 1950. Aux deux extrémités chronologiques, on a : pour la IIIe République, un unique référencement pour le reportage présent dans ce fonds (reportage n° 2883, clichés n°58522 à 58539) qui suffit, étant donné les numéros d'ordre des clichés, à montrer l'ampleur de la production perdue ; pour le président René Coty, un seul reportage également, dans le cadre d'un déplacement au Havre, les 26 et 27 juin 1954. En outre, ces reportages forment, avec ceux consacrés aux Groupes mobiles de réserve sous le Gouvernement de Vichy, la seule partie de fonds pour laquelle des positifs ont quasi systématiquement été tirés des plaques. Une petite partie de ces positifs (tirages) est contemporaine des négatifs et porte le tampon de la DGSN, la majorité (contacts) a été réalisée postérieurement, aux Archives nationales.
Les changements de régime ont peu bouleversé le fonctionnement du service photographique. Celui-ci réalise son premier reportage auprès du maréchal Pétain à l'occasion d'un déplacement en Loire et Haute-Loire en mars 1941. Ce n'est pourtant pas le premier déplacement du Maréchal qui a déjà visité Toulouse, Lyon ou Marseille en novembre et décembre 1940. Peut-être le temps pour le service photographique de s'installer à Vichy dans les locaux de l'hôtel des Célestins. Le « ralliement » au général de Gaulle est également différé. Alors que, dès septembre 1944, il se rend à Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Orléans ou encore Nancy, le service photographique n'effectue son premier reportage que le 23 octobre, à Dijon. À ces deux changements de régime, le service a fait coïncider une rupture dans la numérotation des reportages, reportages numérotés 1 à 16 pour l'État français puis 1 à 15 pour le GPRF. En revanche, les reportages de la IVe République sont numérotés dans la continuité de ceux du Gouvernement provisoire.
Pour cet ensemble, les indications disponibles étaient réduites aux mentions de numéros de reportage, de lieu et de dates portées sur les conditionnement d'origine, très rarement à des éléments de légende sur les tirages existants. Dans ces conditions, la description de ces voyages officiels est tributaire de sources externes, principalement les reportages d'actualités cinématographiques numérisés par l'Institut national de l'audiovisuel et les dossiers de protocole et albums photographiques conservés aux Archives nationales dans les différents fonds présidentiels. Il en résulte des niveaux de description hétérogènes, variant au gré des sources disponibles, de très rares identifications de personnalités locales (maires, préfets, représentant des Anciens combattants, évêques, etc.) ou membres de la délégation présidentielle et des erreurs possibles.
En effet, les clichés illustrent les passages obligés, imposés par le protocole : arrivée à la gare, hommage au monument aux morts, défilé dans la ville-hôte, entrée et sortie de l'hôtel de ville, entrée et sortie de la préfecture, allocutions, réception des corps constitués, visite d'un lieu caractéristique de la région. Le cadrage souvent assez large, tient à la fois au protocole et au matériel utilisé (le temps de pose sur plaque de verre est beaucoup plus long que sur film) et donne à l'ensemble un effet assez hiératique qui tranche avec les photographies d'agence ou les actualités cinématographiques couvrant les mêmes sujets.
Outre les déplacements des chefs d'État français en province, quelques reportages sont consacrés aux chefs d'État étrangers en voyage en France. Il s'agit des visites de Winston Churchill le 14 juillet 1946, de la princesse Élisabeth d'Angleterre du 15 au 17 mai 1948, du sultan du Maroc et du bey de Tunis en juin et juillet 1945 et du roi du Cambodge en avril 1945. Parallèlement, un seul reportage suit un président hors métropole, il s'agit du déplacement de Vincent Auriol en Algérie, du 31 mai au 5 juin 1949.
Les corpus accessibles pour traiter de la couverture audiovisuelle des déplacements des présidents de la République sont nombreux : les fonds présidentiels cotés en AG aux Archives nationales, dans leurs composantes protocolaire et photographique, les archives cinématographiques et télévisuelles de l'Institut national de l'audiovisuel, les photographies d'agences commerciales, désormais celles du service central photographique du ministère de l'Intérieur. Elles sont également assez hétérogènes, donnant des mêmes événements des visions assez contradictoires pour donner matière à un sujet d'étude.
Des corpus atypiques
  • Le Parti populaire français
Le Parti populaire français (PPF) est un parti d'obédience fasciste fondé en 1936 par l'ancien député communiste Jacques Doriot. Entre 1936 et 1939, Doriot défend une politique nationaliste en opposition au Front populaire. à partir de 1940, le PPF devient un acteur majeur de la collaboration.
Les reportages sur le PPF, constitués de 140 plaques de verre de format 9x12 forment un ensemble particulier dans la mesure où ils ne sont pas le fruit des travaux du SCP, alors même que ce sont des originaux. En effet, la numérotation discontinue des clichés prouve qu'ils ont été extraits, en raison de leur thématique commune, d'un ensemble plus important. Par ailleurs, les prises de vue, souvent réalisées selon un angle préférentiel (1er rang des meeting, portraits posés des protagonistes), ne correspondent pas aux images que l'on pourrait imaginer produites par les Renseignements généraux dans le cadre d'une surveillance du parti. Ce qui n'était d'abord qu'une hypothèse a été vérifié par la présence de tirages identiques dans le dossier d'enquête sur l'activité de Paul Marion conservé aux Archives nationales sous la cote F/7/15328. Il y est mentionné que ces photographies ont été trouvées par les Renseignements généraux au siège du Parti populaire français, rue des Pyramides, en janvier 1947.
Quant au contenu, ni les dates ni les lieux n'ont pu être identifiés avec précision. Toutefois, il ne fait aucun doute que ces reportages datent de l'avant-guerre, à un moment où le PPF n'est pas encore le parti de propagande qu'il deviendra. En effet, aucun décorum à caractère nazi sur ces images, comme on peut en voir dans les réunions du PPF organisées sous l'Occupation ; les salles de meeting sont modestes, parmi lesquelles figure probablement le théâtre municipal de Saint-Denis où le PPF tient son premier congrès le 9 novembre 1936. Sur un reportage, on voit d'ailleurs une dizaine d'hommes prêter serment, ce qui pourrait être un témoignage de cet événement ; un autre se situe salle Wagram à Paris. Présent sur la plupart des reportages, Doriot n'y occupe pas systématiquement le devant de la scène. En effet, Paul Marion et Maurice-Yvan Sicard, rédacteurs de l'hebdomadaire du PPF L'émancipation nationale, sont également souvent photographiés à la tribune. Lors d'un unique meeting en extérieur, identifié comme étant celui de la campagne du « Front de liberté » au printemps 1937, on reconnaît les responsables politiques Jean Le Cour-Grandmaison, Henri de La Ferronays, Pierre Taittinger et Xavier Vallat.
Le corpus est un intéressant témoignage sur l'activité du PPF de Doriot à un tournant de son histoire, corpus d'autant plus accessible qu'il existe aussi sous forme de positifs.
  • Documentation sur la Seconde Guerre mondiale
La thématique de ces 142 tirages noir et blanc est homogène. Ils illustrent tous, de façon brutale tant les images sont insoutenables, des aspects des atrocités commises pendant l'Occupation et mises au jour à la Libération : exécutions sommaires de résistants ou de personnes soupçonnées de collaboration, expériences réalisées par les nazis au laboratoire d'anatomie de la faculté de médecine de Strasbourg, corps exhumés après le départ des troupes allemandes.
Trois caractéristiques techniques font de ces positifs une exception dans le fonds : l'absence de négatifs correspondants, la mauvaise qualité des images qui laisse supposer qu'il s'agit de « repiquages », la présence de légendes manuscrites au dos des tirages. La comparaison effectuée avec d'autres archives en relation avec la Seconde Guerre mondiale et conservées par les Archives nationales, la série F/9 en particulier (secrétariat d'État aux Anciens combattants) a permis de retrouver des doubles de certaines photographies, ce qui confirme qu'il s'agit d'images diffusés en plusieurs exemplaires.
L'ensemble de ces données permettent de conclure avec certitude que ces documents ne sont pas l'œuvre du SCP mais constituent une documentation annexée au fonds. Il est cependant difficile d'en établir les motivations. Il est possible que ces photographies aient été rassemblées à un moment où, dans l'immédiat après-guerre, les services de police ont participé au recensement et à la lutte contre les crimes de guerre ; on trouve en effet trace de la présence de photographies des services d'identité judiciaire, dans le cas de la découverte de charniers ou de photographies de criminels de guerre par exemple. Reste que cela n'explique pas l'absence de marques propres au service photographique du ministère de l'Intérieur (numérotation, lettre de série). C'est pourquoi il paraît plus juste de penser que ces tirages ont été, au sein des Archives nationales, intégrés par proximité de support et par identité de période dans un fonds avec lequel ils n'auraient, en termes d'origine de production, pas de rapport.
  • Photographies de vacances
Quatre-vingt-trois plaques de format 6x6 donnent à voir des gens de la société bourgeoise (dames en chapeau et crinoline, fillettes à bottines, messieurs à canne et gilet) en villégiature au bord de la mer, dans une maison qui a pu être située à Jersey. Un négatif reproduit une carte de réduction des chemins de fer, établie au nom de Thérèse Foulon. Ainsi ces clichés pourraient-ils être l'œuvre d'un agent du service, inspecteur-photographe ou non, profitant du matériel ou des compétences mis à disposition pour tirer des clichés à titre privé. Anecdotiques certes, mais illustrant probablement un pan de la vie reconstituée du SCP, ces plaques ont pour cette raison, été conservées dans le fonds.

Cote :

F/7/16312-F/7/17006

Publication :

Archives nationales
2011, 2022
Pierrefitte-sur-Seine

Informations sur le producteur :

Ministère de l'Intérieur, Direction générale de la Sûreté nationale, Service central d'Identification, Service central photographique et d'identité
Service central d'identité judiciaire
Le présent fonds résulte des activités du service central photographique du ministère de l'Intérieur. Administrativement le service photographique est rattaché au cabinet du directeur général de la Sûreté nationale.
L'identité judiciaire est historiquement associée aux travaux d'Alphonse Bertillon à la préfecture de Police de Paris. Entre 1883 et 1892, Bertillon y élabore un système d'identification criminelle reposant sur le signalement descriptif (portrait parlé) bientôt associé à la photographie face-profil.
Au sein du ministère de l'Intérieur, la Sûreté nationale se dote d'un service identique en 1907 soit plus de 20 ans après la préfecture de Police de Paris. La Sûreté fait alors appel à Alphonse Bertillon pour guider la mise en place du service photographique. Les archives administratives ou iconographiques contemporaines de l'activité de Bertillon sont quasi-inexistantes et rendent impossible l'étude de l'installation du laboratoire photographique de la rue Cambacérès.
La création de ce service s'inscrit dans un ensemble de réformes initiées par Georges Clemenceau, président du Conseil et ministre de l'Intérieur, et confiées au directeur de la Sûreté Célestin Hennion dans le but de renforcer et de moderniser les services de la Police nationale. En quelques mois sont mis en place : un contrôle général des services de recherches (décret du 4 mars 1907), 12 brigades de police mobile (décret du 30 décembre 1907), un service des Voyages officiels, un service central des Archives (ancêtre du Fichier central préfiguré en 1934), un bulletin hebdomadaire de police criminelle, un service du Recensement général et du Contrôle des étrangers et enfin le service central photographique (SCP). Dès l'origine, des services photographiques sont également implantés à Lille, Lyon, Marseille et Toulouse, futures localisation des laboratoires de police scientifique institutionnalisés pendant la Seconde Guerre mondiale.
L'organisation de ce service a globalement été peu remaniée au cours du siècle. Seule son appellation connaît quelque transformation.
De sa création jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, il est mentionné sous la simple appellation de « service photographique ». Il a à sa tête le commissaire Jacques Haverna (de 1907 à 1927) puis le commissaire Auguste Garnier qui fut précédemment l'un des ses collaborateurs. Le service photographique assure alors "l'exécution rapide, pour le Cabinet du Directeur et tous les Services de la Direction, des travaux photographiques qui leur sont journellement nécessaires tels que photographies anthropométriques des prévenus ou suspects, reproduction à un nombre plus ou moins élevé d'exemplaires de documents, portraits, pièces diverses dont il est utile de garder copie ou dont on veut assurer une diffusion rapide dans l'intérêt de Sûreté Nationale. En dehors de ces attributions, il est chargé spécialement de centraliser, d'étudier et de régler au mieux et suivant des méthodes déterminées en vue de résultats partout identiques, toutes les questions techniques relatives à l'utilisation de la photographie par les services de police relevant de la Direction de la Sûreté générale" (note de J. Haverna le 11 juin 1917, F/7/14609). Jacques Haverna étant par ailleurs un spécialiste des questions de chiffre, le service photographique dispose d'une section chargée d'étudier et de traduire les documents cryptés ou en sténographie française et étrangère.
La loi du 27 novembre 1943 intègre les services photographiques préexistants aux services de police technique nouvellement créés. Au niveau central, le service photographique prend alors l'appellation de service photographique de la Police nationale (SPPN) et se scinde en deux équipes, l'une installée 61 rue de Monceau à Paris, l'autre hôtel des Célestins à Vichy. Au niveau local, la dénomination « d'Identité judiciaire », réservée jusqu'alors à la préfecture de Police de Paris, apparaît pour la première fois au sein des organigrammes du ministère de l'Intérieur par le biais de la création des services régionaux et locaux d'Identité judiciaire (SRIJ et SLIJ). Toutefois, les missions du service restent peu ou prou les mêmes qu'avant-guerre, il est "chargé d'effectuer tous les travaux techniques nécessaires aux services centraux de la police nationale, de diriger et de contrôler l'organisation et le fonctionnement des services régionaux et locaux d'identité judiciaire, de centraliser et de classer les fiches de toute nature établies par ces mêmes services. Il est en outre l'organe de coordination entre les différents laboratoires de police scientifique de Lille, Lyon, Marseille et Toulouse d'une part et entre ces laboratoires et les services d'identité judiciaire d'autre part. Il est enfin chargé de l'enseignement des cours de signalement descriptif institués par l'arrêté du 6 juin 1941 » (article 3 de la loi du 27 novembre 1943). Précisons, pour éviter toute confusion, qu'il existe un autre service photographique apparaissant sous l'intitulé de SCP (service central photographique) pendant cette période : il s'agit d'un organisme de propagande rattaché au secrétariat d'État à l'Information du Gouvernement de Vichy qui n'a a priori aucun lien avec celui du secrétariat général à la Police.
Après-guerre, le service est dirigé par André Guénon et ce jusqu'au début des années 1970. La loi du 27 novembre 1943 demeure le texte de base pour les services ayant trait à l'identité judiciaire. En 1949, le service photographique prend le nom de service central photographique et d'identité (SCPI) et prend place, dans l'organigramme du ministère et au côté du Fichier central, au sein d'un service central d'Identification (SCI). Il change par ailleurs sa domiciliation, passant de la rue Cambacérès au 11 rue des Saussaies. Cette proximité avec les services directement chargés de l'identification existait avant cette date mais la réunion dans l'organigramme est déterminante pour comprendre que les archives du service photographique ne constituent pas en elles-mêmes un fichier bien que le service joue un rôle spécifique dans la constitution des fichiers de police.
Précisons pour finir que le service central photographique du ministère de l'Intérieur assure la couverture des déplacements du chef de l'état en province.

Informations sur l'acquisition :

Historique de conservation :
Longtemps stocké dans les caves du ministère de l'Intérieur, le fonds est entré aux Archives nationales à la fin des années 1970 en trois versements successifs du service central d'Identité judiciaire (SCIJ).
La production technique du service photographique telle qu'elle a été versée aux Archives nationales formait un ensemble de 408 dimabs à l'intérieur desquels étaient entassées plus de 3 000 boîtes de plaques de verre provenant de la société Guilleminot et quelques 250 boîtes de papiers photographiques pour reflectographie provenant de la société Lumière. L'ensemble représentait environ 30 000 négatifs sur plaques de verre, accompagnés parfois de contacts, et 12 500 négatifs sur papier ou film souple sur une période allant de 1907 à 1963.
Le volume et le support inhabituel de ces documents, au regard de ceux généralement traités par les archivistes, ont longtemps retardé le traitement du fonds. Ce n'est qu'en 2004 qu'un récolement boîte à boîte est réalisé qui permet de mettre en évidence et de reconstituer plusieurs séries documentaires établies par le service.
Les informations, directement liées à la production et au stockage des prises de vue du laboratoire photographique, se trouvaient uniquement portées sur les boîtes de conditionnement d'origine. Dans la plupart des cas, des mentions alphanumériques étaient portées sur la tranche des boîtes de plaques ou de papier. Elles comportaient une lettre parlante, initiale du titre de la série se référant lui-même au type de contenu, suivie des numéros extrêmes des plaques, le plus souvent une quinzaine d'unités, conservées au sein d'une même boîte. Par exemple une boîte pouvait porter la dénomination A 520-534 pour « Anthropométries, clichés n°520 à 534 » ou R 10055-10080 pour « Reproductions clichés n°10055 à 10080 ». Cette pratique est homogène, tous types de production et toutes époques confondus. Cependant, certains ensembles ne portaient aucune identification ni numérotation ; ils correspondent aujourd'hui aux séries reconstituées : c'est leur contiguïté de contenu qui les a fait rapprocher et classer par unité intellectuelle de reportage sans introduire de numérotation a posteriori. Enfin, cas intermédiaire, certains pans étaient numérotés mais accompagnés de "hors-série", notamment les voyages officiels au sein desquels ils étaient référencés comme tels et sans numéro.
Certaines plaques du fonds, probablement au cours des années 1990, avaient fait l'objet d'une extraction afin d'intégrer les contacts tirés de ces plaques au sein de la série F/7 sous les cotes F/7/16131 à F/716141 (cf. annexe 2). Il s'agissait de photographies en lien avec la Seconde Guerre mondiale ou les voyages présidentiels, thématiques alors au cœur des activités de la section du XXe siècle aux Archives nationales. Des preuves tangibles de leur appartenance à la production du service central photographique (lieux de prise de vue identiques, numérotation concordante) ont permis de les réintégrer dans leur fonds d'origine.
Les séries d'origine
Série Pies : Photographies face-profil (1908-1909)
Le Pies signifie « Photographies ». Une seule numérotation allant de 46 à 988 pour des plaques produites de juin 1908 à avril 1909. Ce sont les plus anciens clichés conservés dans le fonds, datant de la création du service photographique du ministère de l'Intérieur. Il s'agit de photographies face-profil de format 9x12, d'hommes, de femmes, parfois d'adolescents ou d'enfants photographiés en même temps que leurs parents, portant le nom de la personne ainsi que la date de la prise de vue.
Série P : Photographies face-profil (1907-1910)
Le P signifie également « Photographies ». Une seule numérotation allant de 256 à 1236 pour des plaques majoritairement produites en 1909. Il s'agit de reproductions de photographies de format 9x12 transmises par des services de police municipale ou des brigades mobiles. Ces clichés d'hommes et de femmes portent, sauf exception, le nom de la personne ainsi que la date et le lieu de la prise de vue.
Série I : Photographies d'identité et face-profil (1940-1949)
Le I signifie « Identités » Une seule numérotation allant de 1 à 4670 pour des plaques produites entre juin 1940 et 1949. Il s'agit de photographies de format 9x12, très majoritairement d'identité prises dans un même cadre sans respect du face-profil. Ces clichés d'hommes et de femmes anonymes au début de la production portent ensuite les noms des personnes représentées. Seules les mentions de date portées sur les boîtes permettent de restituer une année de prise de vue.
Série A : Photographies face-profil et d'attitude (1943-1958)
Le A signifie « Anthropométries et attitudes ». On distingue deux numérotations successives à l'intérieur de la série : de 71 à 6298 pour les plaques produites de janvier 1943 à décembre 1949 puis de 1 à 9139 pour celles produites de janvier 1950 à décembre 1958. Il s'agit de photographies de format 9x12 allant de paire ; l'une en face-profil, l'autre dite d'attitude (en pied et en tenue civile). Ces clichés d'hommes et de femmes portent, sauf exception, le nom de la personne ainsi que la date et le lieu de la prise de vue.
Série CIPC : Fiches de signalement (1927-1932)
Le sigle CIPC qualifie le service destinataire des photographies à savoir la Commission internationale de police criminelle (ancêtre d'Interpol), dont l'antenne française était implantée au ministère de l'Intérieur. Une seule numérotation allant de 1 à 702 pour des plaques produites entre 1927 et 1932. Sur les boîtes figuraient la mention « malfaiteurs internationaux ». Il s'agit de reproduction de format 18x24 de fiches anthropométriques et dactyloscopiques (comportant un relevé des empreintes digitales) destinées à être diffusées aux différents bureaux nationaux. Elles portent au plus un relevé dactyloscopique, des mentions anthropométriques, des éléments de portrait parlé, des éléments d'état civil et des données relatives aux modalités de production du document (lieu, date, service de police, motif). Une photographie face-profil est parfois collée à la fiche sans que sa date de prise de vue concorde systématiquement avec la date d'établissement de la fiche.
Série D : Reproduction de documents (1907-1944)
La lettre D signifie « Documents ». Deux numérotations se succèdent, la première allant de 1 à 16320 soit de la naissance du service (1907) à 1939. Une deuxième numérotation allant de 24 à 1539 et concernant la Seconde Guerre mondiale s'est dégagée au cours du récolement. Aucune lettre de série n'était mentionnée sur ces boîtes qui ont été rapprochées de la série D par analogie de contenu. Cet ensemble de plaques de format 18x24 se compose presque exclusivement de reproductions de documents papier réunis dans le cadre d'enquêtes et d'activités de surveillance. Il s'agit majoritairement de pièces d'origine privée, le plus souvent correspondance manuscrite ou documents à caractère nominatif (papiers administratifs, reçus, factures, etc.) rédigées dans des langues très diverses.
Série R : Reproduction de documents (1940-1961)
La lettre R signifie « Reproductions ». Deux numérotations principales, la première porte les numéros 1556 à 6280 et couvre une période allant de la Seconde Guerre mondiale à 1949, la deuxième les numéros 1 à 11931 pour les années 1949 à 1959. Les deux dernières années de production font chacune l'objet d'une numérotation autonome allant de 21 à 200 pour l'année 1960 et de 1 à 347 pour l'année 1961. Cette série, majoritairement de format 18x24 se compose à la fois de reproductions de fiches de signalement, de fiches dactyloscopiques, de planches de photographies d'identité, de documents privés, et, plus rarement, de photographies d'objets.
Série Guilflex : Documents reproduits sur papier négatif dit " Guilflex " (1944-1963)
Outre les plaques de verre, le fonds comptait environ 250 boîtes mêlant à la fois négatifs sur papier photographique et négatifs souples. Ces documents étaient identifiés sous le nom de série " Guilflex " du nom du produit dit « papier reprographique pour papier » fourni par la société Lumière. Malgré les recherches menées, cette technique de reproduction utilisant du papier photographique sur lequel est fixée l'image négative d'un document dactylographié ou manuscrit reste mal connue. La période couverte par la production permet de dater les débuts de l'utilisation de cette technique à 1945. On distingue en effet quatre numérotations à l'intérieur de cet ensemble : 2002 à 8894 pour les années 1945 à 1949, 1 à 13233 pour les années 1949 à 1959, 1 à 1112 pour l'année 1962 et 1 à 1246 pour l'année 1963. Étant donné la typologie des documents reproduits (correspondance, papiers d'identité, documents administratifs et comptables), la série Guilflex peut être considérée comme une continuité, sur un support différent, de la série D. Toutefois, à partir de 1959, on trouve à l'intérieur de ces papiers nombres de négatifs souples utilisés exclusivement pour la reproduction de photographies (face-profil, d'identité, fiches de signalement). Or pour cette même période, ce type de documents se trouvent également massivement reproduits, sur verre, dans la série R. Cela tend à démontrer que deux techniques parallèles ont existé, au début des années 1960, pour l'exécution des commandes de reproduction de photographies. Contrairement aux documents reproduits sur plaques de verre, les documents reproduits sur papier et négatifs souples n'ont été ni dépouillés ni décrits individuellement.
L'enchaînement des séries, et l'incrémentation numérique des plaques ne signifient pas absence de rupture. Les grands moments historiques se traduisent par des interruptions temporaires de production, ainsi un livre d'enregistrement des « documents » de la série « D » comporte la mention « départ du Gouvernement pour Bordeaux », le 2 septembre 1914, ce qui interrompt la réalisation de clichés jusqu'au 12 décembre 1914, soit quelques jours après le retour à Paris. De manière plus directement lisible sur la production, les numéros de reportages des voyages officiels reprennent à zéro au moment du passage de l'État français puis du passage au Gouvernement provisoire de la République française. Le Gouvernement de Vichy se traduit également par la coexistence et le chevauchement d'une double numérotation pour une partie de la production (série I), probable effet d'un double fonctionnement des services du ministère de l'Intérieur à Paris et à Vichy.
Certaines reprises à zéro correspondent à des ruptures d'ordre administratif, comme c'est le cas en 1949 lorsque le service photographique est intégré au service central d'Identification, ou à des changements de pratique, par exemple au déclin du support sur plaques de verre quand la numérotation devient annuelle pour les années 1960 et 1961. De même les séries peuvent s'enchaîner entre elles de manière significative si bien que, dans certains cas, il est possible de considérer une série comme la suite d'une autre. Les photographies face-profil en sont un exemple, qui voient se succéder dans le temps des appellations différentes d'abord Pies et P pour les années 1907 à 1910 puis A pour 1943 à 1958 (cf annexe 4). Quant au passage de la reproduction de correspondance du support verre au négatif souple, elle se traduit par l'abandon de la dénomination en « D » (1907 à 1945) au profit d'une dénomination en « Guilflex » pour les années 1945 à 1963.
Les séries reconstituées
La reconstitution des séries d'origine n'épuisait pas le fonds qui recensait un nombre important de plaques isolées ne portant pas de lettres identifiant une série voire pas de numéros de clichés. De ce reliquat, cinq grands ensembles documentaires ont été dégagés.
Photographies de voyages officiels des chefs d'État en France (1939-1954) rassemblées sous l'intitulé « VO »
On distingue trois numérotations successives à l'intérieur de la série. Il ne subsiste de la numérotation la plus ancienne qu'un unique et probablement dernier reportage numéroté 58522 à 58539 consacré à la présidence Lebrun en 1939. La deuxième numérotation (n°55 à 222) forme un ensemble de 16 reportages consacrés aux déplacements du maréchal Pétain, chef de l'État français. La dernière (n°78 à 308) résulte d'une reprise à zéro à la Libération et identifie de manière continue une cinquantaine de reportages réalisés lors des déplacements des présidents du Gouvernement provisoire de la République française et de la IVe République. De format 9x12 et 10x15, la quasi intégralité des clichés ont fait l'objet de tirages récents, réalisés au sein des Archives nationales et réunis en albums de consultation.
Documentation interne au ministère de l'Intérieur (1939-1960) rassemblée sous l'intitulé « MI »
Les clichés rassemblés dans cette collection ont pour thématique commune d'illustrer le fonctionnement du ministère de l'Intérieur. On y trouve en premier lieu des reportages relatifs aux cérémonies se déroulant, sous le Gouvernement de Vichy, dans les écoles de police et les casernements des Groupes mobiles de réserve (GMR) soit en zone Nord (clichés n°1 à 360) soit en zone Sud (clichés n°205 à 1369). Une troisième numérotation a été apposée aux célébrations et cérémonies se déroulant au ministère, de retour à Paris, dans l'immédiat après-guerre (reportages A à I, clichés n°1 à 101). Certains clichés de cet ensemble n'avaient fait l'objet d'aucun référencement par le service producteur. Il s'agit de photographies de tous formats (9x12, 10x15, 13x18 et 18x24) relatives à l'immobilier (bâtiments, locaux occupés par les services) et au mobilier (équipement des hommes, matériel de travail) du ministère ainsi qu'à son personnel (fonctionnaires à leur poste de travail ou à leur bureau). Nombres de ces négatifs étaient accompagnés de contacts eux aussi récents aujourd'hui réunis en albums.
Prises de vues réalisées dans le cadre d'enquêtes de police judiciaire (1939-1959) rassemblées sous l'intitulé« PJ »
Les reportages de ce groupement n'avaient fait l'objet d'aucun classement ni référencement par le service producteur. Seuls des bons de commande collés sur les conditionnements d'origine permettaient de contextualiser et de dater ces reportages majoritairement composés de prises de vue d'objets et de lieux réalisées en vue de produire des éléments de preuve dans le cadre d'enquêtes (accidents, meurtres, vols ,etc).
Fiches de signalement pour le bureau central national d'Interpol rassemblées sous l'intitulé « BCN »
Cet ensemble assure la continuité de la série CIPC pour la période de l'après-guerre. Contrairement à cette dernière, le service photographique n'a pas rassemblé les clichés en une série homogène, ce qui explique qu'ils n'aient pas fait l'objet d'une numérotation. Ils ont été rapprochés par la présence d'un tampon « BCN » lisible sur les plaques ou les conditionnements. De format 18x24, les documents reproduits sont des fiches de signalement destinées à être diffusées aux différentes antennes d'Interpol.
Documents ayant servi à l'élaboration de rapports de police judiciaire rassemblés sous l'intitulé « État de lieux »
Les états de lieux sont des rapports de police scientifique et technique destinés à être multigraphiés, produits par les services d'identité judiciaire dans le but de rassembler les éléments de contexte et de preuves concernant une affaire criminelle ou délictueuse. Ces rapports, qui font le plus souvent suite à une commission rogatoire, se composent de cartes ou plans des lieux, de photographies des locaux concernée, des indices relevés (positions des corps, empreintes), de photographies des suspects ou des victimes. Les clichés sont le plus souvent légendés. Cette partie du fonds se compose non des états de lieux achevés mais de l'ensemble du matériau nécessaire à leur élaboration, d'où résulte la multiplicité des supports (tirages, négatifs sur verre ou film, dactylogrammes, calques, correspondance) et des formats et la présence, propre à cette seule partie du fonds, de plaques de verre gouachées et montées et de plaques soit légendées, soit de légendes.
Archives administratives
Fonds photographique sur plaque de verre et papier Guilflex

Description :

Critères de sélection :
La circulaire de la direction des Archives de France référencée AD 98-4 en date du 6 juillet 1998 relative au tri et à la conservation des documents produits ou reçus par les commissariats de police recommande de prêter une attention particulière aux archives photographiques et note spécifiquement : « les inventaires des clichés et les clichés mêmes de l'identité judiciaire sont à conserver ».
L'intégralité de la partie historique du fonds, de 1907 à la Seconde Guerre mondiale inclusivement, a été conservée. Toutefois les années 1910, 1920 et 1930 y sont très peu représentées ; il semblerait que cette partie de la production ait totalement disparu avant son arrivée aux Archives nationales. On peut signaler à ce sujet qu'un important volume de plaques de verre provenant du même service a été entièrement éliminé lors de son versement aux Archives nationales - site de Fontainebleau en 1990 (ancien versement n°19900111) sans que l'on puisse aujourd'hui vérifier le contenu précis de ce qui a été détruit à cette occasion.
Échantillonnage
Un échantillonnage a été opéré sur la production postérieure à 1945, principalement représentée par la série R, et ce pour plusieurs raisons : son très important volume résultant d'une production de masse : 10 500 unités soit un tiers du fonds sur une période très courte d'une dizaine d'années ; le caractère isolé, répétitif et hors contexte de clichés ne formant ni une collection intelligible ni une source aisément exploitable pour la recherche ; la baisse de la qualité et de la lisibilité de la production sur plaque de verre au fil du temps (documents multiples reproduits ensemble sans soin de placement, sur des fonds inadaptés) ; l'état de conservation : cette partie du fonds a particulièrement souffert au cours du temps.
Les sondages réalisés n'ayant pas permis de mettre en évidence des ruptures en rapport avec l'histoire intérieure de la France, guerre d'Algérie en particulier, aucun critère à proprement parler historique n'a été retenu. Les critères de tri et élimination ont été déterminés en fonction de l'état matériel de conservation et dans un souci de mettre en évidence la lente et tardive disparition de la technique sur plaque de verre au service photographique du ministère de l'Intérieur. Ainsi, ont été intégralement conservés le début (avant 1949) et la fin de la production (1960 et 1961), les trois années les plus complètes (1952, 1955 et 1958) ainsi que le mois le plus représenté pour les autres années (octobre 1950, septembre 1951, juin 1953, mai 1954, avril 1956, mai 1957, mars 1959).
Une partie représentative d'environ 50% de la série a été conservée. Une liste des documents éliminés a fait l'objet d'un bordereau d'élimination validé par la direction des Archives nationales le 17 mars 2009.
Les pièces isolées
Les reportages ou clichés isolés qu'aucune identification sérielle ni mention d'affaire, de service demandeur ou de date, n'ont permis de contextualiser ou de rattacher à une partie de la production ont été éliminés. Ces éliminations concernent essentiellement les clichés récolés dans la série dite « PJ » : sur les 280 reportages d'origine, 120 ont été conservés.
Les pièces altérées
Le délai entre la fin de la production et le début du classement a entraîné une dégradation naturelle du fonds (plaques brisées, collées en un bloc compact sous l'effet de l'humidité ou encore gélatine décollée du support verre) et a conduit à des éliminations au cours des phases de récolement et de traitement. Des critères objectifs ont été définis en collaboration avec le département de la conservation des Archives nationales : ont ainsi été jetées les plaques de verre cassées en plus de deux morceaux, celles dont la gélatine était décollée à plus de 50% ainsi que les plaques de verre agglomérées entre elles.
à ce stade, il est important de noter qu'intellectuellement ces éliminations ont été rendues nécessaires par l'état de conservation et rendues possibles d'une part du fait de la nature sérielle d'une production technique, d'autre part du fait de la quantité significative conservée. Elles se justifient d'autant plus facilement que ces clichés destinés, après tirage, à alimenter des fichiers et dossiers de police s'y trouvent toujours archivés lorsque ceux-ci ont été conservés.
Mise en forme :
Le traitement du fonds s'est déroulé entre 2004 et 2010. Il a connu cinq phases successives : récolement, regroupement intellectuel et physique des documents, élaboration de la base de données « Bertille », définition des modalités de traitement et de description, mise en œuvre de ces modalités. Tout au long de ces opérations, le département de la conservation des Archives nationales est intervenu soit pour évaluer l'état sanitaire des documents, soit pour définir les traitements spécifiques à appliquer aux différents supports, soit pour concevoir des conditionnements adaptés à des techniques et formats très divers, allant du 9x12 au 40x50. Le traitement matériel (dépoussiérage, nettoyage, reconditionnement à l'unité en pochette puis en boîte) ainsi que la saisie des données dans la base de donnée Bertille des parties les plus sérielles du fonds ont été confiés à une société prestataire dans le cadre de deux marchés publics exécutés au cours de l'année 2009. Les ensembles moins homogènes (les voyages officiels, la documentation sur le ministère de l'Intérieur, les reportages réalisés dans le cadre de la collecte d'éléments de preuve ou l'établissement d'états de lieux, les clichés sur le Parti populaire français, les documents reproduits sur papier Guilflex) ainsi que les documents hors-format ont été conditionnés et décrits en interne au cours de l'année 2010.
1. Travaux photographiques réalisés pour les services de la Sûreté nationale
1.1 Photographies et fiches d'identification de personnes
1. 1. 1 Photographies face-profil (séries Pies et P)
1. 1. 2 Photographies d'attitude et face-profil (série A)
1. 1. 3. Photographies d'identité (séries I et P)
1. 1. 4. Reproduction de fiches « malfaiteurs internationaux » (séries CIPC et BCN)
1. 1. 5. Reproduction de fiches, photographies et papiers d'identités (série R)
1.2 Alimentation de dossiers d'enquêtes et de surveillance
1. 2. 1. Documents de surveillance et d'enquête (série D)
1. 2. 2. Documents de surveillance et d'enquête (série Guilflex)
1. 2. 3. Documentation sur le PPF (série PPF)
1.3 Collecte d'éléments de preuves (série PJ)
1.4 États de lieux (série État de lieux)
2. Documentation sur le ministère de l'Intérieur (série MI)
2.1 Cérémonies, réunions et autres manifestations
2.2 Bâtiments, services et personnel
2.3 Matériel et équipement
2. 4Concours et formation dans les écoles de Police
3. Voyages officiels des présidents de la République (série VO)
3.1 Déplacements du président Lebrun (IIIème République)
3.2 Déplacements du maréchal Pétain (État français)
3.3 Déplacement du général de Gaulle, de Félix Gouin et Georges Bidault (GPRF)
3.4 Déplacements des présidents Auriol et Coty (IVème République)
4. Corpus atypiques
Albums photographiques
Il ne s'agit pas d'albums réalisés par le SCP mais d'albums de contacts réalisés, pour la plupart, par les ateliers des Archives nationales au moment de l'extraction de la partie thématique du fonds consacrée à la Seconde Guerre mondiale et aux voyages présidentiels, à la fin des années 1990. Cependant, certains sont des tirages contemporains des négatifs, le plus souvent retrouvés joints aux plaques dans les boîtes de conditionnement d'origine.
Pour des raisons de conservation et de commodité de communication, les positifs ont été conservés séparément des négatifs et rassemblés en albums. Leur plan de classement est calqué sur celui de la production photographique : documentation sur le ministère de l'Intérieur, documentation sur des événements politiques, voyages officiels des présidents de la République. Il en résulte qu'un même reportage peut se trouver décrit de manière identique, une fois en tant que négatif dans la partie « Production technique », l'autre fois en tant que positif dans la partie « Albums ».
Les conditionnements d'origine ont été éliminés à l'exception de certaines boîtes conservées à titre de témoin. Toutes les informations présentent sur les boîtes d'origine (intitulé du reportage, dates, service demandeur, nom des photographes, marques du produit, etc) ont été reportées soit sur les nouveaux conditionnements, soit dans la base de données Bertille.
à ce stade, il a été décidé de ne pas entreprendre la numérisation des documents. En effet, la numérisation systématique ne semblait pas intellectuellement pertinente du fait de l'absence de contextualisation et du caractère extrêmement répétitif d'une partie de la production. Toutefois, dans un second temps, la numérisation de corpus précisément définis pourrait être envisagée dans le cadre de la politique de valorisation des Archives nationales.

Conditions d'accès :

Librement communicable au regard du Code du patrimoine.
L'état matériel des documents et la fragilité intrinsèque à leur support (négatif sur verre) obligent à limiter la consultation des originaux. Il est conseillé, pour ce faire, de remplir un formulaire de demande de consultation exceptionnelle en précisant les motivations.

Conditions d'utilisation :

Selon le règlement en vigueur en salle de consultation des Archives nationales

Description physique :

Information matérielles :
plaque de verre
négatif verre noir et blanc
photographie argentique
Importance matérielle :
701 articles se composant environ de 31 365 négatifs sur plaques de verre (formats principaux : 9x12, 13x18, 18x24, 24x30), de 12 250 négatifs sur papier photographique et négatifs souples, de 3 436 contacts et tirages noir et blanc, et de 9 articles d'archives administratives.

Ressources complémentaires :

La base de données « Bertille » (Cindoc) disponible en salle des inventaires des Archives nationales décrit les photographies à l'unité ou au reportage et permet ainsi les recherches nominatives, géographiques et thématiques sur l'ensemble du fonds.
F/7/16286 à F/7/16311 Albums photographiques transmis par les SRPJ et SRLJ pour contrôle technique (1946-1963).
Versement 19900061 Méthodes et activités de l'identité judiciaire (1908-1981), photographies prises après des crimes ou catastrophes (1955-1989), photographies par thème, notamment voyages officiels (1942-1986).
Versement 19900112 Films réalisés par le service (1950-1957).
Versement 19930452 Fiches anthropométriques d'Identité judiciaire (1946-1993).
Versement 19940157 Registres de courrier arrivée et départ et registres comptables (1939-1988).
Versement 19940158 Registres de courrier arrivée et départ (1989-1993).
Versement 19940276 Reportages photographiques réalisés lors d'exercices des corps de Police et lors de déplacements de chefs d'États (1941-1983).
Versement 19940277 Film du voyage officiel du président de la République Georges Pompidou à Saint-Flour (26 juin 1971).
Versement 19940278/Article 1 Circulaire n°1180 du 1er juin 1940 relative au système de chiffrage des messages avec le code 23 (1939-1941).
Versement 19990172 Photographies de cérémonies officielles, réceptions de personnalités étrangères, stages de la Police, cellules de la Gestapo (1909-1970).
Versement 20080201 Fiches anthropométriques de l'Identité judiciaire (1946-1993)

Localisation physique :

Pierrefitte-sur-Seine

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Archives nationales

Mises à jour :

2022
  • Encodage en XML (Sosie) par le département Justice et Intérieur
  • Identifiant de l'inventaire d'archives :

    FRAN_IR_059990

    Archives nationales

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